[Le Coësre] Dénouement

Reinhard n’était pas encore mort. Ce qui ne pouvait être qu’un progrès. Pourtant, il était très loin d’être tiré d’affaire : loin d’être détendu, même par un simple mouvement, Aekold était toujours en posture de combat, avec son épée magique dans une main et le poing en train de canaliser l’aethyr dans la seconde.
En regardant rien qu’une petite seconde à sa droite, le Nurglite put d’ailleurs voir que les Tzeentchis n’étaient pas totalement paralysés. Ils étaient en fait en train de bouger au ralenti, comme s’il leur fallait cent secondes à réaliser une action qui ne devrait en demander qu’une seule. Valitch l’intéressa particulièrement… Les pupilles de ses yeux se dirigeaient non pas vers Reinhard, mais vers… Son maître ?
Elle était déjà en train de bouger les lèvres pour lancer un sortilège, et pourtant, elle essayait d’attaquer Aekold !

« L’Interlope ? » répéta Aekold avec un ton complètement étonné, comme s’il était surpris qu’on connaisse ce nom.
À moins que…
« Tu crois que je suis au service de l’Interlope ?! C’est lui qui t’as amené ici ?! Il fait appel aux chiens du Pestilent pour lui servir de tueurs à gages ?! »
Il était outré. Comme si le sous-entendu de Reinhard était la chose la plus insultante qu’il aurait pu dire.

Puis, il pouffa de rire. Au moins, les émotions avaient un peu dissipé la magie autour de lui. Même si Reinhard l’avait rendu complètement furax, au moins, il avait réussi à le distraire.

« Essayons tout de même quelque chose — dis-moi qui est l’Interlope. Maintenant. Dis-moi qui il est réellement.
Si tu as la bonne réponse, je considérerai de répondre à tes questions. Autrement… Je sauverai ton âme de Furug’ath, pour la posséder moi-même. »

Message par **Reinhard Faul** » 10 déc. 2023, 09:54

Bon, aller voir le Premier Oeil chez lui à l’improviste, tout seul, était une erreur. Je m’en rends compte, maintenant. Il veut pas du tout discuter. On joue, on perd, ça arrive.

Par contre ce qui m’embête beaucoup plus c’est ce que j’aperçois du coin de l’œil. Elle essaie de m’aider. Quelle andouille ! J’ai fait exprès de pas lui accorder un regard, une pensée, pour que Aekold ne lui accorde pas d’attention, mais cette abrutie de Valitch veut pas me laisser gérer ma merde. Elle est en train de marmonner au ralenti en regardant son chef. Elle va lui lancer un sort. Idiote ! Alors que j’avais réussi à attirer l’attention sur l’Interlope !

D’ailleurs le Premier Oeil continue de parler de lui. Il rigole à ma face. C’est bon, j’ai compris que je m’étais trompé ! Mais c’est les Tzeentchis ça, si ils ont l’occasion de fanfaronner ils peuvent pas résister. Je réponds :

« Chuis pas tueur à gage, je venais discuter. C’est Tzeentch lui-même c’est ça ? Ça serait bien son genre de me prendre pour un con en se déguisant en bateleur moisi. ‘culé. »

J’affiche une décontraction que je ressens pas du tout. En vrai mon champ de vision s’est rétréci parce que l’angoisse me fait hyperventiler et ma main droite essaie très discrètement de rejoindre une grenade de Saxitoxine. J’ai aucune idée de si l’Interlope c’est Tzeentch ou pas en vrai. C’est juste que ça sonnait mieux que « je suis nul en énigme et j’ai pas vraiment réfléchi à la question ». Je vais passer pour un con si j’admets que j’ai juste écouté un type bizarre qui se promenait sur le Pellagra sans vraiment me renseigner sur qui c’était. De toute façon ce qui me préoccupe maintenant c’est cette andouille de Valitch qui part gaiement se suicider, je sais même pas pourquoi. Elle devait me trahir. C’était très bien de poucave sur moi à Elspeth, c’est pile ce qu’on attend d’une sorcière servant le Rapace. Valitch, avec son style à base de boa à plumes et de robes noires, avec ses petits complots et ses amis qui parlent trop, est en train d’héroïquement me rejoindre dans le combat. Alors que je lui demandais rien. Moi j’étais juste content qu’une collègue prenne cinq minutes pour jouer à être ma copine. C’était un intermède agréable dans notre merdique vie après la mort. Je sais vraiment pas ce qu’elle espère accomplir là.

Impossible d’interpréter les émotions du chevalier derrière son masque. Pas seulement à cause de la visière d’acier — mais aussi parce que, à nouveau, Aekold décida d’agir à la seconde près, sans même laisser une seconde de répit, de réflexion ou d’hésitation. Celui-là était une créature d’instinct. Combien de magiciens avait-il tué avec bien plus d’efforts que le Grand Coësre qui se tenait devant lui ? L’homme qui avait mit Nuln et le sud-est de l’Empire à genoux se rendait compte d’à quel point il ne faisait pas le poids devant lui…

« Itztak draaaaakkk ! »

Un mouvement de main, et voilà que de derrière lui, des centaines d’épines de magie noire, ressemblant à des stalactites, se mirent à voler tout droit telle une volée de balles directement sur Reinhard. Elles le transpercèrent de part en part, traversant la peau, griffant les muscles, électrisant les nerfs. Son visage, son torse, ses membres furent foudroyés tous en même temps, alors que l’endurant Nurglite se retrouvait à être sidéré sur place, bandant tous ses muscles. Ce n’était pas une douleur physique, mais il sentait comme s’il venait d’être massacré par une centaine de lames. Son cœur battait à toute vitesse dans sa poitrine, et il était incapable de bouger…

…Aekold continua son assaut, avec une vitesse impressionnante. Comment pouvait-il être aussi rapide ? Il leva à nouveau la main, claqua des doigts, et prononça une autre phrase, courte, claire, métallique derrière son casque :

« Ef’inno delek’merh ! »

Et alors, vola au sol la grenade, non-dégoupillée, de même que le bâton du Nurglite, qui tombèrent tous deux à terre. Désarmé, sans espoir, Aekold bougea la main, et siffla ses prières, et força ainsi le sorcier à danser comme son pantin : il força littéralement le Nurglite à mettre un genou à terre, et à bien lever la tête, les mains en évidence, ses muscles tordus par les crampes et la violence des chaînes invisibles. Jamais, jamais, Reinhard n’avait eu aussi mal de sa vie. Jamais.

Aekold s’avança pourtant, et à la manière d’un Tzeentchi, offrit encore ses longs discours incessants, qu’il fallait entendre malgré l’adrénaline qui gagnait tout l’organisme, le cœur qui pulsait dans les oreilles, les yeux aux paupières si ouvertes que les globes semblaient prêts à s’enfuir de leurs orbites…

« Dégénéré irrespectueux… Larve sans éducation. Bénis soient les imbéciles, car ils hériteront de la Terre.
Oui. L’Interlope est Tzeentch — ou, plus exactement, un éclat de lui, une de ses personnalités, qui s’est séparée et a gagné son indépendance aux origines du Chaos, quand les Dieux se sont réunis pour casser son règne. C’est donc ainsi que tu réagis, à savoir qu’un Dieu du Chaos en personne s’est présenté à toi et t’as offert une offrande ? »

Il se retrouva tout droit devant Reinhard. Il leva la main, ouvrit la paume, et alors, par magie, il attira les effets personnels de son adversaire : le manteau de Rein se mit à lever, le fourreau contenant son épée se dressa, ses divers colliers virevoltèrent, la chaîne les retenant contre son cou. Et là, le petit pot qui contenait l’œil de l’Interlope s’échappa de la poche du veston, pour se retrouver dans la main d’Aekold.

« Étonnant… Alors Valitch est vraiment innocente… ?

Le temps revint soudain à la normale. Les huit autres yeux, figés sur place la seconde d’avant, bondirent en posture de combat. Puis, hagards, ils regardèrent dans tous les sens, comme des chouettes. De leur point de vue, ils avaient probablement vu Aekold se mouvoir à toute vitesse, comme un éclair, pour accomplir tout ce qui venait de se passer.
Valitch, parmi eux, était déjà en train de canaliser sa magie. Avec son arrêt soudain, sa main se mit à brûler, et elle l’agitait dans tous les sens pour éteindre des flammèches bleu-vert qui dansaient autour de ses phalanges.

Le chevalier se retourna, et, faisant face à sa troupe, Aekold donna un ordre :

« Quittez tous cette pièce. »

Et sans aucune protestation, sans aucune remise en cause, les voilà qui, presque en file indienne, mais sans à un seul moment tourner le dos au Coësre, une erreur que commettait leur maître, ils quittèrent la grande salle de réunion, pour revenir jusqu’à l’escalier qui mènerait au vestibule par où Reinhard était entré sous forme de mouches.
Seule Valitch lui lança un regard particulièrement peiné, avant de fuir avec ses camarades.

À genoux, désarmé, la douleur cessait enfin de faire effet. Et c’était un Nurglite à bout de souffle qui se retrouvait à genoux à terre, devant un Aekold maintenant seul qui retourna s’asseoir, épée à la main, sur un des fauteuils.

« Tu viens de gagner quelques instants de vie, Grand Coësre.
Maintenant, parle. Dis ce que tu souhaitais me dire, en te donnant toute cette peine pour venir ici… »

Message par **Reinhard Faul** » 11 déc. 2023, 10:57

Magie ? Marche pas. Grenade ? Marche pas. Mes bras ? Marchent pas non plus. Pour le reste je sais pas. Actuellement mon univers est assez étriqué, il se limite à faire cesser la douleur à tout prix. Comme un loup dont la patte se serait faite broyée par un piège. Je rongerais ma propre tête si ça pouvait me libérer de la situation actuelle.

Et donc l’Interlope c’était une forme de Tzeentch ? Bon sang. J’ai jamais eu toutes les cartes en main pour prendre des décisions. J’étais même pas un joueur en fait. Quand Aekold m’a traité de dégénéré j’ai même pas répondu, déjà parce que je suis terrassé par l’ampleur de mon erreur, ensuite parce que je viens d’avoir si mal que j’ai perdu la maîtrise de mes sphincters. On fait pas des petites remarques sardoniques quand on est à genoux par terre avec les cuisses souillées de merde. Même un nurglite aurait trop d’amour-propre pour faire ça. Au lieu de ça je regarde le départ des collègues Tzeentchis avec des yeux exorbités de petit rongeur sur le point de mourir.

Et maintenant, Aekold est d’humeur à discuter.

Ça me paraît un peu oiseux, forcément. Le type a l’air parti pour m’humilier et me tuer. Pourtant, là encore, je fais pas de cynisme avec lui. Ça c’était bien pour les copains de Valitch tout péteux, j’ai pas l’humeur. Ai-je souligné à quel point la douleur avait été insoutenable ? Si j’avais figure humaine, tu verrais comme je suis tout pas bien. Là t’es obligé de deviner entre les plaies, le pus, le casque et les mouches, que j’ai les traits tirés par la souffrance. Je suis dans un mode extrême où je ferais tout ce qu’on me dit pourvu qu’on me laisse en vie sans me torturer. D’habitude, la douleur n’est pas très embêtante pour un nurglite. Je peux me prendre des rafales de balle dans le ventre et continuer mes activités. Il faut de la magie casse-couilles pour pénétrer ma cuirasse. Ça me fait tout drôle. J’ai rien pu faire, il m’a neutralisé et désarmé en une seconde. J’ai peur qu’il me fasse mal à nouveau. J’essaie de me débattre. Peux pas. Mes bras sont comme coincés entre des pierres invisibles, et mes genoux sont collés au sol. Je grogne :

« ‘voulais faire chier le démon à qui j’ai vendu mon âme. Je cherche comment. Cet enculé m’a arnaqué. Il va finir par me bouffer moi et mes cultistes. ‘pouvais pas savoir qu’un Dieu viendrait me parler… comme ça. M’a bien eu, peut pas lui enlever ça. J’aurais jamais deviné avant que tu dises que tu te méfiais de lui. »

Je lui dis pas parce que je veux pas le mettre en colère, mais y a pas pire ennemi pour un Tzeentchis qu’un autre Tzeentchis. Alors le Tzeentch lui-même ? Ils doivent le détester. Ce que je peux pas dire non plus, parce que j’ai pas ce courage, c’est que maintenant que tout le monde m’a bien arnaqué sur toute la ligne, est-ce qu’on peut en finir parce que toutes ces longues secondes où je meurs pas alors que je devrais commencent à me taper sur le système. Est-ce que j’ai dit que je voulais mourir ? Oui. Non. Je sais pas. Non ! C’est juste la tension nerveuse. Si je meurs maintenant cet enculé de Furuga’th va me bouffer. Je dois continuer à discuter avec ce sale fils de pute. Peut-être que j’aurais une opportunité de quelque chose.

« J’croyais qu’on avait plus ou moins le même but, arrêter de se faire enculer par des parasites de l’espace. Y avait pas de Dhar dans le bidule… flammes bleues là. Comment c’est possible ? Il arriverait quoi aux gens ? C’est quoi un Sion ? »

Oh pitié, fais un monologue de méchant...

Assis sur son grand fauteuil, Aekold avait au moins le mérite d’écouter la personne à genoux, comme un monarque le ferait avec un pétitionnaire. Il laissa le sorcier parler, puis se répandre en questions. Il leva sa main pour signifier qu’il avait besoin de silence, avec un air fort aristocratique — dans son ancienne vie, celui-là devait très certainement faire partie de la noblesse, là, Reinhard en était absolument persuadé.

« C’est tout ? C’est ça la raison pour laquelle tu as voyagé à travers les trames du cosmos, erré dans le temple qui était présent à l’aube de l’Humanité, évité des créations fantastiques et risqué la mort devant moi ?
Nous n’avons pas les mêmes buts, serviteur de Nurgle. C’est une terrible insulte que tu me fais à oser nous comparer.

Vois-tu, tu as seulement commencé à te préoccuper de l’histoire du monde, et du sort de ses habitants, quand ta propre vie s’est retrouvée en danger. Et de qui peux-tu te plaindre, au lieu de toi-même ? Les démons sont des escrocs et ils forment des pactes à leur avantage ? Quel scoop incroyable. Franchement, ravi que tu te sois donné tant de peines pour venir m’apprendre ça. »

Le sarcasme n’allait pas très bien avec sa voix froide. Pauvre Reinhard allait probablement se faire humilier et passer pour un abruti avant d’être tué, chose dont il se passerait pourtant très bien…
Peut-être que le moment était venu de charger et de le tuer à mains nues.

« Depuis que j’ai appris l’existence de l’Au-Delà, depuis que j’ai fais la découverte du Chaos… Tout ce que j’ai cherché à faire, mon unique but, depuis tant de décennies, a été de trouver un moyen d’en protéger la planète. Sinon l’univers entier, au moins ce minuscule flocon au milieu de la montagne. Contrairement à tant d’autres, je n’ai pas été damné parce qu’on a fait appel à mes passions, mes ambitions, ou même par angoisse ou grâce à des promesses de sauvegarde. J’ai été damné car c’était le seul choix qui restait, et Tzeentch m’a puni d’une manière bien singulière pour ça…
Tu n’es pas de cette trempe, Grand Coësre. Tu ne manques ni de talent, ni de courage… Mais tu n’es pas fait pour sauver l’Humanité. Tu n’es même pas fait pour te sauver toi-même.
Si je pouvais te donner un conseil, gratuitement — embrasse ce que tu es devenu. Tu mourras, bien sûr, car c’est ta destinée inscrite dans les cruelles étoiles, mais au moins tu garderais un peu de fierté avant de mourir.
Enfin… Seulement si nous pouvons dire qu’il y a de la fierté à trouver dans tes actions. »

Il laissa un petit silence, avant de redresser son dos, et d’étrangement changer de ton.

« Tu es venu ici en quête d’informations. Mais ce que tu souhaites savoir, l’Humanité toute entière le saura très vite. Pourquoi devrais-je te donner ça ? Peux-tu me donner un seul argument pour me convaincre de t’aider ? De mon point de vue, tu es une épine dans le dos, une inconnue dans une équation — le projet de Valitch qui, toute brillante qu’elle est, a trop souvent tendance à voir le feu s’embraser hors de son contrôle chaque fois qu’elle joue avec les allumettes… Je désire ta mort, et la sauvegarde de Nuln. Tu es opposé à mes plans. »

Message par **Reinhard Faul** » 12 déc. 2023, 19:54

Bon, d’accord, peut-être que j’ai dit que je ferais pas de remarque sardonique, mais là c’est vraiment chaud.

« Oh, tu es un noble d’Altdorf non ? »

Peut-être que je me suis permis aussi de lever les yeux au ciel, juste un tout petit peu. Y a rien qui me trigger plus que des gros bourgeois qui m’expliquent comment ma vie humaine aurait pu être meilleure. Basiquement, sur les dernières années, entre les produits stupéfiants, le froid, la faim et les mauvais traitements, j’avais les capacités cognitives d’un chien – un chien très intelligent, cela dit. À quel moment j’étais censé me préoccuper de sauver l’humanité ou je sais pas quoi ? Tous les enjeux me sont apparus après que j’ai eu l’occasion de les côtoyer, mais c’est très très dur à expliquer à un bourgeois gras et éduqué qui répète « quand on veut on peut ». Ces types-là se rendent pas compte.

Et comment je suis censé convaincre Aekold de me raconter ses plans du coup ? Visiblement il veut rien de moi, il me traite de larve et de dégénéré, insiste lourdement sur le fait que j’ai ni fierté ni dignité. À ce moment-là je fais bouger mon poids d’un genou à l’autre pour en soulager la douleur et je me rends compte que je suis plus paralysé. J’en profite pas pour sauter partout, seulement… seulement attendre une occasion. Faire parler ce con.

« Tu sais pourquoi je suis venu ? L’Interlope m’a dit que tu avais le même but que moi, c’est pour ça que t’as fait sortir tes larbins là, tu vas les trahir. Mais ça va pas marcher, il me l’a dit aussi. Tu veux pas me dire ton plan parce que tu sais qu’il est nul. Ma mamie disait qu’un truc que tu connais bien, tu peux l’expliquer même à un débile, et pourtant t’es là à faire le fier-à-bras et le mystérieux devant un type qui a vendu son âme pour pouvoir boire de la diarrhée. Ça veut tout dire... »

« Comment oses-tu ? »

L’Altdorfer avait répondu ça du tac-au-tac avec son grand ton noble emprunté, tout en se levant comme s’il était monté sur ressort. Enfin ! Enfin, Reinhard sentait une émotion très forte derrière ce fin tas rutilant d’acier noir et de magie impie. Hautain, imbu, il lui parlait comme l’aurait fait un messeigneur qui serait tutoyé par son valet.

« Mon plan est la réalisation finale du destin de l’Humanité ! C’est l’apothéose de milliers d’années de culture humaines, et la raison d’existence-même de notre race ! Tu ne sais même pas… Même pas pourquoi tu es là ! Tu te balades, tu te promènes, comme un ivrogne sur les quais du Reikerbahn, errant là où te dit d’errer, agissant au hasard selon tes caprices, et parce que tu es doué avec un pistolet et pour lancer de l’indicible magie de bataille, il faudrait que tu te compares à ma destinée ?! Sais-tu au moins ce que c’est que cet endroit ?! Où l’as-tu trouvé également parfaitement sans faire exprès, comme si les trames de l’univers étaient juste ton parc privé ?!
Je devrais te tuer sur place pour cette insulte, car tout en toi est insultant — tes manières, ton visage, ton existence même, et surtout, le temps que tu me fais perdre !
Mais soit ; Ton insolence mérite bien quelques réponses, et je ne souhaite pas perdre cette occasion d’éduquer mon inférieur. Surtout sur de telles choses. Surtout sur un sujet qui devrait concerner chaque être humain qui respire sur cette Terre. »

Et voilà qu’il commençait à contourner la table, en faisant un distrait signe de main vers le siège sur lequel il était précédemment assis : il fallait interpréter ceci comme une autorisation à prendre place. Alors, Reinhard put tranquillement prendre place comme un simple étudiant, tandis qu’Aekold ignorait tout l’équipement qu’il avait subtilisé au mage, et qu’il reprenait son fauteuil de chef au bout de la table ronde — car même circulaire, il ne faisait autour doute que cette table avait bel et bien une hiérarchie.
Ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour tuer Aekold. Bien qu’il soit le seul humain ici, il y avait toujours, patrouillant dans cette bibliothèque aux étagères quasi-vides, deux solides automates qui pourraient lui venir en renfort. Mais il fallait réfléchir au bon moment pour tenter une échappée folle, saisir l’opportunité adéquate…

En attendant, Aekold agita des mains. Et alors, les flammes bleues qui illuminaient la pièce diminuaient, pour plonger l’environnement dans une semi-obscurité. À l’inverse, le feu au centre de la table augmentait en intensité. Et dans son reflet, le Tzeentchi affichait ce qu’il désirait présenter — en l’occurrence, le vide de l’univers. Un noir absolu, celui d’une nuit sans lune.

La voix d’Aekold changeait. Plus calme. Plus froide. Plus douce, aussi, bizarrement. Il se mettait à parler avec la passion d’un professeur.

« Au commencement, il n’y avait rien. »

Et alors, le ciel noir se mettait à briller de milliers de points luminescents.

« Qu’est-ce qu’il y avait avant ? Pourquoi la vie s’est insufflé ? Qui a allumé la première étincelle ? Nul ne le sait. Pas même Tzeentch. C’est la seule énigme qui est sans réponses ; mais dans l’infini, au centre de toutes les galaxies, et de toutes les galaxies des univers qui coexistent entre eux, au beau milieu du Chaos, il y a une… Cavité, un abysse noir qui avale et raccroche tout : on l’appelle le puits de l’éternité. Un jour, Tzeentch y a lancé un de ses serviteurs, Kairos, le Tisseur de Destins. Il en est revenu, capable de voir tout le passé et tout le futur de tous les univers — mais aveugle au présent, et complètement insane, sa psyché de démon terrorisée. Peux-tu imaginer ça ? Un Dieu du Chaos qui n’a pas réponse à une question. C’est ce qui le terrifie plus que tout, c’est ce qui motive toutes Ses actions, et il ne s’arrêtera jamais, tant qu’il n’aura pas réussi à déchiffrer ce mystère. L’idée qu’il y ait un demiurge, source de tout, est la seule peur de cette divinité.

Mais éveillé est l’univers. Du vide de ce puits, les températures ont augmenté, la gravité a poussé la réalité, et il y a eut une soudaine contraction — une explosion, cataclysmique, assez pour donner naissances aux éléments. Et voilà qu’apparurent les soleils. Et avec les soleils, de minuscules cailloux qui deviendraient des corps célestes. Et avec le monde de l’infinitésimalement grand, apparut celui de l’infinitésimalement petit. Et certaines de ces étoiles ont gonflé, et ont explosé, et donné naissance à de nouvelles étoiles. Et ainsi, cela a continué, pendant des milliards d’années — pourtant, on peut bel et bien donner une date d’anniversaire à l’univers. Le pensais-tu imaginable ? Tzeentch est extrêmement intelligent, et ses Ducs ont travaillé sans relâche à compiler, expérimenter, rechercher, et observer pour en arriver à cette conclusion, comme l’ont fait d’ailleurs les Elfes et les Astromanciens de notre planète — on peut remonter très loin dans l’expansion de l’univers, même si on n’est jamais parvenu à arriver jusqu’au début. Mais tout de même…
L’univers est vieux de treize milliards, huit cents millions d’années, à peut-être deux cents millions d’années d’incertitude, cela dépend des calculs. »

Sous les yeux de Reinhard, dans les flammes, s’affichait l’expansion de l’univers, sa reproduction, comme au théâtre, mais plus vivant que jamais. Comme s’il regardait avec des yeux antiques ce qui c’était réellement passé.

« Cet univers, a un miroir. Tu le sais, parce que, comme moi, tu es né avec une prédisposition à le voir. Il y a le matériel, et, directement reflété, l’immatériel. Je ne parle pas du chaos, attention. Je ne parle pas de la magie. Met ton savoir de côté pour l’instant, et écoute.

L’univers matériel est caractérisé par la Loi. La physique, la gravité, la mécanique, l’atmosphère… La thermodynamique, l’osmométrie, le rayonnement — je passe sur tous ces chapitres fort passionnants, je suis au regret de t’informer que mon érudition est surtout caractérisée par les humanités, je ne suis pas le meilleur éducateur pour tous ces sujets. Mais voilà, le matériel est enfermé par la contrainte, et la logique. Tu lâches une pomme, et la pomme tombe au sol. C’est la même règle qui force notre planète à bouger selon un axe, et force aussi les deux lunes, même la lune maléfique, à s’arc-bouter sur la-dite planète. Un ballet continuel de froide logique, calculable, et rationnel.

L’univers immatériel n’est pas indépendant — il est totalement lié au matériel. Il existe en reflet, juste à côté de nous, invisible — ou indicible, plutôt. L’immatériel a toujours été là, dès l’expansion, à observer et à être observé. L’immatériel n’a jamais eu besoin d’être peuplé — c’est une… énergie. Une énergie, oui. Comme l’électricité — tu connais l’électricité, ce choc brillant qui te frappe quand tu t’es frotté à un manteau en laine, ou à un chat trop poilu ? En ce moment même des érudits s’acharnent à harnacher l’électricité, hé bien, l’immatériel est très comparable à l’électricité. Il ne pense pas, il n’a pas de but en soi, c’est une extension de notre univers, et une passerelle entre les différentes réalités — car dès l’instant où des planètes se sont séparées en deux, différents univers se sont mis à s’accoler les uns aux autres, progressant en même temps que nous, et s’ils sont indépendants les uns aux autres, tous partagent exactement le même immatériel. C’est comme un fleuve : tu vois le Reik ? Tu descends, et il y a Grissenwald, et Kemperbad, et Altdorf, et Marienburg… Les communautés humaines sont différentes entre elles, mais toutes sont liées par cette même artère. Eh bien, l’immatériel est l’artère vitale des univers. Nous en avons terriblement besoin, car c’est ce qui a influencé la création. Mais l’univers existe aussi indépendamment de sa volonté.

Tout ça est bien passionnant, n’est-ce pas ? Mais peut-être très désincarné. Je résume grossièrement, je ne veux pas te faire tout un cours de métaphysique — il faudrait que tu t’inscrives à des semestres à l’université d’Altdorf pour ça. Mais c’est assez désincarné. Alors, accélérons un peu, pour arriver au moment qui va réellement te passionner : pourquoi est-ce que nous existons ? »

La lumière affichait maintenant une sorte de grande plaine rocheuse. Une étrange construction sédimentaire. Une plage de cubes de pierres gris-noires. Pas une herbe qui pousse, mais de l’eau qui formait de l’écume.

« La vie est arrivée. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas vraiment quelque chose de si impressionnant que ça — les hommes qui croient que l’apparition des êtres vivants est une énigme ne sont juste pas allés très loin dans leurs recherches. Il suffit de mettre en place quelques éléments et de compter sur un peu de chance — le matériel et l’immatériel, donc — pour que se forment des petites… Créatures, absolument microscopiques, qui vont engendrer de plus grandes qui feront elles-mêmes de plus grandes, et cætera.

L’univers n’a pas basculé avec la création de la vie. Il a en revanche basculé, le jour où une espèce est parvenue à enfin réaliser quelque chose de formidable — découvrir et maîtriser l’Immatériel. »

Et ainsi, sur la plage, apparurent des sortes de silhouettes de lumière. Avec son discernement, humains, mais sans aucun trait distinctif. Des ombres dorées. Probablement une imagination de ce qu’ils étaient réellement, sans parvenir à définir leur réalité corporelle.

« Personne ne sait vraiment à quoi ils ressemblaient, car ils pouvaient prendre n’importe quelle forme. La réalité n’était pas une limite pour eux, mais quelque chose à modifier à leur guise. Cela semble être une sur-espèce qui s’est reproduite entre elle, jusqu’à donner une race viable de plusieurs centaines d’individus, d’abord capables d’utiliser le matériel pour modifier à leur guise leur planète d’origine : en manipulant l’immatériel, et son action sur notre monde, ils semblaient capables de changer le cours des rivières, de pousser les arbres, d’élever les montagnes… Et même de bouger l’axe de gravité de leur planète. Il ne leur fallut qu’un tout petit peu de temps — probablement quelques centaines de millions d’années, rien comparé à l’univers donc — pour apprendre à voyager dans l’espace, et aller découvrir les autres planètes, puis les autres étoiles, et les autres galaxies ensuite, et s’amuser à prospérer et expérimenter dedans.

Et c’est ainsi que sont nés les Anciens, dont tu as tant entendu parler. Les maîtres des éléments. Des scientifiques autant que des aliénistes. Les spécialistes du vivant et du non-vivant, de l’immense et du minuscule. Et également… Des psychiques. Ils ont créé leur propre langage, quand bien même ils savaient communiquer sans parler. Ils ont appris à créer la vie, et à la diriger, afin d’avoir des races entières d’esclaves, des milliards d’individus aux couleurs et aux membres différents, qui pouvaient travailler pour maintenir la grandeur de leur Empire.

Tu ne seras donc pas surpris d’apprendre que les Dieux que l’Humanité vénère, sont tous des Anciens. »

Dans le feu, certaines des ombres lumineuses semblèrent se transformer et s’incarner.

« Tous les panthéons ont toujours les membres dedans. Tous. Dans toutes les civilisations, pour toutes les races. Tu trouveras des Dieux de grands idéaux : des Dieux de la guerre, par exemple. Ulric, Djaf, Grimnir, Khaine… Des Dieux de la sagesse : Verena, Hoeth, Tahoth… Et puis tu as des Dieux qui incarnent des éléments, le soleil, le ciel, la forêt.
Il est certain que les Anciens semblaient parfois se spécialiser dans l’un ou l’autre domaine. L’un d’entre eux, Chotec, était un astronome particulièrement puissant, qui avait appris à maîtriser le pouvoir du soleil et pouvait précisément dater les âges des étoiles de la galaxie. Un autre, Itzl, se trouvait être un zoologue spécialisé dans la maîtrise des êtres vivants non-doués d’intelligence — il savait comment différents animaux pouvaient avoir différentes utilités, et était spécialisé dans la création de nouvelles races hybrides et les études de la domestication. Un peu comme Taal dont tu portes les cornes, non ? Il y en avait un très rigolo, Quetzl, qui était un protecteur et un poliorcète, un stratège militaire spécialisé dans toutes les choses guerrières. Il y avait parfois des races abruties et serviles qui comprenaient ce qu’étaient réellement les anciens, et qui se révoltaient. Quetzl menait la pacification, volant à travers les planètes en déchirant les structures et les corps, afin de punir toute velléité de rébellion.
Et puis, il y en avait un, Xhotl, qui se spécialisait dans la divination — il était capable de dessiner des prédictions et des probabilités avec une précision remarquable, et donc, on disait qu’il pouvait connaître le futur de tout ce qui existait ; si ça te rappelle Mórr et ses cérémonies, c’est parfait, c’est que tu commences à suivre.

Voilà, la réalité du divin. Ça en perd de sa majesté, n’est-ce pas ? L’Humanité devrait se réjouir à cette nouvelle pourtant : les athées sont bel et bien des abrutis, et les Dieux existent ! Évidemment, ce ne sont que des êtres à moitié de chair qui sont de super-mages immortels, mais après tout la religion n’est que question de decorum.

Et pendant quelques centaines de millions d’années, les Anciens ont tissé un Empire immense. Ils voyageaient de planètes en planètes, pacifiant, dirigeant, détruisant parfois. Et ils voyageaient à travers l’Immatériel, aussi, sur leurs grands vaisseaux d’argent qui sillonnaient le monde, aidés par des milliards d’individus à leur service. Le pire, c’est que malgré la grandeur de ce qu’ils étaient, l’univers n’a laissé que peu de traces des Anciens eux-mêmes — ils ont très vite appris à se cacher, et à diriger des serviteurs par télépathie pour servir de chefs politiques, de chefs scientifiques, et de chefs militaires. On pourrait passer des millénaires dans les archives de leur Empire, sans jamais saisir leur vraie nature. Et Tzeentch l’a fait, donc je ne sors pas cette information de nulle part.

Et le monde aurait pu rester ainsi. Jusqu’à ce qu’ils se mettent à tellement abuser de leur pouvoir qu’ils en ont créé… Quelque chose. »

Reinhard pouvait le sentir — Aekold souriait derrière son casque. Et après les images d’immenses planètes aux forêts vierges qui étaient visitées par des sortes de bateaux du ciel, maintenant, l’abysse de l’univers passait du noir au coloré. L’aethyr. Tel qu’il le connaissait vraiment.

« L’immatériel est une énergie. À trop déchaîner une énergie, on risque de graves retombées. C’est comme… Un incident dans une usine à Nuln. Le four est trop chaud, les métaux s’usent, on n’entretient pas assez parce que la complaisance est un poison universel, même pour les Dieux — et c’est au summum de la fournaise que l’incendie se déclenche, n’est-ce pas ?

Les Anciens étaient tout-puissants. Mais ils se sont amusés à doter des races serviles de potentiel pour puiser dans l’aethyr — ils avaient besoin de serviteurs utiles, après tout. Et puis, parce que l’immatériel ne les obéissait pas assez, ils l’ont forcé à leur obéir : en créant des portails qui permettaient de siphonner l’énergie, afin d’en avoir autant qu’ils désiraient.

Mais rien ne se perd. C’est une réalité métaphysique importante : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Mais tu connais peut-être le concept philosophique d’hubris ? Je le te le résume grossièrement : quand tu n’arrêtes pas de vaincre, de tout accomplir, tu deviens si fier de toi-même que tu es aveugle aux dangers et aux signes avant-coureurs. Visiblement, les Anciens buvaient le calice de l’hubris jusqu’à la lie, parce qu’ils n’ont apparemment pas agis pour garder leur Empire, jusqu’à ce qu’il fût trop tard.

Tu connais l’Immatériel. Je ne vais pas t’apprendre de grosses révélations sur ce qu’il est. C’est une énergie, mais une énergie bizarre, qui n’est pas stérile : c’est une énergie motivée par son utilisation, et par les consciences. Et plus des races intelligentes ont été créées, plus des races intelligentes capables de siphonner son énergie sont apparues, plus il s’est étendu, beaucoup plus vite que l’univers ne pouvait s’étendre. Tu te souviens mon analogie du fleuve ? Les Anciens ont provoqué une crue.

Vois-tu, tout se reflète dans l’immatériel. Y compris nous. Nos corps sont dans le matériel, nos âmes sont dans l’immatériel, et entre les deux, il y a une ancre. Ce que beaucoup de gens ne comprennent pas, c’est que l’âme n’est pas toi. C’est pas ton corps qui est un automate et l’âme qui est le siège dirigeant : l’âme ne pense pas, l’âme n’a pas de volonté ou de désir. Ce qu’on appelle âme n’est qu’un gros amas d’énergie psychique, la partie de toi qui est dans le monde-miroir. Sans ton corps, l’âme se contenterait d’exploser et de s’enfuir dans le vide, et il n’y aurait plus rien de toi, de la même manière que le corps, quand il a cessé d’être utilisé, pourri, est avalé par les asticots, et nourrit la Terre. C’est dérangeant de penser ça, mais il n’est pas censé y avoir d’au-delà. Nous sommes vivants avec des sens, et des amours, et un but, tant que l’ancre subsiste, car nous sommes l’ancre, ni totalement le corps, ni totalement l’âme.

Les Anciens ont détruit cette harmonie. D’abord parce qu’ils ont créé des êtres pensants sans âmes — c’est une mutation qui existe encore aujourd’hui chez quelques immensément rares êtres humains. Ensuite, parce que ces fous gonflés d’hubris, ont inventé l’au-delà. Ils ont inventé des réceptacles pour les âmes usées, et pour diriger les races serviles, ils ont dit que c’était le paradis, le Walhalla, les jardins de Mórr. C’était pratique pour eux pour ne pas gâcher toute l’énergie psychique des âmes qui était censé logiquement s’évaporer dans le vide quand elle était trop montée en température avec toutes les expériences qu’une âme éprouve en quelques décennies de vie mélangée au matériel.
Voilà la réalité du paradis. C’est une usine de recyclage de matériaux des extraterrestres qui nous dirigent. D’habitude j’essaye d’expliquer cette partie avec un peu plus de diplomatie, parce que c’est le moment où les gens sont à bout, mais puisque tu m’as bien emmerdé, on va vite passer sur cette grande révélation pour continuer.

L’immatériel s’est donc mis à s’étendre. À gonfler. À exercer une gravité sur les portails. Et puis, comme l’univers, il y a eut une seconde explosion. Et, enfin, arrive, le Chaos. »

Les flammes bleues s’agitaient. Et maintenant, il y avait l’horreur. D’étranges races qui n’avaient rien d’humain, mélangées avec des morceaux de démons. C’était, étrange… Reinhard pouvait jurer qu’il y avait, dans les serviteurs des Anciens, des créatures qui ressemblaient à s’y méprendre aux Horreurs de Tzeentch, ou aux Démonettes de Slaanesh.
Le Chaos n’avait jamais paru aussi étranger et éloigné de lui qu’en cet instant. Et Aekold continuait sa dissertation.

« Le Chaos et l’immatériel sont la même chose. La même énergie, à 100 %. Le Chaos n’est pas, en soi, une corruption, ni, en soi, néfaste ou mauvais. Mais le fleuve qu’était le Chaos a débordé de son lit, a englouti les villes, et il s’est assez vite mis à penser par lui-même, nourri par des âmes torturées et réutilisées à l’infini, fois plusieurs milliards. Il se trouve aussi, de façon assez étrange, que plus il y a des sensations fortes et terribles, plus notre reflet dans l’immatériel est grand. Tu crois que l’immatériel se nourrit beaucoup de l’âme de quelqu’un qui a un boulot de neuf heures à dix-sept heures, avec une maison, une femme et des enfants ? Il se trouve que l’immatériel se déchaîne le plus quand il y a des meurtres en série, de la nécrophilie, des tueurs de masse, et toutes ces horreurs. Il se trouve que l’immatériel aime le désespoir, et la haine, et l’ambition, et le désir. Et donc, l’immatériel s’est mis à chercher à gagner en puissance, parce que c’est le propre de tout — tout ce qui existe désire naturellement se reproduire, le carburant veut continuer de brûler, les chevaux veulent continuer de manger leur herbe…
C’est ainsi que sont apparus les premiers démons. Des reflets des races intelligentes, cherchant à obtenir de la puissance, en s’emparant des consciences des vivants, ou même à obtenir leur dévotion, car la vénération est le plus grand des amours.

Et les démons se sont battus. Certains ont été détruits. D’autres ont grandi. Et les démons ont donné des archi-démons, qui ont régné sur des inférieurs. Et les archi-démons ont donné les Dieux du Chaos. Et après mille péripéties, des naissances et des morts, des débordements dans le matériel, on s’est retrouvé, bon gré, mal gré, avec Quatre divinités qui ont passé un pacte entre elles, d’abord pour régner sur tout l’Immatériel et se le partager, purgeant au passage tous les autres qui ont eu le choix entre mourir ou se cacher au plus profond de l’aethyr (Je crois que je ne t’apprends rien en te révélant qu’il y a plus que Quatre Dieux du Chaos, pas vrai ?), puis, pour s’attaquer au matériel et détruire les Anciens.

Il y eut une guerre dans les étoiles. Une guerre longue de millions d’années. Je t’épargne les détails : le Chaos a gagné. Et pas qu’un peu. Ils ont réussi à tuer des Anciens. Ils ont réussi à avaler leurs cités toutes entières, qui ont été annexées dans l’aethyr. Le Labyrinthe de Tzeentch, le Sérail de Slaanesh… Ce ne sont pas des créations des Dieux du Chaos. C’est ce qu’ils ont obtenu par droit de conquête, et transformé, en envahissant les palais magiques des Anciens. Nos « Dieux » que nous vénérons, toi et moi, ne sont même pas réellement des Dieux. Ce sont juste des parasites particulièrement forts pour se reproduire à toute vitesse et incarner l’énergie qui les recréées éternellement. Sanctifiés soient leurs noms.

Les Anciens se sont mis à paniquer. Ils ont vu tout ce qu’ils avaient construit être avalé et transformé sous leurs yeux. Ils ont commencé par avoir le projet de créer un Ancien plus grand et plus fort que tous les autres, qui se nourrirait des âmes et pourrait combattre le Chaos directement dans sa propre dimension — ils ont appelé ce nouvel Ancien, leur grand projet salvateur, Xholankha. Puis ils l’ont perdu. Ah, il n’est pas mort, ils l’ont littéralement perdu, ils l’ont envoyé dans l’aethyr et n’en ont plus jamais eu de nouvelles.
Ils ont donc fait ensuite la seconde option qui leur rester : S’enfuir. Ils ont pris un de leurs grands vaisseaux argenté, et ils sont partis, à travers un abysse de la galaxie, ailleurs.

Les Quatre ont triomphé de tout ce qui existait. Mais ils ont compris, le danger que posaient encore les Anciens. Ils étaient les seuls ennemis capables de les endiguer, et aussi, les seuls êtres capables de réellement satisfaire leur faim. Alors, ils ont ensemble passé un pacte : Même s’ils continueraient leur guerre entre eux, ils uniraient leurs forces quand ce serait nécessaire, pour traquer et détruire la race des Anciens. »

Aekold se rassit.

« Bon. Tout ça c’est pour l’introduction… Tu arrives à suivre jusque-là ? Pas d’autres questions ? Sois honnête, parce que je te jure que ça s’accélère drastiquement juste après. »

Message par **Reinhard Faul** » 18 déc. 2023, 11:49

Je voulais du monologue de méchant ? J’en ai eu.

Au début, il a commencé par m’insulter, bien sûr. Puis il a expliqué… plein de trucs. On peut dire que j’ai écouté beaucoup de gens expliquer des trucs depuis le début de mon aventure, mais là on a affaire à la reine, l’impératrice suprême, la déesse ultime des explications. Je me plains pas, c’est pour ça que je suis venu, j’essaie seulement de m’accrocher avec mes petits moyens. C’est une compétence aussi de rester assis et attentif longtemps pendant que quelqu’un explique quelque chose. Surtout que Aekold est par le plus accessible des conférenciers. Il pose des questions ,mais il y répond immédiatement tout seul. Les dix premières fois je me suis fait avoir à répondre « je ne sais pas » ou à essayer de formuler quelque chose, mais il me coupe toujours la parole alors j’ai arrêté. Au début je tentais de signaler mon écoute attentive avec des petites remarques du genre « les planètes ? Ouais j’en ai entendu parler », ou des « ça alors » bien placé, mais je crois qu’il en a rien à foutre. Peu à peu je me suis transformé en interlocuteur parfaitement silencieux. Ma posture est devenue de plus avachie, le menton posé sur mon poing. Après j’ai commencé à me tortiller parce que j’ai mal au dos. Le temps passe pas pareil ici et je sais pas comment le Premier Oeil est pas mort de soif en parlant si longtemps.

Mais est-ce que je m’ennuie ou me moque de ce qu’il dit ? Pas du tout. Je comprends pas tout par contre. Il a la pédagogie de mettre des images sur son écran magique, mais en vrai ça me donne très mal à la tête et je crois que j’ai fait une toute mini crise de quelques secondes quand il a mis l’univers en train de s’étendre et d’exploser en milliers de soleils. Du coup j’ai pas suivi quand il a parlé de Morrslieb qui reste collé au ciel à cause des pommes – c’est pas la seule fois où ce genre de phrase insane va traverser ma tête.

Mais ça encore ça allait, je me disais que le pauvre gars radotait. Personnellement j’en ai pas grand-chose à foutre des planètes. J’ai compris que c’était des grosses boules géantes qui flottaient dans ce que j’imagine être un énorme, gigantesque, bol de soupe – on arrête pas de me montrer l’espace comme noir et vide mais c’est franchement plus simple pour moi d’imaginer un bouillon de poulet avec des petits morceaux. Pareil avec cette histoire d’Immatériel qui serait comme un chat qui donne un coup de jus. Je comprends que j’ai voyagé dans ce truc-là grâce à l’Interlope – même si je vois pas ce que les chats viennent faire là – mais j’admets ne pas m’être retourné la tête là-dessus. Mes priorités sont restées de m’occuper d’Elspeth, de la secte et compagnie. C’était une erreur, visiblement, mais bref. Sur le coup ça m’a pas bouleversé. C’est grand, c’est loin, et moi je suis petit et j’ai jamais voyagé plus loin que le Stirland.

C’est la suite qui est vraiment horrible.

J’écoute toutes les explications d’Aekold dans un silence religieux, l’œil vitreux. Va savoir pourquoi, il s’arrête au bout d’un moment pour me demander si j’arrive à suivre. Mon casque et mes mutations laissent pas l’occasion de savoir si je suis réveillé, endormi, conscient, ou mort. Je réponds d’une voix blanche - et aussi doué pour les métaphore que le compère Aekold :

« Dooooonc… on est un espèce de… d’élevage de poulets pour les magiciens tout dorés de ton écran là, qui sont pas du tout des dieux ? Et nos tourments s’arrêtent pas avec la mort, vu qu’il y a un intérêt à nous torturer en boucle pour l’éternité. Et en gros… une fois qu’ils ont bien foutu leur merde en rendant les poulets très émotifs, doué de magie et uniquement composé de cuisses, des parasites sont arrivés – des parasites qui se nourrissent exclusivement de torture, donc – et les Anciens se sont chiés dessus et se sont barrés en laissant tout en état ? »

J’ai ensuite donné l’avis le plus péremptoire qu’on ait jamais donné à propos des faux-Dieux :

« C’est… c’est un peu des enculés non ? »

La journée devient un peu longue, mais là je vois pas trop le problème avec le fait de donner des Anciens à bouffer aux forces du Chaos, si c’est le seul truc qui peut les rassasier. Dans ce que vient d’expliquer Aekold, ça serait un retour de bâton bien mérité.

Warforum JDR: forum JDR gratuit dans l'univers Warhammer®

[Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Re: [Le Coësre] Dénouement

Connexion • S’enregistrer