[La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

Où s'écrivent les histoires, hors du temps et des règles compliquées du monde réel...
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Piero Orsone
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Chapitre XI : La Cité


Si Quentin avait fait preuve de courage en se proposant comme éclaireur, il s'était évaporé à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le ventre de la Montagne. Le groupe de soudards était plus muet qu'une tombe, leurs visages bruts étaient teintés de peur à la lueur de leurs torches vacillantes. Ils marchaient dans le boyau qui partait depuis la porte entrouverte depuis trente longues minutes. Alignés comme des sentinelles éternelles, se dressaient de grandes statues de pierre représentant des guerriers nains. Chacune était différente avec leurs barbes enrochées, leurs haches ramenées contre leurs jambes mais elles avaient toutes la même prestance.

Il pensa aux histoires que lui contait son père sur les fiers héros stoikars de jadis ; des noms comme Bjorksy poing-de-fer, Draal le vertueux ou Fjorga la broyeuse. Tous vivaient dans la Citadelle et partaient défendre Poblof des menaces qui pouvaient peser sur la ville humaine. Étaient-ce eux qui étaient immortalisés dans la pierre ? Il ne savait pas lire les inscriptions des stoikars, condamnant ces statues à l'anonymat.

Au bout du tunnel ils débouchèrent enfin dans la véritable cité dont l'entrée était marquée de remparts épais aux chemins de ronde délaissés depuis des lustres. Ils étaient sous des milliers de tonnes de roche et le plafond n'était que pierre. Dépassant les deux statues gardant le passage creusé dans la muraille ils se regardèrent comme une bande d'ingénues.
Douze soudards et un jeunot ; et l'obscurité. La lumière de leurs torches projetaient des ombres grotesques le long des murs mais en levant la tête ils virent une lueur émanant du plafond.

« Un puits de lumière , déclara le même homme qui s'était proposé le premier pour venir ici.
En plein jour ça vous fait resplendir la ville comme un soir d'été. Mais là y a que la Lune donc vous verrez pas plus loin que le bout de votre pif. »

Resplendir...Ce terme était hélas loin de la réalité.
Les grands halls étaient vides et poussiéreux, le marbre blanc et noir du sol était ternis.
Il n'y avait pas âme qui vive à part eux et alors qu'ils marchaient entre les colonnes ils virent des canaux charriant autrefois l'eau pure des glaciers remplis de gravats.

« Cette ville est cannée chef , pas un truc en vie » Beugla un des soldats tout en s'approchant du canal.

Alors qu'il se retourna vers le reste du groupe, une masse noirâtre surgit de la pénombre et le plaqua au sol pendant qu'il hurlait à s'en rompre la gorge. Un guerrier jeta sa lance pour pourfendre la créature mais elle évita le trait et disparu dans l'obscurité en entraînant le malheureux dont les cris résonnaient à la ronde.

« Par le Sacre, formez un cercle, restez pas isolés ! »

Un autre hurlement retentit et une torche roula aux pieds de Quentin qui s'empressa de se coller à deux gaillards qui faisaient une tête de plus que lui. Le groupe s'était regroupé comme le font les ruminants qui se protègent des loups en faisant front de leurs têtes cornues. Sauf que les loups étaient bien plus laids :

D'énormes bêtes aux membres élancés comme pour mieux grimper aux surfaces rocheuses approchaient leur hure pleine de crocs jaunes dans la lumière de leurs torches. Ils avaient la fourrure ébouriffée et de la même couleur que la roche des colonnes. Leurs yeux étaient énormes et d'un noir de jais comme pour discerner la moindre once de lumière et une truffe écrasée qui s'agitait en décelant l'odeur de peur et de viande fraîche à leur portée.
Quentin leva la tête vers la voûte au dessus d'eux et croisa le regard d'un de ces monstres qui se laissa tomber sur le groupe en poussant un rugissement.
Ce fut la débandade , les hommes courraient avec les mastiffs troglodytes aux trousses dans la pénombre des torches. L'un d'eux désigna un bâtiment au travers des grands espaces. Un Bloc sculpté directement dans le cœur de la montagne orné des mêmes symboles chers aux nains que l'on pouvait retrouver dans les Halls et sur les murailles.

Le premier à approcher de l'entrée du bâtiment brisa la porte sous l’adrénaline et la peur qui le traversaient.
Lorsque Quentin glissa par l'embrasure, un troglodyte sur les talons qui recula après un coup de gourdin sur le museau par un des reîtres, ils n'étaient plus que sept.
Ils barrèrent la porte et regardèrent autour d'eux, ce bâtiment semblait être celui d'un ordre ou bien une caserne. En regardant dans une autre salle, un briscard confirma qu'il s'agissait d'un atelier d'orfèvres abandonné depuis bien longtemps.

« Qu'est ce qui a pu pousser les nains à déserter la ville ? Questionna un des survivants, une petite frappe avec un bandana aux motifs de Coniston.
-Ces saloperies de clebs, une épidémie, les kormers, la guerre...Qu'est ce que j'en sais ? C'est surtout qu'il n'y a rien à piller à part de la caillasse ! »

Le chef donna un coup de pied rageur dans une polisseuse avant que Quentin n'ouvre la bouche :

« Mais si ce ne sont pas les nains qui ont ouvert, alors qui ?
-C'est en partie ce qui m’inquiète. »

Plusieurs heures s'écoulèrent avec lenteur à mesure que les rescapés perdaient espoir dans leur abri de fortune. Quentin était adossé contre le mur, se demandant ce qui l'avait bien poussé à participer à cette expédition quand un brondissement retentit, tirant de leurs réflexions les sept infortunés.
Un bruit pareil au barrissement des mastodontes du Visland qui descendaient avec le Fléau du Nord lors des grands pillages. Un arbalétrier regarda à travers un interstice de la barricade et lâcha un juron de stupéfaction et incita les autres à venir regarder.

Un groupe de combattants tous plus éclairés que la cathédrale d'Armstrang s'élançait sur le sol de marbre , couverts de plaques de la tête à la barbe , décochant des carreaux d'arbalètes aux troglodytes qui s'approchaient d'eux. Un Chariot énorme les suivait, lui aussi éclairé par d'énormes braseros et tracté par deux imposantes bêtes velues et cornues. Le plus proche des soldats se précipita vers la porte et dégagea le cadavre du loup qui gisait sur le palier. Il retira son casque et un nain à l'épaisse crinière rousse s'écria :

« Ne craignez rien Hukars , moi Tralduin Marteau dans-tes-roustons, Fils de Jovrum Ancre-des-Montagnes, Roi de Kaz-Tar-Hadrin, suis ici pour vous secourir ! »
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Message par Piero Orsone »

Chapitre XII : La Cohabitation



La corneille agitait encore ses ailes alors que le piège s'était refermé sur sa gorge de volatile. Serye l'acheva proprement et l'accrocha avec les autres prises. Faute de grives on mangeait des merles et faute de merles on mangeait des corneilles, des pigeons et des rats.

Depuis qu'elle était devenue une naufragée sur cet îlot rocheux qu'était le Palais Royal elle avait considérablement rabaissé ses standards. Rodric avait survécu en partie en puisant dans les gargantuesques gardes-mangers de la forteresse mais le temps avait gâté ce que les rongeurs n'avaient pas dévoré. Trois jours à se tordre de douleur avaient été suffisant pour la convaincre de se nourrir uniquement avec ce qui tombait dans les pièges ou poussait dans la tentative de potager du Roi. Si elle avait finit par repérer son chemin dans les couloirs sans se fier à l'humain, une de ses plus grosses frayeurs fut de croiser un mort rodant dans un des dédales qu'elle avait emprunté pour aller dans la cour intérieure. Cet asile n'était pas sûr et si les principales entrées avaient été barricadées des créatures maudites s'étaient frayées un chemin jusque dans le Palais. Depuis elle ne s'aventurait plus dans un corridor sans une lanterne et une lame affûtée.
Parfois elle se demandait si elle n'en aurait pas un jour besoin avec son compagnon d'infortune au sang royal.
Il était taiseux, farouche, vivant à l'instinct comme un chien errant depuis trop longtemps dépouillé de la civilisation.
Quelquefois il errait sur le chemin de ronde en regardant les toits d'ardoises de sa défunte ville. Il avait alors un air de roi fatigué par un siècle de règne mais de ce qu'elle en savait dépasser la soixantième année chez les humains était un exploit et il était loin de l'avoir fait.
À d'autres moments il était en train de relever ses pièges, soigner ses plants de légumes ou poser des récipients pour récolter l'eau de pluie.
Le Roi et le Survivant, deux âmes pour un corps.
Même à force d'avoir déchiffré les ouvrages poussiéreux jusqu'à réussir à comprendre la langue des Hommes par delà les deux Montagnes, du moins à un niveau acceptable, l'elfe n'avait réussi à glaner que des bribes d'informations sur Rodric, son Royaume et quoi que ce soit d'utile.

Il était seul depuis environ sept années, le pays était dévasté par une guerre avec un de ses voisins lorsque la Peste s'était répandue. Si la Peste était un dénominateur commun à la plupart des contrées humaines dans lesquelles la Légion d'Or s'était rendu ; les mort-vivants en aussi grand nombre étaient une nouveauté.
La Capitale se nommait Nae'venthis, le Royaume Odhor'ton. En l'interrogeant devant une carte sur laquelle elle avait mise la main elle apprit que la Région était prise en tenaille entre les terres des Hommes barbares venus du froid qui avaient parfois l'audace de débarquer jusque sur les côtes elfiques et un Empires des Hommes Méridionaux.
De petits royaumes dont le sien se logeaient ainsi entre des massifs de montagnes tenus par ces infâmes nains et des forêts certes d'une taille ridicule face à celles qui existaient dans le reste du monde mais qui grouillaient de créatures sauvages, comme sa brigade en avait fait les frais.
Lorsqu'elle parcourait l'enceinte de basse-cour, elle pouvait contempler le Donjon et ses tours s'élevant avec témérité dans le ciel grisâtre.
Le Palais était gigantesque car en outre du Donjon et de l'enceinte extérieure il y avait toutes sortes de bâtiments qui abritaient autrefois tous les services dont avait besoin les châtelains.
Un baraquement à soldats plus grand que nombre de forteresses qu'elle avait pu voir durant ses Campagnes, des écuries où l'on pouvait encore renifler l'odeur des montures racées qui y avaient vécus et même un lieu de culte.
Les vitraux du temple attenant à la citadelle représentaient une foi qui lui était inconnu mais sous la voûte il y avait ces statues en marbre de martyrs, ces livres saints remplis de chant et à chaque fois qu'elle y mettait les pieds elle sentait au fond d'elle comme un apaisement.
Après avoir mit les prises à faisander et s'être assuré d'avoir correctement réalisé quelques besognes elle décida de se rendre au pinacle de la demeure des Rois d'Odorton et entreprit son ascension comme si elle cherchait à rallier la cime des montagnes de l'Arsinoë.

Son périple dans les greniers dérangea quelques chouettes mais au vu des dimensions de ces salles elle aurait pu tout aussi bien croiser une colonie de harpies ou une vouivre.
Point de créatures hostiles cependant, rien que de la poussière, des meubles vermoulues et des oiseaux de proie.
Elle avait beau avoir traversé l'Erion d'Est en Ouest et avoir contourné montagnes et steppes, il fallait avouer que les escaliers de la Tour des Vents faisaient hurler les muscles de ses jambes. Une fois arrivée à la salle située sous la terrasse crénelée elle se laissa glisser contre le mur pour reprendre son souffle.
Un vieux lit, quelques livres posés sur une étagère, des pelisses au sol et une corne de chasse taillée dans celle d'un aurochs comme si l'on se trouvait plus dans la hutte d'un chasseur qu'au sommet du plus haut édifice d'une cité morte.
Elle gravit l'échelle et se retrouva alors avec un panorama à en perdre toutes mesures.
Tout autour du palais et de ses murailles et des ses bâtiments attenants il y avait la métropole coupée en plusieurs quartiers par un fleuve aux eaux paisibles. Il y avait plusieurs autres temples dont les clochers se découpaient sur le motif urbain environnent. Un d'eux était immense avec une architecture raffinée digne du temple de Matharas de Y'Anshara.
Une île sur le fleuve était couverte par des bâtiments certes pas aussi hauts que les lieux de culte mais très étendues, entourant des cours et d'autres constructions plus petites comme une ville au cœur de la ville.
Sur le coup, l'Elfe ressentit une certaine honte...Une honte et une colère car elle voyait en quoi on l'avait trompé toutes ces années.
Lorsqu'elle vivait encore dans le Royaume de Ludelber, on lui avait toujours parlé des Hommes comme des créatures rustres, vulgaires et hirsutes. Incapables d'égaler l'excellence elfique dans n'importe quel domaine. Dans les arènes on voyait se battre des colosses nordiques parfois à moitié nue contre des tigres, des ogres ou des gladiateurs elfes.
D'autres Hommes étaient ramenés comme des curiosités par les riches propriétaires qui aimaient à avoir à leur service des êtres plus exotiques que le simple domestique elfe. Quand elle avait rejoint la Légion d'Or on lui promettait richesse, gloire et service rendu au peuple Fen'ormers.
Les premiers Hommes qu'elle avait vu dans leurs terres étaient les Esterlins, terme rassemblant un conglomérat de nations diverses et déjà elle s'était étonnée de voir qu'ils étaient capables de construire des communautés d'une taille dépassant le campement tribal.
Ils étaient aussi largement capables de combattre comme des loups même dans une rencontre en défaveur pour eux.
Les Démaciens comme les nommaient le Valren et son interprète avaient lancé une charge sur les troupes elfiques toutes brides abattues alors qu'ils se battaient à un contre cinquante. C'était la haine qui les nourrissait, une haine contre les elfes, mais toute la rage de vaincre ne suffisait pas à triompher.
Après qu'ils furent écrasés, elle avait déambulé sur le champs de bataille et ce jeunot de l'avant-garde, Craldil, lui avait offert un collier qu'il avait récupéré sur un archer monté qu'il avait vaincu selon ses dires. Le pendentif était un museau de loup en jade, elle le portait encore.
Cependant les constructions humaines que rencontraient les elfes étaient quasiment toutes en ruine et celles qui n'étaient pas abandonnées ou envahies par de la vermine abritaient une population misérable et même les plus téméraires n'étaient pas de taille à s'opposer à une armée elfique disciplinée.
Mais là...Elle voyait le génie qui avait pu pousser des Hommes à construire des édifices aussi orgueilleux que ceux des elfes. Elle avait parcouru des cités en ruines mais elles étaient les traces qu'ils étaient capables de prouesses dignes de sa propre espèce.

« Serye ? »

L'éclaireuse fut tirée de ses pensées par la voix masculine qui même en disant un nom elfique avait un lourd accent de langue d'Homme. Elle pivota sur elle même dans un tourbillon de cheveux blonds et regarda Rodric. Il était dans sa tenue habituelle, une cape sur les épaules en plus.

« Serye ? Redemanda-t-il en agitant sa main devant elle.
-Pardon, Rodric. » Articula l'elfe distinctement.

Il regarda dans la direction vers laquelle elle était tournée avant qu'elle ne ne le remarque. Il s'avança et posa la main sur le Merlon.

« Cela faisait des lustres que je n'étais pas monté ici...La plus belle vue de la région.
-Oui. Ta ville.
-Il n'y a pas qu'elle... »

Il se stoppa et Serye craignit qu'il s'était à nouveau refermé. C'était déjà bien assez dur de le faire communiquer un peu. Cependant il se tourna vers elle avec une expression presque chaleureuse et l'incita à le rejoindre. Il désigna à l'Est par delà les murailles les bois vert sombre , les plaines et les collines escarpées qui semblaient hautes comme des murets à cette distance.

« Là bas naissent les contreforts des Monts Pénitents, où l'on trouve le royaume d'Adernia et les fiefs des Nains sous la Montagnes. Au nord ce sont les landes bordant le Prudast qui sépare Reickard d'Odorton. Bien plus loin au nord on retrouve les farouches clans du Visland.
-Les Hommes venus du Froid. Affirma-t-elle avec le sourire de quelqu'un qui a pu montrer son érudition.
-Oui, ceux-la mêmes. Vers le Sud c'est l'essentiel des provinces d'Odorton que voilà. L'essentiel...
-De ton Royaume Rodric.
-Je...Je ne suis pas un Roi.
-Si, tu es du Sang des Hommes dont les portraits ornent dans ce Palais.
-A quoi sert le Sang dans un monde en ruine ?
-Tu peux devenir un Roi par tes actes, il y a encore quelques lumières vacillantes dans les ténèbres, quelques Hommes en dehors ce lieu maudit.
-Quitter Naventis...Ma place est ici, auprès de ceux que je n'ai pu défendre...Ma Pénitence jusqu'à ce que s'éteigne la Lignée des Rois qui a failli. »

Le jeune roi qui-ne-voulait-pas-l'être tourna les talons et commença à redescendre l'échelle.

« Tu auras ta rédemption et un nouveau but même si je dois te traîner par le col de ta cape ! » Cria l'elfe sans toutefois le poursuivre. Elle savait que son esprit ne resterait pas de marbre.
Ils quitteraient la Cité des Morts elle s'en fit la promesse.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Message par Piero Orsone »

Chapitre XIII : Le Pillard


Ouvrir les tiroirs, glisser sa main au sommet des meubles, desceller les cruchons. Toujours les mêmes mouvements, la même mécanique. Ici deux cuivrailles, là une statuette en bois flotté. Même en excluant les affres du temps, ces masures paysannes ne recelaient rien qui avait une quelconque valeur.
Duncan ressortit de la première, il y en avait une dizaine entourant un puits écroulé, de petites cabanes de bois, de torchis et de chaume quasiment englouties sous les herbes folles. Bientôt la nature gommerait toutes traces de ce village et il n'y aurait plus personne pour s'en souvenir. Lui et son frère exceptés.
« J'ai trouvé un fer à cheval dans le pré ! »
Des récupérateurs, des glaneurs...Des charognards. Profaner les ruines d'un monde qu'ils n'avaient jamais connu pour revendre à Fort Korst de quoi améliorer un peu leur vie.
On s'y accommodait bien, le boulot était risqué certes avec les goules, les loups ou les coquatrices mais ça payait : Les chapelles abritaient les statues de martyrs aux noms abscons et de coupes ornées ; l’ecclésiaste achetait les premiers et le ferronnier les secondes.
Les fortins regorgeaient de matériel poussiéreux et de drapeaux mités mais les miliciens du Seigneur avaient toujours la bourse ouverte quand on ramenait un blason, un écu ou d'autres reliques qui touchaient leur nostalgie.
Quelle nostalgie pouvait-on avoir quant à la guerre ?
Des champs de bataille ils en avaient parcourus des dizaines, des anciens dont on ne décelait plus que des pièces d'armures rouillées et des os blanchis dépassant de la terre à l'ombre des étendards déchirés mais aussi des plus récents, théâtres funestes des accrochages entre bandes errantes de déserteurs ou de soldats désœuvrés. Parfois entres seigneurs de guerre qui semblaient voués à détruire toujours un peu plus ce qui restait d'ordre.
Il y a trois mois tout juste, la Dame du Nord comme l'appelaient les paysans les plus païens, avait soufflé toute la nuit et c'était les pieds dans la neige qu'ils dépouillaient les soldats tombés de leurs bottes et de leur armement. Puis il y eut celui qui tendit la main vers eux.
Le froid avait empêché ses blessures de l'achever, et c'est à deux qu'ils durent le soutenir jusqu'au hameau d'Apregate. Tout le long du chemin il avait répété qu'il ne voulait pas mourir, pas mourir...
Dispenser la mort mais ne pas vouloir la subir, selon Damon c'était le paradoxe des soudards.
Dans tout les cas il n'y avait ici aucune mort à prodiguer, rien que le bruit du vent et de son frère qui pillait une autre cabane.
C'est au milieu de l'après-midi qu'ils arrivèrent à la dernière bâtisse inexplorée mais la porte était barrée de l'intérieur.
Si toutes ces années de maraude lui avaient appris une chose, c'est que si on prenait le soin de protéger quelque chose, ça avait de la valeur.
Forcer une porte c'est plus facile dans la théorie que dans la pratique. Son épaule commençait à brûler et ils s'acharnaient à deux dessus pourtant. Mais le bois céda avant l'Homme peut être trop brusquement. Alors qu'ils donnaient à nouveau un coup d'épaule de concert , la porte craqua et emportés par leur élan , ils s'étalèrent contre elle dans un fracas de planches.
Il y avait deux pièces, celle où ils venaient de débouler, avec un foyer froid, un lit de paille, des étagères pleines de pots et un meuble vermoulue et l'autre , dont on ne discernait par l’entrebâillement de la porte qu'une silhouette assise et des rayons de lumière au travers du bois d'un volet fermé.
« Y a quelqu'un ! » S'exclama Damon en se redressant.
Aucun son ne s'échappa de l'autre pièce lorsqu'ils s'approchèrent et pour cause:
L'Homme était voûté, contre un bureau, comme un érudit endormi. Un coup d’œil plus aiguisé et l'on pouvait voir que ses mains étaient décharnées, squelettiques même. Son crâne aux orbites vides était posé contre le bureau , fixant encore le livre ouvert, une dernière lecture ou des mémoires ? Il avait emporté la réponse avec lui.
« Regarde le flacon dans la main gauche...C'était pas un remède à mon avis.
-Pourquoi faire ça ? Demanda Duncan en regardant les piles de livres sur les étagères.
-Il ne devait plus rien avoir à faire dans cette vie, être vieux et seul c'est pas un sort louable. Mieux vaut partir comme ça que de se tordre la jambe en allant chercher de l'eau. Ou se faire attaquer par une bête.
-Lettré, c'est pas banale pour un villageois...Il a pas des fringues de fermier. Qui ça pouvait être ?
-Un gars des villes qui s'est barré avec la Guerre ? La Peste ? Embarquons les livres ça peut toujours être utile au Seigneur. »
Laissant le mort à ses secrets, ils s'éloignèrent du village chargés de camelote et d'ouvrages reliés de cuir pour poursuivre leur route vers l'Est à travers les champs abandonnés et les vestiges d'un autre temps. Et puisse le sort leur être favorable.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

Message par Piero Orsone »

Chapitre XIV : Le Chroniqueur


Christens Hombert était juché au sommet de son donjon de brique, sur la tour carrée qui donnait une vue d'ensemble sur Fort Korst et ses habitants, la Palissade, les champs et le monde au delà.
Dormant peu, il avait croisé dans les couloirs les sentinelles qui revenaient de leur quart. Comme lui la guerre les avait usé, la guerre et le Déclin.
Oui le Déclin, il avait finit par mettre un nom aux maux qui affligeaient la région depuis plus d'une décennie.
Il avait une carrière, une famille et un domaine dans les hauteurs de Naventis. Maintenant il n'avait que son livre et la confiance des quinze cents âmes sous son autorité.
Elles ne comprendraient pas à quel point il était hanté par ses observations, ses déductions et ses réflexions.
Les gens de Fort Korst ne cherchaient qu'à vivre au jour le jour. Là ils s'apprêtaient à quitter la sécurité des palissades et des pieux pour travailler dans les champs, ici ils battaient le linge, s'asseyaient devant leurs établis ou faisaient chauffer la forge.

On avait signalé un convoi de réfugiés au nord du bastion, Stuart avait dépêché des miliciens avec elle pour les amener ici sans encombre. Il aurait des questions pour eux, il se devait de savoir ce qui se passait dans les moindres recoins des Franges.
En redescendant dans le bâtiment le seigneur passa devant la porte de son bureau. Son parchemin et ses roseaux l'attendaient, ses compagnons pour témoigner de la fugace existence des hommes sur cette terre. D'une part il recensait la façon de vivre de ses pairs, l'histoire de tel lieu, des objets usuels ou non qu'on utilisait. De l'autre il contait la chute progressive qu'il avait vu commencer il y a seize ans. De la guerre qui s'éternisait entre son royaume d'Odorton et le rival de toujours le Reickard, des épidémies qui fauchaient les survivants, de la désintégration de l'autorité.
Le pouvoir des puissants ne tient qu'en un fil très ténu et il avait été rompu lorsque aucune armée ne vint à la rescousse des gens.
Les communautés durent se recentrer sur elles même, survivre ou disparaître.
Et peu à peu les villes se dépeuplèrent à cause du manque de ravitaillement. Puis ce fut le tour des campagnes.

Il sortit du donjon, passant devant la forge et les écuries, il se devait de se montrer à ses sujets, de s'enquérir de leurs problèmes. Une perturbation non traitée et tout retournerait à la poussière plus tôt que prévu. Il n'y aurait plus que les goules pour mâchonner leurs os.
Comme à chaque fois qu'il marchait entre les chaumières et les ateliers, saluant soudards et paysans, il ne voyait que leur absence, l'absence d'enfants.
Aucun bambin maigrichon qui vous courrait dans les pattes. Aucun apprenti avec son père. Aucun ventre gravide.
Les Jumeaux étaient sortis à l'extérieur pour récupérer des babioles à revendre. Eux exceptés, ils n'étaient que des morts en sursis.
En s'approchant de la porte les maisons se raréfiaient comme si les quelques mètres de plus avec l'extérieur représentaient une protection supplémentaire.
Les gardes qui étaient perchés de part et d'autre des battants étaient d'origine diverses :
Certains étaient déjà dans son régiment lorsqu'il s'était installé à Fort Korst. D'autres étaient des paysans qui voulaient défendre leurs semblables des horreurs qui rodaient dehors. Enfin certains étaient arrivés après dans les compagnies de réfugiés, déserteurs, braconniers et autres hommes en arme peu recommandables. Il fallait être capable d'avoir la plus grande mansuétude quand on dirigeait un reliquat d'humanité. Hombert n'en avait pas avant, il guerroyait pour le royaume et pourfendait les Reickardiens orangés et les seigneurs suderons un peu trop entreprenant. Désormais du Nord au Sud et du Ponant au Levant il n'y avait plus que le chaos.

Un cor retentit pour annoncer le retour de Stuart. Les premiers cavaliers passèrent le seuil suivis de la caravane. Eux ne l'avaient que trop vu le chaos, ils étaient hagards, hirsutes, les pieds ou les bottes maculés de boue. Quelques chariots usés que tiraient des bœufs harcelés par les taons. Ils étaient plus de deux cents, ne possédant plus que ce qu'ils avaient sur le dos ou dans leurs carrioles.
Alors qu'ils commençaient à souffler et que Stuart donna l'ordre à ses soldats d'apporter de l'eau fraîche, le seigneur s'avança dans la foule pouilleuse pour s'entretenir avec un semblant de chef.

Un homme entre deux âges, brun avec des yeux gris ternes se rapprocha. Il avait un griffon adernien sur sa tunique.
« C'moi qui dirige seigneur. Affirma-t-il avec son accent lourd de montagnard.
-Sachez que je vous offre l'hospitalité mes braves, nous sommes bien trop peu pour nous permettre de s'opposer. Répondit son interlocuteur en désignant la foule des réfugiés.
-C'fort aimable seigneur mais on ne restera ici que pour la nuit, il nous reste bien d'la route.
-Je comprends que vous avez eu un long voyage et que vous voudrez vous reposer mais j'aimerais savoir d'où venez vous, vous et vos gens ?
-D'un peu partout : Adernia, Daedwen, Reickard...Que'ques gars d'Odorton aussi. Ça devient intenable avec les bêtes en maraude.
-J'imagine. Malgré nos murs et nos soldats c'est un combat permanent.
-P'is on part vers le Sud, les têtes-noires ont dû mieux s'organiser qu'ici. Y avait pas la guerre chez eux.
-Sans vous décourager, la ruine s'étend partout.
-Savez, certains qu'on croisait nous disait d'aller chercher une lumière à l'Ouest, d'autres qu'au pied des montagnes naines y avait encore un comté habitable, et enfin ceux qui jactaient sur le Sud. Bon personne ne nous a conseillé d'aller gratter les glaçons au Visland c'est encore logique.
-Je vous souhaite bonne chance dans ce sombre et vaste monde.
-Merci bien seigneur. »
Alors qu'il se retournait, Hombert vit passer un gamin au milieu des chariots. Son sang ne fit qu'un tour et il pivota vers son interlocuteur et s'exclama :
« Les enfants ! Vous avez des enfants ?!
-Quoi ça ? Oui on en a trois-quatre, pourquoi ?
-Rien, c'est juste que...C'est compliqué. Je reviendrais vous voir dans la journée, si vous avez une demande voyez avec le Lieutenant Stuart. »
Christens se rua vers le Donjon, il devait consigner tout ça dans son livre oui...Cela était vital.
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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

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Chapitre XV : Le Navire



Il n'y avait aucun oiseau dans le ciel maussade. Pas vraiment un bon présage pensa Donovan Mins alors que les marins chargeaient des caisses de vivres dans la soute. Le fleuron d’Écueil-bourg, l'Orgueil du Marquis, avec ce magnifique bâtiment ils pourraient naviguer jusqu'au Bas-Visland et là-bas rafler le butin des Haraalds de l'ancien temps. Ces barbares pouilleux de Vislandais avaient saigné à blanc les honnêtes gens civilisés pendant des siècles, cette fois c'était lui qui allait pouvoir s'enrichir ! Lui et l'équipage cela va de soi.
Quand il leur avait annoncé à ce ramassis de naufrageurs et de truands qu'ils allaient prendre la mer pour aller au nord ! L’appât du gain avait finalement triomphé quand il avait présenté la pierre bleue à l'assemblée. Ils adoraient ça le bleu ces grands blonds. Sauf que ces pierres là elles valaient une fortune. Avec le magot qu'ils allaient s'amasser, toute la ville allait pouvoir se payer un palais sur un continent en meilleur état que l'Erion, c'était garanti.
Alors qu'il faisait les cent pas près de la barre, un vieillard grand et sec comme un vieux biscuit s'approcha de lui, les yeux injectés de sang, des rides profondes comme des sillons de charrue et une tignasse grise ondulée comme les algues ou le scalp d'un noyé.
« -Monsieur le Maire...Gémit-il de sa voix creuse comme si ses poumons étaient rongés par des vers à bois.

-Oui Fridber ?
-J'ai prévenu vos concitoyens...Pour mon intérim.
-Merci bien, vous êtes mon plus fidèle subordonné. Je compte sur vous pour faire resplendir Écueil-bourg comme si elle était une cité de la Côte noire durant notre expédition.
-Bien Monsieur le Maire. »
Donovan se pencha pour l'enlacer comme le voulait la procédure. Il sentait le chat et l'eau-de-vie frelatée. Cette vieille carne était la personne idéale pour tenir les rênes de la ville : Assez peu d'ambition pour se mutiner, assez respecté par les autres pour ne pas se faire suriner. Il avait de la bouteille le vieux Fridber ! Certains disaient même qu'il avait fait le tour du monde. Peut être le tour des tavernes. Il fallait espérer qu'il ne crève pas durant son absence.
Les heures s'écoulèrent pour laisser les préparatifs s'achever et c'est avec une excitation non dissimulée qu'il put demander à larguer les amarres. Le quai branlant et la ville d'épaves et de rocs s'éloignèrent doucement de la poupe à mesure que le navire prenait de la vitesse. Il réajusta son cache-œil tout en scrutant le navigateur et l'équipage à l’œuvre.
Ça chantait pour donner le rythme, ça devait être la Fille de Malloren ou l'Amant écervelé.
A tribord on pouvait discerner les côtes des Marches de Berrunge, de grandes falaises brunâtres où les rares points accessibles étaient utilisés comme ports plus ou moins honnêtes. Enfin c'était avant, désormais il n'y avait que des cabanons vides là où autrefois s'agitait la vie portuaire.
Un matelot tatoué passa devant lui, c'était un Linatien du nom de Diego venu bien au nord. À Écueil-Bourg c'était toutes sortes de gens qui s'étaient échoués là plus ou moins volontairement. Rien que sur le navire il y avait des marins de Berrunge, d'Odorton, des Herciniens, du Suderon et même un gaillard de Zangdès. Tout un beau monde de marins et de forbans pour naviguer sur des océans désertés.
Trois jours fusèrent sans qu'aucun événement ne rompe la routine de l'équipage. Aucun autre vaisseau en vue, rien sur les côtes si ce n'est quelques villages de pêcheurs. Parfois la vigie signalait au capitaine Mins qu'il y avait encore des gens dans le ramassis de bicoques au loin. Rudes vies sont celles que l'on passe en mer car elle est libre et impétueuse, et fait passer le plus riche armateur au plus pauvre des naufragés en quelques sautes d'humeur.
Ces Reickardiens n'avaient probablement rien qui possédait de la valeur. Les pêcheurs n'ont que faire des bijoux et leurs filles sont trop défraîchies et empestent le poisson à force de vider les prises. Si il y avait eut un autre bâtiment à flot on aurait pu tenter un abordage...Mais rien. Aucun drakkar vislandais, pas de galions de Modino ou de Thibles ni de Sternes brettanes. Cette pensée le taraudait encore au crépuscule alors que l'océan se chargeait d'or, de topaze et d'onyx en engloutissant le soleil.
Le choc le fit trébucher brusquement, il atterrit sur le dos et dans sa chute, vit l'un des gabiers précipité vers le pont depuis les voilures avant de se réceptionner sur le crâne. Le navire s'était brusquement arrêté dans un charivari de caisses, d'hommes et de voiles qui claquent. Mins se redressa et regarda le malheureux dont la nuque s'était pliée dans un angle anormal.
« Cap'taine 'crois bien qu'on heurté un'récif. » Chicota le quartier-maître Johson.
Il formulait encore sa réponse qu'un homme se mit à hurler bientôt suivi par des dizaines d'autre :
D'énormes tentacules grimpaient la coque et l'un d'eux s'abattit, ventouses en avant sur le bois goudronné du pont.
« KRAKEEEEEEEEE- ! Cria le Bosco alors qu'un des appendices le soulevait dans les airs comme une poupée de chiffon avant de sombrer corps et âme dans l'eau noire.
-Branle-bas de combat ! Empêchez ce poulpe de vous envoyer chez le Créateur ! »
Mins attrapa la pique que lui jeta Johson et exhorta ses hommes au combat. D'immenses membres gélatineux se déchaînaient sur l'Orgueil du Marquis, brisant les hommes et les matures comme des brindilles. Le Capitaine asséna un coup de pique dans le tentacule qui enserrait un de matelots qui retomba sur le pont avant de rouler contre le bastingage. D'autres avaient moins de chance et leurs hurlements déchiraient l'air marin comme un atroce chant du cygne. Le céphalopode colossal ne démordait pas et réitérait assaut après assaut jusqu'à ce que le navire ne soit plus que charpies. La coque tanguait et roulait. Mins et bien d'autres furent précipité dans le Détroit de Sarles. L'eau était glaciale et il peinait à maintenir sa tête au dessus de l'écume à mesure que ses vêtements s’alourdissaient en buvant le bouillon des Dieux marins. Sa dernière vision fut le beaupré du Marquis entraîné dans l’abîme puis la mer l'engloutit.
Après un temps qui dura aussi bien un siècle qu'une minute il sentit la douce étreinte du sable contre sa joue. Recraché sur la rive comme un morceau d'épave, il ne vit qu'une silhouette s'approcher dans la pénombre avant de défaillir. Une silhouette qui tenait une lanterne.


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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

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Chapitre XVI : Les Cavaliers



Déjà plusieurs heures s'étaient écoulées depuis que Rudy avait laissé derrière lui les réconfortantes murailles d'Edest. Duavos les faisait galoper plein Sud, ses cheveux noirs battaient au vent tandis que son preste trotteur pommelé soulevait la poussière méridionale à chaque foulée. Leur chevaux, à ses quatre compagnons et à lui même, étaient plus grands, plus lourds. C'était des montures élevées pour la boue, le froid du Nord et le travail harassant. Quand on devait partager son continent avec des Vislandais, des loups et l'humeur d'Ethissa, on se devait d'avoir des bêtes solides et résistantes.

En parlant de la demi-elfe, celle-ci avait abaissé son foulard sur son nez et son menton délicat, laissant ses oreilles pointues à la vue de tous. Rudy repensa à son camelot de mentor qui lui avait si souvent parlé des Royaumes Elfes, les tours élancées narguant les cieux, les immenses cités dorées ou argentées où la Magie se pratiquait au même rythme que la danse ou le chant. Qu'est ce que les Hommes connaissaient de la Magie ? Rien. Et pourtant ils essayaient. Edest abritait un conclave d'alchimistes et autres divinateurs étranges venus de toutes les contrées des Hommes. Tous motivés dans la maîtrise des flux. La rivalité entre les bougistères et les candélastres, dans l'art d'allumer les chandelles grâce au flux ardent était sans commune mesure. Mais ce n'était que frivolités. Il y avait des flux de magie partout, de l'herbe sèche des plaines entourant la route jusqu'aux bêtes étranges aux museaux cornus qui paissaient en regardant les cavaliers. Mais ce n'était pas aux hommes de maîtriser cela.

Brand lui, posait son regard sur les environs. De vastes plaines où quelques buttes émergeaient comme des îles dans une mer blonde. Et sur ces îles, des forteresses aux tours carrées. L'Armstran demanda à l'Oruchii qui vivait ici. L'Homme du Sud répondit posément :
« Nous sommes sur les terres des Tashrik, les seigneurs masqués. Les Tash ont migré depuis les Grandes Plaines il y a des milliers de saisons et ont conquis l'Est de la Pointe d'Oruch. Chaque château est le fief d'un Tashrik mais ils passent l'essentiel de leur règne à patrouiller leur domaine. » Markit répondu en comparant avec quelques peuples de sa terre natale mais s'arrêta à mesure qu'un grondement commençait à poindre. Et surtout à s'amplifier. Katarina qui chevauchait aux cotés de Rudy tourna la tête avant de pousser un juron. Derrière eux, à l'horizon se soulevait la poussière de la route. Une troupe de cavaliers galopaient toutes brides abattues.
« Des Tash ?! Demanda le déserteur à leur employeur.
-Peut être, ou bien une horde de maraudeurs !
-Les Hérustos ! Cria Rudy au reste de la troupe.
-On ne pourra les distancer bien longtemps ! Tenez vous prêts. »

C'était comme être un lapin prit en chasse par une belette. On avait beau galoper à en crever les montures, la morsure à la jugulaire allait arriver. Les maraudeurs poussaient de grands cris, des insultes, des provocations. Quand la première flèche se perdit à quelques pouces de la croupe de son cheval, Rudy comprit que le combat allait être inévitable. Markit rugit en agitant son épée en l'air pour encourager ses ouailles. Les premiers Hérustos pressèrent leurs flancs pour les prendre en tenaille. Leurs armes hétéroclites scintillaient sous le soleil. Brand envoya paître d'un coup de pavois un barbu à haubert et c'est accroché par son étrier qu'il fut traîné par son cheval dans les herbes hautes. Duavos lança une lame dans l'encolure d'un cheval crème qui se mit à zigzaguer avant de s'effondrer en écrasant la jambe de son cavalier. Le fer s'entrechoquait ça et là. Cependant ils étaient plus nombreux. Un reître se souleva de sa selle avant de sauter à hauteur du cheval de Katarina. Ces chiens du désert étaient agiles et il se retrouva sur la croupe de la bête. Alors que l'Esterline hurlait des insanités dans sa langue natale en essayant de le faire tomber l'Homme lui enserra le cou avec un linge. Le sang de Rudy ne fit qu'un tour et bien que ses entrailles se liquéfiaient de peur il tira la bride de sa monture aux abois pour se rapprocher de la brune et de son assaillant. Il prit sa lame courte, presque tremblant et c'est sous ses côtes qu'il enfonça l'acier. Le hurlement bestial se mêla au son d'un cor. Rudy ne voyait rien d'autre que Katarina, son cheval, et l'homme qui criait alors que du sang noirâtre bouillonnait de sa plaie. Tout autour d'eux, les cavaliers tash aux visages couverts de bande de tissus assénaient des coups mortels aux maraudeurs. Du tranchant d'une lame au bolas entravant les jambes des montures jusqu'au fouet pour faire chuter un cavalier. Les Hérustos pris de court commençaient à se disperser. Rudy haletant croisa un bref instant le regard d'un de ces cavaliers sans visage sous ses voiles et ses bijoux d'or alors que l'Homme dont il avait prit la vie chancela avant de tomber sur la route et sous les sabots d'une dizaine de chevaux. C'était finit.

Les seigneurs masqués saluèrent la troupe avant de s'éloigner vers le ponant à travers l'herbe sèche. Aucun des six aventuriers ne parla jusqu'à ce qu'avec le Soleil déclinant, ils ne décident de passer la nuit près des ruines d'une antique maison. Près des murs décrépits on pouvait discerner l'implantation des rangées de citronniers. Pourvoyant bois sec et citrons à peine blets le petit camp se monta rapidement. Au crépuscule, alors que Markit contait ses exploits lors de la conquête d'Istrus à un Duavos solennel et à un Brand et une Ethissa hilares d'entendre une septième version de la même histoire, le jeune homme aux yeux verts fixaient la Solitaire, assis près de sa tente. Il manqua de sursauter quand Katarina et ses boucles s'assirent à côté de lui.
« Ça êtrrre premièrrre fois que toi tuer un homme, n'est ce pas.
-Je...Je me sens souillé.
-Dans légendes des Peuples de l'Est, dirrre que lorsque preeemier homme tuer un autrrre. Alorrrs Homme prrendre à jamais part d'ombrrre. Ainsi former équilibre. Ombre et lumière, mort et vie. Accepte toi en entier Rrrudy. »
Il ne répondit pas, les yeux rivés sur l'astre lunaire, alors qu'une main dans ses cheveux châtains, elle venait le remercier de lui avoir sauvé la vie.
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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

Message par Piero Orsone »

Chapitre XVII : Le Bal



La jeune femme aux cheveux châtains marcha doucement dans le couloir, un pas après l'autre, pensive. Meredith avait fait un travail de maître pour faire assortir parures, robe, jupons, manches et colliers avec ses yeux verts, ses boucles, ajuster les tissus à son corps d'oiseau. Trois semaines qu'elles se connaissaient et pourtant on aurait pu croire qu'elle l'habillait depuis toujours. Trois semaines déjà...
Le temps passait si vite quand vous étiez l'hôte d'êtres éternels. Mais quels êtres ! Des vampires de contes et légendes du passé mais qui rêvaient d'avenir. Nathanaël Cunningdorf ne manquait jamais de mots à ce sujet quand Svena passait la soirée près de l'âtre dans son Salon. On parlait d'art, de ces voyages qu'aucun d'eux n'avait fait. Il lui montrait des toiles de maîtres et parfois même ceux qui les peignaient. Le Grand Mécène Cunningdorf. Et dire qu'il y a de ça deux siècles les armées du Daedwen, du Reickard et d'Odorton s'étaient coalisés pour mener une croisade contre Dornoff. D'insignes héros dont on chantait les exploits encore aujourd'hui s'étaient levés pour pourfendre les bêtes suceuses de sang qui avaient refermé leurs griffes sur le petit territoire dornois. Et elle, Svena von Brezisky, fille du comte-électeur d'Orskland, un comté gagné sur les morts qui marchent, pour citer son père, prenait le thé avec deux éminents représentants de la gent vampirique. Même si ils préféraient une dénomination de leur choix : Les Diaphanes. La Noblesse nocturne et immortelle.
Mais pourtant, c'était bien en plein jour que Susan Cunningdorf lui présentait ses roses sous les verres ouvragés de sa Serre. D'après son mari, le soleil ne faisait qu'accorder aux Diaphanes la vulnérabilité des Hommes ce qui ne semblait pas le choquer outre mesure.
Deux domestiques lui ouvrèrent la porte tout en s'inclinant. Le Hall était superbe, lumineux, décoré. Il y avait déjà Nathanaël bien sûr avec sa veste onyx à revers pourpre, ses cheveux neigeux tirés en arrière, bottes cirées et sourire aux lèvres sous sa courte barbe blanche ; son « fils » , la jeune femme avait cru comprendre que les familles diaphaniques et les familles humaines n'avaient pas la même notion du lien de sang, Théodore Cunningdorf. Il était plus carré d'épaule, ses traits plus durs mais il était pourtant plus réservé que le Maître de famille. Sa fiancée, Orianna, était une véritable poupée de porcelaine aux pommettes ponctuées de taches de son.
« Svena ce soir vous êtes fort en beauté. » La salua chaleureusement Nathanaël en venant lui faire le baise-main. Comme à chaque fois, le froid de son corps figé dans le temps manquait de la faire frissonner. Elle le remercia avant de sourire aux salutations du couple.
« Savez vous quand votre frère compte bien arriver Théodore ?
-Cédric doit encore s'acoquiner avec le maître-chien. » Railla Orianna.
Sa plaisanterie était plus proche de la vérité qu'elle n'aurait pu le penser car d'un couloir opposé à celui qu'avait emprunté la mortelle, le fils cadet, en veste et jabot, arriva en riant, accompagné d'un homme trapu aux favoris noirs. Svena l'avait déjà croisé lorsqu'elle discutait avec Cédric et savait qu'il se nommait Robarth.
Le cadet était aussi sympathique que son père mais là où Nathanël avait la finesse d'esprit et une capacité plus poussée qu'on pourrait le penser aux traits d'humour acérés, son fils était plus... Rustique. Il lui faisait parfois penser à son propre père, aux banquets où tous ses vassaux étaient conviés. Le bœuf à la broche, les danseuses sur la table des gardes. Le Daedwen avait un climat rude mais un peuple enjoué disait le dicton. Père...
Les insurgés avaient emplis le château, les gardes étaient dépassés, elle se souvient des servantes qui courraient avec l'argenterie familiale, de son frère qui gisait dans un couloir. C'était Danny le haut qui l'avait retrouvé dans les cuisines. Il l'avait escorté jusqu'à une poterne, de là elle avait plongé dans les douves avec sa robe de chambre et une veste pour seuls vêtements. Est ce que son père, les gardes avaient repris la forteresse ou bien la place avait été pillée et laissée aux corbeaux. Pour l'instant elle ne pouvait rien y faire et ses pensées s'évanouirent devant un Cédric presque soucieux. Après s'être excusé et les salutations achevées, ce fut depuis l'escalier de marbre menant au premier étage face aux portes du Hall que descendirent les trois dames Cunningdorf. Thérèse à gauche, l'air hautain, belle comme la brume sur un lac de montagne au petit matin, une robe qui la sublimait comme si elle s'échappait d'un tableau. À droite, Cassandre, plus menue, plus solennel avec ses cheveux noués en arrière mais toujours cette grâce, ce charme et bien sûr, telle une mère louve, la plus splendide au centre, Susan Cunningdorf. Un jour son oncle avait ramené au château une statue de marbre de la Cyrini lointaine. Si le marbre avait prit vie cela aurait été Susan. Grande, élégante, dangereuse. Ses yeux étaient d'un bleu de foudre, mais elle l'avait déjà vu utiliser ses pouvoirs, dans ces moments là son iris avait la couleur du sang.
Elle regarda un à un les Cunningdorf et la von Brezisky avant de s'exclamer avec sa voix cristalline :
« Très chère famille, Dame Svena, il est l'heure de se rendre au Bal ! »
Les étoiles scintillaient comme les lustres du hall une fois sorti dans la fraîcheur nocturne. Il y avait deux carrosses devant le manoir. Nathanaël fit signe à Svena tout en marchant vers le véhicule de tête, accompagné de sa femme ainsi que de Cédric. Le cocher ouvrit la porte à la maîtresse de maison avant de lui tendre la main. Le talon de la Diaphane se posa sur le marchepied dans un tintement métallique. Svena lui emboîta le pas avant de prendre place face à elle sur la banquette. Face au couple et assise à coté du Cadet, la jeune femme entendit le cocher claquer ses rênes, les chevaux tirer sur leurs liens. Le carrosse s'ébranla et les sabots frappèrent les routes de Dornoff.
« Dame Susan, Nathanaël, où doit se dérouler le Bal ?
-Au château de la famille Schroeder, répondit le maître de Famille, j'imagine déjà les musiciens, les lustres de leur salle de danse, les habits des invités...
-Certes, mais ce qui importe le plus à Svéna est l’Étiquette. La noblesse dornoise est toujours à surveiller les moindres faits et gestes pour pouvoir jaser. Il faut être parfait.
-Enfin, vous parlez à une Noble d'Orskland Susan, pas à une maraîchère ! Je suis persuadé qu'elle sera dans son élément durant le bal ! »
Le Vicomte sourit avant de soulever le rideau pour observer le ciel nocturne et les villages qui défilaient le long de la route.
Les Dornois étaient superstitieux et ils fermaient à double tours portes et volets dès le crépuscule. Les Êtres de la Nuit étaient implantés sur ces terres depuis des siècles, et quelques années d'un règne éclairé ne suffisaient à atténuer leurs craintes ataviques.
Le reste du périple se passe sans encombre. Svena put apercevoir le Domaine Schroeder. C'était une forteresse plus brute que le Manoir de ses hôtes, plus ancienne et plus martiale. Perchée sur un promontoire rocheux comme un nid de rapace.
Le cocher dû redoubler d'effort pendant que le carrosse remontait la route sinueuse qui séparait le château des masures du petit peuple. Tous ceux des invités arrivés plus tôt trônaient devant l'entrée tandis que les cochers jouaient aux dés près de la lumière chaleureuse d'une lanterne.
Les gardes de l'entrée étaient rustauds, vêtus comme des soudards. Il était évident qu'en cas de menace les Nobles étaient plus à même de régler le problème que leur propre milice. La Famille Cunningdorf et son invitée s'avancèrent sur le pont-levis, pénétrant dans l'enceinte de la demeure. La Salle de Bal n'était pas difficile à rater, imposante extension aux vitres ouvragées qui s'étendait comme un long parallélépipède sur toute la façade Est là où aurait dû se trouver un rempart. Un domestique élégamment vêtu et portant un loup noir piqué d'argent.
« Qui dois-je faire annoncer messires et mesdames ?
-La Maison Cunningdorf et la Comtesse Svena von Brezisky » Répondit Nathanaël en souriant.
Le cœur de la jeune femme tambourinait contre son sein, prêt à rompre tandis que le stress, l'anxiété, la peur s'envolaient pour atteindre des proportions grotesques dans son être.
Le sang palpitant dans ses oreilles couvrit presque l'annonce du chambellan quand elle mit un pas dans la Salle de Bal. En quelques instants trois cents paires d'yeux firent mine de ne pas l'observer.
Le lieu était magnifiquement décoré, des dorures parsemaient les murs là où il n'y avait pas de vitres, le plancher était tellement vernis qu'on pouvait voir la lumière des lustres s'y refléter. Sur tout le côté droit les portes-fenêtres donnaient sur une terrasse surplombant la campagne de Dornoff. Mais Svena n'observait pas le décor tandis qu'elle avançait avec Cédric entre les maîtres de maison et le couple Théodore-Orianna. Elle était captivée par les invités. Ils étaient beaux, surnaturellement beaux. Les même chevelures lactescentes, parées, coiffées ; les visages bien trop parfaits parfois dissimulés derrière des éventails où le moindre sourire dévoilait des crocs d'albâtre. Les robes travaillées pendant des semaines pour n'être portées qu'une seule fois. C'était un monde de bijoux et de beauté, un monde d'immortalité et d'orgueil. Et l'agnelle s'avançait dans la tanière des loups.
Elle se sentait transpercée par les regards. Une humaine au milieu d'une réception diaphane, comme cela était incongrue. Mais les aristocrates se pressaient déjà de ragots sur leurs pairs, de légers rires forcés et du tintement des flûtes de cristal. À l'opposée de l'entrée, des musiciens portant eux aussi des masques jouaient un son noble et pur, une symphonie comme seuls les êtres raffinés savaient écouter. Déjà les enfants Cunningdorf s'étaient séparés pour se mêler aux autres invités, dans ces petites meutes de commères qui ne manquaient aucun détail. Les Diaphanes adoraient les rumeurs, les on-dit, toute information sur leurs voisins était bonne à prendre dans cette guerre silencieuse qu'ils menaient pour leur réputation.
Un serviteur passa avec un plateau devant Svena. Elle attrapa une mignardise et l'inspecta du coin de l’œil. Quand il fut clair qu'elle ne dissimulait rien de douteux elle en prit une bouchée. La Daedwenaise tourna la tête en direction de Susan et Nathanaël, mais ils semblaient s'être volatilisés dans la masse des invités. Il lui fallait ressasser toute son éducation de fille de noble pour ne pas courir au milieu des danseurs afin de retrouver ses protecteurs. Elle marchait à petits pas, tournant la tête comme une biche traquée. L'Humaine s'arrêta près d'un serviteur qui remplissait la flûte d'un homme en veste, barbe courte immaculée. Ce dernier était accompagné de deux autres amateurs de vin blanc.
« Dites moi jeune fille, qu'est ce que cela fait d'assister à ce genre de réceptions ?
- C'est assez impressionnant, nos maîtres d’hôtes se sont surpassés. »
La femme à ses côtés esquissait un sourire mesquin dissimulé en partie derrière son éventail. Le troisième, sec, au nez aquilin, aux traits plissés et goguenards. Il prit la parole, sa voix était acérée, acerbe même. Raclant depuis sa gorge de poulet dissimulée sous un menton en galoche comme un galet dévalant un éboulis.
« Il est sûr que cela doit vous changer des banquets du Daedwen. Du graillon sur les tranchoirs et des litrons de bières.
Si la dame dissimulait ses gloussements derrière ses atours, le compère à la barbe ria bruyamment, d'un rire aigu et désagréable, caprin.
-Pour sûr, on perd ici en convivialité ce que l'on gagne en ostentations. Répliqua la jeune femme, piquée au vif mais cherchant à se contenir.
-En effet, l'affabilité, la....Bonhomie daedwenaise est tellement fameuse, ce n'est pas là bas que les rois négocient autour d'un jambon à l'os ? Crâna le grand volatile devant ses paires.
-Oooh ne vous empourprez pas, cingla la Diaphane en abaissant son éventail, ce n'est pas la première fois que les Cunningdorf s'amourachent d'un animal de compagnie. Vous faites la lecture à Susan ?
-Enfin, ma dame, vous avez la présomption qu'elle sait lire ? »
Si ils n'étaient pas aussi albâtres que leur sourire, ils seraient rouges carmin sous leurs rires plus ou moins décemment retenus. Svena chercha de l'aide du coin de l’œil et son salut vint avec l'arrivée aussi silencieuse qu'inopinée de la Dame Cunningdorf.
« -Bonsoir très chers. Je vois que vous avez déjà fait la rencontre de Svena von Brezisky. »
Cette dernière en profita pour s'éclipser alors que les trois gouailleurs se confondaient en courtisaneries des plus hypocrites.
Elle passa devant un petit attroupement attelé à écouter et à suivre l'histoire narré par un personnage singulier. Veste colorée, chapeau à plume digne de la lointaine Bretta, une moustache fine et cirée accompagnée d'un bouc pointu. Le Diaphane se déplaçait comme un saltimbanque.
« Et là...Dans la grotte puante, nauséabonde, la bête et ses yeux brillants comme deux astres maléfiques... m'attendait ! Je tirai alors mon épée ! S'exclama-t-il en brandissant une rapière ouvragée. Et faisant face à l'affreuse chimère, je criais : Prends garde créature des ténèbres, je vais t’occire ! »
Une invitée murmura à l'autre, narquoise, qu'il avait raconté la même à un bal précédant mais où la chimère était un ogre.
L'humaine continua à avancer, écoutant la musique qui sublimait les lieux. Les portes-fenêtres étaient ouvertes vers une terrasse en à-pic. L'air nocturne était rafraîchissant. Quelques couples se contaient des courtoisies dans leurs coins. La noble s'accouda au parapet. Elle observa les étoiles scintillantes et les hameaux en contrebas. Dornoff était lugubre, mélancolique, une terre noire pour des maîtres opalins.
« Vous ne devriez pas rester dehors ainsi, vous pourriez prendre froid. »
La voix était charmante et polie. Svena tourna la tête. C'était un diaphane, aux traits éternels de jeune homme, rasé de près, souriant. Charmeur même. Il était beau, bien trop beau. Comme les couleurs d'un leurre pour subjuguer une proie.
« Que fait donc une humaine, si vivante, si belle, dans la cour des êtres de la nuit ? Demanda-t-il en s'approchant pas à pas. Ses doigts gantés vinrent effleurer sa joue. Elle ne pouvait reculer plus loin que les pierres du parapet. Et son regard...
-Je...Je suis une invitée...
-De la famille Cunningdorf. » Trancha une tierce voix. Autoritaire, grave. Inflexible.
Le bellâtre se retourna, arrêté dans son entreprise. Alors qu'il allait répondre glacialement à celui qui osait le déranger, il se ravisa. Il déguerpit en maugréant en direction de la salle de bal et la jeune daedwenaise put voir celui qui était intervenu.
Ashford. Le Cavalier Noir. Il avança près de l'humaine agitée. Le même manteau sombre, comme si il n'était qu'une pile de vêtements animée par quelques maléfices. Et son épée à la ceinture, il n'était pas ici pour les mignardises.
« Mer...Merci Ashford.
-Ce n'est rien. Mes Maîtres m'ont chargé de veiller à votre sécurité. Tous ici ne sont pas dignes de fréquentation.
-J'ai pu le constater, merci encore...
-Bien sûr ma compagnie n'est pas des plus plaisantes à vos yeux. Vous avez déjà une sacrée charge de créatures des ténèbres avec tout ceux ici.
-Dites moi, demanda-t-elle avec une certaine appréhension, comment en êtes vous venu...à être au service des Cunningdorf ?
-Oh...Une histoire assez simple. » Si il n'étais pas dissimulé sous sa capuche, elle aurait presque pu croire à son intonation qu'il esquissait un sourire.
« Il y a toute une vie, j'étais un combattant. Peut être au temps de vos glorieux aïeuls. Je dirigeais une forteresse. C'était de l'autre côté de ces montagnes. Nos royaumes étaient isolés, repliés sur eux-même. Mais la paix ne dure jamais et les Hommes du Sud massèrent leurs armées à nos frontières. »
Il observa les quelques lueurs du village le plus proche. Pensif.
« Le siège fut abominable, tellement de braves mourraient par la faim, la maladie. Agonir pendant quatre jours pour une flèche mal placée. Et l'attente rendait fou. Mais tant que les Oruchiis étaient concentrés sur notre position, le reste du royaume pouvait se préparer à une riposte.
Le jour où ils ont percé une brèche, ce fut une boucherie. La garnison brûlait, de partout des Erciniens affrontaient des pillards du Sud. J'étais souffrant, déambulant au milieu des décombres fumants, croisant le fer avec tous ceux qui croisaient ma route. Mais ils étaient nombreux, bien nourris. Plus forts.»
Svena était attentive à ses paroles, elle ne regardait pas en contrebas, ni les villages ni la carriole qui filait à toute allure sur les routes.
« J'étais à genou. Prêt à recevoir le coup de grâce quand un hurlement déchira l'air bien plus fort que tout le reste. Puis un autre. Et sur les remparts, mes bourreaux et moi-même virent chuter un oruchii, un second. Les soudards se faisaient massacrer. »
Devant le pont-levis, les gardes riaient grassement. L'un d'eux vidait sa vessie les deux autres, une outre de vin de mûre, capiteux, âcre, enivrant vite et bien.
« Pour la première fois je vis dans les yeux et sur les visages de ces brutes la véritable peur. L'un d'eux couru avant de disparaître dans une venelle, pour pousser le même gueulement de douleur. »
Les palefreniers jouaient aux dés, tout en faisant signe aux soudards de s'approcher. Sur la route qui montait jusqu'à eux résonnaient le cri d'un cocher, les fracas des sabots, quelqu'un approchait.
« Ils ne me calculaient plus, une minute plus tôt ils voulaient m'achever. Le premier s'effondra, lacéré comme un pigeon sous la serre d'un faucon. Un second gargouilla alors qu'un filet rouge dégoulinait de sa gorge. Cinq hommes, cinq soldats. Cinq cadavres qui s'effondrèrent autour de moi. »
Quatre chevaux noirs piaffaient sous les claquements de fouet du cocher. Aussi sombre que le cuir de leurs œillères, haut comme un homme au garrot. Les communs fixèrent pantois, le carrosse, le D stylisé sur la portière. Le cocher était impassible, sobrement vêtu d'une veste à boutons.
« Fiévreux, presque aveugle, j'entendis alors sa voix. Ses mots se sont gravés dans ma cervelle comme dans le marbre sarlésien. « Acceptes-tu de me servir ? » Une main gantée. Je n'avais qu'à la prendre. »
Un intendant, des traits similaires au cocher, la même expression et une veste presque identique ouvrit la porte avant de descendre le marchepied.
« Et à ce moment là, j'abandonnais la liberté de mon âme à cet homme, non...À ce Diaphane. Au plus puissant d'entre tous. »
Le domestique annonça : « Le Grand Primal Dawnson ! »
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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

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Chapitre XVIII : Les Héritiers



Ils étaient rentrés à treize dans la Cité, ils la quittèrent à sept. Les nains les avaient hissés dans leur chariot comme de vulgaires bagages. Penauds, taiseux, les mercenaires s'étaient enfermés dans un silence nerveux, surveillant qu'aucune bête des profondeurs ne vienne les attaquer à nouveau.
Les énormes pachydermes qui tiraient le véhicule étaient des bêtes velues dotés de deux cornes grisâtres sur le museau. Elles sentaient fort et meuglaient au premier dérangement, mais les rhinocères étaient pourvus d'une force phénoménale. Cependant ce qui focalisait l'attention de Quentin, c'était les stoikars, les nains, le peuple sous la Montagne.
Une quinzaine, des sortes de baroudeurs, d'aventuriers, le plus bavard était Tralduin, avec sa somptueuse barbe rousse et ses habits décorés.
Ce dernier répondait sans tarir son flot de paroles aux interrogations du jeune homme :
« Moi et mes gars sommes venus ici pour de la prospection. Votre « Creuset », c'est une ancienne colonie. Il y a bien longtemps que les stoikars ont délaissé le Kraz-Penez. Nous on recherche ce qui peut encore y être récupéré.
- Mais enfin, les Monts pénitents étaient votre territoire ! Mon père et mon grand-père disaient toujours que les Nains n'abandonnaient jamais leurs Royaumes.
-Il y a énormément de choses que vous les hukars croyez à raison ou à tort. Même nos pairs finissent par s'égarer entre les mythes et la réalité...Snorit ! Badrin ! On prend le deuxième corridor ! »
Le chariot blindé manœuvra vers un des nombreux tunnels lugubres et pourtant hauts et larges comme un nef de basilique. Des débris maculaient le sol péniblement éclairé par les lanternes naines. Les bruits émanant de la petite expédition mis à part, il régnait un silence glaciale dans le ventre de la montagne.
« Quand vous nous avez sorti du Creuset, vous avez dit être le fils d'un roi Tralduin. Alors pourquoi tout ça ? Vous et vos « gars » ressemblaient à des aventuriers. »
Le prince de Kaz-Tar-Hadrin rit bruyamment avant de répondre : « Je suis le quatrième fils de mon père, trop bas placé pour régner, pour la foi, pour l'armée. Alors j'ai décidé de vivre pour moi. Et dans notre bande ce n'est pas ce qui manque la noblesse stoikar en manque d'aventure. Folka est la fille d'un grand chef de Clan. Badrin et ses tatouages nous vient des karaks du Nord. Bodroff lui, c'est Bodroff. »
Un nain à la barbe noire comme les tunnels abandonnés grommela, tirant sur une pipe en ivoire avant d'expirer de longues volutes de fumée. Il n'était guère affable, son air renfrogné dissimulait probablement quelque chose.
Une lanterne se braqua en direction d'une poterne, anfractuosité le long du boyau.
« Un ancien relais, venez les gars. » commanda Tralduin tandis qu'une moitié de l'équipage descendait du chariot. L'enfant des montagnes les suivit, attrapa une lanterne à main. Cette lueur était salutaire dans ces tréfonds lugubres. Le relais était creusé à même dans la roche, une couche de poussière maculait le sol et le moindre meuble encore en l'état. Le premier étage était une taverne, les chopes de céramique traînaient sur le comptoir comme autant de témoins de la vie qui animait autrefois ce lieu devenu sordide.
« Pourquoi avez-vous quitté ces montagnes ? » Questionna Quentin en approchant sa lumière des étagères branlantes.
-Le manque de ressources ? Les pressions internes ? Le monde des hommes n'est pas le seul qui souffre. Même les statues de pierre commencent à se fissurer.
-Mon prince ! Les interrompit un des stoikars en descendant en trombe des chambres à l'étage, regardez ça. »
Le nain tenait entre ses mains gantés une sorte d'idole grossière, sculptée dans du bois noueux. Vaguement féminine, la babiole était gravée d'un S anguleux.
« C'est un objet Kormers, on se dépêche ! Tous au chariot ! Hâta un Tralduin qui devenait nerveux.
-Les Quoi ?
-Des saloperies sans nom, prie ton Dieu que nous n'en croisions pas. »
La troupe remonta ni une ni deux sur le chariot, les cochers claquèrent les rênes, les rhinocères mugirent avant de presser le pas.
Humains ou nains, tous se raidirent, craignant l'attaque vicieuse au cœur de l'obscurité.
« Bon, je veux que tout le monde se tienne prêt, murmura une voix aussi rocailleuse que l'Empire nain en entier, les Kormers adorent les embuscades, les lances dans le dos et manger leurs proies encore vivantes. Alors soyez aux aguets, braquez toutes les lanternes vers l'extérieur et priez le Tastoikar...Et vos dieux, hukars. »
C'était Bodroff. Il chargea une arbalète comme Quentin n'en avait vu qu'une fois dans son village mourant : Une arbalète naine qui se rechargeait en quelques mouvements. Une merveille d'ingénierie.
Le chariot continua son chemin dans les méandres déserts, le moindre ploc sonore d'une infiltration, le moindre galet balayé par le pas lourd d'une des bêtes, le moindre reniflement trop fort et tout le monde se préparer à tirer. Quentin sentait son cœur cogner contre sa poitrine, ses doigts tremblaient, il regrettait presque de ne pouvoir se cacher sous un drap.
Il approcha de la lanterne pivotante fixée à l'un des angles arrières de leur véhicule. En plongeant son regard dans le sens du faisceau de lumière, ses yeux discernaient les murs gravés du tunnel, les plaques de mousses noirâtres. Quand subrepticement une paire d'yeux brilla dans la pénombre il poussa un cri. La créature avait un teint grisâtre, les traits décharnés et des ongles crasseux et bien trop aiguisés.
« Ils sont là ! Tirez si vous aimez votre Dieu ! Tirez si vous aimez votre Empereur ! »
Les cordes claquèrent et des traits fusèrent dans l'ombre. Des gargouillements et des cris stridents confirmèrent que les nains et les mercenaires avaient touché plusieurs de ces bêtes damnées.
Des javelots et des flèches rudimentaires se fichèrent dans la rambarde. Un mercenaire gueula en se tenant l'épaule. Quentin sentit ses chausses se souiller quand une de ces bêtes se hissa pour se retrouver nez à nez avec lui. Ses cheveux d'une couleur indéfinissable étaient crasseux et emmêlés, ses yeux à l'iris azur étaient injectés de sang, des dents cariées dépassaient d'entre ses lèvres gercées. Si un nain ne lui avait pas envoyé un coup de hache au travers du visage, elle aurait éviscéré le pauvre bougre resté coi à coup de griffes. Avant que la gravité ne la renvoie sur le sol froid, il remarqua ses oreilles pointues percées de boucles en os. Ces humanoïdes contrefaits lui glaçaient le sang. Les Stoikars défendaient ardemment leur chariot. Un mercenaire s'écria sur le fait que tout ce qui vivait sous terre désirait sa peau avant d'abattre son fauchon sur un des kormers.
Les pillards avaient beau être déterminés, les nains étaient inébranlables et très vite tout ce que Quentin entendit d'eux étaient leurs sifflements fielleux qui s'éloignaient dans les ténèbres.
« Voilà une belle mise en bouche de notre pénitence à nous, le fléau des tunnels, les maraudeurs de l'obscurité. »
Modifié en dernier par Piero Orsone le 31 août 2021, 22:38, modifié 1 fois.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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Re: [La plume à Piero] Chroniques d'un Monde en Déclin

Message par Piero Orsone »

Chapitre XIX : La Légion

Les soldats poussèrent de grands cris. La tension était à son comble, ils étaient sur leurs gardes. Le brun aux cheveux longs souleva le cornet. « Double six ! Ahah ! Eriladar est avec moi ! »
La moitié des fantassins l'acclamèrent tandis que l'autre cria à la triche. Les deux joueurs rigolèrent tout en relançant la mise. La plupart des elfes présents avaient laissé leurs casques à la tente ou attachés à leur ceinture. Felnh'il passa en maugréant à côté des parieurs. Le fléau des armées ce n'était pas la bataille, c'était des soldats négligés. Et même ses rappels à l'ordre commençaient à ne plus avoir autant d'impact. Ses yeux ambrés se posèrent sur un de ses archers, torse nue à l'entrée de sa tente. Il arborait des tatouages d'Ebascognois et il avait laissé ses cheveux flotter librement. L'officier le sermonna sèchement.
« Votre tenue soldat.
-Mais enfin Dhores, il y a plus personne qui tient le lavoir ! »
Il soupira avant de continuer sa route. Des légionnaires avaient besoin d'officiers, les officiers avaient besoin d'un Général. Et en pensant à ce dernier il s'approcha du pont.
Un formidable ouvrage en pierre qui permettait de traverser l'un des affluents de la Croyssayne.
Du moins en temps normal. Le Dhores vit alors le Général, debout, les mains croisées dans le dos. Il s'avança à ses côtés. Le pont était brisé et effondré en son milieu, rendant impossible toute traversée tant l'eau était bouillonnante et boueuse.
« Valren. Felnh'il salua son supérieur avec formalité.
-J'ai conduit cette légion à travers l'Erion Felnh'il, nous avons combattu des sauvages, mis à genoux des rois et amassé or, gloire et vassaux. Et nous sommes, je suis arrêté, par de l'eau. »
Sa voix trahissait tout son dépit et sa colère. Conh'ordil était un elfe plus que colérique. Mais c'est quand l'emportement laissait place à une froide frustration qu'il était dans le pire état.
« Nous avons envoyé des éclaireurs Valren. En amont comme en aval, nous trouverons un autre pont. Et les locaux que vous avez recruté progressent vite dans la réparation de celui-ci...Quand il n'y a pas la boue.
-De l'eau ! Nous sommes les combattants du plus grand Royaume de ce monde, le peuple le plus digne de Sarann, et c'est de l'eau qui nous bloque ici depuis deux semaines ! »
Felnh'il tourna la tête vers son frère d'arme. Les traits minces et osseux du Général s'étaient déformés à cause de la rancœur. Il était impuissant, et ça il ne pouvait le supporter.
« Quoi qu'il en soit Valren...Le seigneur Dermios est arrivé.
Conh'ordil détacha son regard du fleuve, poussa un soupir glacial avant de poser sa main sur l'épaulière de son subordonné.
-Merci d'empêcher ce camp de partir dans les flammes Felnh'il. »
Alors que le Valren tourna les talons en direction du Prétoire, le premier officier de la Légion remarqua deux soldats qui pêchaient le long de la rive et s'empressa d'aller les admonester.
Sur le chemin de la tente, Conh'ordil ne pouvait que constater avec dépit ce que deux semaines de stagnation avait fait de ses légionnaires. Un soldat ne pense pas, il obéit, il avance, il s'entraîne. Quand il n'a plus rien à faire, tout se délabre. Ici on jouait aux cartes, là un factionnaire somnolait contre sa lance. Par les Dieux, ils prenaient encore la peine de le saluer, mais il ne pouvait pas mettre au pilori chaque soldat de son armée. Même ses Dhores commençaient à se comporter comme des fantassins du rang.
Il entra dans la tente en tissue jaune. Il y avait le Seigneur du coin, une brute oruchii rustre et qui avait profité de la déliquescence de l'autorité impériale pour asseoir sa main-mise sur la région.
Il n'inspirait à l'elfe qu'un mépris certain. En lançant sa campagne, il s'imaginait partir en guerre contre les peuples des Hommes, devant soumettre cités et royaumes par le glaive et la lance. Au lieu de ça les Fen'ormers avaient croisé des cités malades, des campagnes en proie aux bandits, aux monstres et au déclin. Si parfois il restait des groupes prêts à se battre face à la Légion d'Or, la plupart étaient aux abois, voir prêt à les aider en échange d'une protection. Ce Dermios avait rendu les armes, Conh'ordil avait prit en tribut de la main d’œuvre pour réparer le pont.
Derrière lui, deux de ses gardes, hirsutes, barbares, dans leurs tenues dépareillées. Le problème étant que ses hommes à lui commençaient à leur ressembler.
L'elfe plongea son regard de jade terni sur le dernier individu présent : Caspa.
Un humain, petit, sec, inestimable. Littéralement. Son père l'avait acheté une fortune. Car ce bout d'homme parlait quatre langues dont l'elfique et l'oruchii, indispensable pour comprendre le sabir du Seigneur. Après tant d'années de loyaux services, Conh'ordil lui avait promis de l'affranchir une fois la Campagne terminée.
Le Valren se retint de soupirer et demanda mornement :
« Quel est le problème ? »
Heureusement Caspa s'empressait d'ajouter les fioritures, la politesse, l'étiquette. L'avantage de parler par intermédiaire.
Dermios parlait fort, avec des grands gestes, singeant l'art vénérable de la diplomatie.
« Vénérable Valren. Je viens vous solliciter à propos de vos légionnaires. Je vous ai fourni avec empressement les paysans dont vous aviez besoin pour le terrassement et assister vos troupes pour réparer le Pont. Or, ces derniers commencent à errer autour des villages. Quand ils échangent leurs fournitures contre de la gnôle et des saucisses c'est une chose. Je tolère qu'ils tripotent les lavandières. Qui ne le fait pas ? »
Conh'ordil pouvait ressentir tout le dégoût dans la voix de Caspa en traduisant, et sûrement en améliorant, le discours de l'humain.
« Mais ils commencent à chercher querelle, à faire des frasques ivres dans les champs, nous sommes passés à ça d'un soulèvement hier ! »
Le général joint ses doigts, inspirant longuement. Ses mots étaient dit sans colère aucune. Ses coups de sang étaient du domaine de la plus grande intimité. Hors de question de ressembler à ce porc bipède.
« Si jamais l'un de vos gueux touche ne serait-ce qu'à la veste d'un de mes légionnaires, je le fais pendre, je laisserai mes troupes déchaîner leurs deux semaines de frustration sur son village, et si vous protestez j'irais démolir cet immondice qui vous sert de forteresse pierre par pierre, avant de m'assurer que plus rien ne subsiste de votre pathétique passage sur ce monde. »
L'interprète avait des yeux ronds comme des billes. Cornh'ordil prit son sourire le plus obséquieux.
« Enfin Caspa, sert lui les excuses classiques, qu'on va veiller à la discipline. Tu connais les formules. Et fait lui offrir un tonnelet de vin. »
Une fois les attentes de la brute comblées, et lui et ses gardes proprement renvoyés à l'extérieur des palissades, Conh'ordil fit disposer l'interprète pour se retrouver seul dans le prétoire.
Il fit quelques pas, souleva le pan de toile qui séparait le hall de ses quartiers privés. Face à lui, il y avait une carte, immense atlas présentant l'Esserion et l'Erion. La terre des Elfes et la terre perdue. Risible péninsule se dressant à l'Ouest de Ludelber et que les cartographes du pays susmentionné avaient simplement annotés par « Royaumes des Hommes et des Nains. »
Ses iris vertes parcoururent à nouveau , inlassablement les frontières tracées par le fer et le sang des royaumes elfiques. Semaphora, Pharis, Belaraldur...Darhuin. L'antique Haut-Royaume s'était effondré dans le feu des insurrections et de la décadence. Des usurpateurs, des despotes, des traîtres avaient arraché des nouveaux états sur le cadavre chaud de l'ancien empire. Chacun se revendiquant comme légitime face aux autres. Mais son père lui avait enseigné, avec toute sa sagesse que seul le sang de l'Enhel des Enhels, le sang du Roi des Rois pouvait régner sur l'ensemble des Elfes. Mais pour cela il fallait dépasser et arrêter les querelles minables des arrivistes, des comploteurs et des obèses autocentrés que l'on osait appeler sénateurs.
Le travail de presque toute sa vie.
Il posa son doigt sur l'Erion, glissant son index jusque sur l'Empire du Suderon. Et quel empire ! Livré aux déprédations des monstres, des bandits et des seigneurs de guerre. Même dans une éducation aussi centré sur leur peuple que celle des nobles elfiques on parlait de cet empire glorieux et ancien. Et il n'en restait que de la viande en pâture aux conquérants, des villes ruinées et des paysans craintifs.
Mais le Suderon n'était pas la dernière étape de leur odyssée. Les Franges, un rassemblement de petits royaumes belliqueux et insignifiants pris séparément, mais immensément riches dans leur ensemble. Une pomme d'or qu'il allait cueillir.
Il quitta précipitamment sa tente afin de parcourir la forêt de tentes. Ici des paysans s'affairaient à combler les bourbiers causés par la pluie incessante du printemps. Ils avaient le poil noir de leurs aïeuls oruchii bâtardisés aux peuples humains d'Erion. Dociles et corvéables, tout ce que l'on attendait d'eux. D'autres humains se massaient autour du camp, réfugiés, miséreux, prêts à la moindre tâche pour quelques poignées de nourriture et la protection des légionnaires. Épouses de soldat, bottiers, amuseurs de galerie. Après tout, pourquoi priver des soldats qui s'ennuyaient déjà d'une source de distraction ?
Il se surprenait lui même de ce laxisme. Foutu pont...
Le général arriva jusqu'à un de ses Dhores, Durlan, un bon soldat, qui s'était démarqué jusqu'à avoir ce grade. Il portait le registre des soldats.
« Dhores. Quel est l'état des troupes ?
-Valren, quatre hommes de plus ne se sont pas présentés à l'appel de ce matin.
- Désertion ?
- Désertion, égarés dans les fourrés, en train de cuver dans un village, juste resté au lit ? Je n'en sais plus rien. C'est l'attente qui les mine. »
Conh'ordil continua son chemin, contournant joueurs aux dés, terrassiers et matériel jonchant le sol. Près de la porte Est, il croisa les Signiferi, soldats remarquables aux coiffes en peau de fauve, tour à tour porteur de la bannière d'or, traqueurs, agents disciplinaires. Ils saluèrent leur Valren. Ce dernier observa le cerf qu'ils avaient ramené.
« La chasse a été bonne Valren, voulez-vous qu'on l'envoie aux cuisines pour votre repas avec les Dhores ?
-Inutile Signifer, les troupes seront contentes d'un peau de viande noble dans leur ragoût. »
Le Général repéra une tour de guet et alla s'y percher. Là haut il pouvait observer le camp, les légionnaires qui faisaient frire des saucisses avec leurs glaives, Felnh'il qui donnait ses instructions. De l'autre côté c'était les bosquets et les champs du grenier à blé impérial. Cette terre lui rappelait les domaines de sa famille, mais c'était il y a tant d'années. Quand lui et Felnh'il n'avaient même pas vingt printemps, que la vengeance et la guerre n'avaient pas durci tout son être.
Il resta un long moment à observer la monotonie régnante, les soldats qui pariaient la solde qu'ils n'avaient même pas encore touché, les va-et-viens jusqu'au village des Hommes. Alors que le ciel se nappait déjà d'orange et de pourpre, il redescendit jusqu'à ses quartiers.
En approchant du rideau, il s'arrêta instinctivement en voyant une silhouette se dessiner dans la lumière traversant le tissu. Soulevant avec précaution le velours, il se retrouva face à face avec une jeune femme. Un coup de Felnh'il ça...
Il vint s’asseoir sur son lit, elle semblait intriguée. Elle le rejoignit, observant ses traits taillés à la serpe, son catogan, son oreille gauche mutilée. Il l'a regarda, elle avait de grands yeux noirs, brillants, comme deux onyx, les Elfes pouvaient avoir des iris bleues, mauves, ambrées, vertes, jamais de ce noir intense, le même noir que ses longs cheveux qui tombaient en cascade sur ses épaules.
Alors qu'il commença à défaire les attaches de son armure et qu'elle vint l'aider maladroitement, il commença à monologuer :
« Tu sais...Mon royaume s'étend bien au delà d'ici, dans l'Orient lointain. Il est comme votre empire, orgueilleux, puissant, mais il est rongé par les agissements des corrompus, de toutes sortes de ploutocrates. Alors nous sommes venus, car pour contrer l'or, l'acier ne suffit pas, il faut de l'or. Et un jour, nous reviendrons, rétablir le pouvoir du Roi à sa juste place. Et je me vengerai, je vengerai l'honneur de ma famille, je sauverai les Elfes de leur propre décadence, ou nous sombrerons dans le même abîme.»
Les pièces de son armure gisaient par terre, il retira sa tunique, ses chausses. Elle enleva sa robe, dévoilant un corps ravissant et désirable. Il prit son menton délicat entre sa main droite.
« Mais bien sûr, cela ne t'importe pas, tu ne comprends même pas ce que je dis. »
Il vint l'embrasser, pour cette nuit, il se laisserait aller aux affres du plaisir.
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Message par Piero Orsone »

Chapitre XX : La Tombe

À la lueur de la torche, le marbre prenait des teintes mordorées. Serye posa ses longs doigts sur la pierre froide. Taillée et poli par des mains d'orfèvres que le temps avait renvoyé à la poussière. Mais le marbre lui...Le marbre était toujours là. Gisant dans l'obscurité des cryptes. Le Roi sans-terres fixait son illustre aïeul avec déférence.
L'elfe effleura le visage sévère du monarque défunt. La barbe ciselée dans l'albâtre, la couronne ceignant son front.
« Qui étais-tu Enhel ? Murmura-t-elle en levant ses iris sur Rodric.
-Sigéric. L'un des premiers souverains. Il a régné voilà des siècles. L'un des premiers rois d'Odorton. »
D'un geste, le jeune homme replaça son barda. Ils avaient passé la matinée à rassembler le maximum de matériel pour leur escapade. Sa couronne tinta contre sa hanche.
Et l'un après l'autre, il nommait les illustres et sévères princes de pierre et d'os. Childebert, Aldric, des princes oubliés dans les ténèbres de ce tombeau. Tour à tour grand vainqueur contre le Reickard, les Vislandais, l'Empire du Suderon, tour à tour despote ou seigneur éclairé. À l'elfe fasciné, le dernier des Rodric déclamait les enseignements de son père, que lui même avait reçu de son patriarche. Chaque roi avait ce fardeau, le regard de marbre de ses prédécesseurs et ancêtres. Rapidement il arriva à Sirius I, II ; aux Rodric. Celui qui avait aménagé telle partie du palais, celui qui avait érigé une forteresse pour faire face à l'ennemi éternel.
Le plan qu'elle avait conçu lorsqu'elle esquintait ses yeux céruléens sur des ouvrages poussiéreux se concrétisait. Il existait véritablement un dédale souterrain dans le ventre du palais. Et le dernier homme de Naventis en connaissait une partie.
Ils arrivèrent à l’extrémité de l'obscure chemin. Il ne restait qu'un gisant, et un cercueil scellé en frêne. Rodric se stoppa. Dans la pénombre, son visage se tordait. Elle s'approcha et posa une main compatissante sur son épaule décharnée.
« Je ne peux pas le laisser comme ça...Seul.
-Nous ne pouvons rien pour lui Rodric. Au moins il repose avec les autres Enhels.
-Et ma place est avec eux. »
Sa main libre attrapa l'autre épaule du monarque et elle le tourna vers lui. Son regard irradiait de colère. Avec une rage digne de ses Dieux, la soldate secoua l'humain.
« Si tu voulais te laisser mourir tu avais toutes ces années pour le faire. Alors soit tu m'accompagnes et on sort de cette maudite ville, soit tu t'allonges à côté de ton père et si les non-morts ne viennent pas te chercher ce sera la faim. Alors je t'en prie, viens avec moi et abandonne ce qui te hante dans ce maudit palais ! »
Rodric déglutit et hocha la tête. Ébranlé, il se dirigea vers l'un des boyaux lugubres qui se présentait à eux. L'elfe s'empressa de le suivre. Alors que le chemin s'enfonçait plus encore dans les profondeurs au moyen d'un escalier de pierre raide et poussiéreux, Serye songea. Par tout le Panthéon il ne fallait pas qu'ils tombent sur un cul-de-sac, pas après qu'elle ait condamné leur asile pour pouvoir en sortir.
Leur descente vers les enfers s'acheva dans une nouvelle crypte, plus rudimentaire.
Chacun de leurs pas soulevait des nuages de particules qui scintillaient devant les flammes nues.
Les sarcophages qui reposaient ici n'avaient pas de gisant comme les rois d'Odorton. Mais leurs côtés étaient gravés de bas-reliefs. Armées en train de se déchirer dans un combat funeste, sages en toges contemplant des colonnades. Il y avait dans ces ouvrages d'art quelque chose qui rappelait à Serye les perrons des temples de Ludelber et le peuple elfique.
La guerrière interrogea à nouveau le Roi. Ceux qui dormaient dans ces lits de marbre n'étaient pas des rois, mais des Empereurs. Les Empereurs de Sarles. Venus du Ponant d'un continent qui faisait face à l'Erion, ils avaient soumis les peuples primitifs et païens. Des bâtisseurs, autoritaires mais justes. Loin des préceptes des anciens dieux, ils avaient apporté le Sacrisme. La Foi unique.
Dubitative, l'éclaireuse caressa l'empennage des flèches qui patientaient dans son carquois. Comment pouvait-on accorder sa croyance qu'à un seul dieu ?
Réunissait-il tous les aspects de son panthéon ? Impossible.
Dans les ouvrages qu'elle avait écumé dans la Bibliothèque, l'un d'eux traitait des peuples du Nord et de leurs dieux. Eux aussi vivaient avec un ensemble de divinités, le froid de l'hiver , le combat de toute existence, la chaleur du foyer, la vie et la mort dans leur étreinte serrée.
Et chez le peuple de Rodric, tout cela avait été balayé par des conquérants, réduit à n'être qu'un héritage lointain et mythique.
Rodric expliqua la chute de l'Empire glorieux. Des lignées décadentes renversées par des généraux. Le morcellement lent mais inéluctable des provinces conquises au gré des guerres civiles ou des pressions des barbares et des nouvelles puissances émergentes. Tout s'était terminé lorsque les derniers à se réclamer de Sarles fuirent Naventis. Bien sûr, les mêmes seigneurs de guerre qui avaient dépecé la nation à l'aigle blanc revendiquaient sa gloire, son histoire et sa légitimité. Daedwen, Odorton, Reickard ou Adernia parmi tant d'autres, les Franges, vestiges tapageurs d'une nation puissante qui elle même était réduite à un état vassale et minuscule. Niché entre les terres arriérées de Dornoff et le Duché d'Armstrang.
« Alors vous aussi... Vous avez connu les bannières brodées d'or d'un Empire et le temps de la guerre et du chaos...»
On se serait payé sa tête dans la Légion. Comparer Hommes et Elfes, et pourquoi pas faire courir l'étalon immaculé du Valren avec un baudet ?
Et pourtant. Les mêmes situations, la même histoire, le même cycle. Ascension et chute, ordre et guerre, Matharas et Saphrinil.
Un frisson parcouru sa nuque avant de disparaître entre ses omoplates. Elle regarda le plus orné des sarcophages. Il expliqua.
Sélarius, le Prince d'au delà des mers qui devint le Premier empereur.
Alors que le dernier maître du palais de Naventis lui racontait ses exploits, elle pouvait suivre sa progression sur les sculptures du tombeau. Les légions traversant l'océan sur des trirèmes. Les rois défaits ployant le genou devant le prince victorieux, la rencontre avec une reine mystérieuse. Le sacre et le couronnement en tant qu'empereur. Et enfin. Sa mort. Loin au Nord, dans le Visland. Fauché par les barbares farouches qu'il voulait soumettre.
« C'est un cénotaphe. Ils n'ont jamais ramené son corps des forêts septentrionales.
-Et pourtant il était honoré. Vous le voyez comme le fondateur de votre...Civilisation.
-Sélarius était le premier à propager la foi sacriste. Il a été érigé en martyr.
-Quand on mêle les mortels aux dieux ce n'est jamais salutaire pour eux. »
Ils poursuivirent leurs déambulations souterraines jusqu'à arriver à un boyau bas de plafond, rudimentaire, mal entretenu.
L'elfe tendit l'oreille. On pouvait percevoir selon où ils se plaçaient le ruissellement de l'eau. Les égouts, l'échappatoire. Elle tâtonna avec la main pour trouver une faiblesse dans le mur de briques moussues. Et c'est une prière silencieuse qu'elle adressa au maître de la chance. Plusieurs d'entre elles tombèrent en contrebas en appuyant dessus. Avec leurs forces cumulées ils réussir à créer un trou suffisant pour se glisser vers leur chemin de sortie.
Si les cryptes étaient un réseau dense de tunnels lugubres, les égouts formaient un lacis enchevêtré qui serpentait sous la ville. Si tout s'accordait aux ouvrages, les méandres se jetaient dans le Prudast dont le cours coupait la ville en deux. Mais après la relative tranquillité du royaume des morts, les boyaux eux contenaient des restes beaucoup moins immobiles. Les deux survivants le constataient en trottant torche en main dans ce gourbi. Combien de miséreux, de cadavres gonflés par la maladie, exhalant leurs miasmes, avaient finis dans les entrailles de la Cité morte ?
Mais l'archère visait bien, les morts étaient peu nombreux, seulement il fallait se méfier du bras qui vous prenait à revers, des tunnels adjacents où des carcasses rampantes glissaient dans la boue pour mieux vous saisir.
L'écho de leurs râles emplissaient les souterrains. Mais des bruits pires encore répondaient. Le roi et l'elfe se fixèrent un bref instant. Quelles créatures pouvaient rester dans les ténèbres d'une ville sans vie, sans activité humaine susceptible de leur fournir pitance. Des choses terrifiantes, de celles que les profondeurs de la terre regorgeaient. Ils coururent à en avoir le souffle rauque, à trébucher sur les pavements déchaussés du caniveau mais il fallait fuir ce lieu damné avant de connaître encore plus en détail ses horreurs innommables.
Les tempes de Serye étaient prêtes à exploser, tournaient-ils en rond ? S'enfonçaient-ils encore plus bas ? Avait-elle tronqué une lente agonie pour un supplice atroce mais écourté ?
Ils s'arrêtèrent à un carrefour, fourbus. Rodric regarda l'inclination de la flamme. Il pointa la voie la plus à gauche.
Le tout pour le tout, le duo se précipita dans le conduit. La plus belle vision de la journée s'offrit à eux en discernant la lumière au loin. Quelques minutes plus tard, leurs pieds traînaient sur le sable de la rive du Prudast indolent, Serye leva les yeux vers le ciel et ses nuages dessinés dans l'azur. Le Monarque quant à lui regardait les murailles grises qui s'élevaient, orgueilleuses, jusqu'au firmament. Ils étaient dehors. Ils étaient sortis de Naventis, ils avaient fuit la Cité des Morts.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
Profil: For 11 | End 10 | Hab 10 | Cha 9 | Int 9 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 10 | NA 1 | PV 80

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"Ma qué ?!"

Tu vuo' fa' ll'americano
mericano, mericano...
ma si' nato in Italy !

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