[Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

L’Empereur Karl Franz siège à Altdorf, capitale impériale depuis. Altdorf est un carrefour du savoir et son université est l’institution académique la plus respectée de tout l’Empire. Là, les seigneurs et les princes de nombreux pays viennent s’asseoir aux pieds des plus grands penseurs du Vieux Monde. Altdorf est aussi le centre du savoir magique et ses huit collèges de magie sont fort justement réputés bien au-delà du Vieux Monde. Altdorf est une ville affairée, avec un nombre important d’étrangers, de commerçants et d’aventuriers. La cour impériale elle-même engendre une activité économique florissante, qui attire toutes sortes de gens.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

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« Tink ? »

L’Ulricain répétait le nom du golem avec un subtil mélange d’incrédulité et d’incompréhension. Il avait beau, depuis qu’il était rentré dans le salon, lancer des regards sur chaque meuble et chaque saleté de la pièce, visiblement, sa plus grande appréhension était envers le petit automate fumant qui n’arrêtait pas de découvrir le chapeau servant de coque à son mécanisme.

« Non non ; Je peux aller chercher les couverts, madame — madame, je me rends compte que ça fait très formel… Vous, préférez que je vous appelle autrement ? »

C’est avec joie qu’il allait chercher la bouteille sur la table. Il eut en revanche bien plus de mal à trouver des verres, sans doute parce qu’il préférait boire dans un propre. Finalement, un peu hagard, il se retrouva dans la cuisine où il se débrouilla pour rapidement rincer deux gobelets de tailles différentes, et revenir servir la boisson à son hôte.
Il regarda un peu partout où il pouvait s’asseoir. Esquivant et les fauteuils troués, et le canapé où il aurait pu se mettre à côté d’Isabelle ; il préféra poser ses fesses sur la table. Elle résista à sa corpulence un peu forte.

Il sembla être un peu surpris de la question. Bégaya un peu, et se gratta la joue.

« Moi ? Hé bien, ma foi… Je n’ai vraiment pas à me plaindre. Mon beau-père — un de vos neveux — il s’est arrangé pour me trouver une charge à la Commission des Archives Impériales.
C’est… Un boulot parfaitement répétitif et absolument pas passionnant. Mais ça paye bien et les horaires sont convenables. Cela me suffit amplement. »


De ce qu’Isabelle en savait, les Archives Impériales étaient un grand bâtiment dans le quartier de l’université d’Altdorf. C’était là que toutes les commissions, tous les régiments des Troupes d’État, tous les prévôts du Reikland enfermaient sous scellé les bulles, les contrats, les procès verbaux et les avis d’imposition qui concernaient l’Empereur ou le Volkshalle.
Du temps où elle travaillait au Collège Doré, elle se souvenait que les archivistes réclamaient assez régulièrement qu’on leur reverse des papiers qu’ils pourraient contrôler. À l’inverse, demander un document des archives était une tâche périlleuse, à laquelle il fallait se préparer au moins dix jours à l’avance ; ils ne laissaient entrer les visiteurs qu’au compte-goutte, et se contentaient de glisser les papiers commandés après approbation par la fente d’une porte blindée. Papiers qui avaient parfois des phrases entières recouvertes d’encre noire pour les rendre illisibles.
Peut-être qu’il y avait dans les archives des documents d’une sensibilité de niveau étatique — des choses qui pouvaient provoquer une guerre civile étaient enfermés au fond de leurs coffres. Mais Detlef ne semblait pas avoir la passion pour l’archivage que devait avoir un érudit du culte de Véréna : parler de son travail semblait le fatiguer par avance.

« Il y a vraiment trop rien à en dire. Je mets des noms dans des cases, j’enroule des papiers, je vérifie que des signatures correspondent avec une loupe… Je comprends pas pourquoi autant de gens veulent faire ce boulot. »

Beaucoup de diplômés d’université jouaient des pieds et des mains pour intégrer les Archives. Detlef avait eu sa place par piston, alors qu’il était probablement un semi-illettré comme beaucoup de Middenlander. Il ne se rendait même pas compte de la chance qu’il avait d’avoir su faire un bon mariage.

« Sinon tout va bien avec ma famille ! Enfin… Avec mon épouse, au moins. »

Il pinça un peu ses lèvres et bu son brandy sans en dire davantage.
Il était certain qu’il aimait sa femme ; mais s’ils s’étaient mariés par amour, il avait dû tenter d’intégrer les von Breitenbach juste après. Il servait surtout à essuyer des moqueries de la part de sa belle-famille, chaque fois qu’il était invité à un festival ou au mariage d’un cousin.
Surtout, Isabelle était certaine que Detlef n’avait pas d’enfants. Il avait épousé sa femme quand ils avaient tous les deux la vingtaine, aussi, pour une raison ou pour une autre, ils n’avaient pas été féconds. Ça ne renforçait pas la mauvaise opinion que beaucoup portaient sur sa compagne.

« Enfin bref. Parler de moi, c’est probablement pas ce qui vous intéresse — c’est plutôt pour vous que je suis là.
Je dois avouer qu’avoir votre lettre, c’était un peu une… Bah, une sacrée surprise. On n’a pas eu… Pas tellement eu le temps de se connaître que ça. Mais d’après ce que j’ai entendu dire, eh bien…
Eh bien beaucoup de gens dans la famille aimeraient beaucoup récupérer votre manoir. Permettez-moi de dire les choses franchement, moi je suis quelqu’un de franc : vos neveux et nièces ils attendent patiemment que vous mourriez pour assigner le Collège Doré au tribunal et récupérer tous vos biens. Pour eux-mêmes. »

Il ricana un peu.

« Que vous répondiez aux lettres de personne ça les rend verts, si vous saviez — s’ils sont au courant que j’ai mis les pieds dans ce manoir, je sens que déjà ils vont tous soudain arrêter de me prendre pour l’Ulricain de service et m’inviter à manger chez eux !
Mais vous les aimez pas, hein ? Vous en avez rien à faire d’eux tous ? … Mais j’me demande… Pourquoi moi ? J’ai jamais été hostile à votre égard, j’ai jamais profité de vous ou de votre argent… Mais c’est pas comme si j’étais très flatteur non plus. »

Il se releva, et regarda un peu partout.

« Il est quand même… Dans un sacré état ce manoir.
Est-ce que vous permettiez que… Que je jette un peu un œil, rapidement ? »


Isabelle accepta. Alors qu’elle se relevait, cette ancienne brute qu’était Detlef se souvenait des règles de courtoisie, aussi, il s’approcha d’elle pour lui offrir son épaule et aider sa démarche malaisée à la place de sa canne.

Certainement par politesse, il ne la força pas à monter à l’étage, ce qui aurait mis à l’épreuve ses hanches et ses mollets — et certainement que cela serait bénéfique pour tout accord qu’ils voudraient nouer, car rien n’était plus délabré dans la demeure d’Isabelle que tout ce qui se trouvait au-dessus du rez-de-chaussée. Elle avait abandonné tellement de pièces au temps : l’ancienne chambre de sa gouvernante, le cocon où dormait son fils quand il était enfant, la grande salle de jeux avec son billard… Plein d’endroits où elle pouvait autrefois accueillir des invités pour qu’ils dorment ou se reposent, avec une grande cheminée de briques liée à un complexe réseau de tuyaux de plomb, pour réchauffer tous les lieux de vie et la salle de bain. Tout ce qui est coûteux est également coûteux à entretenir — Le poêle était débordant de suie, les gouttières étaient tombées sous les coups de l’humidité, et des nids d’oiseau avaient été installés presque sous chaque fenêtre. Si Isabelle allait à l’étage, ce n’était aujourd’hui plus que pour se laver, ce qui restait assez rare.

Le rez-de-chaussée n’était pourtant pas mieux loti. Le parquet craquait, un carreau qui menait au jardin avait été cassé, et on voyait des traces de terre avec la forme de pattes de chatons partout sur les étagères. Il faisait froid, le vent circulant fort librement à travers un couloir qui était absolument sombre.
Detlef sortit de sa poche un petit briquet en amadou, qu’il alluma et posa au bout de son bras droit étendu, afin d’offrir une minuscule flamme avec laquelle tenter de se guider. Le long de sa marche, il se mit à poser plein de questions d’un ordre fort patrimonial à la vieille dame.

« Il vous a coûté combien de couronnes, ce patio ?
Ah, hmm — couronnes de l’Empereur Luitpold, c’est ça ? Oui, oui…
Et ça demande beaucoup de bois pour chauffer tout ça ? Huit stères je pense, au moins. Ah non, sept ? Ah, c’est économe en fait — enfin si ça marche toujours, autrement faut que je fasse venir quelqu’un. »


Pour la première fois depuis peut-être dix ans, Isabelle pouvait à nouveau crâner devant quelqu’un avec sa propriété. Car le manoir avait beau être dans un état dégénéré et lamentable, il restait du foncier installé sur une terre — et Detlef, en tant que tout petit noble, semblait déjà intéressé même par le capharnaüm tout autour de lui.

Voulant visiter au moins une pièce, Detlef ouvrit la bibliothèque.

Sitôt qu’il ouvrit, son briquet prit sa flamme dans une toile d’araignée. Celle-ci se consuma sous ses yeux alors qu’il eut un petit mouvement de recul — le petit insecte grimpa à toute vitesse au-dessus de la clenche de la porte.

« Heu… Installez-vous là. Je crois que cette bougie peut encore marcher. »

Il accompagna Isabelle jusqu’à un vieux fauteuil débordant de poussière. Il y en avait partout : sur toutes les tables, sur toutes les étagères, même sur les vitres, le miroir, ou le gros globe terrestre qui était devant la fenêtre aux carreaux si sales qu’on ne pouvait presque plus voir au travers.
Detlef ouvrit un tiroir. Il fut immédiatement pris d’une quinte de toux. Il ouvrit un deuxième — cette fois il éternua. Il trouva quelques vieux bâtons de chandelle, mais la plupart avaient la mèche si humide qu’elle ne brûlait plus. C’est au bout d’une fouille pénible qu’il parvint finalement à remettre un tout petit peu de lumière dans la pièce.

« Faut faire attention à ça. »

Il désigna le candélabre au plafond — la chaîne qui le retenait s’était oxydée de rouille, et menaçait probablement de s’écrouler.
La bibliothèque ne méritait pas son nom : elle était presque totalement vide.

Autrefois, ces meubles débordaient de volumes, d’histoires, de récits et d’ouvrages théologiques de toute sorte. Beaucoup d’incunables imprimés sans grande valeur monétaire, mais qui permettaient de remplir son cerveau de connaissances. Et quelques livres de collection enluminés, bien plus inestimables. Isabelle avait passé des journées et des soirées à la petite étude que Detlef ouvrait, juchée qu’elle était pour rédiger ses lettres ou ses notes de travaux. Elle avait invité beaucoup de monde, ici. Balthasar Gelt lui-même, quand il était plus jeune, avait passé deux jours là où elle était assise, à consulter sa collection. Et son fils… Son fils jouait parfois par terre, sur le tapis, à monter des petits cubes les uns sur les autres pour construire des châteaux de bois, quand elle ne l’engueulait pas parce qu’elle ne pouvait pas se concentrer à cause du bruit.
Presque tout avait été vendu. Les livres sont faciles à vendre. Hanna avait rempli des brouettes entières de bouquins, à remettre à des brocantes ou des libraires. Elle n’avait pas toujours fait de bonnes affaires, elle avait cédé un bréviaire de Sigmar pour le prix d’un petit psautier de poche. À quoi bon garder des livres, de toute façon ? Son fils les adorait. Mais le jour où son fils avait été remis aux répurgateurs, plus personne n’aurait pu hériter de ces vieux libelles qu’elle avait déjà parcourus bien trop souvent. Et puis, sa mémoire fuyait, et cela faisait depuis longtemps qu’elle ne se remémorait qu’avec parcellarité des chansons de gestes Bretonniennes et du théâtre Tiléen.

« Hé ?
C’est quoi ce tableau ? »


Il n’y avait plus rien dans les étagères, plus rien sur les murs, plus rien au sol — on avait retiré les tapis, les tapisseries, même des meubles entiers parfois.
Mais il y avait encore un cadre obstinément accroché dans le petit couloir qui menait vers la buanderie. Bizarrement, on n’avait pas vendu celui-ci. Ou on ne l’avait pas caché au grenier.
Detlef l’attrapa et le retira de son clou. Il souffla dessus, et à nouveau, ses poumons furent assaillis. Péniblement, en étendant ses bras pour que ses mains tiennent le dessus et le dessous du cadre, il le ramena jusque devant le fauteuil d’Isabelle.

« C'est très joli. Mais c'est qui tous ces gens ? »

Isabelle avait de quoi se figer.

Le tableau n’était pas une peinture — c’était un croquis au fusain, mais grandeur nature, fait par un gribouilleur fort expérimenté. Un grand cadre, avec force de détails dessus.
Au centre, il y avait une jeune femme au visage fermé, dur, et sévère.

C’était elle.
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Elle portait un voile sur la tête. Une jolie robe cintrée qui couvrait toute sa peau. Une tenue d'extérieur. Cela faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas porté des vêtements comme ça. Toute son attention était happée par ce visage, par le choc de se voir elle-même.

Et petit à petit, comme avec un instrument d’optique, sa focale s’agrandit, et son champ de vision portait maintenant sur un groupe d’individus.
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Elle avait l’impression de connaître toutes ces personnes. Toutes. Et pas juste comme s’il s’agissait de connaissances lointaines. Ce n’étaient pas des collègues. C’était plus, beaucoup plus que ça.
Comment avait-elle pu les oublier ? Ils entraient dans son cerveau de force, alors qu’elle les avait volontairement chassés depuis des années. Des années.

Yonec. Gwenwyn. Rainfred. Fedele. Lauretta. Caton.

Elle ne savait plus exactement qui était qui. Mais revoir leurs visages, si réels, la secoua.
C’étaient des amis. Des amis très proches.
L’un d’eux, c’était un amant.


Mais le plus formidable se cachait juste derrière eux.

La chose qu’elle avait le plus redouté perdre.

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Un magnifique Golem, grand comme quatre pieds, gros comme un troll, se tenait avachi derrière eux. Un engin de métal, puissant, et invincible. Avec deux orbes enflammées en guise d’yeux, et un fléau d'armes disproportionné afin de permettre à ses mains d’ogre de s’en saisir.

Toute cette compagnie se trouvait devant une grande ville.

En bas du tableau, il y avait une inscription manuscrite en reikspiel, avec un cœur.

Pour mon aimée au Cœur de Fer,
Pavona, 2487.
Jet d'intelligence : 11, échec de 1 seulement : tu sais l'essentiel sur les archives d'Altdorf, et tu te souviens plutôt bien de Detlef.

Jet de souvenir : 20, échec critique. Le tableau te saisit. Tes souvenirs sont totalement mélangés. La vue du golem te choque un peu.

Jet d'endurance : 10, échec de 2. Tu as un peu envie de pleurer en te rendant compte que t'as perdu un énorme morceau de ta vie. En 2487, tu avais 25 ans.
Tu n'as absolument aucune idée de ce que tu as fait à 25 ans. Alors que tu sais que c'était un moment important de ta vie. On a volé un gros morceau de toi.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

A la question de Detlef, le visage de l'hôtesse s'ouvrit dans un large sourire.

« Oui, nous sommes ici en famille! Tu peux m'appeler Dame Isabelle. »

Son visage s'était refermé sur ses dernières paroles. Si elle était prête à faire des ronds de jambe pour amadouer son invité, l'ancienne magistère n'en oubliait pas pour autant son rang. Famille ou non, elle n'avait pas vécu presque un demi siècle de prestige pour se faire ainsi traiter, telle une vulgaire paysanne.
De plus, cela signifiait bien à son invité que, malgré son apparence, Isabelle n'en restait pas moins autoritaire. Si la tendresse de la lettre avait permis d'attirer ses proies dans son antre, cette soudaine fermeté leur interdirait de la croire gâteuse et facilement influençable.

Mais Isabelle n'était pas au bout de ses peines quant aux manières "étranges" de Detlef. Lorsqu'il préféra la table au canapé, bien trop proche d'elle à son goût, Breitenbach cligna plusieurs fois des yeux en se redressant. Pourtant, elle ne s'en offusqua pas, retenant un sourire devant cette audace inconsciente. La proximité de ce puissant bonhomme était bienvenue : depuis combien de temps un mâle ne s'était pas ainsi approché d'elle, la faisant se sentir belle et intimidante? Balthasar ne comptait pas, Isabelle l'identifiant plus comme une tôle brillante sans une once de charme.

Detlef conta donc rapidement sa situation, sa vie auprès de sa famille et de sa femme. Pas d'éloges pompeuses, pas de détours interminables, pas de faux-semblants, juste une certaine retenue pour éviter de trop agonir de sa belle famille. Pendant ce temps, Isabelle sirotait son brandy, oubliant même de s'allumer une nouvelle cigarette.
L'homme ne désirait pas se plaindre, mais il n'était clairement pas heureux. Pourtant, l'amour partagé avec sa femme restait l'unique phare de la nuit morne qu'était sa vie. Fait important que la vieille n'oublia pas de noter : ils n'avaient jamais eu d'enfant, malgré leurs nombreuses tentatives. Aujourd'hui, il était probablement trop tard pour concevoir, mais l'information pourrait s'avérer utile.

La maîtresse de maison ne dit rien, même une fois le récit de son invité terminé. Elle savait qu'il avait plus à dire et pressa ses paroles à coups de silence.
Bien évidemment, elle avait vu juste et, quelques secondes plus tard, Detlef attaqua. Il attaqua même plus sincèrement que Breitenbach ne s'y attendait, toujours sans le moindre détour, fonçant tête la première dans le vif du sujet. Que c'était bon! Pas besoin d'étaler la conversation sur plusieurs heures, contournant le sujet tel un requin en traque pour l'attaquer ensuite lentement. Il y a bien longtemps, Isabelle se délectait de ce jeu, mais ce soir, elle était juste fatiguée et préférait la sincérité presque brutale de son invité.

Le nordique ne comprenait pas l'invitation d'Isabelle, ne se sentant pas particulièrement proche d'elle. Sa question était la suivante : pourquoi lui donner son manoir? Quelle audace! Breitenbach ne se souvenait pas d'avoir mentionné l'héritage autrement que par de lointaines allusions. Detlef pensait-il qu'elle allait lui laisser les clés et s'en aller mourir juste après? Non, il n'était pas stupide à ce point, mais manquait d'une bonne dose de tact et Isabelle ne s'en formalisa pas.
Inutile de tourner autour du pot et, si son invité ne prenait pas de pincettes pour traiter ce sujet délicat, la maîtresse de maison ne le ferait pas non plus.


« Mon bon Detlef. Puisque tu m'as fait don de ta sincérité, je vais en faire autant. Tes lettres annuelles n'ont que peu pesé sur la balance de ma décision. Elle m'ont surtout servi de rappel à ton existence, aussi n'ont-elles pas été totalement inutiles.
En réalité, j'exècre les Breitenbach au moins autant que toi, si ce n'est bien plus. Je cherchais donc de vilains petits canards - ne t'offusque pas, parmi eux, ce terme est un compliment. Des héritiers potentiels susceptibles de proférer ma dernière insulte à l'égard des miens. »


De son ongle doré, elle fit tinter son verre avant de le reposer sur la table, signifiant qu'elle désirait plus de brandy.

« Cette bande de dégénérés pédants - ta femme exclue - ne t'accepteront jamais vraiment parmi eux. Mais, comme tu l'as dit, ils se montreront dociles si cette demeure venait en ta possession. N'oublie jamais la nature de ces chacals et ces qualités qui font que tu n'es pas totalement un Breitenbach. Moi-même, je le suis de sang, mais mon âme se répugne de cette appartenance.

Car oui, c'est bel et bien pour une question d'héritage que tu te trouves en ces murs. Ne te méprends pas, cependant : le manoir n'est pas encore à ton nom, loin de là. Car ma décision n'a pas encore été prise. Un autre vilain petit canard doit nous rejoindre. »
Elle observa sa montra à gousset. « Mais je t'avoue que son retard n'est pas à son avantage. »

Elle leva les yeux vers Detlef et le gratifia d'un clin d'œil malicieux.

La montagne se leva ensuite, son regard évaluant frénétiquement la pièce. Une visite, c'est ce qu'il désirait, pour évaluer les dégâts! Décidément, il avait sa manière bien à lui de parler affaires. Cette fois, Isabelle se vexa. Le nordique pensait déjà sa demeure en poche et son hôtesse dans un cercueil! Pour qui se prenait-il, ce demi Breitenbach?!
A moins que l'ancienne magistère ne tentait de justifier sa honte à l'idée de faire visiter une demeure en si piteux état? Une telle demande n'était pas si originale. A peine quelques secondes plus tôt, la vieille se satisfaisait de ne pas avoir à tourner au tour du pot. Aussi, Isabelle se retint de tout commentaire et tendit simplement son bras à Detlef pour qu'il l'aide à se relever.

Quelle force! Telle une poupée de chiffon, le nordique l'avait soulevée et calée sur ses trois pieds. Puis ensembles, ils étaient parti en exploration. Bien que renfermée et tendue au début, Isabelle finit par se détendre et se prendre au jeu. Elle donnait de plus en plus d'anecdotes, pointant des détails de sa demeure à l'aide de sa canne. Bien vite, son flot de paroles finit par supplanter celui de son invité, qui avait juste besoin de quelques précisions.
Après un petit malaise devant les escaliers, le duo avait décidé de rester à leur niveau. Sigmar soit loué!

Breitenbach se surprit à apprécier ce petit tour, bien moins pénible et accablant que prévu. En tant qu'expert, Detlef voyait au travers de la crasse et de la poussière, jugeant chaque pièce pour ce qu'elle avait été et pourrait donc redevenir. Isabelle illustrait l'ensemble, ouvrant une fenêtre sur le passé pour rappeler le mobilier aujourd'hui vendu ou en ruine. Elle contait des anecdotes mentionnant des invités de marque, l'origine de telle matière, la provenance de tel miroir.


« Si si, de manufacture naine! L'origine était douteuse, aussi étais-je obligée de cacher l'artefact lorsque j'avais un invité du peuple des montagnes. Figurer sur un livre des rancunes n'était pas dans mes priorités... »

L'hôtesse s'égara plusieurs fois dans ses anecdotes, traitant plus de ses aventures passées que des propriétés du manoir. Sa mémoire ne lui fit que rarement faux bond, les noms, soudées aux histoires, sortant d'eux même. Du moins, jusqu'à l'arrivée dans la bibliothèque.

La fatigue commençait à se faire sentir, aussi Isabelle accepta de bonne grâce de gagner le fauteuil. Une fois la pièce un peu plus éclairée, l'hôtesse fut frappée de redécouvrir son lieu d'étude si... vide. Tant de choses s'étaient déroulées ici, tant d'études, d'apprentissages, de découvertes. Mais alors qu'elle revoyait les livres fantômes sur les étagères moisies, une autre silhouette éthérée passa devant les yeux d'Isabelle. Wilfried assemblait avec soin, aux côtés de la petite étude. Soudain, il se cabrait comme si on lui avait hurlé dessus et sa structure s'effondrait misérablement.

La maîtresse de maison préféra fermer les yeux pour se libérer de ses fantômes. Detlef aurait rapidement terminé ses évaluations et alors ils pourraient continuer leur visite. Mais c'était sans compter sur la découverte de son invité. Bien obligée, Breitenbach rouvrit les yeux et fut frappée de surprise. A quelques centimètres d'elle se trouvait... Isabelle von Breitenbach. Belle, jeune, plus forte et intrépide que jamais. D'une main tremblante, elle attrapa le tableau pour le mettre à distance correcte de ses yeux.

Sa vision s'ajusta, dévoilant plusieurs visages familiers. Des noms s'agglutinèrent même dans son cerveau, mais aucun ne trouva sa cible. Mais... cette forme dernière... ce n'était pas un bâtiment! Une formidable créature, antiquité oubliée dans les registres mémoriels d'Isabelle. Comment un tel pan de sa vie avait-il pu disparaître ainsi? Pourtant, à la manière d'un rêve sinueux, le souvenir lui échappait des mains. Mais pas les émotions, la saveur de cette époque révolue tout juste redécouverte.
Que c'était dur, que cela faisait mal. Un tel gouffre la séparait de son passé que Breitenbach se posa la question : pouvait-on encore considérer la belle femme sur l'image et la vieillarde sur son fauteuil comme une seule et même personne? Avaient-elle même existé dans le même monde? Partageaient-elles vraiment quelque chose en commun?

Elle entendit à peine la question de Detlef, mais ses lèvres bougèrent toutes seules, soufflant un murmure :


« Yonec. Gwenwyn. Rainfred. Fedele. Lauretta. Caton. »

L'inscription en bas de l'œuvre enfonça un nouveau pieux dans son cœur. Cette scène avait quarante deux ans. Le tableau avait été offert par un amant, probablement représenté sur le tableau. Mais qui donc? QUI?! L'homme barbu à sa gauche était bel homme, pourtant elle n'aurait pu affirmer avoir partagé sa couche. Et ce golem! Ce formidable golem! Qu'était-il advenu de pareille aboutissement de son art?
Isabelle sentit la mélancolie l'envahir, un manque qui l'avait rongée même lorsqu'elle était Grande Trésorière de l'Ordre Doré. Un besoin d'aventure, de découverte, d'exploration. Diable, même en redécouvrant son propre manoir, l'hôtesse avait senti une certaine extase, oubliée jusque-là! Si son futur n'avait rien à lui offrir, alors elle devrait redécouvrir son passé, en commençant par Wilfried.

Sa vue commença à se brouiller. Un raclement de gorge, un coup de manche pour éponger ses yeux sans trop massacrer son maquillage et Isabelle retrouva un peu de contenance.


« Retournons au salon. »

Elle offrit son bras à son invité pour qu'il l'aide à se redresser, puis ensembles, il retraversèrent le manoir. Isabelle garda le tableau entre ses mains et ne lâcha pas le moindre mot jusqu'à la fin de leur "périple". Une fois au salon, elle se libéra du bras de Detlef et alla soigneusement déposer le tableau au dessus de la cheminée, en face de son fauteuil. Ce geste n'avait pas pour but de la replonger dans sa mélancolie : la Dame de Rouille voulait se rappeler. Elle en était persuadée, fixée l'œuvre finirait par déverrouiller sa mémoire. Et alors, Isabelle aurait de nouveau un passé.

La soirée allait encore être longue, aussi l'hôtesse préféra-t-elle s'allumer une nouvelle cigarette plutôt que de se replonger dans le brandy. Comme souvent lorsque sa maîtresse avait un coup de mou, Tink vint s'asseoir sur ses genoux.


« Il te faut comprendre quelque chose Detlef. Certes, mon âge est avancé, mais j'ai encore des affaires à régler avant de rejoindre les Jardins de Morr. C'est la raison principale de toute cette mascarade. L'âge et la trahison m'ont ôtés de tous mes alliés. Or, c'est aujourd'hui que j'ai besoin de gens de confiance. »

Isabelle se pencha en avant, plongeant ses yeux mi bleu, mi fer dans ceux de son invité.

« J'ai besoin d'une dernière aventure Detlef. C'est le prix de mon héritage. »
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Detlef avait changé d’humeur. Tout franc et balourd qu’il était, il s’était vite rendu compte à quel point sa « trouvaille » dans la bibliothèque avait mit la maîtresse de maison mal à l’aise. Il avait grommelé de multiples excuses à peine audible, avait soigneusement embarqué le tableau sous son bras, et alors qu’il reprenait la dame fébrile pour la ramener au salon, il le faisait à présent d’un air plus morose, en baissant la tête.

« Je… J’vais couper de la tarte. »

Le temps qu’Isabelle se tranquillise et retrouve toute sa prestance avec une nouvelle cigarette, Detlef se débrouilla pour agir en fée du logis. Lorsqu’il revient dans la pièce, après une absence de plusieurs minutes, c’était avec deux assiettes où étaient posées dans chacune une cuillère et une part de pâtisserie.
C’était un joli morceau de pâte brisée surmontée de pommes de toute fin de saison — en Nachexen, on mangeait les plus tardives d’hiver, un cultivar particulièrement croquant et acide. Mais le boulanger à qui l’Ulricain avait commandé le gâteau était parvenu à adoucir le tout aidé d'une grosse quantité de miel et d’amandes, aussi, le résultat était franchement délicieux.
Surtout quand on avait passé la journée à très peu manger.

« Une aventure ?
Ma foi, Dame Isabelle, c’est… Disons que ça attise ma curiosité. »


Avec le côté d’une fourchette, il se tailla un généreux morceau de tarte qu’il posa dans sa gueule en mâchant avec avidité. Par habitude, il se mit à parler la bouche pleine, mais, comme s’il subissait les remontrances de quelqu’un qui n’était pas là, il se ravisa bien vite — il attendit de déglutir pour ouvrir son caquet et cracher son morceau.

« Je vais être honnête avec vous — votre histoire, je… Je la connais en fait peu. Les von Breitenbach, toute votre famille, ils doivent être au courant de beaucoup de choses, ma femme a quelques bribes d’informations, mais moi, envers moi, ils sont toujours… C'est quoi le mot ? Laconiques, j'crois. Je l'utilise bien ?
Enfin, heu, on dit que vous êtes une grande magicienne, et qu’autrefois vous siégiez parmi le Conseil d’État. Mais vous vous êtes retirée de la vie politique bien avant le Déluge d’Archaon — et c’était jeune pour… Pour prendre sa retraite, quoi.
Ce que je veux dire, dame Isabelle, c’est que… Si vous avez des rancœurs, des comptes à solder, des choses à faire, je peux peut-être les comprendre. Mais ce que vous choisissez de révéler à moi, c’est à vous de tout choisir. »


Il observa sa part de tarte, et fit un grand sourire.

« Délicieuse, hein ? C’est de chez Lieberhen, le boulanger du Wolftor. »


Wolftor. Le quartier Ulricain d’Altdorf. Il fallait faire un petit détour depuis les Archives pour s’y rendre.
Peut-être que Detlef y avait encore quelques affinités. C’est difficile, pour un homme, d’oublier ses racines.

« Plus jeune j’étais mercenaire. Enfin, franc lancier, qu’on dit. J’avais un cheval et une lance, et j’allais me battre. Comme un chevalier errant de Bretonnie — mais sans les poèmes. À cette époque, j’aurais pu proposer ma lame, et des costauds que je connaissais ou qui me devaient des faveurs.
Aujourd’hui, j’ai plus grand-chose à vous offrir. Je suis gros et fatigué tout le temps, et mes camarades c’est des scribes pointilleux. Les seules fois où j’entre au Volkshalle c’est pour empiler des papiers dans une boîte en métal, on a vu plus alléchant comme butin à transporter dans une charrette ferrée. »


Il attrapa la bouteille de Vallée-Lyrie pour resservir la maîtresse, quand bien même elle avait préféré se limiter en boisson — au moins, il respectait son vœu de l’appeler Dame Isabelle, comme elle en avait exprimé le souhait.



On sonna à la clochette de la porte. C’était un son surprenant — Gelt et Detlef avaient tous les deux préféré toquer. La vieille clochette rouillée à la corde humide pouvait donc encore sonner. Petit Tink se leva des genoux de sa maîtresse, et de son pas de l’oie robotique, il se dirigea tout droit vers le couloir. À son passage, l’Ulricain sembla se raidir — il cessa soudainement de manger, et pesta quelque chose.

« Arschgeige… »

Que ce soit de la peur ou de la colère superstitieuse, il ne put s’empêcher de dresser son auriculaire et son index vers le sol — un signe vulgaire et insultant dans les phalanges d’un Ulricain. C’était à se demander s’il n’allait pas sortir une hache dont ne sait-où pour charger la petite créature métallique et la détruire.

« L’autre vilain petit canard, c’est ça ? »

La porte s’ouvrit. Il y eut une pause dans l’entrée, et des murmures assez inaudibles. Certainement que la personne qui venait d'entrer se devait elle aussi, comme tous ceux l’ayant précédée, de gérer ses émotions devant tout un tas de vues choquantes — l’automate fumant, l’odeur de renfermé, la pagaille absolue…
Mais cette personne fut assez polie pour suivre obéissamment Tink. Elle mit donc une longue minute à rejoindre les deux autres dans le salon.
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C’était une très jolie jeune fille. Grande, étonnamment grande pour une femme — si Detlef s’était levé, on aurait pu voir qu’elle atteignait le géant à l’épaule, mais l’Ulricain choisit de rester les fesses posées sur son morceau de table. Des cheveux noirs mi-longs, fins mais qui tombaient jusqu’à ses épaules. Un visage bien formé, maquillé de sorte qu’on ne découvrait pas d’imperfections, de boutons ou de taches sur sa peau. D’ailleurs, elle avait une mise très jolie, comme Isabelle n’en avait plus vues depuis des années. Elle était vêtue d’une robe provocante, du moins selon les mœurs des vieux Altdorfers les plus prudes : les bras totalement dénudés étaient normaux à la cour du Roy Louen, moins le fait de dévoiler la poitrine et les hanches.
Petra von Breitenbach était jolie et sentait très fort le parfum, de telle sorte que son odeur cocottait aux narines d’Isabelle. Mais si sa fragrance donnait mal à la tête, c’était, peut-être, un mal pour un bien : l’odorat de l’alchimiste s’était un peu trop habituée à l’humidité et à la moisissure de son manoir décrépit.

« Ma dame. C’est très sale chez vous. »


Elle avait dit ça d’un ton froid, et un peu condescendant. La jolie jeune femme agita ses doigts vers l’Ulricain, comme pour lui faire coucou.

« Salut Detlef, fit-elle d’un ton faussement taquin.
– Petra, répondit-il avec un air sec de sergent.
– Il est à toi le voiturier devant ?
– Je le loue pour la soirée, je ne suis pas encore propriétaire des Quatre Saisons.
– Mesquin et paniqué comme tout — en me voyant « surgir » du chemin, il a mit la main au pistolet dans son veston ! Tu trouves que j’ai une tête à faire peur à des gros messieurs, Detlef ?
– Hmpf… Tu… tu es en retard, apparemment », bégaya-t-il en ne trouvant pas de quoi riposter à la pique.

Elle lui offrit un grand sourire carnassier, et ricana. Elle s’approcha tout droit d’Isabelle, se pencha, attrapa la main de la dame…
…Et comme si elle était un homme, elle offrit un baise-main à la maîtresse de maison.

« Pardonnez-moi, ma dame… Je pourrais vous offrir des explications, si vous me les demandez, tout naturellement… mais je trouve très impoli de se justifier de soi-même quand on commet un impair — j’espère que vous trouverez simplement dans votre cœur la bonté de m’excuser. »

Elle papillonnait des cils après avoir sorti tout ça d’une traite d’un ton langoureux. Puis, elle alla vers le fauteuil qu’avait boudé son « collègue », et s’avachit dedans en poussant un soupir.

« Je suis totalement crevée, par contre…
Detlef, peux-tu être un ange et m’offrir un verre ? »


L’Ulricain lui tendit son verre à lui, et préféra boire le Vallée-Lyrie au goulot, comme un soldat.

« Je dois avouer que la lettre ne précisait pas que j’aurais le plaisir de voir Detlef zu Ogenhammel ici ! Une personne plus cynique que moi pourrait presque y déceler une quelconque manœuvre dans le but de faire s’opposer des candidats. »


Et en portant le verre à sa bouche, elle offrit à la Dame de Fer à nouveau un grand sourire enjôleur, de ses dents parfaitement blanches, et aux yeux pétillants — mais un peu rougis. Par l’alcool et la fatigue, peut-être.

« C’était un très joli morceau, la jeune fille qui m’a donné votre lettre. Où avez-vous trouvé ça ? »

Jet de connaissances générales : 15. Pas plus d’infos à te donner sur tout ce que Detlef te raconte.

Jet d’observation (Malus : -4. T’as pas de compétence style Empathie/Acuité visuelle/Sens du détail…) : 11. Pas grand-chose de plus à te dire sur miss Petra non plus.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Une femme de la stature de la Dame de Fer se devait de faire preuve d'une certaine retenue lors des repas. Picorer doucement son assiette et se considérer comme repue bien avant de l'être. Si Isabelle avait toujours respecté cette règle avant sa décadence, elle aimait cependant s'épanouir les papilles. Malgré le gâchis terrible que cela causait, Breitenbach voyait chacun de ses repas garnis de plusieurs mets raffinés, ne piochant que quelques bouchées dans chacun. Le banquet terminé, il restait souvent assez pour en débuter un autre.
Les restes étaient-ils redistribués ensuite? Evidemment, non.

Aujourd'hui, la tenue sociale s'évaporait. La tarte était bonne et Isabelle avait très faim. Les gouttes de laudanum lui avaient permis de tenir jusqu'alors, mais leur récente expédition au sein du manoir avait creusé l'appétit de la vieille. La part disparue à grandes bouchées, Isabelle parvenant à peine à rattraper un fugitif morceau de pomme d'un cou de dents vorace.
La cuisine répugnante d'Hanna ne l'aidait pas à se contenir, Isabelle redécouvrant dans cette tarte son goût de la saveur.

Pendant ce temps, Detlef tempérait. Il ne connaissait que bien peu l'histoire de la Dame de Fer et ne savait donc pas évaluer l'ampleur des enjeux de cette mystérieuse aventure. De plus, s'il avait été un féroce guerrier, ce temps était révolu. Les seules batailles qu'il menait aujourd'hui étaient contre des régiments de documents administratifs. Un simple coup d'œil à sa bedaine illustrait ce fait mieux que n'importe quelle parole.
Mais si Isabelle pouvait affirmer quelque chose aujourd'hui, c'était que le corps et l'âge n'étaient qu'une coquille. Ce qui brûlait en son sein dépendait entièrement de la volonté du personnage.


« Je ne m'inquiète pas vraiment à ce sujet. Si c'était le cas, j'aurais jeté l'éponge depuis bien longtemps et me serais lancée du haut de mon manoir. Tu te considères comme un archiviste, mais ce travail te dévore d'ennui. J'ai bien vu l'étincelle dans tes yeux à la mention d'une aventure.

Detlef, même sur ton lit de mort, tu te souviendras de tes batailles, de comment tuer un homme, des contrées que tu as exploré. Ces choses-là s'étouffent, mais ne meurent qu'avec nous. Pas avant.

Des années d'enfermement n'ont pas suffi à éteindre ma forge et ce, malgré mon acharnement. La tienne doit être encore vive, brûlante, à une étincelle du fourneau incandescent. Comptes-tu réellement l'éteindre à jamais? Finir le dos ruiné par la paperasse? »


Elle se renfonça dans son fauteuil, son œil inquisiteur prenant une teinte amusée.

« Mais je vais un peu vite en besogne. Pour moi-même, cette aventure est encore un grand mystère. Ne vas pas déjà t'imaginer que j'ai l'intention de voler le trésor d'un dragon ou d'explorer le Labyrinthe de Cristal. Mon but est certain, mais l'acheminement reste très vague. Il me faut... »

L'antique sonnette fit sursauter les deux interlocuteurs. Isabelle mit plusieurs secondes à l'identifier. Tink se leva immédiatement pour aller dodeliner jusqu'à la porte d'entrée. Sa maîtresse due se retenir de rire en remarquant la réaction de son invité.

« Eh bien! Si Tink te semble être un adversaire insurmontable, peut-être la paperasse a-t-elle fini par avoir raison de toi! »

Isabelle le taquinait. Elle ne se lasserait jamais d'observer la réaction des non-initiés face à des créatures telles que son petit serviteur. Ce dernier la côtoyait si régulièrement qu'elle lui semblait aussi naturelle que la fourchette utilisée pour ravager sa part de tarte.

Pourtant, dans l'entrée, la nouvelle venue n'eut pas la réaction escomptée à la vue du morceau de ferraille animé. Certes, il y avait de la surprise, d'après les murmures émotifs, mais la réaction fut rapidement contrôlée.
Dommage, cette petite mise en scène avait pour premier objectif de mettre le ton quant à la nature de la maîtresse de maison : ses invités mettaient le pieds dans la demeure d'une sorcière. Lui manquer de respect pourrait avoir de graves conséquences. Mais, comme Petra allait le démontrer à plusieurs reprises, elle n'était que moyennement impressionnée.


« Plutôt une vilaine petite cane. » Répondit distraitement Isabelle à Detlef.

A peine avait-elle pénétré la pièce que l'animal en avait l'entière attention. Sa carrure, sa beauté mais surtout sa tunique avait de quoi réduire au silence même le plus animé des débats. Cette tenue, d'ailleurs, n'avait aucune affiliation à la noblesse du Reikland. Même en Bretonnie, pareille débauche de chair aurait levé plus d'un sourcil.
Breitenbach ne se sentit pourtant pas totalement démunie face à l'ouvrage. En effet, elle avait un vague souvenir de tuniques similaires dans les contrées d'Arabie, portées par d'indécentes danseuses aux hanches plus mouvantes que le serpent installé sur leurs épaules. Ce souvenir, volatile comme bien d'autre, n'avait ni date, ni lieu exact.

Comme pour mettre le ton, Petra fit une remarque particulièrement osée quant à l'état déplorable du manoir. L'hôtesse rougit de colère mais parvint à se contenir.


« Ma chère, c'est bien aéré chez toi. » Répondit-elle d'un sourire grinçant, sans oublier d'insister du regard sur la poitrine de son invitée.

Plutôt que de démarrer un accrochage avec la jeune femme, Isabelle préféra la laisser se présenter. Petra reporta son attention bouillante sur Detlef et le terrassa en quelques phrases. Le pauvre homme ne faisait pas le poids, balbutiant une réplique peu inspirée alors que la femme savourait sa subtile victoire.

L'ancienne magistère détestait ce genre de femmes. Pourquoi? Car elles étaient de la même trempe qu'elle. Une féroce concurrence venait d'apparaître et le duel qui les opposerait serait sans pitié. La Dame de Fer se considérait comme unique, au dessus de son propre sexe, l'exception à la règle. Elle considérait les femmes comme des créatures fragiles, faibles et naïves. Incapables de se saisir du pouvoir qui était entre leurs mains, elles se contentaient de se soumettre face au sexe mâle. Et tant mieux.

Petra s'était affranchie de ces chaînes et ce, depuis bien longtemps. Sa vie était sienne et sa voie construite uniquement par elle-même. Elle l'affirmait à chaque instant, allant même jusqu'à baiser la main de son hôtesse. Detlef rougit et le visage de la victime de ce geste se crispa de dégoût.
Car pour se libérer toujours plus de la moindre notion de décence sociétale, Petra n'hésitait pas à afficher sa propre nature. Isabelle avait entendu les rumeurs, elle savait identifier les détails et en tirer l'évidente conclusion. La jeune Breitenbach ne porterait jamais d'enfant. Si l'homme était son jouet, la femme était sa seule amante.

Honte à elle! Pour la première fois depuis Sigmar sait quand, Isabelle se rangeait du côté des von Breitenbach. Elle ne jugeait pas l'acte homosexuel en soit. Durant son long compagnonnage, la Dame de Fer avait exploré bien des cultures aux mœurs différentes. Elle avait eu plusieurs amants, dont peut-être certaines du même sexe, humaines ou non. Aucun visage ne lui vint en tête, mais l'expérience ne lui paraissait pas étrangère.

L'affront de Petra était de s'afficher de la sorte, de persévérer dans cette distraction sensée être passagère et d'interdire la moindre descendance légitime. Ce n'était pas une grande perte vue le nom qu'elle portait, mais l'ancienne magistère ne pouvait lui accorder la moindre approbation.


« En effet, je n'en ai cure. Au cours de ta vie, tu as dû passer pas mal de temps à ne pas te justifier. » La remarque cinglante était décorée d'un sublime sourire de grand-mère affectueuse.

Petra n'était pas dupe, elle avait bien compris en voyant Detlef déjà présent que la lettre et l'héritage suggéré ne lui étaient pas entièrement destinés. Isabelle ne cherchait plus à dissimuler cette manoeuvre. Si ses lettres avaient été rédigées d'une main mielleuse, ce n'était que pour attirer ses proies. A présent, elle n'avait cure de l'interprétation douteuse de ses invités.


« D'autres pourraient aussi déceler une certaine forme d'avidité de ces mêmes candidats, impatients de rafler la mise de mes doigts à peine refroidis. »

Isabelle gratifia Petra d'un clin d'oeil. Elle taquinait toujours sans vraiment insulter. Chacun savait pourquoi il était présent, mais depuis l'arrivée de la cane, la conversation avait repris un ton sinueux, germée de faux-semblants et de phrases à double sens. Si la vieille s'était d'abord rassurée de la franchise de Detlef, elle ne rechignait plus à présent de se lancer dans ce bras de fer verbal, surtout face à la nouvelle venue.
Elle pourrait continuer ce petit jeu encore des heures, mais son programme ne lui permettait pas pareil batifolage. Petra voulait jouer. Pourquoi pas, mais la partie serait rapidement expédiée.


« Opposer les candidats? Peut-être bien. Ou pas. Pour ce que je prévois de faire, deux ne seraient pas de trop. Croyez-moi, ce manoir a largement de quoi satisfaire. »

Après un léger flottement, la souillon rajouta un dernier commentaire qui laissa d'abord Isabelle coi. Son esprit embrumé ne comprit pas tout de suite le sens de sa phrase, incapable d'inclure Hanna dans cette conversation. Mais oui, c'était bien elle qui avait attisé le désir de Petra. Une nouvelle carte venait-elle de se mettre entre les doigts osseux de la vieille Breitenbach? Malgré tout, elle restait répugnée par cette allusion grossière.

« La fille de mon ancienne bonne. Hanna. Bien que majoritairement incompétente et pitoyable cuisinière, elle s'est montrée dernièrement d'une certaine utilité. »

Ne préférant pas s'étaler plus longtemps sur le sujet, Isabelle saisit malgré elle le verre servi par Detlef. Elle trempa ses lèvres pour se réveiller, puis reprit, la boisson toujours en mains. Il ne fallait pas aller trop vite en besogne et, comme pour le colosse, l'hôtesse devait s'enquérir de la situation actuelle de Petra. Le récit l'intéressait cependant beaucoup moins que celui du nordique, mais il lui fallait en apprendre plus sur elle pour juger si oui ou non, Isabelle pourrait lui accorder une infime partie de sa confiance.

« Ma chère, maintenant que tu es parmi nous, narre-nous donc tes dernières aventures. »

La vieille Breitenbach se rendit vite compte de son imprécision et préféra rajouter :

« De vie, pas de couche, je te prie. »
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les yeux au ciel — c’était la seule réaction qu’offrit Petra à la tentative de pique de la vieille dame. Ses sous-entendus coulaient sur elle comme l’eau sur un imperméable, et en vérité, la jolie jeune femme s’attarda sur un tout autre sujet.

« C’est une tarte aux pommes, ça ? »

Detlef sursauta légèrement.

« Heu, oui, de chez…
– Lieberhen.
– Oui, c’est ça.
– Il fait la meilleure de tout Altdorf. M’en couperais-tu une part ? »

L’Ulricain ne se priva pas. Tout guilleret, il se releva pour aller chercher une assiette à peu près propre dans la cuisine.
Alors, tout en sirotant son verre de vin, une Petra avachie répondit enfin à la question d’Isabelle.

« J’étais au « Vargr Breughel ». Je n’avais que huit répliques, mais ça aurait été très impoli que je me faufile hors de la fête de la troupe juste après, n’est-ce pas ?
D’ailleurs !
S’arrêta-t-elle pour augmenter le volume sonore et se faire entendre à l’autre pièce. C’est un camarade qui m’a amené ici — tu seras assez galant pour me ramener chez moi juste ensuite, tendre cousin ? »

Le Detlef réapparut avec son assiette. Suite à la question, il haussa bien les épaules avant de se rasseoir.

« Dépends où je te dépose, ça, si c’est sur le chemin.
– Largue-moi juste à Altdorf, je rentrerai toute seule.
– Mmm-mh. Mh. J’ai une chambre d’ami sinon. Mieux que de te laisser vagabonder toute seule à trois heures du mat’…
– Aaah, voilà, là je trouve le Detlef élégant qu’on aime tous. »

Le Vargr Breughel. De ce qu’Isabelle se souvenait, c’était un théâtre dans la rue des Cent Tavernes — l’option médiocre et populo du vrai Théâtre d’Altdorf, qui d’ailleurs s’appelait « Théâtre d’Altdorf » tout court, sans avoir besoin d’utiliser d’autres adjectifs ronflants. Le boui-boui dans lequel Petra officiait devait porter un nom complet du genre « Maison de Divertissement Vargr Breughel », ou « Scène commémorative Vargr Breughel », une bêtise de ce genre.

Enfin. Petra profita bien de sa part de tarte. Et voilà que Detlef, au lieu de laisser Isabelle parler, se mettait à lui aussi poser des questions à la jolie damoiselle.

« Y avait quelle pièce du coup ?
« Le Plénipotentiaire Éloquent », répondit Petra la bouche pleine. C’est une farce burlesque, qui raconte l’histoire d’un aristocrate du Volkshalle qui est puni par l’Empereur — il est envoyé au Stirland profond pour aller réclamer des impôts à plusieurs barons et chefs de village arriérés et consanguins.
Moi je jouais une des seigneuresses morte-vivante de Sylvanie, le pauvre Plénipotentiaire venant chez nous pour réclamer des impôts vieux de quatre cents ans.

– Il paraît que c’est un metteur en scène génial, Detlef Sierck.
– Oui, quand tu es spectateur. Quand tu es acteur tu vois surtout un homme vulgaire, égocentrique, lunatique et capricieux comme un enfant. Beaucoup d’artistes sont persuadés que leurs tares sont acceptables parce qu’ils ont du talent.
Mais enfin, paraît-il que je n'ai pas le droit de me plaindre — c’est mal payé, c’est épuisant, mais sais-tu qui a assisté à notre représentation ?
Le Prince Héritier Wolfgang. »


Elle avait patiemment attendu de déglutir sa bouchée de tarte aux pommes avant de dire ça avec un immense sourire de louve.
Est-ce que ce prénom était censé dire quelque chose ? Normalement oui. Parce que Detlef, ce Detlef débonnaire, stoïque, franc, arbora une expression telle qu’il n’en avait pas eue depuis son arrivée dans le manoir :
Il écarquilla les yeux, arrêta de se bâfrer (Il reposa même son assiette, tellement ce gourmand était choqué), et voilà que, à présent, il commença des phrases sans les terminer.

« Wolfgang ? Le… Le Wolfgang ?
Nan… Nan tu dis… Mais… Attend… Le neveu ? Mais… Nan, il est jamais à Altdorf, il… Il est à Ubersreik, enfin pas Ubersreik il a pas le droit, mais Roc-Noir, c'est… il est pas… Enfin il a le droit, mais… Normalement, il vient…

– Wolfgang Holswig-Abenauer. Tu en connais plusieurs qui ont un nom comme ça ? »

Karl-Franz I von Holswig-Schliestein, par la Grâce des Dieux, Empereur-Héritier de Sigmar, Grand Prince et Électeur du Reikland, prince d’Altdorf, margrave de la Marche de l’Ouest, protecteur d’Ubersreik et Kemperbad, comte de Dunkelburg, baron de Weissbruck, et Vainqueur d’Archaon (Ce dernier titre étant probablement le plus immensément polémique), resterait probablement dans l’Histoire comme l’un des plus excellents chefs d’État que l’Empire eut la chance d’avoir.
Mais Karl Franz I etc. n’était plus tout jeune. Quel âge devait-il avoir, à présent ? Soixante ans. Dans ces eaux-là, c’était certain. Et pourtant, personne ne savait si sa succession se déroulerait correctement.
Il avait deux proches mâles qui s’étaient en théorie déjà répartis la suite ; Luitpold, le fils bâtard qu’il avait eut avec sa cousine, hériterait d’Altdorf, de la protection des villes du Reik comme Weissbruck et Kemperbad, et de toutes les seigneuries autour — ce qui était un gros morceau. Mais Luitpold était un enfant maladif, fêlé, dont la rumeur populaire des basses-fosses de la Reikberbahn voulait qu’il possédât un jumeau maléfique caché par la Reiksguard, retenu par des chaînes pour ne pas voler dans le ciel avec des ailes de chauve-souris.
Wolfgang, c’était son neveu. L’enfant de sa petite sœur, qui elle, avait fait un mariage correct et officiel dans une église religieuse. Pour éviter que son fils se fasse spolier après sa mort, Karl Franz avait forcé une médiation entre les deux — Wolfgang devait hériter de tout ce qui ne reviendrait pas à Luitpold, c’est-à-dire du cœur du Reikland, de la soixantaine de villages et de petits châteaux, des vignobles historiques contrôlés par la famille Holswig-Schliestein d’une manière quasi-féodale.
Et qui hériterait de l’Empire ? Aucun, puisque dans le texte, l’Empire a un trône électif, non transmissible. Mais il était difficile d’imaginer vraisemblable la possibilité qu’une dynastie qui avait constamment été élue depuis un siècle perde soudainement ce privilège.

Qui hériterait du siège d’Électeur ? La médiation avait promis la dignité à Wolfgang, un profond désaveu de la part de Karl Franz envers son fils. Et voilà que Wolfgang s’était empressé de s’auto-nommer « Prince Héritier », comme si l’Empire lui reviendrait dès la mort de son oncle maternel. Et puis, c'était un moyen pour lui de réclamer les Freistadt du Reik, qui étaient loyales à l'Empereur et non au Grand-Prince du Reikland, quand bien même ces deux personnes morales étaient une seule aujourd'hui.
La médiation avait en fait lésé et humilié les deux candidats. À cause du casse-tête qui allait inévitablement naître de l'héritage, et les dizaines de procès et disputes qui suivront inévitablement, le fils et le neveu étaient entrés en guerre froide. Wolfgang avait déserté ses responsabilités à Altdorf, préférant vivre avec sa propre clientèle bien au sud de l’Empire, dans la province profonde.

Quand Isabelle était encore au Collège Doré, Luitpold et Wolfgang n’étaient que deux adolescents à peine pubères. Aujourd’hui, ils devaient avoir l’âge d’être adultes. Et ils devaient se sentir prêts à reprendre la succession. Aucun être humain n’est éternel, et tous finiront devant Morr.

« Enfin, moi, je ne vois pas ce qu'il avait d'impressionnant, ce Wolfgang. Et puis, discuter de politique risque de faire s’endormir notre pauvre hôte, mon cher Detlef — n’allons pas l’ennuyer avec tout ça. »
Jet de charisme : 15, c’est non. Tu fais plus pitié à Petra qu’autre chose.
Jet d’observation : 14, pas de petits indices à te filer.
Jet de connaissances générales (+6) : 7. Et voilà, tu profites de mon énorme laïus sur l’Empire et sa succession. Je sais que t’adores, yes yes yes.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Isabelle n’oublia pas de relever l'affront de Petra. Cet anodin roulement d'yeux témoignait en réalité d'un profond désintérêt envers l'hôtesse du manoir. Alors qu'elle était accueillie dans ses murs, la souillon se contrecarrait royalement de son opinion, ne considérant la réprimande qu'un délire de sénilité.
Si l'ancienne magistère s'en offusqua au plus haut point, sentant la moutarde déborder de ses narines, elle préféra ignorer le geste. Sa position de force viendra plus tard et alors, elle n'oublierait pas l'attitude de sa jeune cousine. Pour l'instant, mieux valait observer et méticuleusement relever les réactions et insultes de chacun.

Isabelle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, car c'était elle qui avait incité Petra à narrer son histoire. Pourtant, dès les premières paroles, la vieille Breitenbach décrocha, son visage coulant mollement sur son poing aux ongles dorés. Bien qu'elle s'y soit rendue à maintes reprises pour tenir les apparences, elle avait toujours exécré le théâtre et ses représentant. Des guignols gorgés d'une auto-suffisance mal placée, des bouffons se croyant roi. Pitoyables, tous, à s'inventer un pouvoir fictif alors que leurs recettes ne découlaient que de l'oeuvre des Grands, de ceux qui dirigeaient ou combattaient sur un champ de bataille. Ils s'appropriaient l'histoire pour la vomir à leur sauce sur le bas-peuple.

La sorcière se retint d'exprimer le fond de sa pensée, son heure n'étant pas venue. Au lieu de cela, elle contempla d'un oeil morne l'échange barbant entre ses deux invités, Tink, reflet de son âme, s'étant carrément endormi à ses pieds. Ce n'est qu'à la mention de Wolfgang que le sourcil d'Isabelle se releva.
Elle remâcha mentalement les paroles qu'elle venait d'entendre pour en comprendre le sens - les considérant jusque-là comme un simple bruit de fond. Oui, le soi-disant Prince Héritier avait assisté au spectacle de la vilaine petit cane, alors que le seul honneur de la Dame de Fer depuis une décennie avait été d'accueillir (à contrecoeur) Tête de Plomb. Un invité qu'Isabelle aurait joyeusement troqué contre le dieu de la pestilence même!

Wolfgang... Quel âge avait-il à présent? L'avait-elle déjà rencontré? Possible. Contre toute attente, la Dame de Fer se rappelait correctement de la situation tendue dans laquelle se trouvait l'héritage de Karl Franz. Le journal Spieler lui avait permis de suivre convenablement le déroulement des évènements et, toute malicieuse qu'elle était, la vieille Breitenbach s'était régalée de la construction du désastre à venir.

Mais le plus drôle à présent, c'était la réaction de Detlef, parvenant à peine à gerber le moindre mot. Tout comme elle, Petra se délectait de son effet, ne perdant pas un instant son air de serpent venimeux. Le nordique avait été mordu dès qu'elle s'était jointe à eux et maintenant, le poison faisait son effet.

La tête toujours écrasée contre son poing, Isabelle rit à une remarque particulièrement fine de Hermaan. Lorsque les deux visage se tournèrent vers elle, la Vieille Breitenbach se râcla la gorge et se redressa.


« On récolte ce que l'on sème, ou en l'occurence, ce que l'on ne sème pas. Notre bon empereur a été incapable de produire un héritier décent. Il se retrouve donc avec un fils illégitime et arriéré et un neveu à l'audace aussi grasse que la femme d'un aubergiste. - Oh ne fais pas cette tête Detlef! Il y a quelques années à peine, tes idoles étaient tout autres! -

En voilà une pièce de théâtre que j'irai voir : "Un Empire en flammes" mise en scène par Wolfgang et Luipold! »


Isabelle se rappela du verre qui gisait dans sa main droite. Elle en prit une gorgée puis s'équipa de son porte-cigarette orné d'un tout frais tube de tabac. Après une courte hésitation, elle préféra son briquet amadou au sort de flammèche, trop peu sereine de son doigté aethyrique. Certes, cela aurait été un superbe moyen d'impressionner son audience, mais un échec l'aurait couverte de ridicule.
Une fois la fraise bien installée, la vieille femme contempla ses ongles tout en soufflant l'épaisse fumée.


« Balthasar Gelt est passé me voir il y a quelques jours. C'est la raison pour laquelle je vous ai convoqués chez moi. »

En voilà un bon moyen de regagner l'attention de ses invités tout en soufflant la vantardise insupportable de Petra! Oui, cette victoire avait un petit goût puéril, mais elle restait savoureuse.

« Comme je l'ai écrit dans vos lettres respectives, cette visite m'a fait réaliser qu'il fallait que je mette de l'ordre dans ma vie. En réalité, cet "ordre" ne concerne pas mon héritage. Ce dernier fera plus office de gain. »

Isabelle donna un petit coup de pied dans Tink pour le réveiller et lui tendit son verre vide pour s'en libérer.

« La vieillesse, mélangée à quelques autres facteurs, m'ont ôté de mon passé. Il me faut le redécouvrir. Je t'ai parlé d'aventure, Detlef, mais en réalité, je dois vivre ce qui a été vécu. »

Une fois le verre déposé sur la table, Tink s'était précipité pour aller chercher l'échiquier qu'avait rapporté le Patriarche. Peinant sous le poids, le petit golem finit par le déposer en évidence devant les invités. Isabelle observa ses manipulations, tirant silencieusement sur sa cigarette avant de reprendre la parole.

« Voici le dernier cadeau de cet enfoiré de Gelt. L'échiquier de mon fils, fabriqué durant ses débuts au Collège Doré.

Vue la tendance des ragots à circuler comme la peste, vous devez être au courant : la chair de ma chair a trahi l'Empire et pire, sa mère. J'ai accompli mon devoir et l'ai libéré de ses actes. Ou du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à récemment. »


La vieille Breitenbach illustrait ses paroles de gestes de la main, au bout de laquelle était calé son porte cigarette. Les volutes de fumée formaient des formes géométriques, comme pour tenter de représenter les paroles d'Isabelle en une fresque éthérée.

« Je dois définitivement mettre un terme à cette histoire, d'une manière ou d'une autre. Je dois me rappeler de lui et de son père, de ce que j'ai été. Je dois redevenir la Dame de Fer. »

La sorcière contemplait à présent l'horizon, découvrant ses intentions et les sortant au fur et à mesure. Ce n'était pas clair, ce n'était pas concis, mais c'était nécessaire pour qu'elle découvre ce qu'elle désirait vraiment. Ne plus être un livre dont les pages lui étaient inaccessibles.

« Et pour cela, j'ai besoin d'aide. Pas gratuitement, évidemment. La mise serait conséquente, que ce soit au niveau de mes titres, que de mes richesses matérielles. Je propose un héritage en échange d'un passé. »

Sur ce dernier mot, elle écrasa sa cigarette dans son cendrier, ne quittant jamais ses interlocuteurs de ses yeux mi fer, mi verts.
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Depuis le début de la soirée, Detlef était demeuré silencieux, serviable et courtois envers la dame de Breitenbach.
Mais sitôt qu’elle commençait à insulter le Prince Héritier et le fils de Karl Franz, son air changea du tout au tout. Lui qui était si passif, avachi sur le bout de table où il avait posé ses fesses, le voilà qui se redressait, en grinçant des dents et en fronçant les sourcils dans une pure expression de colère.

« Je vous conseille de faire extrêmement attention avant d’oser manquer à nouveau de respect envers les princes de l’Empire et du Reikland. Ils ne sont pas du genre à pardonner ce genre d’affront. »

Amusée, Petra croisa les jambes.

« On est un tout petit peu loin d’Altdorf, pas sûr que des espions puissent nous entendre…
– Mais moi j’entends très bien. Karl Franz est l’homme qui nous a sauvé de l’anéantissement, ni plus ni moins. Il est le plus grand seigneur qu’on ait eut depuis Magnus. Le prince Luitpold est un jeune homme d’une grande douceur, tandis que le prince Wolfgang est un courageux chevalier sans peur et sans reproche.
Je ne vais pas laisser une vieille aliénée qui vit dans un dépotoir manquer de respect envers ceux que les Dieux nous ont désignés comme maîtres. »


Petra sembla vouloir rétorquer quelque chose. Mais un coup d’œil de Detlef suffit à la forcer à la prudence, assez pour qu'elle se morde les lèvres et hoche de la tête, comme pour approuver ses propos.

En prononçant le nom de Balthasar Gelt, Isabelle aurait pu être fort déçue de voir que son patronyme n’inspira rien à aucun d’entre eux. La comédienne fronça des yeux, l’air de demander « Qui ? », ce que l’Ulricain comprit, puisqu’il enchaîna à voix basse :

« Le chef des mages.
– Celui avec la gueule en or ? »

L’homme approuva d’un simple geste. Et les deux regardèrent à nouveau Isabelle, curieux, mais peu impressionnés.
Plus encore, lorsqu’Isabelle parla de son fils, à nouveau, ils s’observèrent mutuellement tels deux piafs. Non, ils n’étaient absolument pas au courant de cette histoire de trahison.

Isabelle avait vécu toute sa vie du côté des magiciens, il était donc aisé pour elle de les imaginer importants et essentiels à l’Empire.
En réalité, aux yeux des Impériaux, les mages inspiraient un mélange de méfiance et de fascination. On pouvait les regarder de la même manière qu’on regarde des philosophes ou des mystiques éloignés du monde « réel » et bas. Les magistères vivaient constamment sous la menace de quelques espions, de Sigmarites et d’agents de l’Empereur qui n’attendaient qu’un complot parfait pour s’empresser de provoquer la fermeture des Collèges, afin de revenir à l’ère où ils étaient brûlés vivants sur la Colline Crépitante. Mais pour la grosse majorité du peuple, le fonctionnement de la magie, la hiérarchie de leurs ordres, l’adresse même des Collèges était absolument secrète. C’était certainement la meilleure situation possible, au vu l’infériorité numérique écrasante des magiciens.

Certainement que le procès de Wilfried avait été à huis clos. Pas de jury, pas de juge, pas d’avocat. Personne n’avait fait la publicité ni de son arrestation, ni de sa sentence. De la même manière que les magiciens refusaient que l’un des leurs ébruite les agissements de l’institution, les répurgateurs de l’Église avaient trouvé plus prudent de l’enterrer dans les limbes.

Quand elle eut fini de parler, il y eut un petit silence, que Petra brisa la première.

« Vous en avez trop dit, ou pas assez.
Concrètement, en fait… Enfin, qu’est-ce que vous attendez de nous ?

– Oui — qu’avez-vous besoin de notre part ? »
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Isabelle s'était attendue à une réponse vive de Detlef, mais pas à ce point. Cet étranger aux idoles inconnues s'était plongé corps et âme dans sa dévotion envers l'Empire. Peut-être ne restait-il rien de l'homme fort qu'il avait été. Peut-être n'aurait-il en fin de compte rien à apporter à la vieille magicienne. Mais ce n'était pas le plus important. Ce pitoyable bureaucrate avait dépassé les bornes, et de loin.

Jadis, Isabelle se serait levée, elle aurait claqué des doigts et la pièce se serait mise à chanter. Du moins, aux oreilles de la sorcière, ses invités suffocant sous le vacarme abominable déclenché. Elle se rappelait d'un jeune noble particulièrement arrogant qui, pour ses remarques moitiés moins insultantes que celles de Deltef, s'était retrouvé assailli par le mobilier. Le malheureux avait décampé sans demander son reste et Breitenbach s'était vue forcée de jouer de son cercle d'influence pour éviter les conséquences de son acte.

Mais aujourd'hui que pouvait-elle faire? Lui envoyer Tink au visage? Cette boîte de conserve n'était même pas sûre de l'emporter contre un chat, alors ce balourd de Detlef... Et après? L'hospice, voilà tout. Elle ne pouvait que serrer les dents et ravaler sa fierté, faire comme tant d'autres femmes l'avait fait avant elle : se plier sous la force physique et brutale de l'homme. L'ancienne magistère aurait pu en vomir, mais même la fougueuse Petra ne daigna s'aventurer plus loin sur le sujet.


« Ne tiens pas tant rigueur de mes paroles Detlef. Si le monde avait été aussi cruel avec toi qu'avec moi, tu aurais fini au moins aussi blasé que ma personne.
Je te prie cependant de ne plus me menacer. C'est impropre venant de toi, surtout à l'encontre d'une vieille femme sans défense. »


Sur ces mots, elle croisa les jambes, prenant bien soin de passer subtilement son pied à côté de la table basse. Tous les objets de métal la recouvrant se mirent alors à luire. Cette manifestation mensongère de son pouvoir servait d'avertissement, mais en réalité, il découlait de l'incapacité d'Isabelle à contrôler correctement l'aethyr. En un sens, cela la rendait bien plus dangereuse, tant bien pour elle-même que pour autrui.

Ainsi donc elle commença son récit. Très vite, la déception l'accabla. Raté son effet théâtral à propos de la visite du plus puissant mage de l'Empire. Dès lors, Breitenbach s'était rendue compte à quel point, bien avant la drogue et la sénilité, elle avait vécu dans un autre monde. Elle pensait que la noblesse, la richesse et le pouvoir mettaient tout le monde à un niveau équivalent, en fonction de l'ampleur de ces atouts. Comme elle en avait eu beaucoup, elle se trouvait non loin du sommet, écrasant tous les autres par son statu, toutes fonctions confondues.
Or, ces grades n'étaient propres qu'au monde auxquels ils appartenaient, avec d'un côté le monde barbant et triste des ignorants et de l'autre, celui des mages et de leurs collaborateurs.

C'est donc la bile au palais qu'Isabelle reprit la parole. Son agacement s'évapora bien vite tant elle s'emportait, s'égarant bien trop tôt pour partir dans le grandiloquent. Déjà peu impressionnés, ni Detlef, ni Petra ne comprirent réellement la nature de sa requête ou leur rôle à chacun. Elle avait parlé de passé, d'aventure, de fils et de père... En revisitant sa narration après les questions de ses invités, la vieille Breitenbach se dit qu'elle ne pouvait leur en vouloir. Elle les avait perdus dès ses premiers mots.

Elle cligna ses yeux pétillants d'attente et leur redonna une teinte morne, éteinte. Ses pieds étaient de nouveau sur terre et sa pitoyable réalité était revenue la hanter. Isabelle se racla la gorge et constata qu'elle était debout. Quand diable s'était-elle levée? Elle referma son manteau de fourrure et se rassit douloureusement dans son fauteuil.


« Hum, oui bon. Je me suis peut-être un peu emportée. » Dit-elle, sur la défensive.

« Je... votre rôle... oui alors, reprenons, voulez-vous? »

Tink, jusque-là immobile, avait à présent du mal à rester debout. Il perdit son équilibre, fit tomber son chapeau, le ramassa maladroitement en se cognant sur la table. Isabelle tapa le sol du pied et le petit être de métal se tassa sur lui-même, honteux. Bien évidemment, ces sentiments n'étaient pas réellement ressentis, mais projetés inconsciemment depuis l'esprit malade de sa maîtresse.

« Balthazar - Gueule d'Or d'ailleurs, c'est mieux. Gueule d'Or est venu me tourmenter. N'ayant pas supporté mon apprentissage à ses début au Collège, il n'a depuis cherché qu'à me nuire.
Ce monstre m'a fait une proposition : il cherchera des informations sur mon fils et en échange, je dois me plier au jugement de Shallya. Une prêtresse va donc passer Angestag, soit demain... non après demain. Elle m'évaluera et, indubitablement, décidera de me placer à l'hospice. »


Isabelle prit une longue inspiration en fermant les yeux, son corps parcourut de frissons à cette simple idée.

« Si je refuse son jugement, je ne saurai jamais de ce qu'il est advenu de mon fils. Si je l'accepte, je ne pourrai plus jamais faire quoi que ce soit de ces informations. Je dois l'admettre, Gueule d'Or a fait preuve d'une perfidie remarquable. Il faut dire qu'il a été à bonne école! » Elle fit un clin d'oeil à son audience, puis marqua une pause avant de reprendre.

« J'admets que ces dernières années, j'ai fait preuve d'un certain "laisser-aller".
Regardez autour de vous! Ce manoir vous semble-t-il habité par la Dame de Fer? L'ancienne Grande Trésorière du Collège Doré, magistère du Conseil, l'Impitoyable et j'en passe! Non, vous vous trouvez chez la Dame de Rouille, de Plomb... »


Isabelle exécrait ces surnoms et aurait pu crever les yeux de ceux qui leur avait donné naissance. Mais ici, aujourd'hui, hors de ses délires habituels, ils lui paraissaient tristement appropriés. Sentant ses yeux lui piquer, elle les cligna plusieurs fois, refusant d'offrir la moindre larme à ses invités. Etrangement, dire ces paroles à voix haute, accepter pleinement cette réalité refoulée, libéra un certain poids sur son coeur.

Breitenbach regarda Detlef et Petra d'un air mauvais.

« L'hospice conviendrait à une vieille folle dans mon genre, n'est-ce pas? Enfermez-la et jetez la clé! Laissez donc moisir cette harpie, le monde s'en portera mieux! Je me fiche de votre avis ou de vos intentions. Je sais très bien que vous ne m'aiderez pas par simple élan de charité. J'ai besoin de vos services et je propose une grande rémunération en échange. »

Isabelle se redressa

« Voici donc les seules chances qu'il me reste. D'abord, il me faut rendre ce manoir, ou simplement certaines pièces, aussi présentables que possibles. C'est un travail colossal que je ne pourrai clairement pas accomplir seule. Pour nous assister, j'ai déjà commencé quelques préparatifs.
Lorsque la prêtresse viendra, vous serez là pour affirmer me rendre visite régulièrement et vous assurer de mon état. Elle dénichera probablement votre appât du gain, mais qu'importe : si je semble capable de finir ma vie ici et non pas aux frais de sa divinité, cela suffira.

Le patriarche a été très clair : quelle que soit la décision de la prêtresse, du moment que je m'y soumets, il me confiera ses informations. Ce n'est pas un homme d'honneur, mais pareille fourberie pourrait entacher sa réputation si ça s'ébruitait. »


La sorcière posa son regard sur son verre vide. Sa gorge était soudain devenue très sèche. Etait-ce à cause de l'alcool ou de ce qu'elle s'apprêtait à dire? D'une pensée, elle envoya son serviteur le remplir d'eau fraiche.

« Si la prêtresse décidait tout de même de m'enfermer, alors j'aurai toujours besoin de vous. Dès que Gueule d'Or m'aura confié ses informations, il vous faudra me libérer de l'hospice. Seul un membre de ma famille en sera capable en je n'ai pas grande confiance en mes autres cousins.

Sachez cependant qu'en compensation pour ma période d'internement, une part significative de mon héritage vous sera imputé. Un tiers exactement, cumulables si vous tardez à me porter assistance. Aussi, vous avez tout intérêt à ce que la prêtresse reparte satisfaite. »


Tink lui apporta son verre rempli d'eau tiède. Isabelle s'en saisit, ses bagues tintant dessus, et le finit d'une traite. Ensuite, elle se renfonça dans son fauteuil et joignit les doigts en attente d'une réaction.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À la fin de l’exposé d’Isabelle, Detlef et Petra se regardèrent chacun droit dans les yeux. Il n’y avait pas de raison de croire qu’ils conspiraient ensemble — ils étaient venus séparément, ils étaient de deux branches de la famille opposées, ils n’avaient pas le même âge, et du peu que l’alchimiste avait pu apercevoir de leurs interactions, ils ne semblaient vraiment pas s’entendre…
…Pourtant, ils se trouvaient à se jauger du regard. Peut-être parce qu’aucun d’eux n’avait envie de parler le premier.

Finalement, c’est l’Ulricain qui fut le plus courageux. Il se gratta la barbe, et il grommela un petit peu.

« Deux jours pour… Pour tout ça
C’est… Serré. »

Petra fit la moue, et semi-approuva d’un simple hochement de tête. Alors l’Ulricain, en zieutant les fenêtres et les toiles d’araignées, se prépara à dresser un devis :

« Le jardin, c’est même pas la peine d’y faire quoi que ce soit — c’est un boulot qui demanderait bien une semaine. Le reste du manoir… Au moins l’affaire d’autant, si j’engage quelques bras à louer à Altdorf.
Mais une seule journée. Le temps que je rentre chez moi ce soir, que j’appelle un ou deux domestiques, qu’on refasse le trajet jusqu’ici… Bon sang, ça laisse quoi, une après-midi, voire une nuit de plus ?
On doit pouvoir rendre présentable le salon, cette pièce dans laquelle nous sommes. Ouais. Mais plus. Plus, ça va être très difficile… »


Petra croisa une jambe sur l’autre. Les mains sur chaque accoudoir de son fauteuil délavé, elle pianota dessus, en regardant la Dame de Fer tout droit.

« Je comprends votre inquiétude, et ce que vous attendez de nous, madame. Mais permettez-moi d’être brutalement honnête ?
Je pense que si le culte de Shallya vous envoie quelqu’un de compétent pour vérifier si vous êtes zinzin… Bah qu’ici ça pue l’urine de chat ou la lessive, ça risque pas de changer grand-chose. »


L’Ulricain regarda de côté, l’air interrogateur. Aussi, la comédienne eut un petit soupir et reprécisa sa pensée :

« Je veux dire ; je veux pas que vous me parliez de votre vie, mais je trouve ça bien trop difficile de mettre en place des apparences en aussi peu de temps.
Pourquoi être obligée de dire que vous habitez ici, en fait ? L’endroit a l’air délabré et abandonné… Vous n’avez qu’à dire que c’est le cas. Et que vous vivez chez Detlef. »


Celui ainsi désigné hocha la tête de gauche à droite à toute vitesse.

« Très mauvaise idée de mentir sur ce point. Même si je mets ma femme dans le secret, j’ai un domestique, j’ai des gens, je sors souvent à Altdorf… Le mensonge s’écroulerait bien vite.
– C’est une prêtresse de Shallya, pas une agent des services secrets de Karl Franz ! Et puis, madame, vous avez qu’à dire que vous vivez avec moi dans ce cas ! Moi je peux mentir, je suis très forte pour mentir — et sérieusement, c’est plus simple que je vous maquille et vous offre une robe plutôt que retaper tout votre manoir en dix heures. »

Detlef ricana.

« Une jeune fille de vingt ans qui est dans une compagnie de théâtre, et qui vivrait dans sa chambre de bonne avec une grande magicienne propriétaire terrienne ?
Petra n’a pas l’argent pour employer des garçons, c'est pour ça qu'elle essaye de penser à autre chose. Moi c’est le cas. J’aime bien votre plan — si je repars chez moi tout de suite, demain soir, j’aurai quelques personnes qui pourront remettre en état cette pièce.

– C’est à vous de choisir, madame. Je reste persuadée que mon idée est plus simple… Et surtout…
Mon idée fait que c’est vous qui contrôlez votre persona. Plutôt que remettre toute votre sûreté entre les mains de déménageurs que vous connaissez même pas… »


Est-ce que Petra avait trouvé là le point faible de la Dame de Fer ?
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Petra et Detlef prirent une bonne minute pour digérer les informations. Isabelle n'aimait la complicité qu'elle pensait avoir entr'aperçu entre ces deux énergumènes. Peut-être serait-il plus sage de ne traiter qu'avec un seul, de diviser par deux leur fourberie combinée? Ou cela ne risquait-il pas d'enlever un élément crucial à cette collaboration : la rivalité? La menace de se voir refuser sa partie de l'héritage au profil de l'autre rend souvent les gens plus... investis.

C'est le nordique qui prit la parole le premier, considérant la tâche comme monumentale. "Bien vu l'aveugle! C'est peut-être pour cela que la vieille Breitenbach a besoin de votre aide!" Pensa-t-elle, se retenant de lever les yeux au ciel. Heureusement, il avait plus à dire, se levant pour faire un second état des lieux.

Le jardin, irréalisable selon lui. Une fois de plus, Detlef exprimait l'évidence, Isabelle n'ayant pas imaginé pouvoir apprivoiser des décennies d'expansion naturelle en quelques heures. Mais l'Ulricain n'avait pas pour autant baissé les bras, considérant l'entreprise, bien qu'ardue, possible. Il lui faudrait engager de la main d'oeuvre, et bien que cela serait coûteux en temps, pareil investissement pourrait bien suffire.


« Le but n'est pas de rendre le manoir flambant neuf. Il faut le rendre "vivable", capable de remplir toutes les fonctions basiques d'un logement. »

Petra, elle, n'était pas du tout convaincue par le plan. Pour commencer, elle doutait de la crédulité de la prêtresse quant aux aménagements de dernière minute. Selon elle, il fallait voir la chose sous un autre angle : quitter le manoir et s'installer soit chez Detlef - ce dernier n'étant clairement pas engagé par cette perspective - soit chez Petra. La jeune artiste pourrait ainsi déguiser son invitée et lui redonner une certaine jeunesse... entre les caravanes.

Tout comme l'Ulricain, la sorcière manquait d'entrain sur la dernière proposition. Mais pas forcément pour les bonnes raisons. Isabelle n'avait pas quitté ses murs depuis bien des années et l'idée de se jeter pleinement dans le monde extérieur - chez une troupe de théâtre qui plus est! - l'horrifiait. Elle se retrouverait entourée de rebuts de la population, de dépravés stupides et illettrés. Hermaan ne manquerait pas de se gausser d'elle, déjà il devait se tenir la bouche pour ne pas exploser de rire. D'un geste, la maîtresse de maison l'intima de se contrôler.

En soi, le concept de quitter sa demeure n'était pas totalement dénué de sens. Il serait beaucoup plus simple de s'installer dans un nouvel environnement sain. Simple et infiniment moins fatiguant. Pourtant, Isabelle était si répugnée à cette idée qu'elle réfléchit à toute vitesse pour trouver les coquilles de ce plan. Elles ne tardèrent pas à se dévoiler.

Déjà, la prêtresse de Shallya connaîtrait probablement les antécédents de sa cible. Trouver une vieille femme, ancienne noble n'ayant qu'exclusivement dans un luxe indécent, chez une troupe de théâtre risquait de tirer une sonnette d'alarme. On soupçonnerait Petra de la retenir contre son gré pour presser lentement la richesse hors de sa parente.
De plus, quitter le manoir ne serait-il pas la preuve ultime de la décadence de Breitenbach? Le signe du début d'une dégradation inéluctable de son esprit? Le fait qu'elle soit magicienne leur ferait prendre d'autant plus de précaution. Isabelle avait été isolée suite à son expulsion du Collège et la voir se mêler au reste de la population d'Altdorf pourrait provoquer une certaine méfiance.
Son manoir était sa prison et elle se devait d'y rester pour être perçue comme inoffensive.

Plongée dans ses réflexions, la maîtresse de maison ne remarqua pas la confrontation entre ses deux invité. La rivalité se dévoilait enfin, chacun cherchant à démonter les arguments de l'autre pour être sélectionné. Balayée la collaboration, c'était tout ou rien pour ces deux serpents avides d'héritage. Soit, il lui faudrait choisir, du moins pour le moment, entre Petra et Detlef. Le choix était déjà évident.

Sans relever la tête, les yeux fixés sur l'échiquier de Wilfried, Isabelle haussa la voix pour se faire entendre.


« Quitter le manoir semble être une bonne idée, mais pour plusieurs raisons, je choisis la méthode de Detlef. »

Elle se leva péniblement pour toiser la souillon. Elle aurait aimé lui rire au nez et la congédier sans ménagement, mais c'aurait probablement été imprudent. Comment savoir de quelle manière les évènements allaient se dérouler? Froide, mais sans cruauté, elle s'adressa donc à Petra.

« Merci d'avoir répondu à mon invitation, Petra. Detlef va te raccompagner à la porte.
La partie n'est pas pour autant terminée, jeune fille. Il est possible que j'ai besoin de toi à l'avenir. Auquel cas, je te contacterai. Auf Wiedersehen! »


Une fois le nordique débarrassé de "l'artiste" de la famille, Isabelle se retrouva seule avec Detlef. Pendant plusieurs secondes de silence, elle le fixa d'un regard perçant. Avait-elle commis une erreur? Elle le saurait bien assez tôt. Qu'importe ses menaces, au moins avait-il une certaine hargne.
Ses genoux lui faisant mal, la magicienne se rassit et s'alluma une nouvelle cigarette.


« Sigmar soit loué, je n'aurai pas à habiter chez cette souillon! » Elle expulsa lentement sa fumée vers le plafond, puis reprit

« Bien! Ne tergiversons pas. Il te faudra être d'une efficacité redoutable, mon bon Detlef. Viens aussi tôt que tu le pourras et avec des énergumènes talentueux. Evitons la main d'oeuvre douteuse, sauf s'il n'y a pas d'autres options. De toute façon, il n'y a pas grand chose à dérober. »

Elle marqua une courte pause puis repris.

« Si tu peux indiquer à tes hommes l'adresse, pourquoi ne pas me rejoindre après le déjeuner demain? »

Isabelle avait tendance à oublier qu'en journée, certaines personnes devaient travailler pour gagner leur vie. Que la classe moyenne était agaçante à se rendre de la sorte indisponible! Mais la vieille Breitenbach n'avait plus force à s'énerver, sa journée et l'entretien du soir l'ayant tout bonnement lessivée. Ses paupières étaient si lourdes qu'elle peinait à les garder ouvertes, se contentant d'un mi-clos.

« A moins que tu ne veuilles discuter de plus de détails, je m'en vais prendre congé. Cette journée a été longue et demain le sera d'autant plus. »

Une fois que son invité serait parti, la sorcière s'endormirait presque immédiatement dans son fauteuil, sous une couverture apportée par Tink. Ce dernier devrait la réveiller à huit heure trente précise. Alors, Isabelle pourrait reprendre son projet de golem ménager, espérant finir sa création avant l'arrivée des déménageurs.

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