Guidé et aidé par le Cornu et ses deux assistants, Korlandin avait grandement peiné, avec ses petites jambes mal habituées aux terrains glissants de surface, dans des déluges d'eau et des écoulements violents... Après une triste victoire, le groupe avait cessé son avancée vers l'Est et les Terres Sombres - dont il n'avait eu qu'un très minime aperçu - pour se replier vers le Nord-Ouest...
Ce ne fut qu'après plusieurs heures, tous fourbus, et la pluie battant toujours les grandes montagnes, qu'ils avaient atteint leur destination. C'était la nuit noire... Le Cornu les fit passer par un chemin tortueux et difficile, qu'il serait bien ardu de dénicher si on ne le connaissait point, puis par une entrée impromptue de caverne à demi écroulée... ouf! enfin au sec!
Des nains ferrés, armés d'arbalètes, y veillaient dans la pénombre.
-C'est moi, fit le Cornu avec un geste de paix. J'ai rencontré vos chefs, vous avez dû être prévenus.
En effet, ils savaient, et le groupe trempé fut amené plus avant dans les grottes fragiles. En chemin, un garde nain eut une tape amicale au dos de Korlandin:
-Tromm! (salut en nain) Bienvenu!
Ils parvinrent assez vite dans un vaste espace souterrain où brûlaient des feux, sur lesquels rôtissaient encore quelques viandes. Une seule voie viable partait encore de l'endroit, deux autres étant complétement écroulées...
Et il y en avait du monde!
Presque une centaine de gens, moitié humains, moitié nains, chacun campant plus ou moins de son côté... C'était une petite armée... il y avait même des chevaux!
Chez les nains, Korlandin reconnut les emblêmes de Karak aux huits Pics, la Citadelle perdue... Il ne connaissait pas ceux des humains: Un lion d'or sur champ noir, et une ronce verte sur fond sable...
Ayant été avisé de ces visiteurs, plusieurs personnes vinrent accueillir le groupe:
Une belle humaine dont l'épais manteau de yack noir était dénoué, laissant voir son opulente poitrine, pleine de bijoux. Elle paraissait assez précieuse, et draguer le Cornu:
-Bon retour, héros. C'est un honneur que d'avoir le légendaire Ercatinda, fléau des orques, parmi nous.
Tiens? Il s'appelait comme ça, en vrai, le Cornu?
Korlandin le sut plus tard, cette femme se nommait Léonie de Bajour, est était une princesse frontalière de l'Ouest, issue de Bretonnie.
Un humain moustachu, au port altier, salua ensuite le Cornu. Il avait un air fourbe, trouva peut-être Korlandin:
-Si si, El Cornute, c'est oune grande honnor! Merci merci! Avec vous, nous allons gagner.
Il avait un drôle d'accent prononcé, assez chantant.
Le tueur nain apprit plus tard qu'il s'agissait de Don Mileone Oleandro - ou un nom comme ça - aventurier mercenaire réputé dans les Principautés Frontalières.
Enfin, il y eut un nain... quand même... et pas n'importe lequel!
C'était Kordann, fils du Roi des nains de Karak aux Huit Pics, fils de Thorgrim le Rancunier!... Avec sa mythique armure de bronze dorée, que l'on disait forgé par les Ancêtres, et qu'il ne quittait jamais... Korlandin ne pouvait se tromper. C'était lui.
Il n'eut qu'un vague salut pour le Cornu et les rôdeurs, avant d'aller prendre notre tueur nain par l'épaule et l'entrainer avec lui:
-Tromm, bienvenu. Je suis Kordann. Viens, on a un magicien pour te remettre en forme... et de la bière et du rôti pour achever tout ça. Tu me raconteras tout ensuite. Qui tu es, ton but, ce que tu faisais dans ce coin... Mais pas avant.
Gageons que Korlandin suivit. Et il fut de fait soigné par la magie d'un nain en robe verte, nourri, biérifié... au sein d'une belle et grande compagnie d'une cinquantaine de nains!