[Cyberpunk 2020] I - L'Or Noir

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[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
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Re: [Cyberpunk 2020] I - L'Or Noir

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« J’espère que Kullgren a la peau dure. Torturé par la Bratva, sans aucun espoir prochain de sauvetage… À sa place, je pense que je me mettrais à table tout de suite. »

Vit redémarra le moteur, sans trop s’émouvoir d’annoncer à voix haute sa facilité à trahir s’il était à la place du capitaine — voilà qui était bien peu chevaleresque. Et comme s’il devinait déjà la réaction d’Adrien, il étouffa dans l’œuf toute tentative de rétorquer :

« Et franchement, si un jour tu te retrouves dans une telle situation, fait pareil. Nos salaires valent pas de perdre un membre, ou la vie, et quand t’es réellement en danger, ta survie est ta propre responsabilité.
J’en sais quelque chose — j’ai déjà été à la place de Kullgren. »


Il ne dévoila pas plus d’explications, et Adrien pouvait sentir que ce n’était pas le bon moment de lui en demander. Pour l’heure, ils repartaient encore en véhicule pour une autre destination, quittant le quartier portuaire pour rejoindre les tunnels et les avenues qui menaient vers le cœur de Leningrad.


Le district de l’Amirauté n’était pas très joli : de gros bâtiments, certes anciens, séparés d’immenses avenues d’asphalte remplies de voitures, c’était ordonné, froid, efficace, et laissait toute-reine l’automobile — avec l’essence la moins chère du monde, l’Union Soviétique était devenue le paradis de la voiture. Quelques grands espaces verts, des jardins faits de buissons, séparaient des places entre des bâtiments modernes en verre, avec une architecture mêlant de l’art soviétique classique avec du futurisme très capitaliste. Bien au centre au milieu d’un vide créé dans les blocs de bâtiments, une immense église orthodoxe avec des coupoles coniques se dressait, toute blanche, ses dômes tout bleus, une imposante colonne noire aussi large que haute devant, surplombée d’une femme ailée portant une couronne de lauriers.

« Les Soviétiques peuvent remercier le régime nazi. Un million et demi de personnes tuées, la ville entière quasiment rasée… Si Leningrad a l’air aussi moderne et bien construite, c’est parce qu’il a tout fallu reprendre de zéro après la seconde guerre mondiale.
Mais la Russie est immortelle, jamais personne n’arrivera à la crever. »


Les avenues se rétrécissaient en rue alors qu’ils entraient dans le centre-ville. Pourtant, Leningrad ne ressemblait en rien à Paris : il n’y avait pas de petites rues pavées, de vieilles allées qui étaient comme des subsistances médiévales. Leningrad avait tout de la ville moderne, éclairée, bien dirigée — et propre, avec ça, et contrairement à l’autoroute à l’entrée, il n’y avait pas ici plein de panneaux publicitaires ou des néons qui cramaient les yeux à tous les coins de rue. Mais il ne fallait pas se leurrer ; comme dans toute ville bien corporate servant de vitrine internationale, les pauvres devaient bien être relégués ailleurs, dans la banlieue de la cité, ou concentrés dans des quartiers où l’on ne trouvait pas des boutiques chicos et des pôles technologiques.

Au milieu des grandes barres d’immeubles roses ou jaunes, la C5 contourna le jardin Ioussoupov. Le smartphone servant de GPS indiquait l’okrug municipal Sennoy — on était tout près de l’hôtel de ville de Leningrad, et là, il y avait beaucoup plus de monde : des foules de bus, des voitures de toutes les gammes de prix, et dans le ciel, on voyait deux hélicoptères survoler la ligne d’horizon.


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Restaurant Dachniki
Leningrad, URSS
22/10/2020 13:39
15°C, Partiellement ensoleillé



L’extérieur du restaurant était quelconque : un bâtiment bleu sur trois étages, bien carré et bien propre, bordant le Fontanka, un bras du fleuve Neva. Vit gara la C5 sur une place trouvée aux quais, acheta un ticket de parking grâce à une appli en ligne qui mit quinze minutes à bien vouloir se télécharger et se paramétrer, et après cette lourde difficulté digne d’un runner surpassée, ils purent sortir dehors, bien remettre leurs cravates, claquer les portières et traverser la rue pour passer dans le restaurant.

Un joli maître d’hôtel jeune et tout souriant leur souhaita la bienvenue en russe. Vit lui répondit dans la langue de Tolstoï, indiqua qu’ils étaient attendus — le maître d’hôtel approuva et les guida à travers le restaurant.

Il était quasiment vide — vu le retard qu’ils avaient, ça devait être la fin du service, il ne restait que quelques hommes et femmes d’affaires se saoulant au bon vin, ou bien se requinquant avec un café gourmand.

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La déco était un peu kitsch. Avec sa carrière, Adrien était devenu trop habitué à manger dans des trois étoiles Michelin — il avait tranquillement mangé des assiettes de cuisine moléculaire dans d’immenses plateaux en verre avec en arrière-plan un volcan islandais ou le désert radioactif de Dubaï, alors la déco moderne avec de grands candélabres en verre et des tableaux d’art contemporain ne le fascinaient plus depuis bien longtemps.

Il ne fut pas difficile de trouver leur hôte. Leur homologue de SovOil s’était réservée une table tout au fond, à regarder la rivière depuis une immense baie vitrée impeccablement propre. Zilya Rakhimyanovna Khakamada était tout aussi impeccable, avec une blouse blanche aux boutons d’or, qui descendait comme une jupe jusqu’à ses cuisses — après quoi suivaient des collants couleur chair et des bottines avec quelques traces d’usure. Devant elle, il y avait déjà un verre au liquide clair à moitié vide, probablement que l’attente avait été lissée par l’alcool. Du coin de l’œil, elle vit venir les deux Français, et donc, voilà qu’elle se leva avec un petit sourire en coin, et qu’elle étendit sa main.

« Enchantée, messieurs. Avez-vous fait bonne route ? »

Toujours le bon accent slave, mais elle s’exprimait très bien en français. Vit trouva sa main et la serra bien en la regardant droit dans les yeux.

« Pardonnez-nous de l’attente, camarade, il fallait qu’on organise l’arrivée à l’hôtel…
Camarade ? Je vous en prie, pour une fois que des gens peuvent m’appeler mademoiselle, vous me ferez ce plaisir. »

Elle fit un petit clin d’œil enjôleur au Tchèque, avant d’offrir la même poignée de main à Adrien.

« Ce restaurant propose une carte moderne, de la cuisine géorgienne revisitée — vous allez forcément trouver quelque chose qui vous plaît. En espérant que vous avez toujours faim à cette heure…

– C’est vous qui devait être affamée mademoiselle. Si on peut faire quoi que ce soit pour se faire pardonner… »

Le grossier et injurieux monsieur Stanjura se muait facilement en impeccable gentleman quand il était en présence de dames — on voyait bien ici le chevalier servant. Adrien se souvenait d’une fois où il avait rendu totalement amoureuse une vieille dame de 70 ans, une cadre de Petrochem, rien qu’avec ses petits sous-entendus bien subtils au détour de chaque phrase. Il n’avait qu’à en prendre de la graine.

« Oh, ne vous en faites pas, je suis toujours ravie de quitter le QG et de flâner sur mon temps de travail. Je n’ai plus l’habitude depuis longtemps d’être oisive.
– Hélas, monsieur Morel et moi-même sommes toujours sur le qui-vive quand on voyage à l’étranger. On a tellement de choses à préparer avant le défilé…
– Et c’est pour quoi je suis ici pour vous faciliter le travail. On m’a ordonné d’assurer la pleine coopération de SGKP le temps de votre résidence ici, et nous ferons tout pour satisfaire les besoins de monsieur Sochon.
Je suppose que vous voudrez prévoir un tour du musée de l’Ermitage afin de voir notre mise en place de la sécurité, ainsi que repérer quelques lieux en ville où les cadres de votre entreprise voudront se rendre — j’ai tout un agenda et un plan de la ville, si vous le souhaitez.

– Et ça serait très apprécié, mademoiselle. Nous allons passer la journée à s’installer, mais dès demain, il faut que l’on prévoie ça… »

Un serveur vint déposer une carte et commença à parler en russe avec Zilya.
Au grand dam d’Adrien, Vit avait décidé d’endosser le costume du bon flic avec elle.
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