Isolde avait très envie de dormir. C’était une sensation fort agréable. La tête reposée sous sa main, la coude sur le bureau, elle pouvait tranquillement rêvasser. À quoi songeait-elle, ses pensées virevoltant en l’air ? Où s’évadait-elle, les yeux rivés au plafond ?
Une règle métallique frappa le bureau juste devant elle, l’obligeant à soudainement se redresser, toute alerte. Devant elle se tenait un homme revêche, sec, au triste vêtement de bure noire coutumier pour un roturier soumis aux lois somptuaires de Bretonnie. Un grand cinquantenaire à l’aspect famélique, joues creuses rasées de près, cheveux grisonnants, et lèvres pincées qui gardaient la cicatrice d’une grimace de bec-de-lièvre.
« Alors, jeune fille ?
Peux-tu me dire de combien d’hommes disposait le gouverneur-général de Helmgart, Magnus von Abresicht ? »
Isolde était proprement incapable de répondre. Son manque de révisions apparent fit naître un très léger sourire narquois sur le coin du visage de l’instituteur ; Maître Waldon Piers était le genre de professeur à apprécier que ses élèves ne travaillent pas, car ils ne manquaient jamais de lui donner la justification suffisante pour les punir comme il lui plaira.
« Neuf mille, Isolde, neuf mille ! Tu ne plairas jamais à un homme, ni par ta silhouette, ni par ton allure, alors il serait intelligent de ta part de chercher à travailler un peu ton esprit ; Si les sottes peuvent avoir de bons mariages en Bretonnie, c’est surtout car ce sont des sottes agréables à l’œil. »
Il contourna le bureau. Il s’approcha d’une magnifique bibliothèque fournie en codex et folios, mais ce qu’il tirait était bien plus coûteux et estimé que tous les ouvrages pourtant richement enluminés et savants de la collection de sa famille : C’était une carte, qu’il dépliait sur la table. Une carte des Montagnes Grises. La cartographie était une de ces sciences extrêmement respectées, tant elle était compliquée à exercer. Il fallait que les topographes voyagent des jours, des semaines, des mois durant pour tenter d’affiner les relevés et dresser des plans aux échelles les plus précises possibles. C’était un de ces métiers où même un roturier pouvait gagner le plus pieux respect des nobles du pays.
« Six cent cinquante chevaliers issus de divers ordres parrainés par sa famille, un millier de chevau-légers recrutés parmi le Pistolkorps de Helmgart ou composés à partir de lances libres regroupées. À ceux-là, il faut ajouter un léger corps de trois mille fantassins, formés à partir des troupes d’État et des milices des villes locales, avec renfort d’Ubersreik, et surtout, plus de quatre mille mercenaires aux origines très diverses : Magnus peut compter sur un régiment avec bannières et tambours levé à Marienburg, une condotta au service de la ville de Miragliano, et de nombreux routiers recrutés depuis les Principautés Frontalières.
Mais l’épine dorsale de l’armée du général Magnus, c’est son parc d’artillerie : Quarante pièces, qui lui sont allouées par disposition secrète du Conseil d’Altdorf. Principalement des bombardes préparées pour le siège, mais également des canons-orgues et quelques fusées expérimentales… Des armes terrifiantes, faites pour faire s’écrouler les forts bastions Bretonniens sur leur chemin. »
Il noyait Isolde dans les chiffres. Sous le bureau, il sorti une petite caissette en bois, un coffret d’ébène duquel il tirait des petites figurines en plomb. Des petits chevaux, des soldats, un grand général plus grand qu’eux : Il les massait tous autour de Helmgart.
« Pourquoi est-ce que Magnus von Abresicht décide d’attaquer, Isolde ?
Ce n’est pas parce qu’il a reçu des informations de la part d’un traître Bretonnien, Artrenic de Fandramanc, qui vont lui permettre de prendre sans coup férir les castels du Défilé de la Hache. Ce n’est pas non plus car il déterre de vieilles revendications territoriales, des frontières vieilles du temps de l’Empereur Sigismond, afin de s’assurer le contrôle de cavernes qu’il soupçonne d’être pleines de mines d’argent ou d’or. Ce n’est même pas parce qu’il est issu d’une branche cadette de la maison des von Holswig Schliestein, et qu’il souhaite prouver au Conseil d’État qu’il est un candidat sérieux à une éventuelle succession à l’Empereur Karl Franz.
C’est en fait pour une raison beaucoup plus pure et sombre que celle-ci. C’est parce qu’il est un Impérial. »
Il marque une pause, pour que Isolde ait le temps de philosopher là-dessus.
« C’est parce qu’il vient d’un pays qui haït le nôtre. C’est parce que, depuis les origines, les enfants de Sigmar regardent avec hargne et avidité tout ce qui se trouve de l’autre côté des Montagnes Grises. Ils haïssent notre langue, notre esprit, notre culture. Qu’importe que les Bretonnis viennent des mêmes forêts putrides qu’eux : Ils ne voient nos terres fertiles que comme un pays à soumettre de force, et n’ont jamais supporté la rivalité que nous représentions à leur confédération. »
Avec force, il posa la figurine d’un chevalier juste devant la cité de Montfort.
« Folcard de Montfort mobilise tout ce qu’il peut : En plus de son hôtel de chevaliers, il semonce tous ses vassaux, proclame l’appel à l’arrière-ban, et fait lever de force quantité d’hommes d’armes et d’archers parmi ses sujets. Six mille hommes se rassemblent avec peine derrière sa bannière, tandis que des messagers envoient des demandes d’aide à tous les duchés voisins.
Mais Folcard sait que l’ennemi avance vite, qu’il souhaite s’établir solidement dans les bastions qui tombent devant lui. Il sait que s’il ne veut pas voir son duché amputé de ses plus riches gisements, et le Déflié de la Hache briller sous la Comète à deux queues, il doit se battre, au front, lui barrer la route de sa principauté. »
Lentement, à l’aide de sa baguette métallique, il fait glisser les pions face-à-face.
« Folcard de Montfort est un brave seigneur, mais aussi un commandant prudent. Les chevaliers Montfortiens sont fort particuliers : Pour eux, l’art de la guerre ne se résume pas à monter à cheval. Ils savent en descendre pour lutter, à cause des forêts et des grandes montagnes qui composent leur pays.
Cela fait naître des liens parmi eux. Folcard est aimé de sa populace. Les paysans ne le craignent pas. Ils ne l’admirent pas plus : Ils voient Folcard et ses seigneurs qui s’avancent comme des frères d’armes. Paysans et chevaliers se battent côtes-à-côtes, épaules contre épaules, mélangés dans la masse. »
Dos à une rivière, juchés sur une colline, les soldats de plombs impériaux s’avancent, couverts par leurs terrifiants canons en porcelaine.
« La bataille commence à dix heures. À vingt-deux heures, elle n’est toujours pas terminée. Elle est marquée par quantité d’épisodes terrifiants, qui ont donné de graves et terribles raisons à Shallya de pleurer : Les fantassins se jetèrent les uns sur les autres, les carreaux d’arbalètes répondaient aux grêles de flèches dardées, et les canons d’artillerie, campés sur un fortin, fauchaient comme les blés les bataillons qui se formaient devant eux. Les chevaux hurlaient, comme les soldats dont le sang coulait la terre jusqu’à l’étouffer. La seule chose qui força le combat à cesser, ce fut la tombée de la nuit : Il n’y eut plus aucune cohérence dans aucune des deux armées, le combat s’était transformé en une succession d’escarmouches incompréhensibles et sans apport militaire au sein de petites passes, de sentiers escarpés, ou même à l’entrée de cavernes dans lesquelles se réfugiaient des blessés. Quantité de soldats des deux côtés profitèrent du couvert de l’obscurité pour déserter, tandis que les chefs tentaient tant bien que mal de se regrouper.
Le bilan était tout simplement catastrophique. Magnus von Albresicht avait été tué au cours du combat, mais son neveu décida de prendre la tête des troupes. Folcard de Montfort, lui était égorgé et avait perdu deux doigts de sa main droite au front : Il ne dût son salut qu’au sacrifice héroïque de l’avoué de Neufbastion et du chevalier Gérard le Fou ; Mais prit en charge par un chirurgien-barbier, il oscillait entre la vie et la mort, et demeurait incapable de donner le moindre ordre. »
Isolde était en train d’être déplacée, elle pouvait le sentir. Elle remuait dans tous les sens. Elle ouvrait ses yeux ; Il était tard, mais pas nuit non plus. Elle était avachie sur quelque chose. Elle remuait. Elle avait mal au ventre.
Elle était couchée sur le dos d’un cheval blanc. Elle marchait le long d’un sentier. Elle refermait les yeux.
« La nuit fut terrible. Une pluie verglacée s’abattit sur Montfort. Les blessés gémissaient et râlaient. Les éclopés tentaient de gratter le sol pour fuir les zones de combat. Les soldats étaient perdus, et tentaient, dans le noir, de retrouver leurs campements : Des Bretonniens furent surpris de tomber par pur hasard sur des soldats Impériaux, et des scènes fort étranges et incompréhensibles de militaires qui décident de pacifiquement s’ignorer ne furent pas qu’anecdotiques. La faim les gagnait tous. On buvait l’eau de pluie qui coulait le long des risbermes, même quand les petites tranchées étaient remplies de cadavres qui corrompaient la boisson. Les chroniqueurs nous apprennent que, inspirée par la boucherie de la journée, Morrslieb scintillait dans le ciel…
Au petit matin, une odeur de puanteur et de poudre à canon recouvrait la ville de Montfort. Et les Impériaux étaient encore solidement ancrés à leur talus fortifié, derrière leur parc d’artillerie. Les Bretonniens, en sous-nombre, avaient subi le plus gros des pertes. Mais ils étaient les enfants du pays. Chevaliers comme paysans, nobles comme roturiers, braves comme lâches, tous savaient ce que signifierait une défaite en ce jour : Cela serait accepter l’annexion de leur pays, ça serait accepter l’étranger, l’ennemi, celui qui est différent. Ça serait perdre une partie d’eux-même.
Alors, sans leur duc, les seigneurs de Montfort organisèrent aussi bien qu’ils purent une armée d’éclopés fatigués, malades, et puants, et ils se replacèrent en ordre de bataille pour tenter à nouveau d’aller déloger les impériaux. »
Tout le long de son récit, il fit déplacer les pions à terre. Difficile d’imaginer l’horreur du champ de bataille lorsqu’on ne pouvait voir que des petites figurines en plomb.
« Ils retournèrent à l’attaque. Malgré la soif, la faim, la peur et les blessures. Ils y retournèrent, parce qu’ils étaient Bretonniens, et qu’en face, ils étaient Impériaux. Parce que nos deux pays sont étrangers, hostiles l’un à l’autre. On ne se mélange pas. On se regarde en chien de faïence depuis les montagnes. Et les enfants de Sigmar n’ont pas leur place dans le pays de la Dame.
Bien sûr que oui, ils ne pouvaient pas gagner, ces Montfortiens. Bien sûr que oui, les Impériaux étaient trop solidement ancrés à leur position fortifiée, derrière leur artillerie, leurs arquebuses et leurs arbalètes. Bien sûr que oui ils feraient d’eux un massacre complet et absolu. Mais en cette matinée, tous ces enfants du pays, vicomtes, bannerets, bouchers, meuniers, forgerons, artisans de tous métiers, paysans de la terre, mineurs des cavernes, ils décidèrent de se lever, de s’unir, et de le crier, haut et fort : Nous sommes Bretonniens. Nous ne voulons pas de vous. Et si nous devons marcher main dans la main vers Morr, alors, ce sera en tant que Bretonniens, et Bretonniens seulement.
Et la Dame entendit leurs cris. Car, pour les récompenser de leur sacrifice, elle permit aux autres enfants Bretonniens d’un autre pays de les rejoindre... »
Il faisait nuit noire. Elle se sentait tomber du cheval. Elle glissait. Elle tombait lourdement. Elle s’effondrait sur le côté.
Et depuis Parravon, le duché d’Isolde, il déposa une grande armée de pions en plomb.
« Le Duc Cassyon de Parravon, chevalier du Graal à vingt-deux ans seulement, chevauchant sur son Pégase descendant de Glorfinial lui-même !
Sire Chlodéric de Grunère, toujours plus téméraire que les autres, accourant à toute vitesse en tête de fer-de-lance, plus fougueux encore qu’un chevalier errant !
Frerdegar de Vingtiennes, poing sur la hanche, hache à l’autre main, paré à briser tout ce qui se tiendrait sur son chemin !
Roland de Bérétis, ton propre père, menant avec hargne et exemple les jeunes enfants du pays, si désireux de mériter leurs éperons d’or !
Et à terre, Yonec de Marsonie, Baron du Roi, ayant prêté vœu sur la vertu de la sollicitude, qui n’a jamais hésité à se battre pied-à-terre, pour inspirer par l’exemple les plus humbles enfants de la Nation : Les humbles archers et hommes d’armes du duché ! »
Il dirigeait tous ces renforts inespérés dans le dos de la garnison impériale.
« Les Montfortiens exultèrent de joie en apercevant les pégases ailés qui volaient dans le ciel aux côtés de Cassyon ! Ils chargèrent avec force, ignorant la menace des bouches-à-feu prêtes à faire rugir l’enfer des serpentines ; Et ils eurent bien raisons. Terrifiés par cette soudaine arrivée de troupes fraîches, les sapeurs et les ingénieurs impériaux hurlèrent de peur et quittèrent en désordre leurs positions, malgré la harangue et la menace de leurs chefs. Les mercenaires de Miragliano, pourtant réputés pour leur audace et leur discipline, jetèrent leurs bannières à terre pour courir. La soldatesque Marienbourgeoise, si froide par ordinaire, elle mit ses tambours à terre pour courir plus vite. Les enfants de l’Empire, inspirés par l’exemple de Sigmar Heldenhammer, ayant juré serment la veille d’occire tous les Bretonniens, de les égorger sans avoir merci pour nul d’entre eux, ils se mirent à bondir à vitesse olympique, ou à s’écrouler en pleurs pour obtenir la pitié de leurs adversaires lorsqu’ils parvinrent à mettre la main sur eux !
Les Bretonniens les pourchassèrent, jusqu’au Défilé de la Hache, des jours durant. Le félon Artrenic lui-même fut mit à terre et exécuté dans une escarmouche au cours des jours qui suivirent. Et l’on donna des messes, on hurla la victoire, et on assista à des liesses dans toutes les paroisses de Bretonnie, qui permirent à des chevaliers et des paysans de s’enlacer ensemble, devenus frères par le sang versé. »
Il cessa son discours grandiloquent. Il prit une petite pause. Puis, il se tourna vers Isolde, et sa voix se fit soudain plus calme, et plus mesurée.
Plus dure, aussi.
Plus terrifiante.
Plus éthérée.
Les yeux de Waldon Piers prirent une teinte dorée. La même teinte que les fantômes qu’Isolde avait croisés dans cette caverne.
« Ton père est un homme héroïque. Ton mari est un homme héroïque. Ils ont mérité l’amour de la Dame. L’amour du pays.
Et toi, qu’as-tu fais pour le mériter ? »
La bibliothèque sembla s’écrouler derrière-lui. Sous les yeux d’Isolde, la carte se mit à brûler, en un point bien précis : La seigneurie de sire Chlodéric. La seigneurie où elle se trouvait. Brossac, un minuscule petit village sur la carte, un bout de terrain oubliable et ignoré, se mit à pulser d’une énergie toute particulière, et une flamme en sortit. Les flammes gagnèrent la carte, et l’amenèrent jusque vers Ubersreik.
« Tu as abandonné père et mari ? Ton devoir est simple. Un devoir de femme. C’est le devoir d’une fille. C’est le devoir d’une épouse. Le devoir d’une mère. »
Il s’approcha tout près d’Isolde. Il tendit sa main, et commença à l’étrangler. Elle sentit un souffle froid : Le même souffle glacé qu’elle avait senti dans la mine, lorsque le spectre avait passé ses mains à travers sa peau.
« Tu n’es pas une chevaleresse. Tu échoues à tout ce que tu entreprend. Tu souffres face à des gobelins. Tu tombes en marchant sur un sentier.
Tu abandonnes les enfants que tu as juré de protéger. Comme tu as abandonné tes enfants que tu étais trop conne pour sauver. »
Elle entendit des pleurs d’enfants, et des quintes de toux juvéniles. Elle reconnaissait là les hurlements de Tristan.
Et Waldon Piers se mit à sourire, alors que son visage se décomposait, pour lui aussi prendre une teinte brûlée, comme la carte.
« Tu vas crever, Isolde ! Personne ne sait où tu es ! Tu vas crever, et personne n’en aura rien à foutre ! Pas ton con de berger aux tatouages impériaux, cet étranger puant la bière Naine ! Il fallait bien que tu trouves une larve ivrogne dans son genre pour vouloir te désirer !
Ton mari ne va pas pleurer ; Il en sera ravi. Il a probablement retrouvé une blonde pour te remplacer – une blonde qui sait fermer sa gueule. Ton père ? Il a mieux à faire. Il entraîne Odric. Lui saura être un meilleur chevalier. Lui il ne s’enfuit pas devant des fantômes. »
Son sourire devint de plus en plus terrifiant. Il déchirait la chair autour de ses lèvres. Sa peau caillait. Ses cheveux tombaient en flammèches. Son crâne s’affichait. Mais il souriait malgré tout, de plus en plus, sa deuxième main étranglant Isolde plus fort encore.
« Les enfants sont à moi ! Les enfants sont à moi ! Je les tortures ! Tu peux les entendre hurler, Isolde ?! Si les braves Nains n’ont pas pu les sauver, ce ne sera pas à toi qu’il reviendra de le faire ! T’as pas pu protéger tes gosses, qu’est-ce qui te fait croire que tu protégeras ceux-là ?
La guerre arrive. Et ça tu peux rien faire pour l’arrêter. Bretonniens et Impériaux se haïssent. Bretonniens et Impériaux se haïront toujours. Archaon ne les a rapprochés que temporairement. Même lorsque leurs enfants disparaîtront, ils ne voudront jamais faire le premier pas l’un vers l’autre. »
Il mit son visage juste devant Isolde. Elle pouvait sentir des flammes qui, étrangement, étaient glacées.
« Ta famille ne veut pas de toi ! Ton pays ne veut pas de toi ! Personne ne veut de toi !
Fais au monde une faveur, sale garce : Meurs ! MEURS ! LAISSE-TOI MOURIR ISOLDE ! MEURS MEURS MEURS MEURS MEURS MEURS MEURS MEURS MEURS »
Et les flammes emportèrent Isolde. Et elle trouvait la paix dans une mort, où Morr ne l’attendait pas : Le seigneur-faucheur, lui qui aimait tant amener le repos et la paix, n’était nul part. Seules ces flammes glacées souhaitaient s’emparer de la chevaleresse.
Elle était dans une forêt. On l’avait déplacée. Où ? Comment ? Difficile à dire. Elle n’était, en ce moment, que souffrance. Elle avait perdu énormément de sang. Ses blessures étaient toujours ouvertes. Elle était toujours aussi sourde. Son bras gauche, à présent qu’elle ne profitait plus de l’adrénaline, lui faisait un mal de chien immense : Elle pouvait sentir les os broyés lorsqu’elle tendait de le déplacer.
Elle aurait bien aimé dormir, si seulement un hurlement de loup ne l’avait pas réveillée.
Elle était perdue. Perdue au milieu d’une forêt inconnue, en pleine nuit. D’arbres qu’elle ne replaçait pas dans ses souvenirs.
Elle se sentait alourdie. Son sac était toujours là, avec toutes ses affaires.
Un hennissement de cheval. Des flammes à l’horizon. Un groupe était en train d’approcher. Des hommes qui riaient. Ils étaient loin, pour l’instant. Mais ils venaient vers elle.