[Yan Xishan] Le triomphe de la volonté

[Yan Xishan]

Yan Xishan, le poison en main, hésita l'espace d'un instant à se faufiler dans le camp avec ses vêtements et son corps encore cendré... Pour refuser cette initiative. Il n'était absolument pas compétent pour se déplacer discrètement. Son coeur de métier était l'artisanat, par la chasse. Et parlant de chasse....
Il y avait les deux trappeurs. Peut être ceux ci seraient ils aptes à pénétrer le camp en discrétion, habitués qu'ils étaient à se déplacer silencieusement dans les bois pour leur chasse, et empoisonner les réserves d'alcool dont s'empaffaient les vermines ?

Lui même, encore vêtu de ses habits cendrés, avait l'espoir de pouvoir se déplacer avec discrétion dans le milieu adverse, surtout avec des gardes ivres, mais tout de même... Dans quelle mesure saurait il faire preuve de discrétion ? Cela restait à déterminer.

S'adressant à l'écart aux tireurs, il leur demanda si l'un d'eux se sentait d'avoir le courage d'agir ainsi, et surtout s'il se sentait confiant et compétent pour ne pas se faire repérer.
S'ils ne s'en sentaient capables, cette tâche lui échouerait alors. Il aurait à s'en charger par lui même, hélas. Bien entendu, depuis les hauteurs les deux trappeurs et le reste de la troupe, en tout et pour tout quinze paysans mal dégrossis n'ayant jamais eu à affronter autre chose que des loups et l'hiver, seraient prêts à monter au créneau pour lui courir au secours et s'engager dans un combat hasardeux contre l'ennemi.
Mais même ivres, les esclavagistes en contrebas risquaient de tuer nombre des leurs, hélas.

[Yan Xishan]

Le chef improvisé de la bande, Yan Xishan, bien conscient de ses propres insuffisances en matière de discrétion, avait suggéré à l'un des deux chasseurs de s'infiltrer à l'intérieur du camp pour empoisonner les barriques d'alcool des esclavagistes. Las, la journée avait été par trop fatigante pour eux. L'attaque, enterrer les morts, la poursuite.... Et désormais cette nuit noire. Non. Ils n'en pouvaient plus. Il fallait qu'ils se reposent.
Seul lui avait encore en lui ce feu sacré de continuer. Ses compagnons n'étaient plus capables de la moindre action d'éclat pour mettre hors d'état de nuire ces vermines.

Bon. Je comprends. Je m'en charge. Suivez moi juste du regard, et si je me fais surprendre par une sentinelle isolée, abattez là de vos flèches. Mais si ils sont plusieurs, restez cachés. Si j'ai réussi à empoisonner ces bâtards, dès demain matin les effets devraient se manifester. Ils devraient normalement tomber comme des mouches. Si j'ai échoué à empoisonner leur alcool, alors attendez peu avant l'aube pour les attaquer, quoiqu'il arrive.

Finissant ainsi ses adieux à ses compagnons, il parti en direction du camp des esclavagistes. Celui ci, dans une cuvette ceinte de collines arborées où, à mesure que l'on descendait de celles ci la végétation diminuait pour finir en buissons ci et là, éparpillés, ne semblait pas gardé avec grande précaution. Les deux sentinelles qu'ils avaient égorgés plus haut devaient avoir été le seul élément de sécurité qu'ils s'étaient estimés nécessaire d'organiser.
Il y avait des tentes de toile grossière, et, par delà celles ci, il entendait des ricanements. Visiblement les parasites qui avaient fait tant de mal aux siens ne se méfiaient même pas.

"Bon. Depuis le haut des collines, les chariots sont sensés être du côté droit, donc de...."

AH !

Poussant un cri aigu, Yan Xishan, apeuré, fut pétri de terreur lorsqu'il senti quelque chose lui mordre la tête.

Pendant quelques dix secondes, il n'osa bouger ou faire de bruit, avant que ce contact ne se dissipe aussi vite qu'il était apparu.
Se retournant, il constata que son "adversaire", n'avait été en réalité pas humain. C'était juste une grosse bestiole à quatre pattes. Il l'avait confondue avec un rocher. Cette terrible bête, un cheval, lui avait mordillé le crâne.
Le cœur battant la chamade, le frontalier se carapata à quatre pattes pour échapper à ce cheval agressif. Une fois à bonne distance, il tendit l'oreille pour vérifier que son cri stupide n'avait pas trahi sa présence.

Sven ! Maak jou pint klaar, jou bedrieër !

"..... Ils n'ont pas l'air de m'avoir entendu. Je crois ?"

Reprenant sa progression vers les chariots, il eut le cœur serré en voyant ses compatriotes pieds et mains liés, à même le sol,, à peine recouverts de couvertures pour les plus chanceux, prisonniers sous ses yeux. Et sa fille. Si proche et si lointaine pourtant. Son cœur se serra et des larmes lui vinrent aux yeux. Il lui était difficile de ne pas s'élancer vers eux pour les prévenir que l'on venait les libérer incessamment sous peu... Las, cela trahirait sa présence par les exclamations qui viendraient de leur côté et tout le plan irait à l'eau.

Se détournant des captifs bientôt libérés, il se le promit de revenir vers eux plus tard. Ce qui importait était d'empoisonner ces raclures de fond de latrines.
Les chariots contenant le fruit de leur rapine repérés, Yan Xishan identifia les barils de bois dans lesquels ils conservaient leur alcool traditionnel. L'un d'entre eux était par ailleurs ouvert et à peine entamé. Se délestant de ses herbes, il jeta celles ci dans la mixture alcoolisée. Il repéra également un sac de grains de graines qu'il chaparda par dessus son épaule.

Puis, son travail effectué, il dégagea de là à pleine vitesse. Il avait cru entendre l'un des pillards quitter ses pairs sous leurs quolibets pour venir dans sa direction.
Il quitta le camp par un itinéraire différent de celui par lequel il était venu, son sac de grain sur l'épaule, se dissimula dans les hautes herbes, progressant accroupi, et retourna vers les siens.

C'est fait, se contenta-t-il de leur annoncer.
Il entreprit alors de distribuer à chacun une poignée de céréales qu'ils allaient à avoir à ingurgiter une à une pour éviter de s'étouffer et se faire mal au ventre.
Une fois repus, ils eurent à mettre en scène les sentinelles, essayant de placer celles ci comme si elles s'étaient entretuées à l'issue d'une dispute ou de l'alcool. La rigidité cadavérique rendit le travail quelque peu difficile mais pas impossible. En espérant que les pillards n'y voient que du feu.

Enfin, ils eurent à délocaliser de là. Ils contournèrent lentement les collines pour se cacher dans des bois environnants où ils passeraient la nuit. Tirant à la courte paille entre eux, les trois derniers auraient à se partager le tour de garde, chacun prenant un tiers de la nuit. Enfin, peu avant l'aube, les trappeurs seraient réveillés pour surveiller de loin le campement. L'un irait les prévenir lorsque les pillards partiront tandis que l'autre surveillera le convoi de loin.

[Yan Xishan]

La nuit qui s'écoula fut douloureuse pour la plupart d'entre eux. Crampes au ventre à cause de grain non humidifié, soif, froid, au final les villageois survivants n'en menaient pas large... Mais c'était toujours mieux que de souffrir de la faim. Les tours de garde pour tenir d'éventuelles bêtes sauvages à l'écart forcèrent quelques uns d'entre eux à se priver de sommeil.
Au petit matin, peu après l'aube, l'un des trappeurs vint les chercher pour les prévenir que les esclavagistes avaient découverts leurs sentinelles tuées et que déjà ils s'activaient pour quitter leur camp.

Les laissant disparaître à l'horizon, Yan Xishan et sa colonne se mirent alors en marche pour les suivre. Les traces qu'ils laissaient derrière eux était grosses comme un galion dans un port de plaisance.

Vers midi, le trappeur qui les traquait depuis le matin les avait retrouvé, les informant que la colonne des esclavagistes s'était arrêtée non loin d'un ruisseau. Certains de leurs hommes étaient allongés près de l'eau et ne bougeaient plus.
Yan Xishan et son groupe continuèrent ainsi leur progression, ne s'arrêtant plus qu'à quelques minutes de marche du camp adverse. Là, il demanda à un des trappeurs d'identifier le chemin que prendrait les esclavagistes s'ils comptaient abandonner leurs blessés, et de trouver un lieu où préparer une embuscade. Si cela était possible, alors ils s'y rendraient, patientant jusqu'en soirée pour tomber par surprise sur d'éventuels fuyards. Nul question de laisser le moindre survivant.
Mais si en revanche ils faisaient le choix de passer la nuit sur place, alors durant celle ci ils se glisseraient dans leur camp pour achever les survivants.

[Yan Xishan]

Hélas, les trappeurs envoyés en avant revinrent bredouilles. Au-delà de quelques rochers, le gros du paysage local était constitué d'une vaste étendue d'herbes sèches parsemées de buissons. Nul passage jonché de hauts arbres, aucun ravin où se dissimuler, rien de cela. Le meilleur endroit pour effectuer une embuscade consistait en une formation rocheuse derrière laquelle ils pourraient se dissimuler.
Soufflant un bon coup, la fatigue et le stress montant depuis le début de la traque, Yan Xishan, en désespoir de cause, emboita le pas vers le lieu indiqué par leurs "éclaireurs", non sans procéder à un large détour, afin d'éviter de se faire repérer par les esclavagistes.

Tandis que le gros de la troupe essayait de se déplacer sans bruit ni laisser paraitre un gros nuage de fumée derrière eux, l'un des trappeurs restait en arrière, à observer les esclavagistes de loin et informer en avance le groupe de leurs activités si cela se montrait nécessaire. Ainsi ils traversèrent au gué le petit ruisseau, sans oublier d'en profiter pour se rassasier par petites gorgées. Les céréales consommées la veille, sans boisson, les avaient asséchés.

Un quart d'heure de marche plus tard, ils étaient enfin au rocher, non loin de la piste indiquée par les trappeurs. Là, la majorité d'entre eux s'assit ou s'allongea sur les lieux pour piquer une sieste tandis que ceux ayant tiré le mauvais lot à la courte paille étaient chargés de surveiller la route et les environs en duo.

Le trappeur resté en arrière, lui, observait les vermines qui avaient enlevées les leurs, bien au loin depuis sa cachette. Depuis sa position dissimulée, il put observer les soudards de plus en plus affaiblis procéder à...

[Yan Xishan]

Une heure après être parti, le trappeur revenait vers eux à toutes jambes. Il semblait affolé. Courant vers lui, le chef de bande improvisé lui tomba dans le bras, inquiet et anxieux de ce qui peut avoir provoqué pareille agitation chez la sentinelle. Les esclavagistes étaient ils en marche ? Avait il été découvert ? Leurs pairs se révoltaient ils ? Non, rien de cela. C'était grave mais moins pire. Ces raclures de fonds de latrines avaient passés dix minutes à passer à tabac divers prisonniers.
Ils semblaient affolés, certains s'agenouillant même vers le soleil dans des position rituelles, ou gesticulaient en direction du mince cours d'eau irrigant les terres arides alentours.

Les leurs étaient donc soumis à la violence de l’arbitraire des esclavagistes, mais il semblait que ceux ci se contentassent des les violenter, nul sang n'ayant alors coulé jusque là. Le pisteur subodorait que l'ennemi paniquait et agissait de manière incohérente.

Inquiété, le chef de bande improvisé décida malgré tout d'attendre, car si désormais les esclavagistes aptes à se battre étaient inférieurs en nombre aux rescapés, ils restaient des professionnels de la violence, là où sa pitoyable milice n'avait de l'expérience du combat que la fuite.
Mieux valait attendre la nuit, à moins qu'ils ne se mettent à exécuter ici et là les villageois captifs, auquel cas ils interviendraient en force, pour le meilleur et pour le pire.

La nuit venant, les observateurs revirent vers leurs compagnons. C'était désormais décidé : les esclavagistes allaient passer la nuit en ces lieux. Libre à eux de les surprendre dans la nuit. Ils auraient à procéder de manière à se mettre entre leurs pairs captifs et l'ennemi, afin que nul ne serve d’otage durant l'attaque.