Martin [MJ Assistant]
>> Episode précédent <<
Le récit de voyage est un genre littéraire à lui seul. Mais bien qu'encore peu développé. On retrouvait, chez les divers auteurs de celui-ci, une manie commune, un trait que tous partageaient de leur plume, non pas "l'épisode de la plage", mais le danger, souvent du voyage. Inventés ou réels, amplifiés ou nons, les artistes s'ingéniaient souvent, à mi-chemin du récit ou vers la fin, à impressionner le lecteur par les dangers rencontrés, affrontés, déjoués, la force et la puissance de la ire de Taal, l'incroyable et mortel que contenaient ces mystères météorologiques faisant jaser les érudits et autres scribouillards dans les académies du vieux monde. Recherche et intérêt scientifique véritable, démarche anthropologique sincère auprès de peuplades arriérées exotiques, fleurs lancées à leur propre gloire - souvent misérable -, avertissements lancés à ceux qui seraient tentés de suivre le même chemin qu’eux ou juste effet d'annonce pour aborder le développement d'un personnage, mettre le lecteur dans l'expectative d'un dénouement inattendu et ainsi accroître la popularité de l'ouvrage pour mieux le vendre... Bref, moult choses et explications possibles à l'introduction du danger dans les ouvrages les plus à succès - un monde où l'entre soit règne, au vu du faible développement du genre sur le marché littéraire, lui même dominé par les traités de théologie, histoire, philosophie, géographie et pornographie - de ce microcosme littéraire.
Et Lucy là-dedans ? se demande ce lecteur inexistant. Et bien notre vampire abominable, terrifiante psychopathe de son état - comme la grande majorité de sa race, ne faisant là pas preuve d'originalité - ne semblait guère partie pour se lancer dans la carrière susmentionnée. Là où certains se seraient extasiés devant la majesté de l'océan en furie, la puissance des éléments, l'impétuosité des mânes de Manann ou ce paysage maritime digne d'une fin des temps, la foudre perçant le domaine du trident pouvant pulvériser les mâts du navire à chaque instant, foutant le feu à ce mollard de bous et de goudron gorgé d'eau et habillé d'algues, mettant par là même fin à nombres des projets de la non-morte, cette dernière se morfondait.
Oui. Cette saloperie pleine de Dhar, ce cadavre ambulant, se morfondait dans la douleur - et même pas celle pour laquelle on paie au bordel -, une atroce douleur, ayant l'impression que son cerveau était un boulet de métal qui dansait la java à chaque instant qui passait, sans compter que son estomac insistait pour se vider, quand bien même elle ne mangeait rien ! Même du liquide gastrique elle en vomissait ! C'était encore pire pour l'odeur ! La mage était forcée d'aérer la pièce en ouvrant la minuscule fenêtre de la pièce, faisant entrer l'odeur de la mer en furie et son bruit abominable, qui lui faisait bourdonner les oreilles... Entre ça, la quantité énorme de salive qu'elle secrétait jusqu'à ce qu'elle arrête définitivement de boire, l'alternance chaud-froid et la pâleur de son teint tout à fait excessive... Certes Lucy était blanche, mais là il y avait des limites. Etait-ce son nouvel état qui lui faisait ça ? Ou bien autre chose ? Ses seules distractions, lorsqu'elle tenait debout, consistaient à déambuler, dans un état plus proche du zombie qu'autre chose, à travers les couloirs de bois du navire, qui eux-même n'étaient pas stables, la faisant très souvent s'affaler contre la première chose venue. Ça et les visites du médecin halfling plus intéressé par son état actuel que comment la sortir de ce cauchemar... Quelques jours qu'il disait ! Mais ça faisait déjà une semaine - bien qu'elle pensait que cela fut une éternité - et elle voulait que ça cesse à tout prix !!! Plutôt mourir que de continuer comme ça !
Sauf que... Ben... Elle était déjà morte.
Et pis que tout, même si elle était dans la pièce de sa maîtresse, elle ne pouvait même pas en profiter pour lui faire des trucs, au vu de la difficulté que c'était de sortir du hamac, ou s'y remettre sans aide. Pas plus agile qu'un nourrisson. Et presque personne à qui faire la discussion, puisque sa "colocataire" était soit dehors, sur le pont, à faire Tzeentch seul sait quoi, ou avec elle quelques minutes pour dormir. Et gare à Lucy... Car si cette dernière lui tapait trop sur les nerfs, elle avait des "tours" bien à elle pour acquérir la tranquillité nécessaire à sa concentration et son repos.
Une semaine comme ça donc... Ballottée dans son hamac, dans un navire lui-même ballotté par l'océan, comme un gamin jouerait avec dans son bain... Puis il lui sembla, un beau jour - ou bien était-ce la nuit ? - que ses terribles nausées avaient disparues. Ou du moins qu'elles s'étaient calmées. Au moins un peu. Assez pour qu'elle puisse descendre du hamac sans s'éclater sur le plancher comme une demeurée ! Un progrès ! Enfin !!!
Ah. Et elle avait à nouveau faim. Elle avait même les crocs...