L'enfant se réveilla doucement. Les rayons du soleil perçants à travers les rideaux de sa chambre et venant caresser doucement son visage. Le gazouillis enjoué des oiseaux acheva de le réveiller et il sortit prestement de son lit pour aller s’habiller. Une fois sa toilette faite et ses vêtements revêtus, il enfila ses chausses de cuir et sorti de sa chambre.
En chemin vers les cuisines, son chemin croisa celui de sa sœur Alice qui sortait de la chapelle du château. Alice était très croyante et passait beaucoup de temps à prier Sigmar. Cette dévotion était telle qu’elle avait reçu le surnom de Notre-Dame de Sigmar par les villageois. Son frère lui s’en fichait, il aimait beaucoup sa sœur et c’était tout. Sur sa route vers la promesse d’un bon repas le jeune garçonnet de 14 ans prit soin de saluer les gardes qu’il croisait, de même que les domestiques. Lesquelles lui rendait son bonjour et l’une des servantes l’averti de ne pas courir trop vite dans le couloir sud, car on venait de le nettoyer et que le sol était encore glissant.
Adémar déboula à vive allure dans le couloir sud, celui qui précédait les cuisines d’où s’élevait les douces odeurs de pains chaud, confitures, lard grillé et œufs au plat. Toutes ses odeurs chatouillaient les narines du garçon qui ne prit absolument pas garde au fait que le sol était très glissant. Ce qui devait arriver arriva. Le jeune homme voulu tourner à droite pour pénétrer dans les cuisines. Ses pieds ne suivirent pas et il continua sa route le long du couloir sans réussir à s’arrêter en dérapant sur le sol mouillé.
Or dans le sens opposé une autre personne empruntait aussi le couloir avec le même entrain et la même vitesse qu’Adémar. Or quand 2 personnes courent l’une vers l’autre sans pouvoir s’arrêter il y a bien un moment où une collision doit avoir lieu.
BAM ! Ce fut le bruit produit par le choc entre les 2 adolescents. Une fois le choc passé et avec l’aide des cuisiniers qui revenaient de la réserve et qui avaient assisté à la collision, Adémar put voir qui lui été rentrer dedans.
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Antoine ! Mon cousin, c’est bien toi ? "
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Salut Ad la forme ? Je t’ai pas fait mal ? "
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Si un peu, mais j’ai dû te faire aussi mal que moi hein cousin ?"
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Je pense, on peut dire qu’on ne s'est pas loupé pour le coup. Heureusement que c’était toi et pas oncle Albert, sinon j’aurais fini comme une galette tellement il est gros." Plaisanta Antoine.
Les 2 garçons éclatèrent de rire à l’unisson.
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RHooo messire Antoine, c’est mal de parler ainsi de Messire votre oncle." S’indigna gentiment un cuisiner.
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Au lieu de dire des sottises plus grosses que vous, venez donc vous sustenter dans la cuisine. Il y a des tartines à la confiture, des œufs et du lard qui vous attendent. "
Une fois attablé dans un coin de la cuisine et que les mets servis commencèrent à disparaître dans les estomacs des deux garçons. Tout en s’amusant de la voracité des 2 jeunes, le cuisinier en chef leur dit de bien manger, car la journée sera longue, vraiment longue.
Une fois complétement rassasié et ayant fait le plein d’énergie. Les garçons partirent en directions des écuries. En effet le père d’Adémar le Duc Frédéric Von Phumtar avait organisé une grande fête et un tournoi pour célébrer les fiançailles d’une de ses filles à l’un des fils de la famille Von Armand, une des familles les plus puissantes du duché voisin. Les célébrations des fiançailles devaient avoir lieu au lever du soleil et les festivités ne devaient se finir que très tard dans la nuit. Le choix du jour n’avait pas été laissé au hasard. En effet aujourd’hui c’était le jour du soleil, c’était le Sonnstille.
La célébration les 2 jeunes s’en fichaient, c’était le tournoi qui rendait, ce jour, si important pour eux. Depuis qu’ils étaient en âge de parler, on les abreuvait de récits et légendes sur Sigmar, l’Empire, son Empereur et ses armées qui les protégeaient de l’horrible corruption et du chaos. De tous ces récits, le jeune Adémar préférait les récits des preux chevaliers impériaux qui chargeaient sans frémir dans les hordes d’ennemis et revenaient victorieux de combats qui semblaient perdus d’avance.
Antoine, lui, avait développé une passion dévorante pour l’ingénierie et les armes à feu. Bien que ses parents soient contre cette passion. Ils avaient néanmoins accepté de le faire intégrer dans les écoles impériales de Nuln, car son frère cadet le petit Félix alors âgé de 10 ans présentait une précocité et une prédisposition dans l’art de parlementer impressionnante pour son âge, ce qui rassura les parents d’Antoine quant à la succession à la tête de leur baronnie.
Une fois arrivé aux écuries, Adémar put s’émerveiller de voir autant de magnifiques destriers à la robe luisante et à la crinière bien brossée. La diversité des chevaux présents le marqua beaucoup. Des classiques destriers impériaux, aux immenses chevaux bretonniens en passant par les chevaux venues d’Estalie ou de la lointaine Arabie. Leurs cavaliers n’étaient pas en reste, leur armement divers et étrange, leurs armures de plaques et boucliers arborant des symboles et des armoiries aux significations incompréhensible pour le garçon. Tout le monde était en effervescence surtout les innombrables pages et autres écuyers qui s’affairaient autour de leurs seigneurs respectifs formant comme une ruche bourdonnante et travailleuse autour des cavaliers. Cela impressionna beaucoup les deux nobles.
Complétement absorbé dans sa contemplation, Antoine n’entendit pas arriver l’individu en armure de plaque complète derrière lui et qui le bouscula sans ménagement en l’envoyant par terre.
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Tu ne peux pas faire attention ? Sale morveux ! Tu viens de salir mon armure par ta maladresse ! " aboya le chevalier avant de s’éloigner non sans avoir enfoncé la tête d’Antoine dans la boue au passage.
Adémar se précipita au secours de son cousin tout en adressant un regard plein de haine pour l’individu et en prenant soin de mémoriser son blason.
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Tu sais qui s’est ce mange-merde ? Il va le regretter, j’te le promets !"
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C’est le chevalier Gaston, il est en séjour chez nous et je sais qu’il essaye de coucher avec ma mère. Je l’ai su d’une servante, mais je n’ai pas encore osé le dire à mon père, il pourrait m’accuser de mensonge et me punir en annulant mon départ à Nuln. Il est odieux, prétentieux, arrogant, et surtout, il est aussi débile que beau. " Répondit Antoine d'un ton méprisant.
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Jamais entendu parler, mais il va payer cet enfant de chienne lubrique. "
Tout en continuant d’insulter vertement Gaston, le fils du duc emmena son cousin dans sa chambre pour qu’il puisse se débarbouiller et changer de vêtements avant le début de la joute.
C’est juste après le banquet de midi que le duc Frédéric annonça le début de la joute. Adémar avait réussi à dénicher une place idéale pour admirer sans être obligé de siéger auprès de ses parents dans la tribune d’honneur. Il s’était caché avec Antoine dans la tente juste au pied de la tribune d’honneur au niveau du sol, là où les médecins étaient prêts à porter secours aux vaincus et aux blessées inévitable au cours de ce genre de tournois.
Les premiers échanges de la joute étaient surtout là pour faire patienter, digérer toute l’assistance et faire monter la tension et l’excitation avant les vrais combats, les plus attendus et les plus prisés. Au cours de ses premiers duels, venait s’affronter des petits nobles et des chevaliers sans le sou ou avide de gloire. Aucun de ses combats de fut spécialement impressionnant et c’est à l’annonce de l’arrivée des participants les plus cotés que l’événement pris toute sa saveur.
Adémar avait repéré un jeune chevalier âgé d’une vingtaine d’années qui réussissait tous ses duels. Monté sur un immense destrier et arborant des armoiries pour les moins spéciales. Une guivre dévorant un homme. Intriguez le garçon interpella un des médecins à côté de lui.
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Qui est donc ce chevalier ? Je ne reconnais point son blason."
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C’est un jeune chevalier bretonnien. Il est ici, car apparemment, la joute est un sport très important chez eux. Il parait aussi qu’il est un chevalier errant, enfin bon j’y connais rien au système de ses Bretonniens. Je sais juste qu’il a envoyé tous ses adversaires mordre la poussière et au moins la moitié sont passé chez nous. Un vrai champion en devenir ce petiot, d’ailleurs plusieurs dames du public sont sûrement déjà tombées sous son charme." Répondit le toubib.
L’adolescent tourna la tête et c’est avec des yeux pleins d’étoiles et d’admiration qu’il regarda le chevalier s’éloigner en direction de sa tente et être aidé par un serviteur ayant visiblement déjà bien abusé de la bouteille. Soudain, une idée germa dans l’esprit du garçon. Il donna un coup de coude à son cousin.
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Je crois que je tiens notre vengeance sur cet idiot de Gaston. Viens avec moi, j’ai besoin de parler à mon père et que tu trouves un lance-pierre."
Une fois Antoine partit, Adémar réajusta ses vêtements, les épousseta et parti en direction de ses parents.
Quelque temps plus tard les trompettes annoncèrent un nouveau duel. Les adversaires se présentèrent sur le terrain de joute face à face. D’un côté le Chevalier Gaston qui se pavanait et lançait des regards de braise à peine dissimuler à la mère d’Antoine dans la tribune sans que cela ait l’air de gêner personne. En face, le fameux chevalier bretonnien. Normalement, les deux adversaires n’auraient pas dû s’affronter si tôt, mais le seigneur Frederic en avait soudainement décider autrement.
Après les salutations d’usage et après avoir été bénis par un prêtre de Sigmar même si le bretonnien choisit de réciter une prière à sa divinité tutélaire plutôt que de recevoir la bénédiction du prêtre. Les adversaires se saluèrent, se mirent face à face et attendirent le signal du seigneur Frederic pour s’élancer l’un vers l’autre. Frederic von Phumtar ne se leva pas de son siège et invita plutôt sa sœur la baronne Amélie à le faire à sa place. Adémar quant à lui, avait rejoint Antoine à une des tentes juste derrière Gaston.
La mère d’Antoine se leva, prit son mouchoir de soie, le leva bien haut et le lâcha, donnant le départ pour les chevaliers. Ils éperonnèrent leurs montures et se précipitèrent l’un vers l’autre. La masse de leurs destriers couplés au poids des armures et à la vitesse de course promettait un choc d’une rare violence. La distance séparant les deux cavaliers se réduisit de plus en plus rapidement. Juste avant l’impact les 2 hommes ajustèrent leurs lances pour tenter de se désarçonner ou de s’assommer au moins. La violence de l’impact fut effroyable, des éclats de bois volèrent en tous sens et un bruit sourd résonna.
Les deux cavaliers s’éloignèrent l’un de l’autre dans un nuage de poussière. On pouvait clairement voir que Gaston avait lâché son arme et tenait dans ses mains gantés son heaume. Ce dernier était complétement déformé et son porteur n’arrivait pas à l’enlever à cause de sa nouvelle forme.
Adémar comprit qu’il tenait sa vengeance. Ce crétin avait laissé choir les rênes de son cheval. L’adolescent fit signe à son comparse de tirer. Ce dernier banda son arme, visa soigneusement et tira. Le caillou pointu partit droit vers la croupe du cheval de Gaston.
Quand le destrier de Gaston reçut le projectile, il hennit puissamment, s’emballa sous le coup de la stupeur et partit au galop avec sur son dos un Gaston complétement surpris et à moitié sonné.
Devant toute l’assistance l’infortuné traversa le terrain de joute, esquiva complétement les écuyers et les médecins venus à son secours, pour se précipiter droit vers un tas de purin qui gisait en bordure du terrain. Le destrier paniqué pila brusquement, désarçonna son cavalier. Ce dernier fit un magnifique vol plané en hurlant de façon très peu virile pour terminer tête la première dans le tas d’excréments. Un grand flottement s’installa dans l’assistance, le chevalier bretonnien stoppa son triomphe ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Puis le fou rire de 2 garçons qui se tordaient de rire retenti. Cela suffit pour briser le flottement et tout le monde éclata de rire devant ce qui venait de se passer. Le fou rire général s’amplifia d’un cran quand un Gaston éructant de rage sortit péniblement du tas de purin, son armure maculée de brun. Il vociférait comme un dément toute sa superbe et son charisme envolés ou plutôt abandonnés dans la boue. Balayant du regard les spectateurs qui se moquaient de lui Gaston aperçu 2 garçons qui se tordaient de rire, l’un d’entre eux tenait un lance-pierre et était le morveux qu’il avait bousculé le matin même. Ni une ni deux Gaston se précipita vers eux tout en semant du purin derrière lui et en les invectivant de tous les nom. Tout en hurlant de rire les coupables s’enfuirent poursuivis par l’odorant chevalier.
Le chevalier brun parvint néanmoins à les rattraper quand des écuyers attrapèrent les deux chenapans à sa place. Alors qu’il se dirigeait vers eux, Adémar se dégagea, prit l’arme du crime dans ses mains et s’avança.
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Chevalier Gaston ! Aussi connu sous le nom du chevalier brun. Vous n’avez jamais entendu parler du principe de l’hygiène à ce que je vois. Vous empestez ma parole ! Par Sigmar ! Vous faites honte à la chevalerie impériale ! Moi qui vous pensais respectable, je me trompais lourdement. " Dit l’effronté avec un sourire en coin.
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Toi… C’est toi le responsable ! Je vais te…" Éructa Gaston tout en levant son épée qu’il avait sorti de son fourreau.
Au dernier moment, alors que le coup allait partir, un écuyer bondit pour retenir le bras vengeur.
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Non Messire ! C’est le second fils de sa seigneurie le Duc. Si vous le tuer les représailles seront terribles. " Supplia-t-il ?
Après quelques secondes de tension insoutenable, l’épée fut remise au fourreau et son propriétaire partit d’un pas rageur en direction de sa tente tout en jurant dans sa barbe qu’il aurait sa revanche.
Avec un large sourire, Adémar s’appétait à partir quand un serviteur s’approcha et lui dit que son père le sommait de venir le voir. Il avait besoin d’obtenir une explication de la bouche de son fils.
L’adolescent déglutit et c’est l’air un peu penaud qu’il partit vers la tribune d’honneur en laissant son cousin partir dans son coin. Il allait devoir assumer seul ce qui venait de se passer.
Ignorant tous des tenant et des aboutissants de cette affaire. Le public continua de profiter du spectacle offert par le Duc. Une fois le soir venu, un grand banquet fut organisé pour célébrer le vainqueur de la joute et la fin de Sonnstille.
Il manquait toutefois un des participants à la table des perdants. Le chevalier Gaston n’avait pas souhaité se joindre aux festivités. Il est amusant de noter qu’un troubadour l’affubla du nom de Gaston le chevalier brun bien que certains racontent que l’idée lui a été soufflée par un adolescent d’origine noble.