Aussi s’était-il mis juste devant moi, son visage uniquement séparé du mien par les barreaux qui me claquemuraient de leur rouille, pour me morguer au visage. Par la barbe de ma mère, son visage était si proche de moi, qu’il m’eût suffit d’un petit coup bien sec pour lui crever un œil ou lui enfoncer la glotte. Mais bien, suffisait que je me merde, et c’était terminé pour nos espoirs de liberté.
Si fait, les gains n’étaient pas autres que les mêmes rations auxquelles ils avaient droit si l’on gagnait, pour nous, et, pour eux, le droit de se saisir de nos nibards à pleines mains si l’on perdait. Entre autre. Eh bien, le choix était vite fait. Il était évident que je rêvais, plutôt que de pain sec, de vieux salmigondis avariés, d’une macédoine sans saveur, et d’une olla-podrida àlakon. J’aurais clairement tout misé pour ça. Qu’ils aillent se faire foutre. Je m’en battais les mamelles comme pas deux de leurs conneries gustatives, et je n’étais définitivement pas assez affamée pour tirer la tronche devant du pain si sec que je devais le tremper dans la flotte pour qu’il fût mangeable. Mais bon. Il m’en chalait moins de pouvoir en faire venir un, voire les deux, dans la cage, et de les matraquer jusqu’à ce que mort s’en suivre. Par ailleurs, ils avaient l’air des plus imbriques, les deux bougres. Ça ne devrait pas être trop difficile. Et j’allais enfin pouvoir savoir où ils avaient pu foutre mes affaires personnelles.
«Vale. On se fait quoi, un poker d’as ? A moi les vieux ragoûts et les raclures de fond de chaudrons, et aux oubliettes le vieux pain. T’as pas la moindre chance, mon gars. Tu es débil », finis-je par lui lâcher lentement, avec morgue, condescendance, et en le regardant droit dans les yeux. Il était impossible de savoir si j’avais véritablement parlé en estalien ou dans notre langue commune. Mais ce qui était certain, c’était que, dans les deux langues, ma phrase avait un sens, sens qui n’était aucunement pour le gratifier. Je reculai dans ma cage avec un petit sourire malsain et suffisant, attendant qu’il s’en allât chercher mes dés.
Un poker aux dés, ainsi ? Genre on jette les dés, on check les résultats, et on retient les dés que l’on veut garder tout en rejetant les autres dés, puis on assemble ce que l’on avait retenu avec ce que l’on obtient alors avec ces nouveaux jets. Et les combinaisons du poker s’appliquent pareillement (sauf que l’on peut donc avoir cinq dés identiques en plus).