Tant d'eau...Et uniquement du vin à boire, si ça aurait pu faire rêver tous les ivrognes ; dans la situation de ces deux malheureux cela risquait de les envoyer six pieds sous terre ou plutôt six pieds sous la surface.
Le soleil tonnait en effet, réfléchissant sa lumière dans l'eau salée de l'océan en d'autant de facettes qu'il y avait d'ondulations marines. Cuisant sous cet impitoyable compagnon, le pauvre marin faisait les cents pas sur sa frêle esquif. L'autre était nonchalamment en train d'attendre qu'un frétillant repas s'accroche à sa ligne, tout en déplorant de n'avoir aucun hameçon.
Le plus mouvementé des deux finit par se laisser retomber sur le pont et râla de désespoir.
Quatre jours...Quatre jours qu'il était à la dérive sur un débris.
Pourtant tout avait commencé normalement pour ce pauvre Rudolf : Il était à bord d'un navire marienburgeois armé par un notable ayant voulu conserver anonymat et discrétion.
L'objectif : Arraisonner un transporteur de vins de Bilbali en toute légalité.
Si les marins engagés étaient pour certains de vieux briscards qui avaient connus toutes les mers et tous les bordels lui était une bleusaille descendu de l'Ostland qui n'avait fait ses marques sur un rafiot qu'il y a deux ans.
On avait pisté le navire estalien bien au large des côtes bretonnes et un « Ma qué ?! » général avait retentit lorsque le premier boulet avait frappé la cabine supérieure. L'abordage avait été une boucherie. Rudolf tirait au mousquet, descendant des Hombres bien plus courageux qu'il ne l'avait été. Alors que forbans et marineros s’entre-tuaient un anonyme avait mis le feu à la Sainte-Barbe.
L'explosion dévora les deux navires dans une gerbe qui avait dû être visible jusqu'en Ulthuan. Rudolf avait été propulsé dans l'eau chargée de cadavres et de planches alors que ses vêtements étaient en train de flamber.
Quand il rouvrit les yeux, ce n'était pas Morr qui l'accueillit dans l'après-vie, mais Franco un marinero tanné par le soleil et l'explosion qui le fixait.
Il avait traîné l'inconscient sur son débris d'épave en constatant qu'il respirait encore.
Hélas de tout ce qui pouvait se trouver sur un navire le seul tonneau qu'ils avaient trouvé flottant négligemment au rythme de la houle contenait du rouge estalien.
Quatre jours à carburer au grand cru n'avait pas fait avancer leur esquif. Sans autre moyen de se repérer que les étoiles ils étaient condamnés à attendre le salut ou la fin.
Les dieux devaient être d'humeur taquine car ils avaient mélangé les deux issues sous la forme d'une flottille qui avançait dans leur direction.
Rudolf et Franco se soulevèrent d'un seul tenant et agitèrent leurs haillons pour capter l'attention des navires.
Ivre de vin comme de bonheur, Rudolf déchanta en voyant se détailler les embarcations :
La proue de la première était un dragon rugissant et la figure était un véritable chevalier suspendu par les quatre membres comme un pantin écartelé. Des boucliers ornés de toutes sortes de symboles funestes bordaient le pont du drakkar.
Les deux naufragés s'attrapèrent en hurlant alors que les premiers visages hirsutes dépassèrent du bastingage. Les colosses blonds du nord ne déméritaient pas de leur réputation de bêtes humaines.
La plupart s'était peinturluré le visage...De carmin épais et coagulé.
Si le premier navire les dépassa sans plus d'attention que la curiosité des rameurs , sur le troisième ils virent deux norses se quereller dans un concours de cris puis de poings. Lorsque le plus fort des deux eut fini de fracasser le crâne de l'autre contre le rebord de pin boréal il lança une corde.
Franco l'attrapa et tourna la tête vers son compagnon d'infortune :
« Je n'y vais pas si tu n'y vas pas.
-Que les Dieux nous gardent pour ce que nous allons faire.
-Sur ces navires ce ne seront plus les même dieux. »
Rudolf se hissa avec la corde de l'eau salée jusqu'au pont poisseux de sang dans lequel il embourba ses orteils nus. Le vaincu rampait misérablement avant qu'un coup de hache de leur sauveur ne l'envoie dans l'autre monde.
Il s'approcha d'eux, baissant les yeux sur l'estalien bistré qui ne pipait pas un mot puis sur son compère ostlander et commença à leur parler d'une voix rauque de prédateur, teinté d'un accent nordique à couper au couteau :
« Nom d'une hache rouillée, qu'est ce que vous foutiez sur cette planche les ventres mous?
-Naufrage...
-Stromfels devait vouloir vous inviter à sa table, quoi qu'il en soit mon nom est Bjornar Sigurdarson ,et si vous voulez rester en vie emmerdez personne, pas comme lui »
La brute blonde désigna le corps encore chaud que deux malabars firent basculer par dessus bord.
Rudolf sentait qu'ils n'allaient pas recevoir un traitement de faveur mais au moins il n'était pas encore ligoté à un poteau sacrificiel. C'est là qu'il remarqua les captifs :
Massés autour du mat unique comme des rats craignant la tempête , enchaînés les uns aux autres. Des paysans bretonniens, esquintés par le pillage dont ils avaient fait les frais, terrifiés et sans une lueur d'espoir dans le regard.
Il s'approcha d'eux et s'assit sur une caisse, suivi de Franco qui avait fini de s'entretenir avec le Nordique. Il remarqua qu'entre les gueules de gueux tous plus résignés il y avait cette gamine, douze ans à vu d’œil, des habits un peu plus coloré et digne que la populace. Les Norses s'étaient de nouveau affairés à ramer pour rattraper le cortège il pouvait donc s'approcher de la petite. Après l'avoir rassuré en prouvant qu'il n'était pas un enfant de la Norsca et échangé quelques phrases il apprit qu'elle s'appelait Jeanne, Jeanne de Belloy. La rejetonne d'un seigneur qui avait été capturée la première avant que les hommes du Nord ne pillent allègrement la région, elle était terrifiée mais elle gardait une dignité hors du commun, elle ne comptait pas se laisser mener comme une chèvre par ces barbares.
Rudolf lui intima de ne pas agir imprudemment car ils étaient prompts à sortir la hache et mourir par témérité aurait été inutile.
Le temps s'écoulait de façon monotone, les hommes du nord ramaient, les esclaves geignaient, Franco Diego Carlos Salvadore sifflait en regardant la ligne d'horizon et Rudolf discutait avec Jeanne.
Alors que l'Estalien regardait les drakkars derrière leur poupe il entendit sonner un cor. Haussant les sourcils il sursauta en voyant bien derrière eux, grand comme une maquette d'armateur, fuser un grand galion bretonnien.
Les Norses se mirent au branle-bas de combat en manquant de piétiner le Bilbalien.
« Ma qué ?! Bjornar, pourquoi vous n'essayez pas de le distancer ?
-Tu as déjà distancé un Galion de l'Anguille le Brun ? Il n'y a que deux options : Se battre et gagner ou mourir en se battant ! »
Très vite les ponts vibraient sous les clameurs des maraudeurs et bien que le vent gonflait les voiles zébrées et que les rames crevaient l'écume, le Galion ne faisait que se rapprocher.
Les premiers tirs de semonce ne furent qu'à cent pieds des drakkars de queues et à chaque fois qu'un canon crachait le feu en véritable ogre nourri aux piments les norses hurlaient de plus belle.
Un boulet explosa la coque ornée du bateau le plus lent et des hommes se tordaient comme des vers de farine, criblés d'éclats effilés comme des pioches naines. Le pilonnage commença alors ; Rudolf et Franco regardaient l'eau se charger de planches brisées alors que se soulevaient les coques des drakkars en perdition. Des survivants se hissaient sur des épaves ou attrapaient les cordes jetées par leurs frères de pillage. Des malchanceux flottaient déjà dos au soleil mais ce qui retourna les tripes de l'Ostlander étaient les esclaves qui hurlaient alors que leurs chaînes les entraînaient vers leur fin au cœur du royaume de Manann.
Le Galion aux voiles blanches et bleues avançait maintenant dans la Flotte démembrée , tirant des bordées sur des coquilles de noix qui n'avaient que des flèches et des haches pour riposter.
Mais elles étaient nombreuses ces coquilles et grouillaient de fous assoiffés de guerre et alors que des panaches de fumée s'échappaient de la bouche des canons de fer noir, les norses jetaient leurs grappins sur les bastingages du navire. Tels des loups attaquant un Aurochs, les pillards mordaient de toutes parts la Bête. Les marins bretonniens tiraient au mousquet, envoyant plonger des assaillants avant qu'ils ne puissent poser la main sur le chêne de leur Joyau.
Rudolf regardait des rameurs de son propre drakkar s'élancer à l'ascension du bateau alors que la pauvre Jeanne se pressait contre lui, assourdie par les détonations et les hurlements.
Un rouquin torse nue s'effondra face contre bois quand une balle le faucha en plein cœur mais sa hache fut ramassé par un petit bistré.
« Mais qu'est ce que tu fous ? Hurla Rudolf sous le capharnaüm total.
-Ils nous tueront si on ne gagne pas leur confiance !
-C'est des bretonniens en face ! Ils sont nos alliés !
-Si ce drakkar coule on y passe tous ! J'assure notre peau ! Proclama Franco d'un air vide tout en courant vers les cordes.
-Putain d'estingouin il va y passer ! »
Franco grimpait à la corde rêche en serrant la hache entre ses dents jusqu'à sentir les échardes plantées dans sa langue. Il tanguait comme un gyrocoptère après un tir de lanceur gobelin et l'océan bouillonnant était prêt à l'engloutir. Ce fut un miracle qu'aucun tir ne le toucha et quand il posa le pied sur le Galion , le pont était un champs de bataille monstrueux. Il n'eut pas le temps de bailler qu'un bretonnien en chemise blanche essaya de le pourfendre avec son sabre. Il bloqua la lame effilée avec le creux de sa hache avant de lui envoyer un coup de pied dans le ventre. Le moussaillon se plia en deux en sentant remonter ses viscères. Franco lui enfonça son fer dans le dos. Il ne s'en relèverait pas. Il dû pousser le corps avec le pied pour détacher la hache. Quelque chose se brisa dans son esprit et il poussa un cri. Il se jeta en compagnie des brutes du nord dans la mêlée avec les hommes d'équipage. Donnant de la hache à bras raccourcis , tranchant dans le gras , la viande ou le cartilage. Il brisait des os et charcutait des visages. Dans son sillage s'empilait les mourants. Bjornar l'acclama quand il fendit le crâne chauve du marinier qui était en train de l'affronter. Son visage était figé à jamais dans une expression béate suite à cette attaque en traître.
Franco regarda alors le pont où les combats semblaient ne jamais finir. Il vit alors un guerrier brun avec une natte lui tombant jusqu'aux reins qui s'effondra dans les escaliers , fauché par le pistolet du Capitaine. Il se rua et en enjambant le corps se retrouva nez à nez avec l'admirable amiral :
« -Qu'estoit donc un Estalien ici ?
-Tu as vraiment des dernières paroles miteuses. »
Le bretonnien mit la main à sa ceinture dégainant son sabre d'acier miné dans les Montagnes grises.
Il n'avait pas d'armure mais au moins il avait une botte de plus que son adversaire. L'acier crissa sous la morsure du fer , les yeux bleus du bretonnien croisèrent ceux de l'Estalien mais ces derniers luisaient d'une lueur anormale...Une lueur de haine.
Il recula pour faire basculer le sauvage vers l'avant , lui cinglant le poitrail et l'épaule d'une longue estafilade. Seulement ce noiraud n'avait pas dit son dernier mot et il lui sauta dessus, multipliant les assauts effrénés jusqu'à tordre le fil de sa hache.
Les bras du capitaine commençaient à faiblir et un coup de taille lui disjoint la main gauche en deux. Il rugit alors que son adversaire récupéra son sabre et le renversa au sol.
« Puisse les dieux avoir pitié de votre âme estalien !
-C'est déjà fait , mais pas ceux que vous espérez » vociféra Franco en lui enfonçant la lame dans la gorge.
Les Marins pâlirent d'effroi en regardant perché sur la rambarde face au gouvernail un homme aux vêtements déchirés et encroûtés de sang qui agitait la tête de leur capitaine. Ils se battirent comme des braves mais en vain, bientôt seuls des nordiques se tenaient encore sur le pont. Le Galion était à eux et de tous les drakkars restant s’élevèrent des cris de réjouissances.
Rudolf était effaré, les bretonniens avaient perdus et avec eux s'évanouissait leur seul espoir de ne pas voir leurs carcasses traînées jusqu'en Norsca. La partie de l'équipage qui s'était précipitée sur le galion redescendit par les cordes , en nombre réduit mais chargés de tout ce qu'ils avaient pu récupérer sur le fleuron des hommes à la Dame. Franco fut acclamé, il était devenu le « trancheur d'anguilles » , et Rudolf devinait aisément quelles horreurs il avait dû commettre pour décrocher un si beau titre.
« Maintenant je nous ai assuré la vie sauve. Déclara le méridionale en se rasseyant près de son compagnon d'infortune.
-À quel prix... »
Les drakkars continuèrent leur route vers le nord, laissant dans leur sillage des épaves brisées et un galion désossé qui commençait à sombrer.
Seconde Partie
Le barbu était agenouillé dans l'épaisse couche d'humus de laquelle il retirait des tubercules bruns et écailleux. Ses vêtements en peau de phoques et de loups le protégeaient des rigueurs du climat malgré que nous étions en plein sommerzeit. Enfin il en était presque sûr. C'était la période de l'année où la Norsca se réchauffait légèrement, où tout n'était pas couvert de six bon mètres de neige. Il leva la tête vers l'autre homme en train d'arracher du champs leur pitance, lui aussi avait laissé pousser ses cheveux et sa barbe.
Se relevant, il pensa à cette ancienne vie où il se nommait Rudolf , né à Wolfenburg et où l'autre était Franco de Bilbali.
Quatre années...Comment quatre années avaient pu les changer à ce point ?
Ils avaient construit leur cabane de leurs propres mains après avoir débarqué au village norse qui était devenu leur foyer. Chassant le gibier le plus féroce du vieux monde pour se vêtir , dévorant le lard des baleines et pour celui qu'on appelait Frøn Carlosson, participant aux pillages des villages des côtes impériales, bretoniennes, voir de régions plus abscons.
Il était l'un des leurs dans toute leur mentalité désormais, un survivant enhardi par la traque des monstres des montagnes, le pillage et les alcools forts.
Rulf Freidrichtson lui essayait de se persuader qu'il conservait sa dignité d'homme du vieux monde mais il avait été irrémédiablement changé par la vie du nord. Ici il était libre, vivant âprement mais sans petit chef pour lui donner des ordres.
Il n'avait que deux préoccupations : Sa ferme et la petite Jeanne.
Depuis son arrivée il n'avait pas manqué une occasion de la voir pour s'assurer de son bien. Elle servait directement le Jarl car sachant lire et écrire les deux langues majeures du vieux monde elle était une esclave précieuse pour tout ce qui traitait du commerce.
Elle disposait donc d'un traitement bien meilleur que les malheureux qui s'échinaient dans les mines , les champs ou qui attendaient qu'un Oracle ne les sacrifie.
Seulement en quatre ans elle commençait à devenir une femme. Une femme qui serait le bout de viande d'un des guerriers du clan.
Il ressassait ça nuit et jour, alors que Frøn dépeçait un cerf à coté de lui ou quand arpentant les ruisseaux de Norsca il attrapait des truites.
Il ressassait ça sous la longère de Bjornar alors que tous levaient leurs chopes à la gloire , au combat ou aux pillages. Il n'en dormait plus la nuit alors que surplombant les frondaisons des sapins fusaient des aurores boréales chargées de magie.
Tandis que Frøn et lui descendaient jusqu'au village, sa décision fut prise.
Rulf aiderait Jeanne à fuir, mais traverser le pays des trolls serait un suicide, comme tenter la traversée de la mer des griffes à deux.
Il restait une option, dangereuse comme les autres mais plus pertinente :
Rallier les forteresses des nains norses. Hors de la portée des pillards du nord.
« Peut être même qu'après le prochain pillage d'automne je prendrais femme, et...Rulf ? Rulf tu m'écoutes ?
-Pardon Frøn, j'étais pensif.
-Tu sais quoi, un bon pillage ça devrait te tirer de cette humeur morose mon vinr. Déclara le Maraudeur aux longs cheveux noirs.
-Tu te souviens du Rosemary et de ta Belleza de Bilbali ?
-Comment oublier. Je rêve encore de cette explosion, de la cendre et des corps carbonisés. De quand je traînais ta carcasse hors de l'eau. Et de la peur bleue que j'ai eu en te voyant tousser.
-Autre temps autre vie hein ?
-Oui, autre vie... »
Après avoir fait ses obligations il s'empressa d'aller voir Jeanne , cette dernière s'affairait à brosser les peaux de bête du Jarl.
Il prit les précautions pour lui en parler. Sa témérité avait été ternie par le temps et la captivité. Mais l'espoir de redevenir libre était plus fort que tout. L'expédition serait risquée entre la traque par les guerriers de leur propre clan, les maraudeurs, les monstres de tous poils et toutes écailles ou tout simplement se perdre dans quelques ravines qui sillonnaient la Norsca.
Cependant elle accepta et ils fixèrent bientôt la nuit où ils s'enfuiraient pour leur salut.
Ce soir là, tenant sa hache d'une main et maintenant la sangle de sa besace chargée de provisions de l'autre il jeta un dernier coup d’œil au village, avant de disparaître avec Jeanne dans les bois.
A chaque pas de leur lente procession sur le podzol elle semblait recouvrer un peu de prestige et de bonheur.
En toute honnêteté Rudolf arrivait pas à supporter les grands airs des bretonniens qui montaient jusqu'en Ostland pour leur quête de chevaliers mais cette gamine, elle, elle avait sûrement survécu à pire que la moitié de ces endimanchés. Elle lui parlait des soirs en compagnie du Jarl , écrivant des lettres de ses mains autrefois si belles pour les adresser à quelques marchands marinburgeois ou tiléens. Des traversées en drakkar en compagnie des norses , non pour piller mais pour écouler la peau , l'ambre et les pierres précieuses sur des quais brumeux.
Ils bivouaquaient dans des abris sous roche , sur des sapins haut comme des clochers de chapelles.
Le Barbu glanait dans les bois de quoi ajouter un peu de nourriture fraîche à leur menu. Ils voyaient parfois passer au loin, dissimulés par la nuit et la nature, des cohortes de maraudeurs norses farouches et hirsutes.
Au bout de plusieurs jours ils virent enfin se dessiner au loin les montagnes des Nains. Des fortins de bois et de pierres émergeant à flanc de roche, dissimulant la majorité de leurs domaines, enfouis dans les profondeurs du monde.
Redoublant d'énergie ils avancèrent dans la forêt, exultant d'une joie digne des plus grandes réussites.
Ils seraient bientôt en sécurité, bientôt ils pourraient quitter la Norsca, retrouver leur monde.
« Rulf ! Espèce de traître ! »
Cette voix lui tordit les tripes , le stoppant dans son élan, alors que le salut était tout proche. Jeanne se retourna vers lui, son visage devenu pâle comme la neige des glaciers.
Il pivota lui aussi, regardant alors Frøn le trancheur d'anguilles qui marchait vers lui, armé d'une hache de guerre.
Jamais il n'avait remarqué à quel point il était devenu un homme du nord. Ses muscles s'étaient développés, sa poitrine à nue montrait les tatouages de dragon dissimulés en partie par sa crinière noire. Son visage était déchiré par la rage mais aussi par le chagrin, des larmes dévalaient de ses yeux d’onyx pour disparaître dans sa barbe.
« Rulf , tu étais un Brodir pour moi, nous avons vécus ici ensemble. Nous avons chassé ensemble , ripaillé ensemble !
-JEANNE ! COURS ! Hurla l'impérial à l'esclave en fuite qui se hâta de disparaître vers la montagne des Dawi.
-Je t'avais sauvé la vie lors de cette nuit au large de la Bretonnie. Je voulais que tu sois de ma famille ici à défaut de ne pas être né des mêmes parents que moi ! Rulf pourquoi avoir fait ça ?
-Je l'ai fait pour cette fille Franco, je l'ai fait pour qu'elle puisse vivre libre ! Qu'elle ne soit pas l'esclave d'un quelconque barbare ! Et j'en payerai les conséquences sans aucune hésitation !
-Soit, Brodir, sache que je ne fais pas ça par plaisir, je fais ça pour le Clan. »
Il s'avançait lentement vers son ami, ce dernier serrait fermement sa hache contre son torse.
Il fallait gagner du temps pour qu'elle vive, puisse Jeanne de Belloy retourner chez elle. Il s'en assurerait au prix de sa vie.
Rudolf poussa un cri de désespoir et chargea Franco.
Pour elle