Les gardes du corps de l'héritier princier approchainet: six hommes entourant le gamin, tous dans des armures bien forgées et avec des belles lames à la ceinture ainsi que des têtes à manger des bébés vivants. Sans doute que le Prince voyait d'un mauvais oeil l'idée de laisser sa descendance sous la protection d'hommes incapables de massacrer une foule sans sourciller.
Au signal convenu, l'enfer se déchaina.
Le dénommé Angelo, malandrin bien équipé, sortit de sa manche un appareil étrange, sorte de pistolet à cinq canons rotatifs qui déclenchèrent un déluge de feu et de plomb sur les gardes du corps. Deux s'effondrèrent sur le coup, leurs armures incapables d'arrêter les projectiles. Il serait noté, pour l'histoire, que l'un des deux fit barrage de son corps envers l'héritier princier, un gosse qui paraissait n'avoir pas plus de quatorze ans et qui cria d'effroi en voyant la mort de si près
Puis ce fût la charge. La retraite coupée par un assassin habilement caché, les gardes crièrent en sortant les épées de leurs fourreaux et en taillant dans les chairs. Le fer de la dague rencontra l'acier de la rapière. Affaiblis, les protecteurs ne présentaient plus un danger mortel malgré une résistance farouche. Ils tomberaient bientôt et avec eux leur protégé qui lui-même tentait de survivre... C'était du moins l'avis partagé par tous jusqu'à ce que le pistolet de Piero ne crache son boulet vers un des tueurs qui chût en avant, foudroyé à l'impact. Les embusqueurs furent embusqués et soudainement le combat devint bien plus équilibré.
A la surprise de Piero, cependant, il n'était pas tombé sur des ruffians mal payés envoyés au casse-pipe, mais bien sur d'authentiques professionnels de la mort, au bras sûr et au talent affûté par l'entraînement. Il en fût bientôt quitte pour une belle estafilade près de l'oeil droit et un coup de poignard bien placé sur la cuisse gauche. Heureusement que l'aventure et les fréquentations douteuses avaient aiguisé son propre instinct de survie, où il y serait passé, comme un de ses hommes qui fût égorgé proprement.
La présence de Manuelo lui sauva la vie. En membre respectacle des Huit, il se débarrassa de son adversaire avec une légère difficulté et vint immédiatement à la rescousse de Piero dont il embrocha l'oeil de l'adversaire par derrière. Une vision atroce mais salvatrice.
Bientôt le dernier malandrin périt, transpercé par la lame-même de l'héritier qui contempla son oeuvre avec les yeux hagards et la bouche sèche. Son premier meurtre peut-être... Il en fallait bien un.
Mais ses hommes n'étaient pas aussi naïfs. Les deux survivants, toujours bien faut fait de leur mission, se placèrent devant lui sans ménagement, les armes toujours à la main. Devant eux Piero, Manuelo et leurs deux derniers condisciples (en sale état!) faisaient pâle figure.
-"Merci bien pour votre aide, compagnons, Myrmidia vous a mis sur notre route. Laissez-nous passer maintenant, nous avons à faire."
Le ton ne souffrait aucune réplique Le petit prince, qui sentait bien que son gardien manquait de courtoisie, intervint.
-"N'hésitez pas à vous faire annoncer au palais de Don Felicite, je saurai vous récompenser dignement !"
Si lui n'avait rien remarqué, son protecteur dardait Piero suspicieusement. Quelque chose clochait: de telles aides n'arrivaient pas habituellement, c'est donc que quelque chose se tramait. Il voulait partir le plus vite possible avant de tomber dans un second piège... Trop tard?