L'ordre et le Chaos. Les deux faces d'une même pièce, deux camps d'un conflit éternel, façonnant le monde depuis des millénaires. Des dieux s'affrontant sur des milliers de mondes, aux simples mortels portés d'une fureur sacrée, en passant par des élus bénis menant d'innombrables fidèles, la lutte est constante, le cycle de destruction impossible à arrêter. Cent mille mondes, cent mille guerres, pas d'échappatoire, pas de répit, pas d'espoir de victoire. Seulement une éternité de combats jusqu'à ce que ce monde brûle.
Et au milieu de tout cela, un homme, une femme, cherchant simplement à suivre la voie tracée pour eux. Deux individus bien différents, mais réunis par ce combat intrinsèque entre l'ordre et le chaos. Deux rivaux amenés à lutter l'un contre l'autre dans cette partie d'échecs cosmique, dans une rencontre qui les marqueraient à jamais…
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Ludwig von Hoffenbach était de ces hommes qui avaient dédié leur vie à l'élimination pure et simple du chaos. Pour lui, qui avait vu sa famille détruite par cette ignominie, lui qui avait dû mettre à mort sa propre mère ainsi que sa sœur rien que pour le bien de l'humanité, comment pouvait-il en être autrement ? C'était son destin, une destinée à laquelle il ne pouvait que se conformer : il devait combattre le chaos, défendre l'ordre, car c'était la bonne chose à faire, la SEULE chose à faire.
Les efforts du zélote pouvaient sembler bien inutiles face à l'ampleur de la tâche à accomplir. Que pouvait bien faire un homme, seul, contre la nature même de l'univers ? Les cultistes pouvaient être tués, oui, mais leur foi demeurait intacte. Les démons pouvaient être bannis, oui, mais ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne reviennent se déverser sur le monde. Le mal était inhérent a la solution, impossible à chasser définitivement ; chaque victoire n'était qu'un sursis contre l'inévitable défaite. Et cela, Ludwig en était parfaitement conscient, mais il continuait pourtant son combat, mené par la chose même qui l'avait fait commencer en premier lieu. La foi. Pas la fausse dévotion qui animait ces sadiques inquisiteurs plus intéressés par le fait de brûler les innocents que de faire régner la justice. Non, c’était la vrai foi qui l’habitait, l'espoir d'un monde meilleur pour les générations à venir, la confiance en une victoire finale contre la pourriture qui n'avait que trop fait souffrir ce monde. La détermination tenait à elle seul l'élu d'Arianka dans le droit chemin, une foi inébranlable en la justesse de sa lutte.
Dans sa quête de vengeance, de nombreux servants des ténèbres avaient déjà trépassé sous les coups de Ludwig, mais c'est dans un petit village du Wissenland que l'initié allait affronter sa première véritable épreuve. Ici, « aidé » par une inquisitrice du nom d'Alicia, il parvint à remonter la piste d'un sombre réseau d'esclavagistes, apparemment affilié à un culte de slaanesh. La lutte fut âpre contre les serviteurs du chaos, mais après maints combats et recherches, le réseau fut finalement démantelé. Et l'histoire aurait pu s'arrêter là, si Ludwig n'avait pas découvert une menace bien plus vaste...
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Pour la majorité, naître noble était une bénédiction, mais pour Dokhara de Soya, la lignée était autant un bien qu'une malédiction. Bien sûr, la noble courtisane n'avait jamais manqué de rien, mais à quoi bon l'argent, le faste et l'influence alors qu'il lui manquait le principal : la liberté. Toute sa vie, elle avait vécu dans une prison dorée. Et si en apparence, le destin lui souriait, la jeune fille se sentait désespérément vide. Sous ses robes de soies et ses jolis sourires, elle n'était qu'un pion, esclave d'intérêts qui la dépassaient, toujours forcée d'obéir sans jamais pouvoir satisfaire ses propres désirs.
Mais la baronne de Soya n'était pas femme à se laisser faire. Si on refusait de lui donner cette liberté tant fantasmée, alors elle n'avait qu'à l'arracher par ses propres moyens. C'était aussi simple que cela. Alors elle avait cherché, encore et encore, cherché une solution pour s'échapper de cette cage. Jeune déjà, elle avait rejoint les rangs des fidèles de Ranald, découvert, via la mafia, une plus sombre route à emprunter. Mais ce n'était pas suffisant. Si le Dieu des voleurs lui permettait une liberté nouvelle, la racine du problème était toujours la : où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse, Dokhara restait une De Soya, liée à la volonté de son père, soumise au moindre de ses caprices.
Pour se libérer, Dokhara était prête à commettre l'impensable. Le cœur de la jeune femme était pétri d'envie, et c'est par Slaanesh que ses désirs trouvèrent un échappatoire. Le Prince du Chaos était ce qu'elle avait toujours souhaité : plus de règles, plus de morale, plus de codes à respecter. Les cultistes de Slaanesh étaient les seuls à lui permettre d'enfin accéder à cette liberté tant désirée. Avec leur aide, Wildred De Soya quitta ce monde, et la nouvelle fille du chaos put enfin goûter au fruit de tous ses désirs. Bien sûr, tout ne fut pas rose pour la slaaneshi. Au cours des années, Dokhara vécut bien des aventures, rencontra bien des personnes, certaines plus vivantes que d'autres... Mais en cette vingt-quatrième année de sa courte existence, la baronne de Soya pouvait s'affirmer heureuse. Elle était libre, puissante, respectée, à l'abri de toute autorité. Le chaos comblait tous ses désirs, aussi mesquins soient-ils, et la noble s'enfonçait sans remords sur le chemin de la dépravation la plus totale.
Les affaires allaient bon train, la cultiste vaquant à des occupations aussi diverses que l'organisation d'orgies, la vente de drogues, et même le trafic d'êtres humains. Ce dernier type de transaction particulièrement lucratif nécessitait désormais sa présence au Wissenland : celle qui se faisait appeler « Red Karla » étant parvenue à négocier une rencontre avec le chef d'un membre de culte local pour la revente d'une centaines d'esclaves, dans un des bordel dont elle avait la possession. Une rencontre qui aurait du se dérouler sans accrocs...
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La nuit était déjà tombée depuis un certain temps alors que Ludwig approchait du lieu de la rencontre. À quelques dizaines de mètres de là, il pouvait apercevoir les lueurs chatoyantes de la fameuse maison close dont il avait déterminé la localisation. Au milieu du chaos de la bataille, c’était un miracle que les documents n’aient pas été endommagés : un autre signe prouvant que les dieux veillaient sur lui ! Oui, l'élu d'Arianka avait définitivement bien fait de fouiller dans les loges du culte ; sans cela, il n'aurait jamais pu espérer acquérir une telle occasion. Durant sa petite enquête au Wissenland, Ludwig avait remonté la liste des contacts du culte slaaneshi exterminé, et était tombé sur une information bien utile. En faisant quelques recherches au quartier des esclavagistes, le zélote avait trouvé des détails sur une mystérieuse acheteuse, elle aussi visiblement membre d'un culte du chaos, auquel le chef esclavagiste récemment exécuté devait proposer un juteux marché... aussi immoral soit-il. Une certaine "Red Karla", qu'il avait immédiatement identifié comme sa nouvelle cible prioritaire.
La transaction devait avoir lieu dans un bordel non loin du lieu de l'incident, aussi Ludwig décida-t-il de s'y rendre en toute hâte, abandonnant la compagnie d'Alicia qu'il jugeait trop dangereuse et peu fiable, afin de mettre un terme aux activités de cet autre sabbat. Le plan était simple : couper la tête du serpent, agir vite et efficacement contre les cultistes, sans même qu'ils n'aient le temps de murmurer une dernière prière à leur dieu impie. A présent, l’heure du duel était venu. Par le fer et le sang, il était temps de faire payer aux ennemis de l’ordre le prix de leurs pêchés.