L'apprenti percepteur resta de marbre tandis que le porte-étendard le jaugeait sans se gêner.
Madrelo a écrit :-"Ouais, on peut dire ça. Le capitaine a jamais aimé les gratte-papiers, me demande pas d'où ça vient... Par contre j'te trouve bien courageux d'aller pioncer à la cabane du précédent percepteur, hein, m'enfin, si c'est le margrave qui le dit, moi j'dis rien..."
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Oh, j'ai bien ma petite idée, fit remarquer Ulricht avec un petit sourire. Voir quelqu'un de plus intelligent que lui ne devait pas être du goût du capitaine.
Je te suis. Montre moi cette bicoque qui semble déchaîner les passions !
La tranquillité de leur traversée nocturne était-elle dû à la discipline exemplaire de la garde ou aux effets de l'alcool ? Une petite journée dans Délivrance lui suffisait pour connaître la réponse. Il observa sans y porter grand intérêt les maris saouls rentrer dans leurs masures en gueulant sur leurs femmes. Il constata également l'indifférence des gardes lorsque l'épouse se faisait ruer de coups pour avoir osé répondre, alors que la porte restait ouverte.
Oui, songea-t-il en continuant son chemin, être celui qui maniait le bâton semblait préserver d'un sort bien misérable dans un tel endroit.
Dans cet optique, il salua les gardes qu'il croisait avant de suivre d'un pas guilleret Madrelo, que leur réponse soit amicale, méprisante ou tout simplement absente. Après tout, seul la persévérance comptait pour se faire connaître, et cette journée n'était que la première étape, la plus dure pour tisser des liens. Il n'avait pas fréquenté la pègre de Nuln pour désespérer face à quelques inconnus !
La "cabane" qui lui était réservée n'avait pas à rougir face aux maisons environnantes. C'en était même intriguant qu'elle ne fusse pas déjà occupée par le margrave ou l'un de ses mignons. Tout à fait acceptable pour sa personne, par rapport aux conditions de vie de la ville, songea Ulricht avec un petit sourire intérieur.
Madrelo a écrit :-"Voilà ton palais, m'sire. Bon, c'pas tout ça mais j'vais te laisser, la caserne va pas tarder à fermer. Bonne nuit et oubliez pas de fermer la porte à double-tour."
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Merci pour la balade. File te reposer. Il fit mine d'aller rejoindre sa nouvelle demeure avant de se retourner vivement. Il adorait voir son chaperon virevolter lors de son volte-face.
Ah, au fait. Si tu as besoin à l'occasion d'un coup de main en quoi que ce soit, passe me voir. Je verrai ce que je peux faire, dans la mesure de mes capacités.
Ulricht n'était pas brusquement devenu altruiste. Mais toujours dans l'optique de tisser ses relations, tendre une main permettrait ensuite de coincer le pied dans la porte...
Tandis que Madrelo partait, il se tourna vers son donjon de poche.
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À nous deux. On va bien voir ce que tu caches...
À première vue, l'intérieur de la maison ne cachait que des bonnes surprises. Un quadruple verrou qui ne manqua pas d'égayer le cultiste, ainsi que moultes volets sur chaque fenêtre. Il tâcha d'allumer quelques bougies pour y voir plus clair, puis d'allumer le fourneau pour réchauffer la pièce. Il nota également avec plaisir un lit. Combien de temps à dormir depuis sa fuite ? Bien trop longtemps à son goût.
Qu'importe. Les féculents dans les bocaux semblaient comestibles, aussi en saisit-il un qui se révéla rempli de flageolets. Après les avoir fait bouillir, il les mangea au coin du feu. Le goût était infâme, mais l'important était d'avoir quelque chose dans le ventre.
Une fois son repas terminé, il s'installa sur l'une des quatre chaises placées autour de la table. Ce qu'il comptait faire était passablement ridicule, mais dans le meilleur des cas, il n'y aurait pas de témoin.
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Alors, il y a déjà un habitant là-dedans ?
Il se tut, à l'affût du moindre bruit, du plus petit signe.