Toutefois, Naeglith savait que c’était exactement pour cela que sa famille l’avait envoyée, elle, parler aux Elina et qu’ils avaient aussi tant tarder avant de décider de les appeler à leur secours. Maintenant, ils pourraient bien devoir payer pour leur faiblesse. Heureusement pour elle, au moins ne s’en étaient-ils pas pris à la messagère, hypothèse qui avait été jugée fort probable, et justifiait son envoi à la place d’autres membres de la famille.
Un silence gêné s’installa pendant plusieurs longues minutes, avant que la curieuse druchiie n’ose poser une question à son supérieur :
-Excusez mon audace, seigneur Elina, mais, tout comme vous ignoriez tout ou presque de ma famille, ce qui est normal pour quelqu’un de votre rang, je ne connais personnellement que très peu votre Maisonnée, je sais juste ce que j’ai pu saisir au passage, des bribes de conversation entre les autres membres de ma famille.
Avant ma mission, ma grand-tante Yalena a uniquement pris la peine de m’indiquer le nom du chef de votre Maisonnée, le seigneur Varudh. Je l’ai rencontré très brièvement hier soir pour lui exposer rapidement notre situation et payer la livraison de bois, mais c’est à peu près tout ce que je sais.
Donc, si ce n’est pas trop indiscret, j’aimerai en savoir plus sur vous, fein Hyuo. Vous semblez très jeune, peut-être encore plus que moi, alors que je viens à peine d’entrer dans ma vie d’adulte. Pourtant, vous êtes indéniablement déjà mature, tant physiquement qu’intellectuellement. Pour être aussi précoce et qu’on vous charge déjà d’une mission importante, vous devez assurément être quelqu’un de remarquable. Et puis, je ne sais pas, vous semblez… Différent.
Comme dépassée par sa propre audace, ses propres mots, Naeglith s’empourpra et s’empressa de rajouter en balbutiant :
-Non pas que cela me pose le moindre problème, mon fein, au contraire, je suis et resterai votre plus fidèle sujette, surtout après ce que vous avez fait pour moi et ma famille. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide, et je vous suis très reconnaissante de votre aide.
On voyait clairement qu’elle semblait sincère, elle semblait vraiment se considérer comme redevable à Hyuo de son aide, en tant que membre de la famille Nepim, mais également personnellement. Cependant, sa question pouvait être considérée comme inappropriée, indécente, et sa formulation maladroite comme insultante, et elle en avait conscience, c’est pourquoi elle avait cru bon d’essayer de préciser sa pensée en renouvelant son allégeance à son seigneur et en l’assurant de sa gratitude.
Soudain, alors qu’il s’apprêtait à répondre, le jeune noble entendit un bruit inhabituel en provenance de la forêt. Une sorte de craquement de branches inquiétant, qui le conduisit à s’interrompre.Test inconnu : 7. Réussite.
La totalité des elfes noirs présents ou presque avaient eux aussi entendu et s’étaient arrêtés de bavarder pour relever la tête et scruter la lisière des bois, tous les sens aux aguets. Les esclaves, tous humains, n’avaient pour certains rien remarqué : leur ouïe n’était pas aussi fine que celle de leurs maîtres elfes. Mais Naeglith avait tout de suite réagi et étendu le bras pour faire stopper le conducteur de chariot assis à ses côtés. La charrette de tête ayant stoppé, toutes les autres s’arrêtèrent également.
Aucune parole n’avait été prononcée, aucun bruit n’avait été fait par les gardes druchiis qui communiquaient entre eux par des signes. L’objectif était d’identifier la provenance et la nature de ce qui avait causé le son, et donc sa dangerosité. Tous les gardes étaient tournés vers les arbres, leurs arbalètes à répétition levées et prêtes à entrer en action au moindre signe de la présence d’un ennemi. Ils restaient néanmoins en formation, car Klirak n’avait pas donné l’ordre de bouger. Pour l’instant, il semblait considérer qu’une simple observation suffisait.
Tandis que les Malerin restaient sur leurs positions en stand-by, d’un geste fluide, la Nepim fit passer son arbalète de son dos à sa main droite. Puis elle tira de son sac de bagages qu’elle gardait à portée de main une cape en peau de dragon des mers qu’elle passa sur ses épaules avec assurance. Dans la foulée, elle épaula son arme et, sans même regarder ce qu’elle faisait, les yeux fixés sur la lisière de la forêt, prit un chargeur dans le sac et l’engagea, puis elle tira sur la corde afin de charger le premier carreau dans l’encoche prévue à cet effet. Ces mouvements transpiraient la confiance et l’entraînement, de sorte qu’ils paraissaient naturels, habituels, gracieux même à l’observateur.
L’œil déterminé et l’air farouche, les cheveux légèrement décoiffés par la cape qu’elle avait enfilée rapidement mais justement, malgré le bandeau gris mat d’acier qui les retenaient, sa cape en peau de dragon des mers noire sur les épaules recouvrant son kheitan léger bleu foncé semé d’éclairs, ses deux lames à la ceinture, la marchande ressemblait à une vraie déesse guerrière, ou en tout cas une parfaite représentante des combattantes druchiies.
Et Naeglith était sûrement une combattante très respectable, si l’on en jugeait par la maîtrise d’elle-même et l’exécution parfaite des mouvements complexes et rapides qu’elle avait effectués. Assurément, elle était entraînée, et plutôt très bien entraînée, même.
Après environ une minute d’arrêt pour écouter et regarder les alentours à la recherche d’un ennemi potentiel, Klirak se tourna vers sa patronne, son seigneur et ses hommes et leur fit signe qu’il n’y avait apparemment rien et que le mieux à faire était de continuer en restant sur leurs gardes.
Hyuo allait-il se ranger à cet avis ou imposer un autre comportement ? C’était clairement lui le chef, le plus haut placé, en tant que seul noble présent. La décision finale lui revenait donc, à lui seul, mais elle engageait la vie de tous.