C’était la première fois que la guerre lui montrait ainsi son visage. Une guerre menée par les Quatre, tous réunis, ayant mis de côté, pour quelques temps seulement, leur inimité.
L’odeur du sang régnait partout dans les ruelles qu’il arpentait avec ses compagnons, les bâtiments en partie en ruines menaçaient de s’effondrer à tout instant et les cadavres empêchaient à certains endroits, de voir les pavés sur lesquels ils marchaient. Et là où les routes étaient encore visibles, les pavés étaient devenus bordeaux, ces derniers ayant goulûment acceptés les libations que les victimes ont donnés, contre leur gré.
Des cris, des lamentations, des prières et des malédictions mais également des sortes de rires aigus, des couinements, ces derniers sortis de gorges qui ne pouvaient être humaines. Telle était la symphonie qui accompagnait leur marche, telle était la mélodie qui les accompagnait vers leur destin, et tel serait leur requiem, s’ils échouaient.
Il n’était que peu rassuré, après tout, il s’agissait de son premier champ de bataille, jamais il n’avait eu l’occasion auparavant d’approcher de si près des cadavres, d’entendre les râles des mourants. Il ne se sentait pas réellement à sa place, parmi cette orgie sanglante, il ne pouvait le nier. Il avait déjà certes dû tuer des hommes, pour les offrir au Père ou pour sa propre survie. Mais jamais dans ces proportions, jamais il n’avait marché sur un tapis de macchabées encore chauds auparavant, des entrailles exposées que même les corbeaux et charognards délaissaient, à l’exception de rats qui se jetaient sur ces festins de rois.
Mais rien n’était pire que l’odeur. Rien n’aurait pu l’y préparer. Il avait eu l’occasion, dans le culte, de croiser des bénis de Nurgle, portant ses bienfaits avec modestie, joie ou arrogance, selon ses interlocuteurs. Aux symptômes visibles à l’œil nu, tels des furoncles, s’accompagnaient parfois des odeurs fétides, des odeurs de pourrissement qui suffisaient à rendre les jeunes apprentis livides. Mais ce n’était rien par rapport à ce qu’il sentait dans cette ville, l’odeur métallique du sang, se mélangeant avec l’odeur des entrailles qui s’étaient vidées, elles-mêmes mêlées avec les effluves d’excréments qui se libéraient lorsqu’un pied écrasait par inadvertance, un morceau d’intestin.
Il se retint de vomir, car c’était une chose de savoir son esprit prêt à contempler ce spectacle macabre, c’en était une autre de le voir de ses yeux, de faire en sorte que son organisme contemple cette réalité de destruction et la faiblesse de la chair qu’il avait. Et visiblement, son corps n’était pas encore prêt à visualiser ce qu’il se passait devant ses yeux.
Ils continuèrent à marcher, sans un mot, vers leur objectif, sous le regard attentif de leurs Maîtres, passant d’un quartier dévasté à un autre.
Les incendies déclenchés par l’attaque dévoraient les habitations et les commerces avec leurs étranges flammes vertes. Cela pouvait semblait effrayant mais il ne put s’empêcher d’y trouver une certaine beauté, les flammes vertes et leur lueur donnant à la fois une vision cauchemardesque des rares bâtiments qui n’étaient pas entièrement détruits mais également parvenaient à sublimer la splendeur de la destruction qui était survenue.
Il réfléchit alors au groupe hétéroclite dont il faisait partie. Medenor était un prêtre de Nurgle en qui il pouvait avoir une relative confiance, ayant tous deux les mêmes objectifs et il semblait être celui qui savait le mieux à faire durant cet évènement.
Mais les deux autres membres suscitaient une certaine méfiance en lui. Le médecin avant tout, complètement ignorant de l’allégeance de ceux qu’il avait rejoint. De plus, il s’agissait, à cause de son métier, d’un ennemi du Seigneur de la Pestilence tout désigné. Mais peut-être pourrait-il s’avérer utile durant, voire après cette mission. Après tout, Nurgle lui-même ne pourrait qu’apprécier qu’un ancien médecin rejoigne Ses enfants et, s’il ne souhaitait pas rejoindre le Père de son plein gré, un sacrifice pourrait toujours être réalisé, s’ils s’en sortaient en vie.
Sa méfiance était surtout dirigée contre le cultiste de Tzeentch. Bien qu’ils soient censés être alliés dans cette mission, il ne pouvait pas réellement le croire. Un adepte du Maître du Changement n’est pas digne de confiance après tout. Mais leurs ordres passaient avant toute autre animosité.
Il se morigéna, ses pensées lui ayant encore fait perdre conscience avec la réalité et il s’aperçut que les autres membres avaient cessé tout mouvement et qu’ils observaient autour d’eux un quartier qui semblait être complètement piégé dans le temps, en dehors de ce qu’il se passait à quleques mètres de là.
Le contraste fut saisissant, passant d’une vision de l’horreur et du déferlement du Chaos à une … simple vision de tranquillité. Rien n’était détruit, pas même une simple fumée n’était visible dans les cieux. Il se retourna vers les quartiers qui accueillaient actuellement leurs Maîtres avant de revenir poser son regard sur ce quartier calme, propre. Il était presque certain qu’aucun cri ne serait audible.
Un rictus se forma sur son visage. Après tout, ils étaient venus pour ceci, il n’y avait pas de raisons pour que les nobles s’amusent et s’occupent de leurs affaires quotidiennes alors que les Dieux de la Ruine et leurs adeptes étaient à leur porte.
Il fit rapidement le tour des patés de maisons les entourant, afin de vérifier si ce calme ne cachait pas un piège quelconque et découvrit, avec un certaine surprise, un corps d’un mutant, étrange, sorte d’homme-bête mais avec des attributs de rats, dont une longue queue. Il ne bougeait plus et aucune étincelle de vie ne semblait illuminer son regard. En l’observant de plus près, il remarqua un trou sanglant dans son crâne, et le sang continuait lentement à couler.
« C’est la première fois que je vois un homme-bête pareil. Il s’agit sans doute ce dont Medenor nous parlait, ces fameux skavens. Mais vu l’écoulement du sang, il a dû être tué il y a peu, je ferais mieux de ne pas m’attarder. »
En vitesse, il fouilla rapidement les haillons que portait l’abomination et vit une lueur verdâtre, la femme que celles des flammes des incendies, jaillir du sac que portait le défunt. Avec un instant d’hésitation, il le prit et rejoint le reste du groupe, leur expliqua ce qu’il venait de découvrir et leur montra sa trouvaille.
« Pourquoi ces hommes-rats ne sont-ils pas venus jusqu’ici, quels sont leurs plans … Et pourquoi ce skaven était seul. Je pense qu’ils ne sont pas volontairement visibles mais rôdent autour de nous. Je vais tenter de les localiser, eux ou celui qui a tué le skaven d’une balle dans la tête. En attendant, il nous faudra rester sur nos gardes»