En passant par les cuisines, la fringale qui saisit l'escrimeur trouva à point nommé une demi poularde assez sèche, reste du dîner de la veille de Monsieur, ainsi qu'un immense bol de bouillon et du pain. s'attablant joyeusement sous l’œil quelque peu sévère de Désirée, la cuisinière acariâtre qui officiait à son chaudron.
Le domestique, dont le nom n'avait toujours pas été révélé à notre bon bourgeois, ne pris aucunement place à ses côtés. Il semblait avoir à la tête un certain nombre de pensées, parmi lesquelles on pouvait supposer que le retard pris sur ses habituels devoirs quotidiens prenaient une place prépondérante. Puis, n'y tenant plus, alors qu'Hans lui offrait généreusement une cuisse de sa poularde, il explosa en excuse et se mit à courir ventre à terre vers le cabinet de Monsieur. Visiblement, il n'avait que trop tardé.
Mais la générosité de l'escrimeur ne resta pas impayée. Un gamin, quelques secondes après, passa la tête par la porte et se mit à parler très vite en gonflant le torse, à la fois pour se donner de l'importance, se donner du courage, et probablement aussi éviter de se faire chasser manu militari par la colérique cuisinière bouillant silencieusement derrière ses récipients.
"Bonjour M'sieur! Je suis Pierrot, on vient de m'envoyer m'occuper de vous! Vous pouvez compter sur mon aide, la propriété a aucun secret pour moi!"
Puis jaugeant la cerbère des foyers avec un air inquiet mais déterminé, il ajouta:
Et je crois que je pourrais fort bien m’accommoder d'un peu de cette poularde.
"Madame vous attend M'sieur! Soyez chic avec elle, elle a du mal depuis que Clément a disparu"
Puis il s'effaça.
La pièce est pleine de draps, et de tentures. Au sol, des peaux. Madame est assise face à la porte dans un épais fauteuil de velours, les yeux fixés sur l'homme qui s'avance. A ses yeux rougis, il est facile de voir qu'elle a pleuré.