Un héraut, vêtu de la livrée des Toppenheimer, sonne d’un coup de trompette le début du tournoi. Il rappelle que celui-ci doit durer toute la journée et s’inscrit dans la semaine de réjouissance qui fête le mariage du sieur Toppenheimer.
Les échafauds ont été construits à la va-vite. Au premier rang, dans la loge d’honneur, se trouvent les deux mariés, aux cotés de la Comtesse Electrice de Nuln. Au début de chaque joute, les deux participants s’inclinent face à eux, une marque de respect pour leur union. Sont ensuite disposés les nobles, généralement répartis par famille, autour desquels tournent des essaims de courtisans et de serviteurs, qui cherchent à les servir du mieux qu’ils peuvent. Le reste se trouve plus haut. L’engouement que suscite ce tournoi fait que l’on se tasse, épaule contre épaule, dans l’espoir d’avoir une vue de ce qu’il se passe.
La première épreuve est un pas d’arme. L’esplanade a été construite devant l’orme de la Reik Platz où le tournoi se situe. Il sert, de façon un peu hétérodoxe car ne se trouvant pas directement sur l’arène, de point à défendre. Le chevalier que l’on défie vient du Reikland voisin, d’où vient la mariée. Il se bat fort bien et se défend vaillamment face à six autre chevaliers qu’il repousse, l’un après l’autre, à coups d’épée et de boucliers. Les combats se font à pied, avec des armes non-épointées, mais il prend garde à épargner la vie de tous ceux qui viennent le défier. De toute façon, ils sont tous vêtus d’armures de plates complètes qui, certes, limitent un peu les mouvements des participants mais les protège fort bien. Enfin, un chevalier du Wissenland, armé d’une claymore impressionnante, son cimier orné d’une plume pourpre, le déloge au plus grand bonheur de la foule. Le chevalier du Reikland, abasourdi, reste à terre dans le fumier sans oser se relever. Son adversaire victorieux lui tend la main, l’aide à se remettre sur pied, et s’approche des gradins en le poussant du bout du bras. Il la présente à la mariée, comme « cadeau » symbolique de noces.
Le tournoi se poursuit avec une joute à cheval. A cette occasion, un contingent de chevaliers de Bretonnie, pays réputé pour leur habilité à ces jeux équestres, prend place. Cela évite des affrontements ennuyeux, car il s’agit d’un exercice dur, où l’on ne touche que rarement son adversaire. Les combats sont spectaculaires : les chevaliers sont projetés au sols, l’un d’entre eux se trouve même tête à l’envers, son pied coincé dans l’étrier. Un chevalier en particulier impressionne : c’est un jeune Bretonnien de l’Anguille. Il fait corps avec sa monture et, tout comme le chevalier du Wissenland de l’épreuve précédente, triomphe de tous ses adversaires. Il fait preuve d’une grâce et d’une précision presque inhumaine dans ses mouvements. Son blason d’or, rayé de trois bandes rouges, et son cimier rouge vif le font ressortir parmi la marée de tabards noirs de Nuln.
Il avise une dame du premier rang, d’une beauté sans pareil même au sein de la cour, et semble vouloir lui présenter le chevalier vaincu comme gage. Le bruit ambiant rend ses mots durs à entendre, bien qu’il ait relevé le heaume de son armure. Il semble cependant qu’il « dédie » sa victoire à cette femme. Les courtisans de Nuln tournent la tête pour voir quelle ingénue a tapé dans l’œil du chevalier. On peut en voir certaines qui se sont détournées bien vites, les lèvres pincées de dégout.
Avant que la dame ne puisse lui faire signe, le chevalier se crispe, puis se plie en deux sur sa monture. Son corps est agité de soubresauts. Il tend la main pour saisir ses rênes, mais glisse et enfonce maladroitement ses doigts gantés dans le cou de son cheval. Celui-ci se rue aussitôt, et jette le Bretonnien à terre.
La foule est soudainement silencieuse, paralysée face à mal inconnu qui a touché le chevalier.
Cinq hommes à l’allure militaire, tout de noir vêtus, sortent de sous les gradins. Ils ne ressemblent pas aux gardes de Nuln : ils semblent d’ailleurs leur ordonner, impérieusement, de s’écarter. Il s’agit sans doute d’un corps de police spécial. L’un d’entre eux s’occupe de calmer la monture, les autres saisissent le chevalier et le traînent hors de l’estrade dans les coulisses du tournoi. Pendant un moment, rien ne se passe. Chacun se tourne vers son voisin, l’air perplexe. Les minutes passent l’une après l’autre. Rael remarque alors une présence importante de gardes, inhabituelle pour un tournoi. D’ailleurs ils semblent crispés, nerveux, à l’affut du coupable. Car oui, cela semble indiquer un acte prémédité, auquel les autorités s'attendaient... mais pourquoi donc? La foule commence à s’impatienter. Enfin, le héraut, possiblement le même qui avait annoncé le début du tournoi, sonne dans sa trompette. Le tournoi est fini, annonce-t-il précipitamment.
La foule reste en suspens. Est-ce bien possible ? Certes, il fait presque nuit, mais les réjouissances devaient encore durer plusieurs heures. Néanmoins, le départ des deux mariés, puis des nobles, confirme cette annonce.
Malgré la tolérance (relative) de Nuln, il n'est pas sur qu'on ne croie pas le jeune homme basané responsable de ce malheureux incident. Rael se rend en effet vite compte que les gardes le toisent d'un air aggressif. Décidément, ces Impériaux sont incroyables... Comme s'il serait resté dans les gradins après une tentative d'assassinat (s'il c'est bien de cela dont il s'agit).
Il serait avisé de partir, avant qu'il ne leur prenne l'envie de l'interroger dans le sinistre donjon de fer. Mais où? Il lui semble qu'il a trois différentes possibilités: le quartier universitaire au nord, le quartier commerçant au sud ou le quartier sale et décrépi qu'il a traversé en entrant la ville à l'est...