"Et dans cet âge de ténèbres,
L'Homme devint la Bête,
Et la Bête devint l'Homme.
Certains se battent pour l’honneur, qu’importe sa saleté. D’autres veulent la grandeur de leur empire en ruine. Mais pas celui-ci, non. Huln ne désire qu’une chose, se venger. Son esprit conquis par les ténèbres. Son cœur battant de haine, et ses membres avançant grâce à sa colère primale. Et il avance dans la Drakwald, forêt maudite qui hante le cœur des hommes à jamais.
La lumière ne pénètre que très peu ici, car le feuillage noirâtre est bien trop dense. Les arbres, bien que pour la plupart vivants, dégagent une aura de mort. D'immenses racines forment des toiles d’araignées entre chaque arbre. Le terrain n’est jamais plat lui, toujours plus haut, puis plus bas. Si la forêt est la création d’un dieu de la nature, cela doit faire bien longtemps qu’il est devenu fou et corrompu. Si l’on regarde un rien plus loin, on ne voit rien. Les grands bois obstruent la vue, et une brume constante et permanente empêche de savoir quel sera le prochain danger. De plus, la terre est un mélange de boue et de feuilles mortes, rendant tout déplacement bien plus énergivore. Des croassements d’oiseaux se font entendre de temps en temps, souvent quand le silence s’installe. Et l’air humide est très lourd, écrasant les poumons de ceux dont le supplice est de le respirer.
Tous ces éléments sont atroces pour un homme, un signe qu’il faut partir au plus vite de cet endroit abandonné par Taal et Rhya. Cependant ce n’est pas un sans-cornes qui progresse dans la zone, mais bel et bien un monstre. Cela fait désormais quelques jours que Huln suit les traces laissées par sa harde, dans un chemin connu instinctivement par les homme-bêtes. Il a eu de la chance il y a quelques heures, un sanglier mort de vieillesse lui permit d’avoir un bien bon repas.
Le Gor regarde partout au sol, dans l’espoir de trouver des traces plus fraîches, plus chaudes, plus marquées. Et peut-être grâce à un coup du destin, il en découvre. Des dizaines de traces de sabots, certains bien plus gros que les siens, partent vers le sud. Il renifle, l’odeur des déjections est plus forte qu’avant. Sans attendre, il accélère, chaque pas le rapproche de sa vengeance, de celle du vil traître qui l’a attaqué dans le dos et abandonné sa carcasse aux corbeaux.
Une bonne heure de course vient de s’écouler, et Huln ralentit pour reprendre son souffle. Il renifle fort, très fort. Mais ce n’est pas l’odeur fétide de la forêt qui vient lui caresser les narines. Destruction, cette odeur c’est celle des choses qui brûlent ! Alors dans un élan revigoré par sa découverte, il découvre une ouverture dans l’immense flore. Et il regarde alors à travers les buissons, caché par leur branchage, une scène qui met un sourire carnassier à toute bête qui se comporte en homme.
Un village détruit, presque rasé. Dont l’une des bâtisses brûle encore légèrement, sa fumée qui a attiré le cornu. Cependant, un détail le surprend. Parmi toute la destruction, il voit au loin, vers le milieu du village, trois formes qui comme lui marchent sur leurs pattes arrières. Des hommes. Un grognement sort de la gueule du survivant, car sa haine contre ceux-ci n’est surpassée que par son désir de vengeance.
En restant à couvert, il remarque en tournant autour du village à pas de loup, qu’il n’y a que les trois hommes en question qui montrent le moindre signe de vie. Les patrouilleurs sont occupés à prendre des cordes, et à s'approcher d’un étrange pilier. Il le reconnaît, c’est un totem des Dieux Noirs, blasphème ! Ils mettent les cordages autour et font s’effondrer ensemble le symbole de la ruine. Après cet effort intense, ils reprennent leurs armes et partent vers la seule bâtisse encore debout, le mur arrière éventré comme l’écorce d’un arbre.
Tenter de leur foncer dessus est une condamnation à mort, le guerrier le sait pertinemment. Heureusement, la forêt offre d'autres chemins, mais ils risquent de lui faire perdre du temps aussi. Et le soleil commence à se coucher, et dans les ténèbres, le mal jubile…