Carte de la ville de Dimashque:
En lisant les récits des décors lointains et exotiques de l'Arabie du Sud, de ses vastes dunes dorées brillant en soleil ou de la mer azurée accueillant mille navires, les plus blasés des piliers de taverne impériaux auraient soufflé du nez aux clichés, aux racontars, aux histoires milles fois entendues. Il est de ces contes qui ont tant et tant été répété qu'ils en ont perdu leur saveur, leur substance, que plus personne n'accepte de les raconter sauf aux plus jeunes enfants que la naïveté protège encore du cynisme des adultes.
Et pourtant il y avait dans les vers des poètes bien davantage de vérité que les intellectuels d'Altdorf ou de Couronne le pensaient. Il suffisait, pour s'en convaincre, d'observer une des plus villes les plus ouvertes de la péninsule, une des plus modernes également: Dimashque.
Siègeante entre les confins infinis du Désert Changeant qui la séparait de la Terre des Morts au nord et l'immense Golfe de Medes au sud, la cité de Dimashque était réputée par l'accueil chaleureux qu'elle réservait aux voyageurs étrangers ainsi qu'à la place large accordée aux hommes de savoir de toutes obédiances tant que celles-ci étaient progressistes. Une ville moyenne donc mais dont l'apparence était splendide et les richesses d'une importance capitale. Aucune ville arabéenne, si ce n'était pour Copher et Al-Haik elles-mêmes, n'abritait autant d'étrangers: nains, elfes, bretonniens, impériaux, kislévites, tiléens, estaliens et bien d'autres lieux encore! Une population bigarrée qui se mêlait aux foules des fils de l'Unique qui marchandaient avec empressement et finesse, aux lettrés qui échangeaient dans de grandes salles somptueusement décorées les dernières nouvelles du monde et même aux hommes de guerre qui profitaient ainsi des dernières avancées dans l'Art de Myrmidia. Et ce serait encore oublier la forteresse bretonnienne d'Antoch, à l'Est, dont Dimashque était la principale partenaire et dont l'alliance, bien que fragile, était gage de respect aux yeux des nouveaux arrivants du Vieux Monde.
Puis venait la description de la cité elle-même. Qu'elle était belle, la Grande de Métal, avec son matériau unique: l'acier dimashquéen. Une merveille de science, d'alchimie, de forge et de talent! Des lames magnifiquement décorée, bronzée ou argentée, aux motifs spiralés uniques et d'une qualité rivalisant sans peine avec l'ithilmar elfique, poids mis à part. Un maître-forgeron nain se serait même exclamé un jour en observant un cimeterre: "C'est pas possible un métal umgi comme ça! Y'a de la magie là-dessous!". Et pourtant nulle sorcellerie, juste le talent et le savoir.
Ainsi donc une grande part de la ville, notamment toute sa partie nord-ouest, était parcourue de forges à l'excellente réputation et accessible à toutes les bourses selon qui vous sert. Le sud, évidemment, était parcouru de pontons, ports, grues, entrepôts et autres infrastructures classiques retrouvées dans les villes portuaires telles que des guildes des voleurs. La mer, en Arabie, était une artère vitale, indispensable.
A l'est s'élevaient les quartiers pauvres, où s'entassaient dans une misère aride la majorité de la population, des plus humbles gardiens de chameaux aux commerçants plus aisés: tous étaient logés à la même enseigne. L'Ouest et le centre, avec notamment le célèbre Hall des Poètes, étaient réservés aux élites les plus riches. C'était bien sûr sans oublier le quartier sud-est, donné aux étrangers…
C’est dans décors jaune et blanc, entre deux étals de marché vendant de délicieuses épices aux effluves puissantes ou des fruits et légumes aux couleurs chatoyantes. Une foule épaisse emplissait les rues étroites des quartiers populaires de Dimashque et en son sein évoluait un individu seul, membre banni d’une secte de meurtriers se proclamant altruistes.
Son objectif ? Tuer un certain Jaffar Admeramane, homme de science, intellectuel reconnu, membre de certains cercles secrets… Et potentiel traître à la solde des bretonniens. Il avait échoué à le tuer une fois : cela ne devait pas se reproduire. Et vite si possible car si un autre Hashashin que lui parvenait à mettre fin aux jours du traître, il n’aurait plus qu’à accepter la mort des mains de son propre maître.
Mais par où commencer ? Les rumeurs étaient nombreuses en ville concernant cette tentative d’assassinat mais elles s’accordaient surtout à dire que Jaffar s’était caché quelque part en attendant que l’orage passe, que les Hashashins oublient. Mais les Hashashins n'oubliaient jamais. Le nom de leurs cibles restaient gravé dans leur mémoire, sans que jamais l'ordre n'abandonne.
Malik observa la foule depuis le toit d'une maison à triple étage, toute de pierre blanche et beige et d'où s'échappaient les extrémités des poutres qui soutenaient la structure. C'est sur un de ces rondins de bois qu'il se tenait accroupi, guettant la vie dans les rues commerçantes des bas-quartiers où on parlait fort en échangeant des articles de toutes les qualités. Des arabéens, quelques impériaux, une poignée de bretonniens, un ou deux nains. Tous valsaient au rythme des affaires et des rafales d'air chaud et lourd provenant de la mer.
Il était temps de se mettre en chasse.