. Les déboires financiers de la compagnie ne cessaient de s'aggraver et le capitaine Emrik avait été clair avec les armateurs: ou lorsqu'il reviendra de Port-des-Pillards la situation sera meilleur et il n'aura plus à accepter ces contrats douteux avec un équipage mouvant, ou il prend son navire et les marins qui lui reste pour se mettre à son compte. Le capitaine avait, paraît-il, mal pris la nouvelle réduction des moyens consacré à La Belle de Marienburg, ça où la nature de la nouvelle cargaison qu'il devait transporter jusqu'à un port pirate notoire...
. Déjà trois jours que la magnifique embarcation avait franchi les digues bâties, d'après la légende, par le peuple de Belgrom, trois jours de voyage sous un ciel clément, le vent légèrement de dos et les embruns caressant la barbe grisonnante de l’expatrié. Manann devait être avec eux car le plus grave événement de ce début de traversée fut lorsqu’une mouette rieuse se soulagea sur le chapeau du capitaine. Le châtiment fut sans appel, il y eu de la volaille au mess ce soir là.
. En somme, c’eut été une traversée idéale sans Brom. Ce colosse, même par rapport à la carrure déjà imposante du capitaine, mesurait près de deux mètres, tout en muscle et dans ses yeux brillait une lueur de ruse, un peu comme une fouine. Il était le seul à avoir accès aux cales contenant la marchandise. L’équipage n’avait soi-disant pas à savoir ce qu’il transportait, mais avec l’importante quantité d’eau et de nourriture chargée dans le navire et le fait que le capitaine s’est enfilé trois bouteilles d’eau de vie et une descente au temple, il était facile d’additionner deux et deux…
. Toujours est-il que cette grande brute de Brom et sa sale tête chauve avaient pris en grippe le brave nain après que celui-ci l’ai invectivé pendant cinq bonne minutes, sous prétexte qu’il ne faisait rien sur le pont à part gêner les matelots. Mais bon, ce n’était pas la première fois qu’un client dépêchait un roquet un peu trop casse-pieds. Donc l’équipage faisait avec, du moins fit avec pendant quelques jours encore jusqu’à ce que l’esclavagiste, ignorant sans doute les coutumes des gens de la mer, abattit d’un coup de fouet magistral un albatros sur le pont. Notre héros, venant pourtant d’un peuple à la colère légendaire, fut effaré par le violence d’Emrik qui menaça, contrat ou pas contrat, de balancer le colosse par dessus bord…
. Était-ce le hasard ou bien une vengeance de Manann ? Toujours est-il que le lendemain se dressa à bâbord une immense masse nuageuse et sombre. (1) Ni Belgrom, ni le capitaine ne parvinrent à identifier la puissance de la tempête à venir, mais Emrik pressentit qu’elle ne serait pas naturelle…
. Impossible de l’éviter, la perturbation nuageuse gagnait toujours du terrain et pourtant, La Belle de Marienburg voguait toutes voiles dehors. Dans l’équipage, on commençait à s’agiter, murmurant des prières, proposant de jeter à la mer le faiseur de sacrilège, puis la tempête fut sur eux. . Émergeant des brumes, un gigantesque amas de roches, de tours et de murailles, à côté de ce léviathan, le navire marienbourgeois passait pour un frêle esquif. Les prières devinrent des suppliques, et s’étendirent à touts les dieux connus, même les plus insignifiants car si ils n’en avaient jamais vu, ces choses hantaient leurs cauchemars, une Arche Noire, fléau des mers du monde.(2) La mâchoire béante devant ce miracle de la magie maléfique des sombres cousins des elfes, Belgrom ne sentit pas les brumes s’emparer de son esprit et lorsqu’il détourna les yeux se fut pour voir un Druchii brandir un sabre vers lui, les yeux fous…
(1)