Tout d'abord il y avait eu ce coup de feu en fin d'après-midi, qui avait raisonné dans le domaine familial, et l'horrible image de son père gisant dans son sang, une balle logée dans la gorge, poussant un dernier râle d'agonie à l'attention de son fils. Il y avait aussi ce pistolet, semblant être tombé de nulle part et encore fumant. Le ramassant et se ruant à l'extérieur, il n'eut le temps que de voir une ombre tourner au coin de la rue. Observant l'arme de plus près, il pu y voir une inscription ... "el Verdugo", sûrement le nom de ce mécréant de voleur et d'assassin qui venait de filer !
Mais déjà la femme du voisin avait-elle ouvert ses volets, dérangée par la détonation, et sonnait l'alerte de ses cris stridents. L'arme du crime en main et prit de panique, le jeune spadassin se rua dans la direction qu'avait emprunté le réel meurtrier, peut-être ayant dans l'idée de l'arrêter et qu'il soit jugé pour son crime, mais sûrement aussi pour d'être lavé de tout soupçon. Un tel affront que d'être insulté d'assassin par cette vieille femme acariâtre devait être lavé au plus vite ! Il avait perdu son père dans cette triste affaire, parbleu !
La seule chose à laquelle il n'avait pas pensé, c'est que les gardes le porteraient comme seul coupable et lui donneraient la chasse dans les rues de la cité. Au bout d'à peine une heure, la ville était en pleine ébullition, les habitants faisant circuler la nouvelle ou se barricadant chez eux, ne voulant point tomber sur le dangereux criminel, alors que des patrouilles quadrillaient Nerja, en long, en large et en travers.
Ce fut donc une nuit difficile que don Lope passa à se cacher, à éviter la garde et à la semer dans le cas où elle l'apercevait. Usé, essoufflé et devenant un peu paranoïaque, il arriva à l'une des portes de la ville, où des soldats faisaient un barrage filtrant pour éviter que le tueur ne s'échappe.
Ni une, ni deux, l'apprenti duelliste se cacha parmi les marchandises d'une charrette, espérant passer sain et sauf les fouilles. Avançant lentement, le véhicule fit halte, et des voix se firent entendre.
"Veuillez décliner votre identité, Señor. Nous allons devoir fouiller vos biens.
-Je me nomme Dimitrio de la Lorca. A la recherche de ce dangereux tueur, est-il vrai ?
-Tout-à-fait, c'est pour cela que nous devons vérifier qu'il ne se trouve pas dans les charrettes quittant la ville."
C'en était fait de lui ! Tous ces efforts réduits à néant par une décision des plus stupides. Le cauchemar serait bientôt fini et il irait rejoindre ses parents dans l'au-delà.
"Tu peux le laisser passer Fernandez ! Je connais bien Dimitrio, et j'ai pleine confiance en lui.
-Bien, passez, nous avons encore tout une file interminable de chariots à vérifier, un de moins ..."
C'était bien la première fois que le digne bretteur remerciait la paresse d'avoir influencé des militaires. Son chemin ne finissait pas ici, Dios soit loué ! La route qu'empruntait le marchand était caillouteuse, mais même en se faisant écraser par les sacs de blé à chaque tressautement, c'était mieux que d'être pendu au bout d'une corde ... comme sa pauvre mère !
Au bout d'un long moment, la charrette fit halte, un bruit de chute sur le sol sec se faisant entendre, puis des bruits de pas.
"Sortez de là, nous sommes hors de vue maintenant."
Se demandant à qui s'adressait ledit Dimitrio, il préféra rester en place, cela pouvant lui sauver la vie. D'un autre côté, il n'y avait aucune agressivité dans sa voix ...
"Je sais que vous êtes là. Sous le blé. Sortez."
Finalement fatigué par toute cette histoire et de devoir se cacher de tous, don Lope se hissa à travers les sacs et sortit du véhicule, se trouvant face à un petit monsieur au teint hâlé et au ventre gonflé. Ses vêtements se trouvaient être d'assez bonne facture Estalienne et son visage ridé, visiblement plus habitué à la jovialité qu'à l'austérité. Mais là il semblait on ne-le-peut plus sérieux.
"Expliquez-moi pourquoi on vous recherche exactement, que je sache pour quel genre d'homme j'ai bien pu avoir la folie de prendre ces risque."