Il y a certaines choses dans la vie qui pouvaient être étonnantes, voire surprenantes, et cela non pas à cause de leur caractère extraordinaire dans une situation normale, mais plutôt l'inverse, parce que ces mêmes choses sensées être banales partout ailleurs se produisent dans un contexte qui est tout à fait anormal. Ainsi, n'était-ce pas insolite qu'un village reculé du Duché Maudit ne soit pas attaqué durant la nuit par des morts-vivants ou d'autres créatures horrifiques? Mieux encore, n'était-il pas surprenant que l'on puisse apercevoir le soleil dans les cieux soit-disant maudits du Moussillon? Oui, même dans cette région enténébrée, pourtant en proie aux orages, aux mauvais temps et à la grêle, même là l'astre diurne parvenait à se faire une place ; une petite place certes, précaire et timide, mais une place quand même. Avec un peu d'espoir, on aurait même pu dire que ces deux éléments, improbables dans cet endroit si particulier de la Bretonnie, étaient presque des signes de bon augure pour commencer la journée ; une journée bien avancée d'ailleurs, alors que le renégat achève de se lever.
Passant ses mains sur son visage, s'étirant les bras et les jambes, Johannes put pleinement profiter de son réveil ; là au moins, il n'y avait pas de caravane à escorter ou encore quelqu'un qui gueulait à tue-tête pour lui demander de venir à sa fameuse "partie de chasse". Prenant également quelques instants pour défroisser ses vêtements et faire partir les brins de paille qui s'y étaient accrochés, le hors-la-loi finit par prendre son sac et son arc, afin de partir chercher une piste, ainsi que des indices, pour poursuivre les ravisseurs de l'enfant. Toutefois, alors qu'il allait quitter les lieux, quelque chose percuta son esprit.
En effet, maintenant qu'il le remarquait, le rôdeur n'entendait aucun bruit provenant de la fermette juste à côté de l'étable. Contrairement aux cabanes et massures de son village natal, ou même celles du hameau dans lequel il se trouvait maintenant, aucun enfant ne s'amusait à l'intérieur de cette maison ; aucune mère n'était là pour les surveiller ou les gronder ; aucun père n'était présent ou sur le point de partir aux champs, ou n'aiguisait sa fourche ou bien sa faux. Ce silence mit la puce à l'oreille de Johannes. S'approchant doucement de la ferme, puis, passant légèrement sa tête au niveau de la fenêtre, le renégat ne put que constater l'abandon et le silence qui s'étaient emparés des lieux. Parfait. Une occasion idéale pour entrer à l'intérieur et pouvoir fouiller tranquillement l'endroit, sans risquer de se faire déranger par d'éventuels propriétaires. S'appuyant sur les montants de la "fenêtre", qui était en réalité un gros trou scié à même le mur de planches en bois, Johannes pénétra dans la cabane et commença à chercher, à farfouiller partout, espérant trouver quelque chose d'intéressant ou au moins d'utile pour la suite de ses péripéties.
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Comme cité plus haut, je demande une fouille de la maison abandonnée. Alors je ne pense pas trouver quelque chose d'extraordinaire, mais j'espère découvrir un ou deux objets qui me seraient pratiques pour continuer la traque. Aprés évidemment, c'est toi qui décide du résultat.
Aprés avoir passé plusieurs minutes à fouiller dans la fermette, le hors-la-loi voulut se poser un peu. Jetant négligemment son sac par terre, il prit un tabouret et le posa prés de la paroi, juste à côté d'une table ; calant son dos contre le mur et mettant ses pieds sur la table, Johannes, désormais assit dans une position assez confortable, balaya brièvement du regard l'endroit dans lequel il se trouvait.
Pour sûr que cette ferme délaissée ferait une cache parfaite ; cependant le rôdeur avait bien l'intention de repartir le plus tôt possible, afin de ne pas se laisser distancer par les cavaliers ravisseurs de l'enfant. A cet instant-là, à cette pensée précise, le hors-la-loi commença à fouiller dans les poches de son gilet en cuir, finissant par sortir son coutelas, examinant la lame pendant quelques secondes avant de commencer à se curer les ongles avec. Il était temps de faire un petit résumé de la situation.
Ainsi donc, notre rôdeur recherchait une fille, âgée d'une dizaine d'années, à la peau pâle, aux cheveux dorés, longs, et aux yeux bleux ; cette enfant étant gardée par toute une escouade de chevaliers itinérants, dont l'identité était inconnue mais qu'il ne fallait surtout pas sous-estimer. Autre chose de particulier à propos de cette fillette? Oui, ses "protecteurs", alors qu'ils étaient de passage dans le village, avaient acheté de quoi poursuivre leur chemin, mais s'étaient surtout procurés une poupée de chiffon ; une information à retenir, pour sûr. Pouvait-on en déduire que la fille possédait des capacités magiques ou au moins surnaturelles? C'était une hypothèse à garder sous le coude, car elle mettrait en lumière d'autres faits et caractéristiques jusque là inconnus de Johannes, et que ce dernier pourrait désormais prendre en compte.
Mais pour la retrouver, il n'y avait pas non plus trente-six solutions: récolter des informations, voilà une méthode aussi simple qu'efficace, qui permettrait au rôdeur de localiser sa cible ; que ce soit en cherchant des indices dans les environs, ou bien en interrogeant les témoins du passage des chevaliers.
Et enfin, peut-être la question la plus intéressante. Qui sont donc ces gens voulant retrouver cette jeune enfant? Pour commencer, il y avait le seigneur local et son conseiller, qui avaient déjà engagés toute une petite troupe d'hommes d'armes pour leurs recherches ; ensuite venait ce fameux Malbaude, qui lui aussi souhaitait mettre la main sur la fillette, et qui avait justement chargé le noble du village de faire le sale boulot à sa place. S'il y avait quelqu'un vers qui se tourner pour obtenir une récompense, c'était bien cet homme. Toutefois, il y avait un petit hic dans toute cette affaire ; en effet, si le hors-la-loi n'était pas un enfant de coeur, alors que penser d'une personne qui arrive quand même à se faire appeler le
Chevalier Noir dans une région connue comme le
Duché Maudit....
Au-delà des problèmes évidents d'absence d'éthique et de scrupules que soulevaient ce surnom, c'étaient surtout des questions de survie et de gains qui animaient les pensées de Johannes. Admettons que le rôdeur lui apporte la gamine. Qu'est-ce qui obligerait cet être à lui donner une récompense? Qu'est-ce qui l'empêcherait de l'abattre à vue, ou même dans le dos une fois qu'il aurait la fillette en sa possession?
Le hors-la-loi interrompit son curage d'ongles et plissa légèrement des yeux. La curiosité titillait son esprit: quand même, quel type de récompense pouvait bien offrir ce genre de personnage?
"Des places importantes dans sa future suite", comme avait dit le seigneur casqué hier soir? Cela n'avait pas l'air pas trés tentant pour l'électron libre attaché à son indépendance qu'était le rôdeur. Mais peut-être que ce
Chevalier Noir avait autre chose de plus....intéressant pour Johannes, qui sait. Cependant, à nouveau, est-ce que ce dernier tiendrait sa promesse? Car quelque part, notre bandit reconverti en chasseur ne se fait pas d'illusions sur la valeur de sa vie. Au fond, il n'est qu'un roturier, un homme de main sacrifiable dans toute cette histoire de traque à la gamine. Si son existence ne valait déjà pas grand-chose en Bretonnie, alors qu'est-ce qu'elle vaut maintenant qu'il a franchi la frontière du Moussillon?
C'est à ce moment-là qu'il pensa aux
"serviteurs de l'ancien rival" de Malbaude, que le conseiller avait mentionné. Ces gens sont au moins aussi douteux que le Chevalier Noir, mais eux aussi sont des participants dans la chasse, donc eux aussi peuvent proposer une gratification ; voilà quelque chose qu'il ne fallait pas négliger. Toutefois, comment savoir quel genre de récompense offrait tout ce beau monde? Peut-être qu'il fallait s'introduire à nouveau dans le château, pour essayer d'en apprendre plus. Mais comment faire? A moins que.... Et puis que penser de.... Les pensées de Johannes se suivent et se succèdent, défilent de plus en plus rapidement, voire s'embalent ; pour chaque réponse que le rôdeur croit trouver, deux autres questions se posent ensuite, semblant alimenter un cycle de réflexion sans fin.
Mais d'un coup, à l'évocation d'une certaine personne, l'esprit du hors-la-loi se fige. Derrière sa capuche et son foulard, son visage se renfrogne, sa main se crispe un peu plus autour de son couteau, et son regard, désormais mauvais, semble chercher quelque chose dans la pièce. Il aperçoit alors une assiette en argile accrochée au mur. Prenant un courte inspiration, Johannes arme d'un coup son bras avant de lancer le coutelas, sifflant et fendant l'air, sur ce plat. Le tir fait mouche et l'assiette tombe au sol, se brisant en mille morceaux dans un petit fracas ; la dague, plantée dans le bois du mur, se tient dorévanant à sa place. Poussant une grande expiration, le rôdeur se lève et va chercher son coutelas, le retirant de la paroi d'un coup brusque et sec.
Oui, il ne fallait pas oublier ce petit nobliau impérial, cet espèce de blondinet handicapé ainsi que toute sa clique, surtout pas....
Alors qu'il range son couteau dans sa veste en cuir, le renégat tire une autre conclusion de toute cette histoire: trop de réflexion tue l'action. S'il veut avancer, Johannes doit continuer les recherches sur le terrain et ne pas rester là, à émettre des dizaines d'hypothèses, comme le ferait un mou du genou tout droit sortit des universités de Nuln ou d'Altdorf.
Ainsi, il retourne vers son sac, y rangeant les objets qu'il vient de trouver. Mettant son arc en bandouillère et sa sachoche sur les épaules, le hors-la-loi finit par partir de la fermette abandonnée. S'il n'avait pas trouvé des traces dans le village même, alors peut-être qu'en maraudant dans les environs du hameau, le rôdeur obtiendra de meilleurs résultats. Il se mit dés lors en tête d'explorer les environs, observant le sol et son environnement, à l'affût, à la recherche d'indices: des éraflures au niveau de l'écorce des arbres, des cendres froides, des traces de pas ou de sabots....Tout dépendra de ce qu'il trouvera.