En plein cœur d’Ulthuan, au sein du royaume intérieur de Saphery, se cache un lieu des plus étranges, dont on dit que seuls peuvent en trouver le chemin ceux dont le cœur ne porte aucune mauvaise intention. Toutefois, l’esprit des elfes est si changeant, et si difficile à cerner, que l’on peut parfois douter de la véracité de certaines de ces légendes. Mais de tous les mystères d’Ulthuan, la Tour Blanche de Hoeth est certainement l’un des plus extraordinaires. Initialement créée sous le règne de Bel-Khoradris, le Roi-Phénix que l’on surnommait aussi l’Erudit, cette titanesque tour d’albâtre est un haut lieu d’accumulation de savoir, de connaissances, et par effet d’entraînement, le cœur de l’enseignement de la magie en Ulthuan. L’édifice en lui-même relève de l’exploit improbable, car d’un point de vue strictement architectural, nul bâtiment, nul palais n’égale sa taille démentielle. Il est dit que le point culminant de la tour, la Cime du Savoir, s’élève à plus de quinze cent mètres du sol, exploit rendu possible par les prouesses dont font montre les mages de Saphery depuis maintenant plus de deux millénaires. Visible à des centaines de lieues à la ronde, la Tour est un sanctuaire du savoir, une antichambre de la vérité, un lieu de conservation de connaissances placé sous l’égide du Dieu du Savoir lui-même, dont elle porte le nom. C’est notamment dans les premiers étages de cet imposant édifice que la plupart des mages d’Ulthuan apprennent à façonner les énergies aethyriques, afin de plier les Vents de Magie à leur volonté, tâche pour laquelle le peuple elfe fut depuis toujours naturellement doué. Mais même au sein de la race elfique, l’on trouve parfois d’exceptionnels joyaux, dont les prédispositions à l’exercice de la magie ne souffrent que peu de rivales. Ces perles, néanmoins, ne se trouvent qu’en de rares occasions, et tendent à différer de la plupart des autres mages. |
Akarylius avait reçu des mises en garde, dont il n’avait pas tenu compte. Plusieurs convocations, également, pour lesquelles il n’avait pas témoigné davantage d’attention. Il savait pertinemment que sa performance sans égale valait bien davantage aux yeux des mages instructeurs que son comportement réfractaire. Du moins était-ce ce qu’il pensait.
Un jour vint où il reçut une visite pour le moins inattendue. En tant qu’étudiant prometteur à la Tour Blanche, il avait l’honneur de s’être vu attribuer une cellule d’étude, à titre gracieux, petit espace meublé d’austère manière, rassemblant bureau, couchette, et rangements. Cette cellule présentait l’avantage et le privilège d’être l’un des rares logements d’excellence accordés au sein même de la Tour Blanche, alors même que la majorité des étudiants devaient trouver gîte et couvert par leurs propres moyens, aux alentours de la Tour. Si Akarylius ne résidait pour l’instant qu’à l’étage le plus bas de la Tour, le bruit courait que ce genre de dispositifs était également mis à la disposition de mages de niveau supérieur, plus haut dans l’édifice. En somme, tous ses projets se résumaient à une ascension au sein de la Tour Blanche, qui symbolisait en quelque sorte, de manière concrète, la hiérarchie des mages en Ulthuan. Et Akarylius entendait bien, un jour, disposer d’un balcon au sommet de la Tour Blanche de Hoeth.
Ce jour-là, Akarylius avait délibérément omis de se rendre à une étude matinale sur le thème très théorique des foyers de convergence de lignes telluriques. Estimant avoir déjà lu l’essentiel du sujet dans des ouvrages de la Grande Bibliothèque, le jeune elfe avait donc décidé, fidèle à son tempérament, de faire l’impasse sur ce cours qui s’annonçait tout aussi répétitif que soporifique. Il finissait de mettre à profit ce temps pour rallonger sa nuit, compensant ainsi le déficit de sommeil causé par de studieuses soirées passées à consulter d’anciens parchemins, lorsque l’on frappa à la porte de sa petite cellule. Fidèle à ses stratégies habituelles, il tarda à répondre, espérant décourager la personne. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il entendit le cliquetis significatif du verrou magique qui se levait : d’ordinaire, seul le titulaire du logement d’excellence disposait du mot de passe mental nécessaire à l’ouverture de ces serrures magiques simples.
Entra un elfe blond d’âge mûr, et de grande taille, qui entreprit de jeter un coup d’œil à l’intérieur de la cellule d’un air austère, avant d’y pénétrer, et de tirer la porte derrière lui. Akarylius avait de quoi s’offusquer, à plus d’un titre : il était chez lui, et dans la mesure où ces petites cellules étaient conçues pour accueillir une personne, le fait que l’elfe soit entré empiétait de manière gênante sur son espace privé. Toutefois, plusieurs facteurs entraient également en ligne de compte, qui pouvaient influer sur la conduite à adopter. D’abord, le fait qu’il était lui-même en tort, étant supposé être présent à l’étude théorique des lignes telluriques. Egalement, le fait qu’il n’était lui-même encore qu’en tunique de nuit, preuve éloquente de son manque d’assiduité. Enfin, et peut-être surtout, l’elfe qui se tenait devant lui dirigeait les « coordinateurs », le conseil de mages instructeurs qui décernait les titres d’études, en fin de cycle, et accordait notamment les titres de compagnon mage. Les étudiants le nommaient Maître Inuil ; il enseignait aux novices un cours pratique visant à distinguer les flux aethyriques, et dans lequel Akarylius excellait.
Ayant constaté silencieusement mais d’un air ouvertement désapprobateur les libertés prises par l’un de ses meilleurs étudiants, Maître Inuil s’adressa bien vite à Akarylius, sans s’être le moins du monde excusé pour cette incursion brutale dans son intimité.
« Etudiant Akarylius. Mes plus chaleureuses félicitations pour votre succès à mon dernier examen. Votre performance était de loin la plus remarquable. » |
« Rassemblez vos effets je vous prie. Tous. Nous avons rendez-vous dans mon cabinet. » |