« T’es un peu chtarbé toi, nan ?
Mais ouais, y a un squat pas loin si tu veux pioncer — dans l’ancien CIFCA. Faut juste monter là. Si quelqu'un t'emmerde, dis-lui que c'est Freeze Crack qui t'envoies. »
Et il désigna une lune à peine illuminée par les sortes de grands lampadaires sans flammes, qui allaient loin au-delà de l’asphalte, flanquant de grands bâtiments gris couverts de traits composant des mots. Reinhard s’aventura dedans, en regardant à sa gauche comment il y avait une sorte de grand terrain de sport, en terre battue, avec des paniers bien plus hauts que des êtres humains — encore que les humains-là étaient bien grands. Il y avait ensuite, sur le trottoir, des dizaines de plots sur lesquels reposaient quelques machines à deux roues sur lesquelles quelques hommes pouvaient se suspendre pour rouler, une sorte de poney de fer multicolore — mais ceux-là étaient enchaînés. Enfin, il trouva un panneau qui désignait bien le-dit « CIFCA » ; c’était une sorte de maison d’éducation, sauf que les portes étaient grandes ouvertes, ça sentait le brûlé, les poubelles étaient renversées, et une personne était assise devant, des bouchons sur ses oreilles crachant tant de musique qu’il était bloqué dans sa bulle.
Alors, Reinhard se retrouva dans un squat, comme il y en avait à Nuln dans son monde ; dans une sorte de grand préau, et dans des salles de cours, des gens avaient installé des matelas et des réchauds. C’était rempli de monde, de toutes les couleurs de peaux, qui parlaient des dialectes tous différents. Ils lançaient tous de très mauvais regards au passage du cultiste, leurs yeux torves traînaient de longs instants, souvent injectés de sang par la fatigue et la drogue.
Ça puait, et c’était bruyant. Tout le monde écoutait fort des musiques, qui frappaient, qui gueulaient, qui vrombissaient dans le cœur.
Et ça sentait la maladie… Ici, toute proche, la peste tapie dans Paris était très présente, de même que les enfants de Papy — Reinhard pouvait voir les cafards ramper derrière les murs, et les punaises qui sautillaient partout pour conquérir les couvertures dans lesquelles elles s’enfonçaient pour gentiment se reproduire.
La chose était bizarrement simple : La maladie était puissante à Paris. Nurgle avait bizarrement béni cet univers, sans qu’on connaisse son nom. Logiquement, il devait donc forcément y avoir un Grand Coësre ici — un compagnon d’une nouvelle existence, un sectateur qui servait Papy. Il suffisait de le trouver pour rentrer chez lui. Et il ne devait vraiment pas être loin d’ici…
Reinhard atterrit dans une petite pièce. Il y avait là une femme qui avait l’air trentenaire, si mince qu’on voyait bien les creux de ses joues, avachie sur un matelas, une cigarette au bec. En face d’elle, un garçon aux cheveux longs se balançait d’avant en arrière, en tenant entre ses mains une petite machine carrée qui faisait de la lumière. Eux avaient l’air plus tranquilles que les autres pièces plus remplies, alors, pourquoi pas errer près d’eux…
Plus loin, un escalier était encombré. De grands gaillards bloquaient physiquement l’accès à l’étage. Peut-être qu’un petit capo local s’y était installé, et employait ces garçons pour le protéger.
Il y avait aussi une scène bizarre, sur laquelle tomba Reinhard : dans une sorte de salle de bain, une femme sans cheveux était assise devant un tas de machineries et d’écrans sur lesquels elle tapait à toute vitesse ; et ses machines étaient liées par des câbles et de l’outillage à une baignoire remplie de glaçon.
Dans cette baignoire, un homme nu était endormi, avec du métal qui lui entrait dans la nuque. C’était là un rituel magique ou religieux, en tout cas, ça semblait solennel, car personne dans tout le squat n’osait s’approcher de cette salle de bain…