[Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

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Remas est la plus ancienne cité du Vieux Monde.

Pas la plus riche. Pas la plus peuplée. Pas la plus puissante. Pas la plus vivante. Pas la plus impressionnante à voir. Pas celle construire de la manière la plus originale. Pas même celle avec le plus de monuments légués par le passé — Altdorf, Middenheim, Couronne, Erengrad la dépassaient chacune par un critère ou un autre, et depuis des décennies voire des siècles maintenant, le cœur névralgique du continent devenait de plus en plus septentrional, au détriment des communes du Golfe Noir qui avaient tant fait rêver les hommes dans le passé…

…Mais Remas était, et resterait, à jamais, la plus ancienne cité du Vieux Monde. Et à cause de ça, elle imprégnait les esprits de tous les visiteurs, qui venaient chacun ici pour trouver quelque chose — les croyants y venaient en tant que pieux pèlerins à la recherche des traces de héros et de divinités, les artistes s’y ruaient pour chercher l’inspiration devant des fresques effacées et des statues décapées, les utopistes pensaient y découvrir la sagesse d’illustres personnages du passé. Une déesse était née à Remas. Un Empire y avait été fondé. Fut un temps, le continent entier ployait le genou devant les aigles des légions de Remas. La première république des hommes avait été proclamée à Remas. Le Nouveau Monde et toutes ses richesses fut exploré par un Remassien. Et ni le Rat, ni la Fée Noire, ni l’Arabéen, ni la Peau-Verte n’avaient pu saigner Remas sans subir la vengeance de cette mythique cité — cénotaphes et inscriptions commémoraient les triomphes d’amiraux et de généraux de l’histoire, même quand les affres du temps n’offraient les significations des inscriptions qu’à des savants spécialisés en épigraphie…

Remas. Grande Remas. Riche et puissante Remas. La ville des théologiens, des artistes, des scientifiques. La ville des amants, des conquérants et des explorateurs. La ville des proscriptions, des guerres civiles, des épidémies et des démons. Même aujourd’hui, elle fascinait ceux qui la trouvaient dépassée. Et quarante mille âmes d’hommes et de femmes avaient bien conscience de l’immensité morale de leur chez-eux.




Et elle ne dormait jamais, cette ville. Même en cette soirée d’hiver fort pluvieuse, alors que le soleil de Myrmidia (Ou peut-être était-ce celui de Solkan ?…) se couchait plus tôt que d’ordinaire, et continuerait à moins tenir le front jusqu’à la victoire du solstice, la cité s’illuminait de dizaines de milliers de flammèches de lanternes, de bougies, de torches et luminaires de toutes sortes, la majorité fonctionnant à l’huile de baleine récupérée sur les carcasses traquées par les pêcheurs — les Remassiens sont de grands pêcheurs. Les tavernes étaient noires de monde, les rues bouchées de badauds, et l’on avançait toujours à pas lents au risque de frôler l’épaule de tel ou tel passant. On devinait le cosmopolitisme de la cité aux tenues habillant les silhouettes qu’on ne cessait de croiser : un trio de clercs en bures blanches, mains croisées et capuches sur la tête, qui remontaient silencieusement une rue contre le courant de la marée humaine. Un marginal aux bottes trouées et au manteau rapiécé, qui sifflotait pour attirer l’attention de son chien tout mouillé qui ne cessait de s’arrêter devant un caniveau pour renifler dedans. Une danseuse Strygani, flamboyante de toiles colorées, qui se contorsionnait devant des spectateurs curieux sous la protection d’un porche d’où ruisselait l’eau, l’un d’eux lançant une jolie pièce d’étain dans un chapeau laissé sur le trottoir. Un duo de militaires de la Garde Républicaine en attirail complet, avec plate plaquée or et hallebardes tranchantes à l’épaule, le cimier dégoulinant de flotte. Une petite horde d’étudiants braillards, courant puis marchant les uns à côtés des autres, en hurlant des blagues paillardes qui ne faisaient rire qu’eux. Une mère va-nu-pied qui tenait contre elle un bébé assoupi rélié à son épaule dans un linge, en gardant un journal au-dessus de sa tête en guise de parapluie. Un marchand bellement vêtu debout sur un petit cheval, plus haut que tout le monde, qui tirait une sale gueule sous son chapeau en feutre gondolé d’eau rabattu devant sa trogne.
Toute la ville se mélangeait en son centre, un carrefour immense qui allait de tel canal, à tel pont, à tel quartier. Le chaos de 2500 années d’histoire avait empêché la ségrégation spatiale, et c’était peut-être ça qui expliquait que Remas était un des rares États de ce monde à être une démocratie, un lieu où le peuple choisissait ses représentants, et où tout le monde, du plus pauvre au plus riche, du plus noble au plus immigré, participait équitablement au devoir de la cité.

Ou du moins, tout ça, c’est ce qu’avait raconté à Nola le professeur Arese, de la Grande Biblioteca. Quand il parlait de sa cité, l’érudit le faisait toujours avec une immense passion, comme il parlerait d’une amante. Quelque part, la fierté des Remassiens envers Remas ressemblait beaucoup à celle des Sartosiens envers Sartosa, mais il valait mieux ne pas dire ça à voix haute dans les rades de la cité qui avait été un Empire…





Une femme marchait dans les rues de la ville. Camouflée sous un grand manteau, pour se couvrir tant de l’averse que des regards. Sa tenue n’inspirait pas foncièrement la méfiance — Remas était remplie de scélérats qui battaient le pavé avec le visage ainsi camouflé, et ceux-ci semblaient faire partie du décor autant que les matelots et les prêtres, quand bien même la Garde Républicaine aimait bien les houspiller quand ils zonaient trop longtemps dans le même coin. Mais quand on commençait à être un poil connu, même si ce n’était qu’une célébrité fortement relative, il valait mieux ne pas trop tenter de se faire reconnaître, surtout avec des projets nocturnes pas recommandables… C’était le problème de passer du temps parmi les civilisés. L’individu privé s’effaçait devant l’individu public, et c’était comme si tout le monde endossait un costume en quittant sa maison. Voilà le vrai usage difficile à s’habituer, quand on avait passé son temps entre Sartosa et les Frontalières, et sa vie dans des contrées impossibles à cartographier.

Mais alors que cette femme allait d’un pas droit et sûr, connaissant bien son objectif, elle fut surprise de voir une rue, certes bondée, ce n’était pas surprenant, mais surtout figée. Les gens à Remas étaient nombreux, mais quand ils s’arrêtaient, ce n’était pas forcément bon signe, encore plus sous la pluie que les hommes cherchaient à naturellement fuir en se collant sous une enseigne ou un portique. Glissant entre les corps, tapotant des épaules et des flancs pour poliment faire comprendre aux Remassiens lui tournant le dos qu’il fallait un peu s’écarter de côté (Et aucun n’y trouvait offense, tant ceux de cette ville étaient habitués à ainsi se rentrer dedans dans des rues étroites…), la femme remonta lentement la rue, jusqu’à découvrir ainsi ce qui barrait le passage.

Trois grands guerriers en armures toutes dorées, des pieds jusqu’à la tête, se tenaient au garde-à-vous.
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Les visières des casques imitaient des crânes, de même que leur plastron en avait l’ombre forgée dans l’acier. Avec leurs belles tenues de soie en bleu outremer, et les cimiers en plumes d’oiseaux exotiques, ils resplendissaient le luxe et le prestige. Ce n’était pas la garde privée d’une quelconque maison — leur apparence de squelette signifiait clairement qu’ils étaient des chevaliers d’une chambre-militante du clergé de Mórr. Sans connaître précisément à quel ordre ils appartenaient (Mórr devait bien avoir des dizaines de confréries de guerriers à son service), leur sordide apparence avait l’avantage d’être fort reconnaissable.
Répartis devant la rue, dans une sorte de semi-cercles, ils gardaient en respect la foule, qui se tenait silencieusement toute droite. En fait, ils servaient de gardes-du-corps pour une quatrième personne, dont l’apparence tranchait pour le coup tout à fait nettement avec l’inquiétante solidité martiale des guerriers.
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Une grande dame, quasiment nue, qu’importe le froid et la pluie glacée, si ce n’était pour un froc noir de bure lâchement jeté autour de son corps. Ses longs cheveux noirs frisaient avec la pluie qui ruisselait d’elle, et elle avait, tant autour du cou que des mains, des chaînes noires qui ressemblaient à des perles d’un chapelet de métal. Et avec une puissante voix audible jusqu’au bout de la ruelle, rauque, très grave pour une dame, à l’étrange accent qu’on ne parvenait pas trop à placer sur une carte (Estalien ? Estalien.), elle provoquait la foule :

« …Le ventre qui est plein n’est jamais traumatisé par l’idée de la faim. L’opulence vous a rendu oisifs, et l’oisiveté est mère de tous les vices. Mais la prospérité est cyclique, et à présent qu’apparaissent devant vous tous les signes de la fin de votre confort, voilà que vous tremblez d’inquiétude, apeurés par l’idée que vous légueriez à vos enfants un monde plus mauvais que celui dont vous avez hérité de vos parents !
Gens de Remas ! Entendez mes prophéties, révélées par moi à travers les arcanes du Veilleur, et par les paroles de Nahmud, la Vierge Noire ! La punition arrive pour vos vices ! Le solde de vos péchés ! Les temps durs engendrent des hommes durs, et les hommes durs engendrent des temps doux, mais les temps doux engendrent toujours des hommes doux — nul besoin de la prescience pour vous rendre compte de cela, quand vous référer à l’histoire suffit ! Ô, Remas, la chair, le vin, la santé ont fait de vous des moutons, doux et beaux, mais le mouton est fait pour la propitiation !
Vous le savez tous, alors que les prix montent sur le marché, alors que les enfants meurent jeunes de maladies, alors que notre mémoire récente se souvient des désastres de la guerre du chien Borgio ! »


Elle hurlait seule, dans un silence digne d’une chapelle, troublé uniquement par le bruit de la pluie qui frappait contre les toits et les gouttières — et maintenant, des bruits de crachats au sol alors qu’on avait prononcé à voix haute le nom de Borgio de Miragliano, conquérant déçu de la Tilée.

« Et voilà, qu’alors que vous vous êtes bercés de l’idée de vivre dans un monde de raison, de lois, de débats, vous venez devant moi pour connaître le jugement mystique des forces de l’au-delà !
J’ai vu, Remas — J’ai vu ! J’ai vu la Tilée brûler ! J’ai vu la Tilée engloutie ! J’ai vu les enfants naître cornus, et le rire cruel d’un monstre aux dix-cors touchant leurs petits fronts alors qu’ils hurlaient leurs premiers souffles !
J’ai vu, Remas — L’aîné ventripotent cracher sa semence sur notre péninsule, et la sœur du soleil pleurer toutes les larmes de son corps, jusqu’à devenir sèche et lasse !
J’ai vu, Remas — Le souffle des vents, le brasier des forêts, l’éveil des pierres endormies ! L’Ancien Peuple allumer les torches, et emporter les âmes des éveillés dans la nuit, chevauchant sur des montures ailées !
J’ai vu, Remas — La danse des gargouilles souhaitant toucher la lune d'émeraude !
J’ai vu, Remas — Le temps des troubles, le temps de la misère, le temps de la terreur…
J’ai vu, Remas, surtout, j’ai vu — Les montagnes se couvrir de fer, et un nouvel Ottokar couronné escalader les montagnes, pour venir épouser notre pays, avec DIX MILLE LANCES, en guise de CIERGES ! Je l’ai vu traverser les montagnes et les plaines, PILLANT, RUINANT, et apportant avec lui le fouet et la serpe ! »


Les corps tremblaient. Les visages angoissés arquer leurs sourcils. Quelques souffles se retenir. Et la femme qui hurlait, en parlant avec les mains, en prenant des poses, dans un air parfaitement théâtral.

« Mais que crois-je entendre ?!
Vous voulez savoir comment éviter à ce destin ? Comment tromper les prophéties ? N’avez-vous donc pas retenu la morale des contes ?!
La prophétie est inévitable ! Et chacune de vos actions, consciente ou non, travaille déjà à ces desseins !
Le monde va chanceler ! Mórr va ouvrir grand le Portail et emporter dans une grande farandole vos enfants et vos êtres aimés ! Rien ne vous sauvera ! RIEN NE VOUS SAUVERA ! »


Ça, par contre… ça, ça faisait réellement froid dans le dos. Les prêtres prêcheurs étaient connus à Remas, mais leurs avertissements avaient toujours pour but d’inciter la foule à chercher la sauvegarde et la rédemption. Qu’un prêtre hurle au peuple qu’il n’y avait pas d’espoir, c’était inconnu, inconcevable même…

« Les courageux seront les premiers fauchés par les lames ! Les riches seront les premiers dépouillés par la banqueroute ! Les érudits seront les premiers mis au bûcher par l’intolérance ! Les plus belles seront les premières fanées par les maladies ! Les plus honorables seront les premiers empoisonnés par les sicaires ! Les plus pieux seront les premiers enfermés dans les cellules !
Je le répète, Remas, je le signe, c’est écrit dans les étoiles par le signe du Divin : Rien, rien ne vous sauvera !
Ne vous réfugiez pas, Remassiens ! Perdez-vous ! Perdez-vous une dernière fois ! Buvez tout votre saoul, car les vignes vont putréfier ! Égorgez les bêtes et manger viande et gras, car le bétail tout entier va faisander ! Dépensez tous vos biens, car Haendryk et les princes se saisiront de votre épargne ! Trompez vos femmes et vos maris — vous ne connaîtrez plus jamais les plaisirs de la chair ! »


Tous les badauds se regardaient, mutuellement. Certains réagissaient avec colère, se mettaient à hurler des insultes. D’autres fuyaient. Une jeune fille se couvrait les oreilles.

Mais la conviction de la prêtresse semblait gagner tout le monde, qu’ils le veuillent ou non…

« Le feu consume, mais la fumée ne se dissipe point ! La lame tranche, le pistolet décharge, sans répit ! La folie s’empare de la Tilée ! Les convictions vont être testées ! L’ordre ancien va être renversé ! Les gens de bien enchaînés !
Les voix des vertus vont se taire ! Et seuls, seuls hurleront les Vices !

Une dernière danse ! UNE DERNIÈRE DANSE, AVANT D’ALLER À MÓRR ! »



C’était une Veggente. Une Augure de Mórr. Une mystique, censée connaître les destins de chaque être humain sur Terre.
Et voilà son sermon.



Mercadì 13 Ulricheo 2511.
Un an après la révolte échouée de Myrmidens.


Nuit sans lune. Froid à en perler la peau de chair de poule. La femme avait repris sa marche sous la pluie, alors que maintenant, ses semelles de bottes couinaient tant elles étaient gorgées d’eau. Et enfin, l’hospitalité d’un refuge s’offrait à elle.

Elle était dans le mauvais quartier de Remas, celui de l’autre côté du port, celui construit à flanc d’une des collines de la ville — c’est que Remas était bâtie sur un immense promontoire vallonné, la sécurité du massif ayant probablement beaucoup motivé les premiers habitants, qui ne pensaient pas qu’un jour l’urbanisme serait un souci concret. De l’extérieur, l’immeuble ne ressemblait à rien, ou plutôt, ressemblait à tout : un pâté de maison auquel on accédait en descendant un grand escalier en marbre, on aurait dit un de ces innombrables blocs d’habitations et de commerces qui s’étalaient à la vue des marins arrivant en ville par la rade — une façade colorée ocre, de grandes fenêtres brillantes, des balcons couverts de fleurs et de lierre, il est vrai fanés à cause de la saison froide d’Ulric. Une insula, on appelait ça, l’habitat archétypique de Tilée apparemment : le rez-de-chaussée était fait pour des ateliers et des magasins, les étages supérieurs pour des chambres louées à des habitants, le tout appartenant à un ou plusieurs riches propriétaires qui extorquaient mensuellement leur loyer.

Mais cette insula là était un peu plus étrange que les autres. Le gardien à l’accueil n’était pas une bonne dame concierge bavarde et un peu espionne, mais une énorme armoire à glace qui faisait peur à voir : crâne rasé et couvert de tatouages, sourire permanent à cause de cicatrices qui allaient jusqu’à ses oreilles, vêtu d’un grand par-dessus matelassé qui faisait penser qu’il planquait une brigandine là-dessus. En voyant apparaître la femme, il mit machinalement une main à sa ceinture, près d’une matraque, avant de la lâcher lorsqu’il reconnut le visage qui brilla subrepticement à la lueur d’une des lanternes à huile de baleine.
Il posa un poing contre son cœur, et avec un ton rempli de sarcasme, il lança :

« Morituri te salutant. »

Le salut des esclaves des arènes. Elle faisait depuis peu partie de cette étrange confrérie si populaire à Remas. La faute à un homme riche qui lui avait sauvé la vie, l’avait rachetée (Mais pas vraiment affranchie…) à un négrier qui l’aurait réduite à un état pire que celui avec lequel elle avait découvert le continent de l’Humanité.

Le gardien toqua contre la porte, en fer. Le judas glissa, observa, puis se referma, et on entendit une demi-douzaine de lourds cliquetis avant que la porte ne s’ouvre. À l’intérieur, d’autres gueules d’anges zieutaient la nouvellement arrivée, qui passa à travers le couloir de pierre tout droit, sachant pertinemment où elle allait.




C’était un choc comparé à l’extérieur. On passait du froid au chaud, au très chaud. Il faisait très humide là-dedans, assez pour embuer les verres d’un lunetteux qui s’aventurerait ici. Et ça empirait alors qu’elle descendait un petit escalier pour se retrouver un peu en-dessous du sol (Même si Remas n’avait pas vraiment de niveau, foutue ville tout en relief qu’elle était…). Et là, on passait du silence et de la pluie à un vacarme assourdissant : Musiques, rires, paroles. Le bouchon d’une bouteille de mousseux qui saute. Et, traversant un voile satiné, la gladiatrice se retrouva dans son rade habituel.

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La Griffe Prométhéenne. Un bar. Un cabaret. Un tripot. Un bordel. On ne savait pas trop ce qu’était cet endroit, mais c’était un endroit. La porte de fer trompait — cet endroit était semi-mystérieux, semi-connu. Réservé aux initiés, mais très populaire. Un coin bien fréquenté de Remas, pour des gens infréquentables. Les amants se rencontraient ici quand ils avaient besoin de partager leur secret. Les prêtres s’y rendaient quand ils ne voulaient pas être vus par leurs ouailles. Beaucoup de visages de clients étaient masqués par des loups, et pourtant, on avait l’impression de les reconnaître. Comme Polichinelle, héros de comédie, tout le monde partageait les mêmes confidences.

Nola alla jusqu’au comptoir. Elle s’assit sur un tabouret, et, silencieusement, le serveur, un joli garçon moustachu et gringalet, lui servit un verre — elle n’avait pas commandé, mais ici, il n’y avait pas besoin, surtout quand on connaissait déjà son poison préféré. Et voilà que la gladiatrice put boire en attendant de longues, longues, longues minutes, à simplement profiter de la musique, et de la vision de danseurs qui s’agitaient autour d’un grand brasero central.

Et puis, sans dire un mot, il arriva.
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Facino Cane. Un homme d’honneur. Taille moyenne, corpulence moyenne, visage quelconque — pas moche, mais pas ravissant non plus. Barbu, yeux verts, barbe bien taillée. On le confondrait dans la rue avec n’importe quel marchand. Et c’est un peu ce qu’il était, puisqu’il était le gérant de cet établissement.
Une créature d’euphémisme. Discret, parlant toujours avec courtoisie. Et pourtant, tout ça sonnait faux chez lui.
Il était un malfrat de la 'Ndrangheta. Il avait probablement tué plus d’hommes que Nola, et c’était peu dire. Mais le voilà qui s’approcha d’elle, lui posa une main sur la hanche, et lui fit la bise.

« Bonsoir à toi. Rude semaine ? »

Oui, il y avait de quoi — toujours les mêmes entraînements. Inlassables. Quotidiens. Les munera de fin d’année approchaient, et donc, les grands combats d’arènes. Et visiblement, les mentors de Nola n’avaient pas prévu de la laisser tranquille d’ici là. Il fallait qu’elle soit absolument parée pour la compétition.

Facino s’installa à côté de la gladiatrice, fit un signe au serveur, et se fit ainsi préparer lui aussi sa dose de poison.

« Toutes les chambres sont prises, mais par des personnes qui ne sont pas contre de la compagnie. Je sais que tu aimes te poudrer le nez en solitaire, mais comme tu vois, on est blindés aujourd’hui. Et pourtant on est pas santodì… »


Il regarda la salle. Puis Nola, tout droit.

« Comment vas-tu ? »


Jet de connaissances (Tilée) : 2, réussite
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

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Tout en portant régulièrement mon verre à mes lèvres, je contemplais d’un air absent cette drôle de foule exubérante qui semblait essayer d’oublier les affres de la vie en consommant tout ce que cette satanée cité pouvait offrir en alcool et en drogue. Dans l’obscurité trouée de feux s’agitait une foule d’ombres chancelantes. Les flammes accrochaient çà et là l’or d’un bijou, la chaîne d’un ceinturon et des corps lustrés de sueur. Ces reflets saignaient en taches vineuses avant de se diluer dans les ténèbres. Tout le monde buvait, le sol était éclaboussé et collant, l’air était chargé de vapeurs et les hommes s’accrochaient autant à leurs godets qu’aux hanches des femmes qui se déplaçaient lascivement devant eux. La foule tanguait, tout se mélangeait, la nuit perdait toute bride et pas à pas, cette petite assemblée s’enfonçait toujours plus loin dans le désordre et la confusion avec une jovialité féroce.
À mes côtés, Facino Cane, le propriétaire de cet endroit charmant, observait sa clientèle avec l’air bienveillant d’un parent aimant et soucieux que ses enfants ne manquent de rien. J’imaginais bien qu’il risquait, comme souvent, de finir la soirée parmi ses convives, mais pour le moment, son attention était tournée vers moi. Sa main toujours passée autour de ma taille, comme s’il l’avait oublié, il me demanda d’un ton tranquille :
- « Comment vas-tu ? »
- « Aussi bien que cette foutue ville je crois » répondis-je avec scinisme avant de poursuivre « j'ai croisé une augure dehors qui mettait en garde la foule sur ses excès et son oisiveté alors qu'elle ne ferait sûrement pas tâche ici. »
- « Madre Imperia de Luna » répondit-il en grinçant des dents comme si j’avais insulté sa propre famille « C’est une des plus grandes sages de ce monde. Mórr lui permet de voir l’avenir et d’aider les gens. Depuis quelque temps ses prophéties sont plus… Fataliste. » L’euphémisme était palpable et j’eus même l’impression, l’espace d’un instant, de voir un peu de peur sur son visage. « Remas se porte bien, mais la dernière décennie n’a pas été tendre avec notre ville… Si elle prédit des choses aussi horribles, c’est vrai que ça fait froid dans le dos. »
- « Facino, la nuit promet d'être longue et j'ai besoin de me délasser » dis-je d'une voix basse, presque perdue dans le tumulte du lieu. « Tu as quelque chose pour m'aider à me détendre? »
- « Naturellement, Nola, j'ai ce qu'il te faut. Cela t’aidera à effacer tes peines et apaisera tes muscles endoloris » dit-il en esquissant un sourire compréhensif.
Il sortit une petite boîte en bois sculpté de sa poche et la glissa subrepticement dans ma main. Je la soupesais, sentant le poids de la promesse d'une évasion temporaire.
- « Merci, je pense que je vais monter et essayer de trouver un lieu un peu plus calme, tu comprends. » poursuivis-je en terminant mon verre de poison d’un trait.
Sans un mot de plus, je me dirigeais lentement vers le petit escalier discret qui menait aux chambres à l’étage. J’avais la démarche raide et tous mes muscles semblaient décider à me faire payer les mauvais traitements que je leur infligeais depuis plusieurs semaines. Après avoir tenté ma chance dans plusieurs alcôves trop bondées à mon goût, je trouvais enfin une chambre occupée uniquement par un petit groupe absorbé dans une partie de jambes en l'air, leurs corps entrelacés dans un ballet de chair et de soupirs. Sans prêter attention à leur présence, je m'installais dans un coin de la pièce, le dos contre le mur froid, les jambes repliées sous moi. Je sortis la boîte de Facino de ma poche, l'ouvris et contemplais les poudres fines, promesse d'un oubli momentané.

Avec une précision méthodique, j’en disposais une petite quantité sur une surface plane et l'inhalais, une vague de chaleur m'envahit, mes pensées commençant à divaguer, se déconnectant de la réalité. Les paroles de l'augure résonnaient dans mon esprit, un écho lointain mélangeant avertissement et prophétie. Je pensais à cette vie que j'avais laissée derrière moi, aux jungles denses de ma terre natale, aux longues traversées sur les océans du vieux monde à bord de l’Aslevial, à mes journées de marche au cœur des frontalières avec Kidd, tout cela était si éloignés de cette existence de gladiatrice que je menais à présent.
La dureté de ma nouvelle vie semblait sans fin. Je me battais, non pas pour ma survie comme jadis, mais pour le divertissement des autres. Mon corps était devenu une arme, chaque muscle sculpté par l'entraînement rigoureux, chaque blessure, un témoignage silencieux de mes combats. Mais à quel prix ? La douleur, la fatigue, la solitude... elles étaient mes compagnes constantes, me rappelant sans cesse que j'étais loin de chez moi, loin de ce que j'avais été autrefois. Dans l'état second où me plongeait la drogue, je me sentais désabusée, perdue entre mon passé et mon présent, entre ce que j'avais été et ce que j'étais devenue. Je ne souhaitais qu'une chose : échapper à cette réalité, oublier l'arène, oublier les cris de la foule, oublier la douleur. L'augure avait parlé de fin, de destruction, de cycles inévitables. Peut-être avait-elle raison. Peut-être cette ville, tout comme moi, était-elle condamnée à succomber à ses propres excès.

Les sons et les mouvements autour de moi semblaient lointains, comme si j'étais enveloppée dans un cocon protecteur. Mes pensées vagabondaient sans but, s'enfonçant de plus en plus dans les méandres de mon esprit, cherchant désespérément un sens à ma vie, un but à mon existence. Mais tout ce que je trouvais, c'était le vide, un abîme sans fin dans lequel je sombrais lentement, accueillant l'oubli comme un vieil ami. Dans cet état d'abandon, je me laissais aller, mes paupières devenant lourdes, mon esprit flottant dans un monde où la douleur et les soucis n'existaient plus. La réalité s'estompait, laissant place à un rêve sans forme, un lieu où je pouvais enfin trouver la paix, même si ce n'était que pour un court instant.
La nuit s'étirait en une extase sans fin où les secondes, les minutes, les heures perdaient tout sens. Je continuais à prendre de la poudre, laissant chaque inhalation m'emporter un peu plus loin de la dure réalité. À côté de moi, le pichet de vin abandonné sur une table par les autres occupants de la petite pièce semblait m'appeler, et sans résistance, je m'abandonnais à son contenu, laissant le liquide âpre couler dans ma gorge, complétant l'effet de la drogue qui embrumait mon esprit. Autour de moi, les corps s'entremêlaient dans un mélange de sueur, de hoquets de plaisir et de désirs. Les sons étaient étouffés, comme si j'étais immergée dans l'eau, chaque mouvement, chaque geste semblant se faire au ralenti. L'odeur du vin se mêlait à celle de la chair et du parfum bon marché, créant un mélange enivrant qui me poussait encore plus loin dans mon évasion.

Je perdais la notion du temps, chaque instant se fondant dans le suivant sans distinction. Les visages qui m’entouraient étaient des ombres floues, des figures sans nom que j'oublierais au lever du jour. Les rires, les pleurs, les gémissements se mélangeaient en une cacophonie lointaine, une symphonie de la décadence humaine. Je flottais dans cet univers parallèle, un monde où rien n'avait d'importance, où les soucis s'évaporaient comme des gouttes de rosée sous un soleil ardent. Mes pensées étaient disjointes, se déplaçant d'un souvenir à un autre sans logique ni raison. Les images de mon passé se superposaient avec les sentiments du présent, créant une mosaïque de souvenirs et de sensations. Les émotions me submergeaient, fortes et incontrôlables, avant de disparaître aussi vite qu'elles étaient venues. C'était comme naviguer dans un océan déchaîné, sans boussole ni gouvernail, laissée à la merci des vagues et du vent. Dans cet état second, je ne ressentais ni douleur, ni fatigue, ni peur. Il n'y avait que l'oubli, un doux voile d'ignorance qui enveloppait mon esprit et mon cœur. Mais même dans cet état, une partie de moi savait que ce n'était qu'une évasion temporaire, un répit fugace avant le retour inévitable à la dureté de mon quotidien. Pour l'instant, cependant, je ne voulais penser à rien d'autre qu'à l'instant présent, à cette nuit sans fin où tout était possible et rien n'était réel.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 15 mars 2024, 10:28, modifié 1 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
Profil: FOR 11 / END 8 / HAB 9 / CHAR 8 / INT 9 / INI 8 / ATT 11 / PAR 11 / TIR 9 / FOI 0 / NA 1 / PV 65
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

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Le vin était délicieux. Il avait un goût particulièrement important de reviens-y, plus que n’importe quel vintage — même si on ne pouvait pas dire que Nola soit une œnologue. L’alcool n’était qu’un de ces mets que les habitants de ce continent, le Vieux Monde (Quelle insolence d’ainsi prétendre être plus vieux que les autres…), semblaient raffoler. Ils en consommaient presque à chaque repas, sauf pour ceux qui semblaient faire le choix conscient de refuser. Faire fermenter des fruits n’était pas inconnu du peuple Amazone, évidemment, mais la rigueur martiale interdisait d’en prendre hors des jours de fête ou comme récompense après de sérieux efforts. Mais voilà, sans doute que la poudre aidait, car la gladiatrice venait de siffler presque toute la coupe — il faudra payer un verre en dédommagement à celui ou celle qui viendrait se plaindre, même si visiblement, les gens avec qui elle partageait la chambre n’avaient pas l’air trop regardants…

Des filles et des garçons. Elle ne savait pas trop qui ou quoi, ils étaient cinq, à faire leurs trucs ensemble. Ils parlaient de choses qu’elle ne comprenait pas, se plaignaient de gens qu’elle ne connaissait pas, s’embrassaient puis se versaient plus de fin. Riaient à des blagues sans queue ni tête. Et ils étaient tous affalés, entre eux, à peine encore capable d’être trop mobiles — la nuit avait visiblement commencé tôt, pour eux. Et même si parfois ils levaient leurs yeux pour observer la squatteuse, aucun ne lui avait demandé de dégager — en fait, ils l’avaient même accueillie avec des « bonsoir » et des sourires. Un groupe de potes, visiblement.

Lentement, les yeux de Nola semblaient vouloir se fermer. C’était très bizarre — d’ordinaire, le produit de Cane la gardait au contraire très éveillée, voire à cran. La semaine devait vraiment l’avoir affaiblie, pour qu’elle se retrouve à lutter avec elle-même pour ne pas avoir les paupières closes. Peut-être qu’il y avait quelque chose dans l’atmosphère aussi… L’odeur était pas saine — il faisait tellement trop chaud ici, trop humide, étouffant et moite. Ça sentait pas… Pas mauvais, c’était ça le pire, mais très fruité, très prenant, en laissant un goût au fond de la gorge. Ça cocotait, qu’on disait, enfin, si on comprenait le terme. Et ces rires… Le rire aigu d’une des filles là, il avait l’air tellement perçant, au fond de ses tympans, que Nola en serra la mâchoire.




Et puis, soudain, elle ne savait pas pourquoi, elle se retrouva en pleine forme. Avec le cœur qui battait fort, fort, en chamade. Nola se leva. Elle avait très envie de sortir. Elle alla vers la porte, tout droit, par là où elle était entrée, d’un pas totalement certain. Elle ouvrit la porte, et une grosse bouffée de vent brûlant lui frappa la face.

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Normal qu’il fasse aussi chaud, si elle était au milieu d’un brasier ! Elle regarda à ses pieds : la terre était sèche, dure comme de la roche — il n’avait pas plu depuis des semaines. Autour d’elle, les blés brûlaient sur place, autant que le village qui se consumait devant elle. Ses dents se serraient, et alors, Nola releva sa lance — parce qu’elle avait une lance dans sa main. Une jolie arme de guerre, au bois tirée d’une forêt enchantée, et à l’acier assez tranchant pour traverser une armure. Des gouttes de rouge en perlaient. C’était une arme qui était en train de servir.

« SALOPE ! »
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L’un des peltastes du campement la désignait du bout de sa lame. Même dans l’obscurité d’une nuit sans lune, on parvenait à distinguer des détails de son uniforme, aidé par la lueur des flammes crépitantes tout autour : cuirasse de cuir, bouclier, casque à cimier… Autour de sa taille, il portait les mains tranchées de ses ennemis. Un homme dangereux.

Nola agita sa lance, se cramponna sur sa position, et le laissa charger à toute vitesse. D’un pas de côté, puis d’un deuxième, elle dansa adroitement, sans faire durer la lutte — mieux valait tuer froidement et rapidement, le plus efficacement possible ; mathématiquement, selon la sagesse des Anciens. Alors, elle passa à sa gauche, sauta en l’air, et enfonça la pointe de la lance au fond de sa gorge, avant de la retirer et de le laisser se vider de son sang tandis qu’il s’écrasait par terre sur le sol sec, soulevant un nuage de poussière avec sa chute, et voilà qu’il bougeait dans tous les sens en faisant de terribles gargouillis…

Derrière, chargèrent deux autres. Et alors, le même ballet, les mêmes mouvements de lance, la lutte, le meurtre. Mais alors, surgirent des renforts : des hoplites, en grosses cuirasses de bronze, avec de lourds boucliers, surgirent du petit bois adjacent pour se retrouver à ses côtés, et repousser les arrivées en grappe de nouveaux ennemis. Ces guerriers alliés formèrent une ligne, épaule contre épaule, bouclier contre bouclier, sous les ordres de Nola qui leur criait dessus :

« Tenez ici ! On se prépare pour l’assaut ! »

Les mots sortaient bien de ses cordes vocales, ils étaient formés dans ses poumons… Pourtant, elle ne les avait pas pensés. Nola n’avait pas eu l’idée de dire ça. C’était bizarre. C’était elle, en train de se battre, et en même temps, ses vêtements n’étaient pas les siens — elle portait elle aussi une grosse armure brillante de bronze, et un gros casque sur la tête qui tenait très chaud aux oreilles. C’était comme si elle était spectatrice de quelqu’un d’autre. Une dépersonnalisation complète…

…Pourtant elle ressentait des émotions qui semblaient être les siennes. La soif de guerre. L’inquiétude pour ses frères d’armes. La joie de voir son plan bien se dérouler. L’anxiété de la suite du plan. Se tournant vers ses hommes, Nola hurla de nouveau :

« Ottokar ?!
OTTOKAAAAR ! »



L’un des guerriers retira son casque et s’approcha. Il était plus richement vêtu que les autres, avec un baudrier en or, et des bijoux dans ses longs cheveux. Son visage était couvert de sueur, ses yeux entourés de cernes.
Elle ne savait pas pourquoi, mais elle le trouvait très, très beau. Plus qu’on n’éprouvait seulement en voyant un homme bien construit. C’était de la beauté qui avait été formée et amplifiée par son esprit.
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Il se pencha un peu pour que Nola pose une main sur son épaule et lui crie dans l’oreille, afin de se faire entendre au-dessus du bruit des flammes qui brûlaient tout, et tout proche, les cris d’insultes, le son d’un cor qui sonnait l’alarme, et les chocs du métal contre les boucliers.

« Lagario nous a fait gagner du temps, mais maintenant c’est à nous de jouer !
Dis à tes hommes de charger le campement ! Trouve les esclaves, on va couvrir leur fuite !

– Je ne suis pas sûr d’avoir assez de forces pour tout faire ! On va les libérer, ouais, mais ils peuvent bien fuir seuls !
– Ne discute pas mes ordres ! Garde une moitié pour charger au point de concentration et envoie le reste couvrir la fuite vers le gué ! Je te rejoins là-bas !
Maintenant il faut juste que César utilise sa… Cavalerie… »


Elle était déjà en train de se tourner pour essayer de percevoir quelque chose à l’horizon. Son cerveau calculait tout. Le mouvement des hommes, les réactions de leur adversaire, les effets de la surprise qui se dissiperont vite pour laisser place à une contre-offensive. Le but était toujours le même : Gagner. Mais gagner avec le moins de pertes possible. Face à un ennemi plus nombreux. Elle était très forte pour faire des plans, mais aucun plan ne survivait jamais à son exécution. Surtout avec des inconnues dans l’équation, comme lui

Ottokar ricana sec, ce qui perturba ses pensées.

« Si ce sont tes désirs, alors je les satisferai, mon ange ! »

Nola se retourna sec et pointa sa lance dans sa direction, menaçante. Elle le foudroyait du regard aussi, retroussait sa lèvre, pour montrer tout son sérieux.

« Ne m’appelle pas comme ça. »

Ottokar sembla vexé, une seconde. Puis en colère, celle d’après. Mais il eut l’intelligence de ne rien dire, et se contenta d’opiner du chef. Puis, s’avançant vers la ligne de hoplites, il hurla à leur attention :

« SOLDATS ! MONTRONS-LEUR COMMENT SE BATTENT LES ENFANTS D’ESCATREZ !
SUR MOI, FORMEZ LA PHALANGE ! »


Se compactant plus encore, les hoplites levèrent les dorus comme s’ils en formaient une forêt. Et alors, au pas, frappant bien au sol dans des cliquettements de métal à chaque mouvement, ils lancèrent l’assaut droit vers les flammes. Droit vers l’enfer. Droit vers les hommes d’Iscarius, qui subiraient ce qu’ils avaient fait subir à tant d’innocents. La justice avait un sale arrière-goût, mais le calice se buvait jusqu’à la lie.

Satisfaite, Nola décida de faire chemin jusqu’au gué. Elle se retourna, et revint vers la porte de la taverne. Elle retourna dans la pièce, où maintenant les batifoleurs la regardaient avec des gros yeux étonnés. La gladiatrice s’effondra dans un quelconque divan, avec le cœur qui battait toujours aussi fort.




Une des filles de la chambre attrapait le menton de Nola. La força à bouger la tête à gauche, puis à droite. Par pur réflexe défensif, la gladiatrice lui attrapa très fortement le poignet, pour l’empêcher de continuer à la bouger comme un jouet. Elle eut un hoquet de surprise, et de douleur, alors qu’elle se figea sur place, en la regardant avec ses grands yeux humides.
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Une jolie fille, jeune, au teint hâlé. Elle portait un grand manteau brodé de quelques fils d’or qui n’était pas à sa taille : peut-être l’avait-elle volé à un homme pour se couvrir un peu, car juste en-dessous, elle était en robe de chambre échancrée, et ses jambes nues.
Que Nola lui attrape le poignet n’était pas du goût d’un des garçons, qui s’était levé tout droit comme s’il était monté sur ressorts.
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Sa carrure n’était pas impressionnante : un garçon petit et tout fin. Teint diaphane, air très jeune. La fille lui fit « non » de la tête à toute vitesse, pour le tranquilliser, alors que Nola lâchait sa proie.

« Je voulais juste voir comment t’allais ! Tu t’es effondrée et tu t’es mise à crier des trucs…
La vache, putain, t’es forte ! Je sens plus ma main ! »


Elle se frotta le poignet et se mit à glousser de plus belle. Visiblement, elle prenait ça avec le rire. Le souci c’est qu’elle était toujours à moitié couchée sur le divan, carrément dans l’espace personnel de Nola.

« T’as complètement sifflé le verre de Gian’. Il t’en veut pas mais tu vas passer ta soirée à sombrer et à revenir, j’espère que t’as prévu de quoi manger… »


Le-dit Gian’ était avachi sur le lit, en train d’embrasser une fille. Quand il entendit son prénom, il leva sa main et tendit le pouce, histoire de confirmer les propos de sa camarade, et que oui, il n’en voulait vraiment pas à Nola. Tout ce qu’on voyait de lui, c’est qu’apparemment il était blond… Et qu’il ne bronzait pas des fesses, contrairement à son dos.

Le garçon debout, visiblement moins angoissé, s’assit en tailleur par terre, devant les deux, tandis que la fille au teint hâlé continuait — visiblement c’était une vraie pipelette, car alors que Nola n’avait toujours pas dit un mot, et, pour tout dire, était encore carrément en train de planer, elle continuait de faire tourner le moulin à paroles :

« Tu bois souvent du Vin-aux-Rêves ? Ou t’as pas fais exprès ? Je veux surtout pas t’inquiéter mais c’est très fort, faut y aller doucement… Mais c’est pas dangereux, pas un seul verre en tout cas. Et puis t’es en bonne compagnie, ça pourrait être pire !
C’est quoi ton nom ? Tu fais quoi dans la vie ? Non attend, laisse-moi deviner : t’es sacrément costaud… Condottiera ! Tu mènes des mercenaires dans d’âpres combats face à de viles créatures !

– Elle a plus l’air de suivre les ordres que d’en donner. »

Le garçon avait sorti ça d’un ton goguenard. Et il eut un petit sourire, plus taquin que mesquin. La fille lui tira la langue, avant de l’ignorer pour continuer :

« C’est quoi ton nom ? Moi c’est Vannozza. »


Jet de résistance à la drogue : 7, réussite
Jet secret : 1, réussite critique
Jet de présage : 8, réussite
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

Du vin-aux-rêves, tu parles, c’était plutôt un cauchemar. Je me demandais d’ailleurs comment un rêve mettant en scène des personnes que je n’avais jamais rencontré, dans un lieu qui m’était inconnu, pouvait sembler si réel. J’essayais de me reconnecter à la réalité et de reprendre mes esprits. Je sentais que mes pupilles étaient tellement dilatées qu’elles devaient ressembler à deux grosses billes noires au milieu de mes iris d'ordinaire d’un bleu profond. J’avais la vue étrangement floue, et paradoxalement parfaitement nette.

- « C’est quoi ton nom ? Moi c’est Vannozza » demanda la jolie jeune fille en s’affalant à mes côtés. Elle devait avoir quelques années de moins que moi seulement mais avait déjà une lueur très intelligente et espiègle au fond des yeux.
- « Nola ! Et lui c'est ? » demandais-je en désignant du menton son camarade au teint blafard « ça vous arrive souvent de venir ici ? Il me semble pas vous avoir déjà vu »
- « Nicolò » répondit lui-même le jeune homme en se redressant pour venir nous rejoindre sur le lit où je m’étais semble-t’il laissé tomber.
- « On fait toutes les tavernes de Remas pourtant. C’est plus amusant que d’avoir son endroit habituel. Qu’est-ce que tu lui trouves de chic, à ce coin ? » demanda la fille, avec toujours le même sourire énorme et les yeux pétillants d’alcool.
- « De chic ? » répondis-je entre deux vertiges « absolument rien, si ce n'est que je peux venir me... détendre en paix. Enfin habituellement c'est le cas. »
- « En paix… Tu préfères qu’on te laisse tranquille ? » Demanda-t-elle avec une moue boudeuse.
- « Non.. non » je levais une main pour saisir son avant bras mais ne rencontrais que le vide « c'est simplement que je suis depuis trop peu de temps dans cette cité pour connaître d'autre lieu où l'on peut être seule et... oublier. » Les deux approuvèrent d’un hochement de tête. Puis il y a eu un petit silence, quelques secondes durant lesquelles ils semblèrent plongés dans leurs réflexions.
- « Hé bien, Nola, on va rester près de toi pour s’assurer que tout se passe bien. Ça serait bête de te voir sombrer » conclut Vannozza.

Je hochais légèrement la tête, appréciant leur offre d'une compagnie protectrice, même si une part de moi aspirait toujours à la solitude. La proximité de Vannozza et Nicolò, bien qu'inattendue, apportait un certain réconfort dans cet état de vulnérabilité où je me trouvais. « Merci, Vannozza, Nicolò. C'est... c'est gentil à vous » dis-je d'une voix légèrement éraillée, encore affectée par les vapeurs de la drogue et de l'alcool.
Vannozza s'installa plus confortablement, se blottissant presque contre moi, tandis que Nicolò restait assis en tailleur, observant la scène avec un air détaché, mais attentif tout en disposant une nouvelle ligne de poudre sur le côté de sa main. « On vient ici pour s'évader, un peu comme toi, je suppose » continua Vannozza, sa voix douce tranchant avec le brouhaha ambiant de la taverne. « Remas peut être une ville étouffante, avec toutes ses attentes et ses obligations ».
Nicolò hocha la tête en écho à ses paroles. « Oui, et parfois, il faut juste un endroit où l'on peut laisser tomber les masques. Où on peut être soi-même, sans jugement ».
Je ne répondis pas, tentant de calmer les vertiges qui semblaient arriver avec une nouvelle vigueur, comme une vague qui se retire pour revenir plus forte quelques instants plus tard.
« Il est Remassien, pas moi. Estalienne, à la base. Je suis venue ici avec mon père. Aujourd’hui nous sommes tous de cette ville, d’adoption ou de naissance. Un peu comme toi, il me semble ? C’est un drôle de sabir que tu parles. » enchaîna Vannozza toujours aussi bavarde pour combler le silence créé par mon absence de réponse.


Le commentaire de la jeune fille me fit sourire, malgré la brume qui occupait encore mon esprit. « C'est vrai » répondis-je « je ne suis pas d'ici non plus. Et oui, j'ai un accent. Je viens d'un endroit très différent, loin d'ici » Nicolò, sortant de la réserve naturelle qui semblait le caractériser se pencha légèrement vers moi « Ah, une étrangère ! D'où viens-tu exactement ? Et qu'est-ce qui t'a amenée à Remas ? »
Je pris un moment pour rassembler mes pensées et peser mes mots avant de formuler une réponse que je voulais assez évasive « Je viens d'une région sauvage, loin de la Tilée. J'ai été amenée ici par les circonstances, comme beaucoup d'autres, je suppose. »
Nicolò hocha la tête, comme s'il comprenait « Remas a cette façon de rassembler les gens de tous horizons. C'est l'une des choses que j'aime ici, cette diversité. »
« Et toi, Vannozza, comment es-tu arrivée à Remas ? » demandai-je, trouvant en leur compagnie une certaine familiarité qui me faisait du bien « Et d’ailleurs, qu’est-ce que c’est que ce fameux vin-aux-rêves ? Je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à ce soir ». Les doigts agiles de ma nouvelle amie couraient le long de mon cou, me tirant un frisson agréable tandis que ses grands yeux étaient plongés dans mon œil unique « Au fait, vous êtes juste amis, ou bien ? »
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’Amazone était grégaire. Peut-être à l’étonnement de Nicolò, car si le jeune homme était bien froid au début de l’échange, voilà qu’il se permettait d’avoir une place sur le divan et d’engager la conversation avec celle qui était à moitié en train de planer. Et alors qu’elle commençait plusieurs questions, elle y trouvait chaque fois une réponse, d’un poumon de l’un ou de l’autre.

« Je voyage à travers la Tilée, Nola. Moi et nos camarades — je suis chanteuse, et eux là-bas sont musiciens. »

Elle désigna de la tête les trois autres qui étaient assis dans leur coin, dans leur petit groupe. Ils approuvèrent quand ils entendaient qu’on parlait d’eux — Gian, le blondinet, y alla d’ailleurs de son commentaire : maintenant que Nola voyait autre chose que son derrière, elle pouvait voir un petit monsieur maigre et tatoué.

« Je joue du clavecin et de la viole, selon ce qui fait plaisir. C’est vrai que la viole c’est plus facile à transporter ! »

Nola ne savait pas vraiment ce qu’était l’un ou l’autre. Mais Remas était tout le temps en musique, et d’ailleurs, même de cette pièce, on entendait toujours l’air joué très fort à l’étage en dessous.

« Nous allons d’une ville à l’autre, selon là où l’on peut trouver fortune. Nicolò ça n’a rien à voir. C’est un ami à moi, mais lui-même est étudiant. »

Le jeune homme eut un petit sourire gêné alors qu’on le présentait. Vannozza le regarda alors et le taquina.

« Futur prêtre de Véréna, n’est-ce pas ?
– La bure m’irait mal.
– Au contraire, tu serais très beau avec.
Il m’écrit parfois des chansons que je chante. Quand il ne me casse pas les oreilles à parler de science et de politique.

– Tu adores quand je te parle de sciences.
– Oui, ça permet de s’endormir paisiblement ! »

Nicolò lui donna un coup de poing dans le bras, joueur, et les deux se mirent à faire des grimaces et à s’engueuler pour de faux. Peut-être que ce garçon était un des étudiants du professeur Arese ? Lui aussi était un prêtre de Véréna. Un homme âgé, semi-reclus, qui passait ses nuits dans la librairie-temple de Remas, à traduire des ouvrages poussiéreux oubliés du temps. Depuis de nombreuses semaines maintenant (À moins qu’à force, ce ne soit devenu des mois ?), il aidait Nola à un grand projet : celui de déchiffrer des vieux carnets qui avaient appartenu à un vieil explorateur Remassien. Nola ne savait pas lire, encore moins l’alphabet local, ces runes toutes petites et très nombreuses qu’on couchait sur du papier — mais Arese avait accepté de lui enseigner. Pas gratuitement : il se faisait payer en histoires. Il semblait être absolument fasciné par la jeunesse de Nola, et posait mille questions sur sa tribu, les usages de son peuple, les noms des Dieux qu’elle vénérait… Au fond, depuis qu’elle était arrivée sur ce continent, personne n’avait demandé autant de détails sur sa vie. Kidd excepté. Le gamin devait toujours être à Sartosa, et il fallait espérer qu’il soit en sécurité.

Quand Nola parla du Vin-aux-Rêves, Vannozza se leva pour aller rechercher une bouteille. Et ce n’était pas du tout une bouteille de vin comme Nola en avait déjà vu, cet étrange récipient en verre translucide avec une étiquette — on aurait plutôt dit un gros pot pour les confitures, et le liquide dedans, loin d’avoir un rouge sanguin, était si cramoisi qu’il en devenait noir. Mais c’était un noir très beau, comme du jais. Ça n’avait pas non plus la texture du vin, car ça bougeait lentement, c’était plus du miel que de l’eau. La chanteuse fit sauter le petit couvercle lié par un bidule en métal, et fit sentir à Nola le mélange.
Ça lui monta au nez direct. Une odeur terriblement puissante, comme une sorte de parfum à l’essence concentrée — ça lui en tira quelques larmes. Mais c’était fruité, ça débectait autant que ça faisait envie, ça donnait envie de vomir autant que de se resservir.

« C’est normal que tu n’en aies jamais entendu parler : C’est totalement illégal. Même en Tilée. Si les prêtres de Solkan te choppent avec ça sur toi, t’es bonne pour la geôle et le fouet. C’est bien la drogue qui les mets à cran, parce que c’est la meilleure. »

Le culte de Solkan… Eux, Nola les connaissait, à force d’errer à Remas. De sordides personnes, qui priaient un Dieu qui avait une tête de soleil en colère. Ils n’étaient pas tout-puissants à Remas, loin de là d’ailleurs, mais ils avaient beaucoup d’inquisiteurs qui se promenaient et fouinaient dans les affaires des habitants de Remas, à traquer la corruption et l’immoralité. Leur Dieu, apparemment, était un Dieu de l’ordre, de la loi, mais aussi de la vendetta. Les Solkanites traquaient les pratiquants du mal, les démons et les mutants, qu’ils pensaient voir dans toutes les ombres de la ville.
Nola ne savait pas trop pourquoi, mais ils lui rappelaient les prêtresses-serpents de Sotek. Elles aussi étaient absolument zélées dans leurs rituels et leur manière de houspiller leurs sœurs Amazones pour la moindre erreur. Et au fond, les bûchers avec lesquels les fidèles de Solkan menaçaient leurs fidèles, n’était-ce pas la même chose que les sacrifices des Temples ?

« Ce sont les Stryganis qui fermentent cette boisson, et ils en gardent jalousement le secret. Tu les connais peut-être, les Stryganis — ce sont des nomades, des gitans qui voyagent en communauté à travers le monde, en exil perpétuel. Le Vin-aux-Rêves est un moyen qu’ils ont de remplir leurs coffres.
Je pense que si le Vin-aux-Rêves est illégal, c’est surtout pour les ennuyer eux, par xénophobie, pas parce que l’alcool est particulièrement dangereux… Mais c’est vrai qu’il vaut mieux y aller doucement.

– Le Vin-aux-Rêves enivre, et provoque beaucoup de plaisir… Mais surtout, il permet d’avoir des rêveries. De voir des choses, sur soi, sur son passé, ou sur son futur…
– Ce sont de jolies hallucinations, oui. »

Vannozza fronça fort des sourcils, et se retourna net vers son compagnon.

« Ce ne sont pas des hallucinations ! C’est une vraie révélation sur soi.
De quoi as-tu rêvé, Nola ? Qu’as-tu vu ? Tu disais des choses étranges, c’était à la fois terrifiant et fascinant ! »


Mais avant que Nola ne partage, elle avait une troisième question. Là-dessus, la chanteuse ricana.

« Oui, on fait l’amour ensemble ! »

Cela semblait suffire comme explication. Et pourtant, les deux étaient toujours collés à Nola, l’un comme l’autre. Peut-être que c’est juste parce qu’ils étaient fins éméchés, mais le garçon avait bien sa main sur la cuisse de l’Amazone, et elle touchait toujours son cou. Ils n’allaient pas plus loin, ils n’avaient pas des airs de prédateurs qui mettait mal à l’aise… Mais tout de même, ils n’étaient pas très Solkanites, pour le coup.

« Veux-tu un second verre, Nola ? »
Jet d’endurance (Malus : 2) : 4, réussite. Tu restes maître de toi-même, et parvient à demeurer parmi le monde des vivants, même si tu as les pupilles totalement dilatées.

Jet de charisme : 6. Les deux trouvent ta compagnie très agréable.

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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

Je regardais le pot de Vin-aux-Rêves que Vannozza tenait entre ses mains en hésitant. Le mélange enivrant et complexe m'avait déjà transporté dans un monde de visions et de réflexions profondes. « Non, merci, j’ai eu mon comte pour cette fois » répondis-je doucement, encore sous l'effet de la première dose. Je sentais la main de Nicolò sur ma cuisse et celle de Vannozza caressant mon cou, leurs gestes étaient intimes, mais sans prétention, comme s'ils cherchaient simplement un contact humain, une forme de connexion. Cela ne me mettait pas mal à l'aise, mais je restais consciente de leur proximité.
« Je... J'ai vu des choses, des fragments d’une bataille future. C'était comme regarder un rêve éveillé » expliquais-je, ma voix trahissant un mélange de fascination et de confusion. Vannozza sourit, ses yeux pétillant de curiosité « c'est le pouvoir du Vin-aux-Rêves. Il ouvre des portes dans l'esprit, révèle des vérités cachées. C'est une expérience unique ». Nicolò acquiesça, faisant doucement glisser sa main le long de ma cuisse musclée « c'est une boisson pour les âmes aventureuses, pour ceux qui osent regarder en eux-mêmes ». Je contemplai leurs visages, me demandant si leurs propres expériences avec cet étrange breuvage étaient similaires aux miennes « et vous, qu'avez-vous vu lors de vos voyages avec le Vin-aux-Rêves ? Des révélations personnelles ? »
Alors que la nuit s'écoulait, notre conversation continua à dériver doucement, de sujets légers à des confidences plus profondes. Vannozza, Nicolò et moi-même partagions des histoires, des rires et des moments de silence contemplatif. La proximité physique entre nous se renforçait naturellement, comme si nous étions attirés les uns vers les autres par une force invisible, un besoin de chaleur humaine. « Vous savez » commença Vannozza de sa voix douce et mélodieuse « il y a quelque chose de magique dans les nuits comme celle-ci, où l'on peut simplement être ensemble, sans jugement ». Je me sentais en sécurité, enveloppée par la présence rassurante de ces deux âmes que je venais à peine de rencontrer. Nos épaules se touchaient maintenant, nos mains se croisaient parfois dans des gestes tendres et innocents. Je n'avais pas souvent l'occasion de ressentir une telle intimité, et cela m'apportait un peu de réconfort.

Nicolò, d'ordinaire plus réservé, semblait s'être ouvert, partageant ses propres rêves et inquiétudes. « Parfois, je me demande ce que l'avenir nous réserve, dans cette ville pleine de possibilités mais aussi de dangers ». Nos corps étaient maintenant entrelacés dans une étreinte amicale, un mélange de confort et de curiosité. Les frontières entre nous semblaient s'estomper, laissant place à une connexion qui transcendait les mots. Vannozza se blottit contre moi, sa tête reposant doucement sur mon épaule. « Nola, je suis contente que nos chemins se soient croisés ce soir. Tu as un charme… animal que je n’ai jamais rencontré avant ». Je souris, touchée par ses paroles.
La chambre semblait se rétrécir autour de nous, créant un cocon où seul notre trio existait. Les rires et les conversations des autres clients de la taverne étaient comme lointains, nos échanges remplissant l'espace de notre intimité croissante. Tous les trois, bercés par la complexité de nos échanges et la douceur de nos touchers, nous nous laissâmes emporter dans un flot d'émotions et de sensations. La musique en bas de la taverne ne semblait plus être qu'un lointain murmure, accompagnant discrètement les battements de nos cœurs.

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Vannozza se rapprocha de moi, son regard pétillant de curiosité. Elle semblait captivée par le contraste de nos peaux, la sienne naturellement typée et la mienne hâlée par le soleil des régions lointaines d'où je venais. Ses doigts effleurèrent mon ventre comme pour en apprécier la fermeté. Puis, ses lèvres se posèrent délicatement sur mon épaule, là où la peau était douce et exposée. Ses baisers étaient légers, presque aériens, comme si elle craignait de briser un moment de magie. Je sentais la chaleur de son souffle, chaque baiser déposé avec une attention et un soin qui me faisaient frissonner. Elle semblait goûter chaque parcelle de ma peau, comme si elle cherchait à mémoriser chaque nuance de mon hâle.
Les étreintes commencèrent timidement, des caresses douces et exploratoires qui évoluèrent lentement en une danse d'affection et de désir. Nos corps s'entrelaçaient, se découvrant mutuellement avec respect et curiosité, dans une harmonie parfaite de mouvements et de souffles. Vannozza, avec sa grâce naturelle, guidait nos gestes, son expérience et sa confiance en elle apportant une assurance rassurante. Nicolò, quant à lui, se révélait être un amant attentionné, ses gestes doux et ses râles rauques rythmant nos ébats au rythme de ses hanches auxquels Vannozza et moi répondions par des gémissements de plaisir. Mes cheveux, d'habitude noués strictement pour ne pas me gêner pendant les entraînements, étaient défaits et tombaient en cascades sauvages autour de mon visage et sur mes épaules. Il y avait une sorte de rythme dans la manière dont les deux jeunes amants se mouvaient autour de moi, comme s'ils étaient en parfaite harmonie, leurs actions se complétant et s'enrichissant mutuellement.

Nos échanges intimes étaient ponctués par les moments intenses et libérateurs d'orgasme de Nicolò. Chaque fois qu'il atteignait ce sommet de plaisir, un silence rempli de souffle et de satisfaction s'installait dans la chambre, comme une halte naturelle dans notre danse nuptiale. Ces pauses étaient des instants de répit, des moments où nous nous allongions ensemble, reprenant notre souffle, nos corps entrelacés dans une étreinte sereine. Il y avait dans ces interruptions une intimité différente, moins chargée de désir, mais plus profonde en connexion et en compréhension. Pourtant, inlassablement, comme guidés par une force intérieure commune, nos ébats reprennaient de plus belle. C'était un rythme naturel, une alternance entre l'intensité du désir et la douceur de l’instant d’après. Chaque reprise était un peu différente, explorant de nouvelles façons de donner et de recevoir du plaisir, de se connecter à des niveaux encore plus profonds. Nous étions comme des musiciens dans un orchestre, chaque joueur sachant instinctivement quand prendre le devant de la scène et quand soutenir les autres. C'était une harmonie parfaite, une symphonie de sensations et d'émotions.
Et ainsi, la nuit s'écoula, comme un rêve éveillé, où le temps et le monde extérieur semblaient n'avoir aucune emprise sur nous. C'était un sanctuaire de douceur et de passion, un havre où les soucis et les batailles de la vie quotidienne s'évanouissaient dans la chaleur de nos étreintes. Ce ne fut que lorsque les premiers rayons du soleil commencèrent à filtrer à travers les volets grossiers que nous prîmes conscience de l'heure. Le jour naissant apportait avec lui la fin de notre bulle enchantée, mais aussi une douce mélancolie. Nous nous agitâmes, nos corps encore empreints de la chaleur des autres, nos esprits encore enivrés par les souvenirs récents « c'était une nuit que je n'oublierai jamais » murmura Vannozza en s'étirant, ses yeux brillants d'une lumière douce. Nicolò sourit, un sourire empreint de chaleur et de gratitude « oui, merci Nola. C'était... spécial ».

Tandis que nous partagions ces derniers instants d'intimité, la porte de la chambre s'ouvrit brusquement, interrompant notre douce mélancolie. Deux hommes vêtus de manteaux de cuir, l'allure martiale et déterminée, firent irruption. Par réflexe, je saisis la dague cachée dans ma botte, mon corps se raidissant, prêt à réagir à une menace potentielle. Mais alors que je me préparais à défendre mes compagnons et moi-même, je reconnus les intrus : ce n'étaient autres que les hommes de main de mon maître, des visages familiers et peu amicaux que j’aurais préféré ne pas rencontrer dans ce contexte. Il y avait dans leurs yeux un mélange de respect et de crainte envers moi ainsi qu’une lueur moqueuse, je savais qu’ils devaient savourer de me découvrir dans une telle situation, l'un d'eux prit finalement la parole. « Nola, le maître te demande. Il faut que tu te dépêches ». Je les fixai, mon visage ne trahissant aucune émotion. Je savais que dans leur monde, comme dans le mien, les moments de faiblesse pouvaient être exploités, et je refusais de leur donner cette satisfaction. Je sentis une vague de déception m'envahir. La réalité de ma vie reprenait ses droits, me rappelant brutalement à mes obligations. Il n'y avait pas de place pour les adieux prolongés, pas de temps pour expliquer. Je devais partir, immédiatement.
Je lançai un regard rapide à Vannozza et Nicolò, un mélange d'excuse et de regret dans les yeux. « Je dois y aller » murmurais-je, l'urgence de la situation m'empêchant de dire plus. Vannozza acquiesça, une expression de compréhension traversant son visage « prends soin de toi, Nola » dit-elle doucement, ses yeux révélant un soupçon de curiosité sur ma véritable identité. Nicolò, toujours avec son sourire espiègle, ajouta « ce fut un plaisir belle étrangère. Peut-être nos chemins se croiseront-ils à nouveau ».

Je me levai rapidement, ramassant mes vêtements avec une efficacité militaire, attrapant d'abord mon pantalon pour l'enfiler en quelques gestes fluides. Puis, je passais ma brassière de cuir, m'assurant qu'elle était bien ajustée et mes bottes robustes que je laçais fermement. Ensuite, je revêtis ma veste, vérifiant que tout était en ordre, puis je terminai par enfiler mon lourd manteau de cuir, enveloppant mon corps dans sa protection familière. En quelques instants, je fus prête, ma dague rangée, mon apparence redevenue celle de la guerrière que j'étais. Sans un mot de plus, je suivis les hommes de main de mon maître, quittant la chambre en rabattant la capuche de mon manteau sur ma tête et laissant derrière moi Vannozza et Nicolò, et avec eux, les souvenirs d’une nuit étrange.

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Nous descendîmes les escaliers de la taverne, traversant la salle encore plongée dans une semi-obscurité ou les quelques fêtards rescapés s'accrochaient aux derniers instants de la nuit. Les deux hommes marchaient devant moi, leur démarche sûre et déterminée contrastant avec mon pas mal assuré. En sortant dans l'air frais du matin, je pris une profonde inspiration, cherchant à me reconnecter avec la réalité. Les rues de Remas étaient calmes à cette heure, le soleil commençant à peine à éclairer les toits des maisons et les commerçants n'avaient pas encore terminé d’installer leurs étales. Alors que notre petit groupe progressait d’un pas rapide dans les rues désertes, je me demandais ce qui pouvait pousser le Triumvir Marco Telli à me faire quérir aussi tôt et avec tant d’empressement. Une chose était sûre, il ne faisait jamais rien par hasard et s’il était pressé, ce n’était certainement pas bon signe pour quelqu’un, après tout, il me faisait rarement demander pour mon avis sur le cours du cuivre en Arabie.
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les sbires de Marco Telli venus arracher Nola a sa couche et à sa passagère compagnie ne passaient pas pour des armoires à glace — pour tout dire, ils faisaient sacrément tâche dans ce rade appartenant à des hommes d’honneur : l’un était un petit homme ventripotent, habillé d’une jolie chemise de soie froissée et trop grande, comme s’il essayait de camoufler le fait qu’il était gros en prenant des vêtements plus épais, ce qui ne fonctionnait pas du tout. L’autre était un être longiligne, un bon quinquagénaire ridé, émacié, aux joues très creuses et au crâne aux trois quarts dégarnis, la faute à une calvitie contre laquelle il luttait ardemment en peignant son caillou dans tous les sens.

Elle aurait pu facilement lutter contre eux physiquement. Elle les connaissait rapidement, même si elle n’était plus trop certaine de leurs noms, de jolis patronymes de Tiléens bien aisés, parce que plus on est riche, plus on peut s’offrir des syllabes apparemment — Le grassouillet se nommait Massimo, le dadet chauve Francesco ou Francescopo, un truc du genre.
Peu imposants au niveau de la force, ils n’étaient pourtant pas à sous-estimer. Les deux, elle le savait, étaient des tisserands de la Calimala, une très, très puissante guilde dans la ville, officiellement chargée de la production et du commerce du drap, même si en fait, ils étaient surtout puissants parce qu’ils détenaient la via Calimala, une immense grande avenue coupant à travers le tiers de Remas, où étaient situés toutes les grandes épiceries, les joailliers, et les restaurants à la mode. La Calimala constituait une organisation richissime, et turbulente, dont Marco Telli se trouvait être l’un de leurs maestros.
Même si ces deux gars n’étaient pas du tout des costauds, ils représentaient une organisation qui avait de lourds moyens financiers et politiques, et il fallait apprendre à respecter ces nigauds bien-nés et bien éduqués, ne serait-ce que pour donner le change. Après tout, c’était leur argent qui payait l’actuel confort dont elle profitait relativement, quand son emploi le permettait, depuis une année maintenant…

Le rez-de-chaussée était bien plus calme à cette heure qu’à la tombée de la nuit. Quelques domestiques passaient le balai et nettoyaient les tables, tandis que dans le couloir d’entrée, de nouveaux gardes avaient remplacé ceux de la nuit — toujours autant de gaillards tatoués et aux gueules couturées, par contre. Les deux envoyés de la Calimala les saluèrent poliment par des petites révérences, et on leur remit leurs chapeaux, leurs manteaux, et surtout leurs longues dagues qu’ils avaient laissées à l’entrée, par respect envers les propriétaires. Et ainsi ils repartirent sur le pavé encore glissant de l’averse d’hier.




Le léger soleil de ce mois hivernal était absolument abominable — ses lueurs empiraient le début de migraine de l’Amazone, qui sentait de la gerbe remonter dans son œsophage à chacun de ses pas. Il faisait froid, elle sentait la sueur (Et pas que la sienne…) et l’alcool. De temps à autre, ses deux cavaliers la regardaient par-dessus leurs épaules avec de sales mines, fronçant des sourcils et retroussant des lèvres. Et alors qu’ils s’enfonçaient dans les ruelles de la ville d’un pas déterminé, les deux discutaient ensemble comme si elle n’était pas là.

« Toujours aussi dégueulasse ce quartier… À se demander si ça dérange pas les locaux de vivre comme ça.
– Remercie Shallya qu’on soit en hiver, autrement il y aurait des rats partout.
– Ah ? Moi je vois que ça autour de moi, des rats. »


La blague les firent rire tous les deux, des gloussements qui sonnaient même dans leurs narines, alors qu’ils passaient devant une de ces insula remplies de pauvres. Quelle heure était-il ? Beaucoup trop tôt, mai déjà Remas était totalement réveillée : partout, on entendait du chahut, on esquivait les charrettes à main, on rencontrait des matelots ou des ouvrières qui partaient de chez eux pour aller au travail, faire les courses, ou accompagner les enfants à l’école.

Leur court périple s’arrêta d’ailleurs sur une des avenues de Remas, après avoir descendu un grand escalier — toute cette foutue ville était faite d’escaliers, de passages qui allaient dans tous les sens, de traboules et d’immeubles à travers lesquels on pouvait couper, d’ailleurs, la cité avait quelque chose de labyrinthique. Garée sur le trottoir se trouvait une voiture, un beau carrosse fermé tout en gros bois et cerclé de fer, tracté par deux gros chevaux bien impressionnants, surtout quand on venait d’un continent où il n’y avait pas de chevaux.
Devant la voiture, un grand homme, fin mais à l’allure solide, élégamment vêtu d’un doublet de velours doré à collerette, était en train de faire les cent pas.
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Celui-ci, Nola le connaissait très bien. Alvise Loredan — c’était lui qui l’avait achetée. Évidemment, il ne le présentait jamais comme ça, tout poli, maniéré, et rempli d’euphémismes qu’il était, mais il n’y avait pas d’autres manières de présenter les choses : c’était lui qui l’avait arrachée à un négrier qui avait promis l’Amazone aux pires sévices, pas en la sauvant comme un preux chevalier servant, mais simplement en lâchant une bourse remplie de pièces d’un argent éclatant. Toujours d’un sourire brillant (Surtout parce qu’il avait deux dents en or…) et d’un naturel jovial et sympathique, il était pourtant bien le maître de Nola de bien des manières. C’était ce type qui gérait son agenda, ses apparitions publiques, qui essayait de toujours la faire se montrer en public, parce qu’apparemment la popularité locale des gladiateurs avait sa grande importance pour les Remassiens.
Difficile de véritablement définir sa fonction, hormis agacer la combattante. Il semblait être le factotum de Marco Telli, son bon larbin à tout faire, surtout à remplir des fonctions trop domestiques pour qu’un des hommes les plus puissants de Tilée se salisse à les remplir.

Toujours est-il, signore Loredan s’arrêta de tourner en rond en voyant arriver une Nola pâle et en pleine gueule de bois avec ses deux compères. Tapant dans ses mains, et souriant d’une oreille à l’autre, il fit un petit rire et parla bien trop fort pour que ce soit agréable, quand on avait les oreilles qui sifflent à cause de la musique d’hier :

« Ah ! La voilà ! Notre championne ! Je vois que vous avez passé une bonne soirée ! Ah, ce beau visage qui respire la santé, c’est bien que vous avez passé une très bonne soirée ! »

Derrière ses blagues qui ne faisaient rire que lui et sa fausse sympathie, on pouvait sentir de gros reproches. Et le voilà qui tapota avec condescendance l’épaule de Nola, tandis que Massimo ouvrit la portière de la voiture.

« Il va falloir qu’on vous rende un peu plus présentable avant de vous présenter devant son excellence.
– Pardonnez-moi, maître Loredan, gronda Massimo, son excellence souhaite la voir rapidement.
– On est encore dans les horaires, et puis c’est mieux pour tout le monde si on l’arrange un peu… On va passer au manoir avant d’aller au palais, ça nous prendra pas longtemps. »

C’était typiquement ce genre de choses que faisait Loredan, tout le temps. Et sans même demander à Nola son avis de si elle avait envie de prendre une douche, ou manger quelque chose, ou qu’elle préférait juste se présenter à Telli pour ensuite pouvoir profiter de sa journée tranquillement, le voilà qui s’installait sur la banquette de la voiture, en tendant sa main pour aider Nola à monter derrière.

« Venez donc, championne. J’ai des sujets à aborder avec vous durant le trajet. »
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

Je montais dans la voiture avec une mauvaise volonté flagrante, m'affalant sur le siège, les pieds contre le rebord de la fenêtre. J'ignorais ostensiblement mes trois compagnons, préférant me perdre dans mes pensées plutôt que de prêter attention à leurs banalités. Alvise Loredan, toujours aussi souriant malgré mon attitude peu conciliante, s'installa à mes côtés, ignorant apparemment mon mécontentement.
« Championne, je pense qu'il est temps que nous ayons une petite conversation, n'est-ce pas ? » déclara-t-il d'un ton faussement enjoué, comme s'il n'avait pas remarqué mon manque d'enthousiasme. Je lui lançai un regard froid mais ne dis rien. Loredan était de ceux qui aimaient s'entendre parler et mes réponses ne feraient que nourrir son égo déjà surdimensionné. La voiture se mit en mouvement, traversant les rues pavées de Remas. Les regards indiscrets des passants se posaient sur nous, et je sentais le poids de ma situation, exhibée comme une bête de foire par cet homme à la dentition dorée. Les ruelles défilaient, le véhicule progressant vers le manoir Telli, sur la via Calimala où Loredan avait décidé de me rendre "présentable" avant mon audience avec le maître.

Je n'étais pas dupe. Ce n'était pas pour mon bien-être qu'il agissait ainsi, mais plutôt pour maintenir les apparences, pour que le maestro Marco Telli puisse exhiber sa championne sous son meilleur jour. Loredan, quant à lui, se complaisait dans son rôle de marionnettiste, tirant les ficelles de ma vie avec un plaisir apparent. Le trajet était silencieux, à l'exception des murmures de Loredan qui tentait de m'engager dans une conversation futile. Je répondais par des monosyllabes, ne lui accordant pas l'attention qu'il espérait. Mes pensées étaient ailleurs, naviguant entre la colère qui bouillonnait en moi et la lassitude qui s'installait. Arrivée devant le manoir, la voiture s'immobilisa. Loredan descendit en premier, puis tendit la main pour m'aider à sortir. Ignorant sa proposition, je me levais avec raideur et descendis, déployant mes muscles endoloris de la veille.
Je pénétrais dans le manoir que je connaissais bien, franchissant les lourdes portes en bois sculpté. Dès l'entrée, l'atmosphère changea radicalement. De l'extérieur, c'était un simple immeuble, un hôtel particulier un peu chic coincé en pleine rue, mais à l'intérieur, la grandeur se dévoilait. Les murs étaient ornés de tableaux de maîtres, témoins du goût raffiné de Marco Telli pour les arts. Des œuvres dépassant de loin ma compréhension en matière d'esthétique, mais qui conféraient au lieu une aura de richesse et de sophistication. Des cadeaux ramenés de l'étranger ornaient les étagères, attestant des relations étendues et des alliances tissées au fil des ans par la maison Telli. Les couloirs étaient éclairés par des lustres opulents, jetant une lueur dorée sur les tapis épais qui recouvraient le sol. Les pièces, aux portes entrouvertes, laissaient entrevoir des meubles élégants et des tissus somptueux. Le manoir semblait respirer une histoire ancienne, empreinte de secrets bien gardés. Au détour d'un couloir, j'entendis le doux murmure d'une fontaine trônant au centre d’un jardin insoupçonné au cœur du manoir. Un espace intérieur aménagé avec goût et subtilité et dont les plantes exotiques, les bancs en pierre blanche et le bassin central apportaient une fraîcheur bienvenue lors des chauds étés tiléens.

Épuisée par ma nuit agitée et par les exigences de la journée qui s'annonçait, je me dirigeais vers l'escalier majestueux qui menait aux étages supérieurs de la bâtisse. Mes pas résonnaient dans le silence feutré du lieu, contrastant avec la cacophonie de la rue que j'avais laissée derrière moi. Loredan, toujours accroché à mes talons comme une ombre persistante, continuait de babiller, ignorant délibérément mon état de fatigue manifeste. Ses paroles résonnaient dans mes oreilles comme un murmure lointain, une nuisance que je n'avais ni l'énergie ni l'envie de repousser. Arrivée à l'étage, je traversais un couloir somptueusement décoré pour rejoindre ma chambre. Les tapis épais amortissant le bruit de mes pas.
Loredan, sans aucune gêne, franchit le seuil de ma chambre derrière moi, poursuivant son flot ininterrompu de paroles. Ses suggestions sur la tenue que je devrais porter et les manières dont je devrais faire preuve lorsque je serai en présence du maître continuaient d’augmenter ma migraine.
« Hmmm… Nola, il serait peut-être judicieux de choisir quelque chose de plus élégant, ne pensez-vous pas ? Marco Telli apprécie la prestance, vous savez » marmonna-t-il avec un sourire condescendant. Je retins un soupir exaspéré et acquiesçais d'un hochement de tête résigné. Les rituels de la politesse m'épuisaient, mais je n'avais guère le choix. Je pris conscience du fait que ma prestation en tant que championne n'était qu'une facette de ma vie, et que dans cet univers de manigances et d'intrigues, la complaisance envers les caprices des puissants était parfois le prix à payer. Alors, je m'enfermais dans la salle de bains, laissant derrière moi les conseils de Loredan. Dans le miroir, mon propre reflet me renvoya la fatigue et la résignation.
La pièce était un sanctuaire de calme, éclairée par une lumière douce provenant de chandelles délicatement disposées autour de la baignoire en marbre. Les vapeurs chaudes flottaient dans l'air, créant une atmosphère paisible. D'une main lasse, je tirais le drap épais qui recouvrait la baignoire, révélant l'eau claire qui attendait. Les bougies vacillèrent légèrement, créant des ombres dansantes sur les murs. Je me dévêtis lentement, laissant mes vêtements de combattante tomber au sol. La fatigue se mêlait à la tension musculaire, et mes mouvements étaient plus lents que d'habitude. Mes pieds me portèrent jusqu'à l'eau, la chaleur caressant ma peau fatiguée.

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Lorsque je m'immergeais dans la baignoire, un soupir involontaire de soulagement s'échappa de mes lèvres. L'eau chaude enveloppa chaque centimètre de mon corps endolori, libérant les tensions accumulées lors de l'entraînement de la veille. Mes muscles se relâchèrent, mes épaules s'affaissèrent, et je me laissais aller, bercée par le doux murmure de l'eau. La lueur des chandelles dansaient sur la surface de l'eau, créant des reflets étincelants. Mes yeux se fermèrent, cherchant un répit dans cet instant de tranquillité. L'eau, parfumée d'huiles apaisantes, enveloppait mes sens, m'invitant à l'oubli momentané. Je plongeai ma tête sous l'eau, laissant le liquide laver la sueur et la poussière. Mes doigts parcoururent ma chevelure sombre, démêlant les nœuds accumulés au fil des combats. Les gouttelettes d'eau glissèrent le long de ma peau, emportant avec elles les traces de la nuit passée.
Alors que je m'abandonnais totalement à ce moment de détente, une intrusion soudaine brisa l'intimité de ma solitude. Loredan pénétra dans la pièce avec l'empressement d'un courtisan dépourvu de toute notion de respect pour la vie privée. Fulminant intérieurement, je me levais à demi de l'eau, laissant les gouttes ruisseler le long de ma poitrine. Mon regard froid rencontra celui de Loredan, insensible aux protestations silencieuses de mes prunelles irritées. Il continua à s’agiter en lançant quelques mots pressants, sa voix s'élevant comme un bourdonnement inutile. Mes doigts se crispèrent sur le rebord de la baignoire, résistant à l'envie de me jeter sur lui pour l’étrangler.
Je m'enveloppais de ma fierté, et malgré ma contrariété, je finis par sortir du bain pour me dirigeais vers le grand miroir dans un angle de la pièce miroir. Nue, sublime, je me contemplais sans ciller. Les lignes martiales de mon corps, sculptées par des années d'entraînement, étaient accentuées par les ombres dansantes des bougies. Ma chevelure sombre et humide encadrait mon visage au regard farouche. Les muscles, tendus et prêts à l'action, semblaient être en harmonie avec la force intérieure qui m'animait et mes tatouages semblaient presque discrets sur ma peau tannée par le soleil des arènes.

Loredan, semblant ignorer le caractère sacré de cet instant, me tendit une serviette moelleuse et chaude. Son regard glissa sur moi avec un mélange de fascination, de convoitise et de condescendance. Je m'enveloppais dans le tissu, le fixant d’un regard froid et détaché avec mon seul œil valide.
« Prête à affronter Marco Telli ? » lança-t-il avec une fausse jovialité, ignorant totalement que je pouvais à tout moment décider de lui tordre le cou pour le faire enfin taire. Je réprimais un sourire amer, me contentant de hocher la tête.
Je commençai à m'habiller sous l'œil critique de mon chapron, dont le regard scrutateur semblait peser chaque choix que je faisais. Lorsque je glissai mes jambes dans le pantalon sombre et moulant, un incident inattendu vint rompre l'efficacité de ma routine. Mon pied se coinça dans les plis du tissu, me forçant à sautiller sur une jambe pour garder l'équilibre faisant danser ma poitrine ferme, percée de deux petits clous dorés, au rythme de mes sautillements involontaires. Un léger soupir m'échappa alors que Loredan observait le spectacle avec un amusement mal dissimulé. La suite fut plus fluide, je revêtis une tenue de qualité, sobre au regard des standards que Marco Telli aurait pu m'offrir. Pragmatique, je privilégiais la praticité à l'ostentatoire. Des bottes neuves et fraîchement vernies, une chemise claire au large décolleté et par-dessus, un pourpoint de cuir renforcé, alliant protection et flexibilité. Mes cheveux, habituellement libres et sauvages, étaient cette fois coiffés en nattes serrées, tirées en arrière pour dégager mon visage, ce qui laissait voir la panoplie de petites chaînes d’argent que je portais aux oreilles. Enfin, j’enfilais mon habituel pagne rouge délavé, devenu ma signature ici à Remas.

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Je m'approchais ensuite de l'endroit où étaient soigneusement disposées mes armes. Je saisis mes deux sabres et les passais dans leurs fourreaux croisés dans mon dos, les ajustant avec une familiarité maîtrisée. Un petit couteau de lancer se logea dans ma botte, à portée de main mais hors de vue. D'autres lames se glissèrent dans diverses attaches de ma ceinture et de mon pourpoint de cuir. Mes yeux rencontrèrent une dernière fois mon reflet déterminé dans le miroir, avant de quitter la chambre en direction du palais des seigneurs, lieu de pouvoir des trois triumvirs, prête à affronter Marco Telli et les épreuves qui m'attendaient dans l'ombre de son influence.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 14:05, modifié 2 fois.
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Étrange personnage que signore Loredan. Froid derrière les sourires, acerbe dans les plaisanteries, il semblait perpétuellement observer tout ce sur quoi il posait ses yeux avec une lueur reptilienne. Il ressemblait à peine à un être humain, alors qu’il en avait les attributs — grand, élégant, il était même bel homme à regarder, même si l’âge avait blanchi sa barbe, il semblait encore respirer la jeunesse et la vivacité, rien à voir avec les deux autres zigotos de la Calimala qui avaient la calvitie pour l’un et la surcharge pondérale pour l’autre : certainement que Loredan devait passer de longs moments à prendre soin de lui et de son apparence, mais pas parce qu’il aimait plaire ou se plaire. Quelque chose de… Bizarrement gênant émanait de lui. On aurait dit que ce n’était qu’un masque, et que derrière se trouvait un immense loup absolument affamé.
Que foutait-il dans les Principautés Frontalières, à négocier avec d’ignobles négriers, en premier lieu ? Elle se souvenait la première fois qu’elle l’avait vu — tout aussi bien habillé, tout aussi bon causeur, un plaisantin qui taillait le bout de gras avec des truands des terres désolées. Sauf qu’à ce moment, il n’était pas escorté par deux bons pères de famille d’âge mûr : il était arrivé avec dans sa suite des mercenaires avec arquebuses et plastrons de métal. Les affaires de cet homme devaient être loin de simplement être celles négociées sur des places de marché et pour lesquels on faisait paperasses et contrats officiels.

Le trajet du manoir Telli jusqu’à l’hôtel de ville était parti pour être à nouveau tout aussi silencieux. Les quatre dans la voiture n’entendaient que le roulis des essieux, les éclatements de graviers du pavé sous les roues, et puis le tumulte un peu abasourdi de la ville tout autour d’eux — le brouhaha des rues, les bruits de sabots de chevaux, les chants de saltimbanques, les sermons d’un prêtre de Mórr. C’était un miracle d’ailleurs que la voiture roulait à une allure aussi régulière alors qu’hier Nola avait du mal à circuler dans les ruelles à pied, probablement que l’héraldique de la Calimala flanqué sur les portières donnait envie aux honnêtes gens de s’écarter.
Pourtant, n’aimant peut-être pas la gêne de cet instant, Loredan décida d’y mettre fin en se tournant vers un de ses compagnons, et de but en blanc, il lui sortit d’un petit ton gentil comme il savait faire :

« Vos affaires vont mieux, depuis ? »

Massimo, le petit monsieur gras, sursauta et décolla sa tête de son poing sur lequel il la reposait. Il cligna des sourcils, étonné de la question, peut-être étonné de la politesse tout court, mais il s’éclaircit la gorge et répondit d’un ton un peu incertain.

« Mes affaires… Ma foi. La fin d’année c’est toujours ambivalent pour les affaires. Ça achète mais il y a de la grosse pression au chiffre. Je crains qu’on va terminer l’exercice en déficit. Ça va pas plaire au patron…
– Aïe. Y a un problème en particulier ?
– En particulier… ? Mpf. Non. Non pas vraiment — enfin, la conjoncture est bonne pour personne, vous demandez à n’importe qui en Remas il vous dira que c’est la faute à la crise. Mais bon on commence à voir la sortie du tunnel, et puis, avec le Mondstille des Impériaux on s’attend à vendre beaucoup à Nuln.
C’est structurel, surtout. Ça devient de plus en plus dur de vendre avec la concurrence de Marienburg. Et puis bientôt y aura la Bretonnie et le Kislev qui auront grignoté nos parts de marché — ça émerge énormément ces deux marchés-là, et c’est dur d’y investir tant leurs aristocrates sont de mauvaise foi. En clair, ouais, sur le court terme ça va s’améliorer, sur le long terme c’est pas bon du tout. »


À nouveau, silence gênant. Loredan souriait toujours comme un idiot. Massimo comprit qu’il devait retourner la politesse, et qu’en fait le but de la question de cet enculé n’était que de se faire mousser en retour.

« …Et vos affaires, à vous ?
– Oooh, mes affaires, ça va gentiment pour l’instant… Mais je prévois un énorme arrivage cet hiver. Ça ira se faire liquider auprès des Arabéens, je m’attends à un gros pactole. Mais évidemment, toute la Calimala profitera des fruits de mon labeur.
– Vous allez faire comment si les Estaliens libèrent enfin totalement leur pays ? Grogna Francescopo, le chauve en face.
– C’est quand la dernière fois que les Estaliens ont libéré quelque chose ? Moi je prévois au contraire une installation sur le très long terme. J’espère toujours convaincre vous deux de me rejoindre, si vous participez maintenant vous aurez votre part de la tarte.
– Quand je voudrai vendre mon âme, je trouverai meilleur diable que vous, signore Loredan », siffla Massimo tout bas.

Et là, Loredan fit un truc bizarre : il regarda Nola tout droit, et lui fit un clin d’œil, comme si elle était dans le secret de quelque chose, alors que pas du tout.

Étrange personnage que signore Loredan.



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La Piazza della Repubblica de Remas était liée à l’artère de la Calimala par une grande avenue montante, bien au centre de la ville, plutôt sur son versant occidental, au « creux » d’une Remas étendue sur les montagnes et face à la mer. Le professeur Arese avait expliqué à Nola que dans les temps antiques, les hommes riches vivaient sur la montagne, la « ville » proprement dite, tandis que les paysans occupaient le plat-pays tout autour. Lorsque les comices centuriates, les assemblées de Remas, devaient se réunir, il était logique que les deux classes sociales se rencontrent à mi-chemin, et ce joli « creux » était tout trouvé : au carrefour entre la terre et la mer, entre riches et pauvres, entre ruraux et urbains, c’était l’endroit parfait pour discuter en terrain neutre.

Aujourd’hui, la Piazza était un magnifique coin, toujours propre, toujours merveilleux, où s’étalaient des grands immeubles, des bureaux, des fontaines, d’innombrables statues, et puis, surtout, l’immense Haut-Temple de Myrmidia, tout étalé en long comme une caserne militaire — ce Haut-Temple était accolé à l’objectif de leur venue, le Palazzo dei Signori.

Le siège politique de Remas n’était pas très joli à regarder. C’était une sorte de gros cube géant avec de la grosse pierre de taille enchâssées, lui donnant un relief de bossages, si bien que ça ressemblait à un fort de défense ou bien à une prison — le côté « civil » venait du fait qu’il y avait un beffroi tout fin un peu ridiculement posé dessus, avec une cloche et une grande horloge, et tout tout en haut, le symbole de Remas, un grand soleil qui faisait une tête un peu en colère, fondu en or au bout d’une pique.

Le lieu paressait pittoresque. Mais c’était là que les trois triumvirs, les dirigeants désignés par le tirage au sort, régnaient sur la cité. C’était aussi là que se tenaient tous les grands services de l’administration de Remas, des fois que Nola avait envie d’obtenir un permis de construire ou un certificat de mariage, sait-on jamais.

La voiture s’arrêta pile devant une petite porte sur le côté du bastion, privilège d’être riche et de pouvoir couper par la foule ; les quatre descendirent un à un, avant de s’arrêter devant deux solides gardes en magnifiques armures dorées.
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La Garde Républicaine de Remas. Là encore, les cours d’Arese restaient dans la tête de Nola — Remas avait à son service beaucoup de chefs mercenaires, des condotierre des familles nobles, qui avaient l’interdiction de rentrer en ville en armes, afin d’éviter un putsch militaire. Mais pour assurer la sauvegarde de la République, la Garde Républicaine avait été mise sur pied. C’était un gros régiment militaire d’élite, faits d’engagés volontaires tous très entraînés et lourdement équipés avec leurs armures de plates tout en or. Au départ, la Garde était une simple formation de mercenaires, qui arracha la tête du tyran Omilio Mondo lors de la dernière révolution — depuis, un siècle après, l’unité existait toujours, fidèle socle du régime.

Ils n’étaient pas très drôles, les Gardes Républicains. C’est toujours avec une gueule sévère qu’ils faisaient des signes de s’arrêter, d’attendre, puis de passer. Ils ne commettaient pas l’ignominie de demander à fouiller corporellement des agents des triumvirs, mais ils en avaient tout à fait le droit s’ils voulaient être chiants. Mais enfin, le groupe passa cette fois sans encombre.




Ils se retrouvaient dans les couloirs de l’hôtel de ville. Malgré le bain, Nola était encore bien ensuquée, et le manque de sommeil (Et probablement le vin…) de la veille commença à la faire un peu tanguer. Mais enfin, après avoir grimpé par moins de cinq grands escaliers pour arriver au bon étage, ils se retrouvaient au milieu de pièces plus feutrées et plus jolies. Là, un huissier, qui les avaient guidés jusqu’ici, leur désigna une petite salle de repos, et leur indiqua qu’ils pouvaient attendre ici.

C’était une jolie pièce, bien illuminée, chauffée par des bûches dans un grand âtre. Les fenêtres donnaient sur le joli quartier huppé de Remas, il y avait aux murs de grands tableaux représentant des scènes de guerres du passé de Remas. Sur une table, on avait disposé des massepains et des boissons chaudes, ce qui n’allait pas être très salvateur quand on avait une gerbe absolue. Mais il y avait de grands canapés et des fauteuils fourrés, aussi, l’Amazone eut le luxe de pouvoir s’affaler.

Les deux de la Calimala étaient très sérieux. Profitant de cet instant de repos, ils se mirent à déballer des affaires : de petites sacoches à main, ils sortaient des feuilles, des brouillons, des pages de vélins où on avait dessiné des courbes et des camemberts colorés. Ça avait l’air bien compliqué. Loredan, lui, se plaça juste à côté de Nola, et il sortit un petit calepin. On entendait dans les oreilles les bruits de conversations basses et le frottement de plumes sur des papiers — plein de gens semblaient travailler tranquillement à cet étage.

« Ah. Enfin tranquilles. »

Il n’y avait bien que Loredan pour penser ça. Ça faisait peut-être deux heures qu’il n’avait pas du tout laissé Nola, tranquille, jusqu’à bien profiter de son bain pour l’emmerder — encore que, bizarrement, il ne l’avait pas reluquée.
Ou plutôt, dix fois plus inquiétant, il n’avait pas reluqué ce qu’un homme normal reluquait normalement devant une femme nue…

Mais avec un grand sourire, il commença à comploter à voix basse.

« J’ai beaucoup discuté avec ton mentor. Selon lui, tes chiffres sont très encourageants. La compétition va être très féroce, ce seront de grandes munera qui vont rassembler la ville entière.
Tu es une bonne combattante, cela ne fait aucun doute, mais tu ne t’es pas encore battue devant autant de spectateurs. On parle de milliers de personnes là. J’ai comme projet de faire de toi une révélation importante. Tu vas me rendre riche, et je compte bien te rendre sacrément riche avec moi. »


Son sourire s’agrandissait tant qu’on en voyait ses dents. Très blanches. Très alignées. Il avait l’air particulièrement carnassier en cet instant, comme un alligator de Lustrie. Si une des chamanes de la tribu de sa tribu était ici, il n’y avait aucun doute qu’elle chuchoterait à Nola de prendre gare, car celui-là n’était pas un homme.
Il lui avait sauvé sa vie. Il l’avait tirée d’une des plus horribles situations possibles. Et jusqu’ici, il n’avait rien demandé en échange. Quand est-ce qu’il allait réclamer rétribution ?

« Avec tes capacités, il espère bien que tu atteignes le quart de final. Vous serez Trente-deux, si tu parviens à finir dans les huit restants, ta paye va être incroyable, mais bon, dans tous les cas, je te rincerais bien — même juste atteindre les huitièmes serait déjà joli pour une toute première fois.
Mais tout ça ne va pas se jouer que dans l’arène. Il va falloir te faire découvrir à tout Remas. On parle déjà de toi dans les cercles des spécialistes, il y a des rumeurs sur le poulain de Marco Telli… Moi je compte bien qu’on parle de toi dans la ville.
J’ose espérer que tu es apte à encaisser la pression. »
Jet de connaissances générales : 3 et 5, réussite
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

Si la migraine qui me martelait les tempes consciencieusement depuis le matin n’avait pas été si douloureuse, j’aurais sûrement adressé à Loredan une réponse acerbe. Cependant, je me contentais d’une moue dédaigneuse tout en m'enfonçant davantage dans le fauteuil confortable où j’avais pris place.
Encaisser la pression ? Il en avait de bonnes. Je n’étais même pas encore sortie de l’adolescence que les anciennes de ma tribu m'avaient fait affronter dans un duel à mort un qharis captif pour célébrer le Mondstille et prouver ma valeur à mes sœurs plus âgées. Après ça, ma vie déjà rude n’avait plus été qu’un enchaînement de péripéties, d’aventures et de combats. Les escarmouches le long du fleuve Amaxon contre les envahisseurs avides d’or et de trésors, ma capture et mon transport dans la cale humide et puante d’un navire, ma libération par le capitaine Syrasse et ma découverte du vieux monde à bord de l’Aslevial, parmi les frères de la côte. Les pillages et les abordages, la vie de pirates et ses dangers. Puis la traversée des frontalières avec Kidd, mon arrivée à Myrmidens, mon combat à mains nues dans les fosses de la cité souterraine contre Tatch le Meunier, mon attaque contre le palais de la bourse et ma… mort ? J’avais à peine vu 25 étés et pourtant je connaissais mieux la grande faucheuse que certains vétérans ayant fait toute leur carrière dans l’armée.

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Mon œil gauche, aveugle et d’un blanc laiteux, que traversait une fine balafre, les cicatrices en bas de mon ventre, sur mes côtes et sur ma tempe ainsi que les trois petits points blancs laissés par des carreaux d’arbalètes sur ma peau était tout autant de témoignages silencieux de ma vie de guerrière. Alors, encaisser la pression ? Loredan ne savait pas à qui il parlait. Je n'étais pas une combattante ordinaire, j'étais une survivante. Avec ses manières polies et son sourire de prédateur, il ne pouvait pas comprendre ce que cela signifiait d'avoir grandi au travers de telles épreuves. Sa pression, ses défis, n'étaient que des grains de sable comparé aux tempêtes que j'avais déjà traversées. Face à Loredan, dont le sourire semblait teinté d'une ignorance presque provocatrice, je me sentais envahie d'une froideur calculatrice. Les réminiscences de ces épreuves forgeaient en moi une détermination silencieuse, une armure contre ses manœuvres de séduction et ses promesses de grandeur. Sa perception de la pression était académique, presque enfantine, comparée aux abysses de désespoir et aux sommets de douleurs que j'avais connus.

« Vous parlez de pression comme d'un concept, Signore Loredan. Pour moi, c'est un sentiment de chaque instant, un compagnon que j'ai appris à respecter, mais jamais à craindre. » dis-je d’une voix aussi froide que l’acier « la mort n'est pas une fin pour moi, c'est une vieille amie. Nous avons dansé ensemble plus souvent que je ne saurais compter. Alors, quand vous me parlez de devenir riche, de renommée... comprenez que ces choses pèsent peu lorsqu’on doit lutter pour survivre un jour de plus. »
Je me redressais lentement, avec l’assurance que seuls ceux qui ont côtoyé la mort de près possédaient « Je participerai à vos jeux, je combattrai dans votre arène et je remporterai la victoire finale. Mais sachez ceci : je ne le fais pas pour la gloire, ni pour l'or. Je le fais parce que c'est là que réside ma vérité, dans le combat. »
Loredan, un brin de défi dans le regard, ne se laissait pas si facilement démonter « et quand tu t’abreuves de vin, t’abaissant à des consommations que d'aucuns trouveraient peu avouables, comme la nuit dernière, penses-tu vraiment donner l'impression d'encaisser la pression ? » Sa question, teintée d'un sarcasme mordant, semblait chercher à ébranler ma résolution. Un rire sec m'échappa, un son rauque plus proche du mépris que de l'amusement « Signore Loredan » repris-je, mon sourire chargé de dédain « si votre conception d'une championne est si étroite qu'elle ne peut tolérer les plaisirs fugaces que nous arrachons à la nuit, alors peut-être devriez-vous effectivement vous mettre en quête d'une autre. » Ma voix, ferme et assurée, ne laissait aucune place au doute « la vie m'a appris qu'il faut savourer chaque goutte de douceur dans un monde si prompt à offrir l'amertume. Et si cela vous déplaît, alors, c'est que nous n'avons rien de plus à nous dire. »
Je le fixais, mon œil unique soutenant la froideur de son regard reptilien « ma force ne réside pas dans une abstinence stoïque ou une vertu affichée, mais dans ma capacité à embrasser toutes les facettes de l'existence, à trouver ma voie malgré les épreuves, à rire face à l'adversité et finalement, à duper la mort. »

Massimo et Francescopo, jusqu'alors silencieux spectateurs de notre joute verbale, ne pouvaient cacher leur intérêt pour l'échange qui se déroulait sous leurs yeux. Leur attention, d'abord discrète, était désormais palpable. « Si vous doutez tant de ma capacité à tenir sous la pression, je vous invite à interroger le maître du ludus où je m'échine du matin au soir. Mieux encore, venez me défier sur le sable de l'arène. Là, vous pourrez juger par vous-même de mes compétences, voir si je suis à la hauteur de vos attentes pour le grand jour. »
Ma proposition n'était pas une bravade mais bel et bien un défi ouvert, une invitation à briser les barrières de la supposition et à affronter la réalité brute du terrain « je ne me cache pas derrière des mots, Loredan. Mes actes parlent pour moi. Sur le sable, face à un adversaire, il n'y a ni mensonge ni artifice qui tienne. Seule compte la vérité du combat. »

Cet échange n'était pas une simple querelle ou une rivalité naissante. C'était une occasion pour moi de m’affirmer face à Loredan, une déclaration d'indépendance face aux attentes et aux jugements de la famille Telli. Peu importait le résultat, je savais que ma proposition avait changé la dynamique entre eux et moi. Désormais, ils savaient que je n'étais pas un pion sur leur échiquier, mais une joueuse à part entière, capable de défier les règles.
Alors que les mots finissaient de résonner entre les quatre murs de la pièce luxueuse, un silence pesant s'installa, chargé de l'électricité de notre confrontation. Je m'adossais contre un mur, bras croisés, le regard encore ancré dans celui de Loredan. Mes émotions bouillonnantes sous la surface d'un calme apparemment retrouvé. La pièce, auparavant un havre de confort et de luxe, s'était transformée en arène d'un autre genre, les riches tapisseries et les meubles somptueux devenant les témoins silencieux de notre affrontement verbal et les lumières douces, filtrant à travers les rideaux épais, jetant des ombres dramatiques sur les visages. Massimo et Francescopo, mal à l'aise dans leurs fauteuils, échangeaient des regards incertains, comme s'ils assistaient à une pièce de théâtre dont ils ne connaissaient pas le dénouement. Leurs postures trahissaient un mélange de curiosité et d'inconfort. Quant à Loredan, il restait immobile, son masque de confiance toujours accroché à son visage malgré l’audace de ma proposition. Pire encore, il semblait apprécier l’instant et une lueur malicieuse dansait dans ses yeux, achevant de m’énerver.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 14:06, modifié 2 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
Profil: FOR 11 / END 8 / HAB 9 / CHAR 8 / INT 9 / INI 8 / ATT 11 / PAR 11 / TIR 9 / FOI 0 / NA 1 / PV 65
Mon histoire : ici
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