Thorak pria ainsi, pour ces deux amis qui se déchiraient. Peu importe celui qui porterait le coup fatal, il n’y aurait aucun vainqueur, et il espérait que sa déesse leur viendrait en aide dans la mort, comme il sied aux hommes valeureux, même s’ils se sont fourvoyés.
La bataille s’achevait, les mutins ayant été presque tous tués. Aucun marin, aucun nain n’avait flanché, exécutant leurs anciens compagnons dans la douleur. Seul restait Lucio qui combattait toujours rageusement, perdu, mais encore vivant. Son visage exprimait une froide détermination : il mourrait les armes à la main, transpercé par son capitaine, par une lame naine, norse ou tiléenne, cela importait peu désormais.
Soudain, le second, par une botte audacieuse, toucha Leonardo, l’empalant sur sa rapière. Celui-ci s’écroula, pas encore mort, mais très sévèrement blessé, une tache de sang s’agrandissant sur son pourpoint, maculant ses vêtements et le ponton. Alors, contemplant ce massacre stupide, cet acte désespéré d’humanité meurtrie, voyant les armes braquées sur lui, sans possibilité d’échappatoire, il regarda pendant un bref moment autour de lui, son pistolet dans la main gauche. Son regard rencontra celui de Thorak, qui put y lire une peine immense, un esprit écrasé par sa propre décision, comme un adieu silencieux. Et devant tous ces regards amers, Lucio retourna son arme contre lui et regarda une dernière fois la mer, cette maitresse cruelle qui l’avait délaissé. Il tira.
Le corps s’affaissa aux cotés de celui du capitaine. Aussitôt, les marins survivants se précipitèrent vers Léonardo, et la mine grave, le soulevèrent délicatement, puis l’emportèrent. L’un d’entre eux, un costaud du nom de Renato, avisa Thorak et lui dit :
« On l’emmène dans sa cabine, il faut le soigner, peut-être n’est-il pas trop tard. » Puis, il se tourna vers Egill et laissa échapper :
« Merci pour votre aide. Les vôtres sont de vrais guerriers. »
Le norse regarda l’homme s’éloigner, puis, désignant le cadavre de Lucio, il murmura :
« Folie… Puisse les esprits de tes ancêtres comprendre ce que tu as fait. » Il vit Thorak, s’approcha de lui et continua :
« Si tu le désires, mes guerriers survivants peuvent aider tes marins à manœuvrer ce bateau. Ils ne sont plus assez nombreux pour le faire, mais j’aimerais ton accord. » Sur ces paroles, il s’éloigna, laissant Thorak seul avec ses nains, qui pleuraient trois des leurs, tombés sous les coups des mutins qui étaient parti, retourné vers leurs ancêtres et les dieux. Partout des chants funèbres montèrent, se mêlant les uns aux autres, comme un seul et même hymne pour tous ces morts, réconciliés dans l’au-delà.