[Grogmar] Le sombre maître

[[MJ] Le Grand Duc]

Jestan approuva sans un mot, un étrange sourire sur les lèvres. Les morts-vivants se mirent donc au travail, avançant en une masse gauche et claudicante vers les travaux de mines entrepris par les hommes de Castel Rachard. Le groupe dirigé par Grogmar saisi maladroitement les pioches et les maillets et commença à attaquer la paroi qui était à présent creusée sur plusieurs centimètres de son épaisseur. Ceux de Jestan s'occupaient des tâches de terrassement, creusant la terre alentours pour permettre de mieux organiser l'espace. Cependant, leurs mouvements étaient lents, balourds. Ils faisaient souvent tomber leurs outils, étaient incapable de réagir à un élément imprévu et nécessitaient une supervision constante de la part des nécromanciens pour être efficaces. Mais malgré leur maladresse, ils présentaient les avantages indéniables d'être immunisés à la fatigue ou à la faim et surtout aux radiations corruptrices de la Malepierre que Grogmar pouvait sentir tout autour de lui.

Après plusieurs heures et quelques ajustements, le travail commençait à s'organiser. La terre et les gravas extraits par les mineurs zombies étaient passés dans des tamis de taille différente, jusqu'à ne laisser filtrer que la poussière et les particules les plus fines, parmi lesquelles se trouvaient les paillettes tant convoitées. Ces dernières étaient récoltées par les mêmes mains décharnées, avec un mouvement sans vie, d'automate, et déposées au fond d'un seau en métal. Ce processus d’extraction était extrêmement raffiné pour des êtres décérébrés comme les zombies qui s'en occupaient, et ces derniers semblaient arriver au summum de leurs capacités motrice. Ce travail était le maximum de ce que l'on pouvait attendre d'eux, et chacune de ces créatures devait être affectée à une tâche particulière et répétitive, sans quoi le moindre changement les laissaient confuses et inactives, et elles se contentaient de se tenir debout, en plein milieu, grognant et bavant sans rien faire.

Alors que les deux nécromanciens observaient le fruit du travail de leurs esclaves morts-vivants, Jestan se tourna vers Grogmar.

- "Voilà un beau travail d'équipe, ami Grogmar. Cependant, une question me taraude ..." dit-il avec un sourire. "Une requête, plus précisément. J'ai entendu dire que vous aviez déjà exploré cette grotte, et qu'il s'y trouvait mille et unes merveilles ... Accepteriez vous de me les montrer ?"

Mais à ce même instant, Fangon apparu sur le pont, au dessus d'eux. Il les héla et s'adressa à l'impérial.

- "Messire Grogmar ! La patrouille est revenue des marais ... et a trouvé quelque chose d'intéressant. Venez donc voir, vous aurez certainement votre mot à dire sur ce sujet !"

[Grogmar]

Le puissant sorcier manipulait ses serviteurs avec le plus de talent qu'il le pouvait. Il s'agissait de créatures totalement stupides et chaque petit changement dans ce qu'elles devaient être plus perturbant pour eux qu'une réforme ne l'était pour un noble bretonnien. Ainsi le nécromancien devait toujours être attentif à ce qu'ils faisaient et cela lui permi de comprendre qu'il serait sans doute préférable de faire en sorte d'avoir des serviteurs un peu plus habile pour les tâches qui demandaient une certaine réflexion. Les mortels avaient donc cela pour eux... Mais ils s’épuisaient contrairement à ses esclaves et rien que pour cela ils étaient faibles. La simple idée d'appartenir à cette engeance mortelle lui retournait le cœur. Mais que pouvait-il y faire pour le moment ? Il lui fallait plus de savoir... toujours plus de savoir.

Les cadavres animées par la Dhar travaillaient sans relâche et il fallait le dire, Jestan savait bien mener les siens. Il avait rapidement réalisé de l'importance de séparer le travail. Certain venait ramasser la matière première, d'autre s'occupait du tamisage et d'autre encore de mettre le fruit de la récolte dans les sacs déjà mis dans les coffres par soucis de facilités et de simple bon sens. En effet, autant ne pas tenter la malchance en laissant les zombies porter les sacs jusqu'aux coffres. Ils auraient tôt fait d'en laisser tomber un, ce qui n'était clairement pas bon pour le rendement. Le loup cultivait sa rage de voir sa précieuse ressource être ainsi embarquée pour un autre par ses propres serviteurs. Mais cela valait la peine, car ce sacrifice allait lui apporter le savoir ! Plus de savoir ! Toujours plus de savoir !

Le travail avançait bien, très bien même. Ainsi et une fois la chaîne bien mise en place, le nécromancien pouvait relâcher son esprit quelque peu. Les zombies travaillaient sans avoir besoin de lui désormais. C'est durant ce moment de relâchement et tout en regardant leur œuvre que Jestan décida de rompre le silence. Il lui parla de quelque chose qui manqua de crisper le nécromancien. Ainsi voulait-il voir ses découvertes ? La mort ! Non... Pas maintenant, la mort devra attendre... Car Fangon vint interrompre l'échange entre les deux sorciers, empêchant du même coup au jeune homme de répondre. Il se tourna toutefois vers Jestan et lui dit d'une voix calme comme à son habitude.

-Je vous les montrerais bien volontié si j'avais les clés pour y accéder. Malheureusement, Fangon me les a dérobés en même temps qu'il m'a conduit à Sir Henris et il ne me les a jamais rendus, peut être les lui a-t-il même confié, je ne puis vous le dire. Mais sans elles, il est peine perdu d'espérer pouvoir y accéder...

Il se dirigea ensuite vers l'escalier pour monter les marches sans dire un mot avant de se retourner après avoir grimpé la première marche. Il dit alors à l'intention de Jestan.

-Les zombies peuvent continuer à travailler sans qu'on ne les surveille, si vous voulez, vous pouvez m'accompagner.

Il savait que ses liens allaient se briser et qu'il ne saurait les restaurer ensuite. Mais après tout, les zombies obéiraient à son dernier ordre qui consistait à creuser cette paroi. Les zombies de son camarade n'étaient pas plus bête que les siens et si celui-ci le suivait, soit, il savait que Moussillon permettait cela soit il était plus puissant qu'il ne le laissait entrevoir. Dans tous les cas, cela n'était pas vraiment important. Car le sorcier désirait surtout savoir pourquoi on l'avait appelé. Il s'arrêta donc en haut des marches. Toujours à distance de ses serviteurs qu'il contrôlait toujours parfaitement. Il s'adressa alors à Fangon de sa voix neutre.

-Et bien vous m'intriguez Fangon. Quelle est la chose qui vous exalte autant ?
Il écouta rapidement ce qu'il lui répondit avant de conclure :

-Bien je vais aller voir cela de moi-même... Pendant ce temps, pourriez-vous aller me rechercher un lapin comme la dernière fois. Mon expérience a été interrompue de manière inopinée et je désirerais la remettre en place au moins le temps que nous resterons ici et pourquoi pas jusqu'à ce qu'on revienne... Oui, trois lapins... il m'en faudrait trois. L'un placé à l'entrée, le second dans la première grotte et le dernier ici...

Il sembla alors se plonger dans une grande réflexion, se demandant comment faire pour que l'expérience puisse durer malgré qu'il ne soit plus là et jusqu'à son retour... C'était une bonne question. Quoi qu'il en soit, il ne laissa pas le temps à Fangon de répondre et se dirigea d'un pas rapide vers la sortie pour aller voir de quoi il en retournait.

[[MJ] Le Grand Duc]

Avant que Fangon ne puisse répondre, le nécromancien se dirigea donc vers la sortie. Il traversa une nouvelle fois les grottes éclairées par les puits de lumière et passa entre les arbres tordus par la corruption stagnante avant de s'infiltrer dans le goulet qui menait à la surface. Il déboucha sur le campement des hommes de Rachard. Une dizaines de tentes, des cabanes de bois et de branchages organisées autour de trois foyers entourés de pierres où il ne subsistait que des cendres pour le moment. Plus loin, le chariot était appareillé, auquel étaient attachés les deux chevaux de traits. Quelques soldats traînaient là, désœuvrés, mais un groupe un peu plus loin attira l'attention de Grogmar.

Aubin de Tyrosse se trouvait devant le reste de la troupe, et fît signe à l'impérial de s'approcher.

- "Regardez sur quoi nous sommes tombés pendant notre patrouille. Ce rat nous espionnait depuis les taillis et a voulu prendre la fuite quand nous l'avons repéré. Dans la panique, il s'est enchevêtré dans un roncier et nous l'avons encerclé." annonça le chevalier d'un air dur en se décalant, dévoilant leur prise à Grogmar.

Ce dernier le reconnu de suite : c'était l'un des braconniers du Guet-de-l'Estran. Plus précisément, celui sur lequel il avait renversé son huile de roche, et qui lui avait collé un coup de pied bien placé dans les côtes. Le pauvre bougre, dans sa tenue sale mêlant cuir et pièces de fourrures rapiécées, était fermement maintenu par deux des brutes de sire Aubin, tandis que les autres le regardaient et le moquaient d'un air goguenard.

- "Plusieurs fiefs se trouvent dans les environs, mais peut-être connaissez vous cet individu." continua le chevalier et relevant le menton du braconnier du bout de son épée. Ce dernier fut forcé de relever la tête vers Grogmar et lui lança un regard las avant de cracher au sol.

- "Et v'là autre chose ..." grommela-t-il, visiblement peu emporté par la situation.

[Grogmar]

Le nécromancien marcha d’un pas rapide, sentant au moment où il quitta ses serviteurs des yeux que la laisse qui le liait avec eux se brisait. C’était un moment un peu triste pour le sorcier, car il savait que ses serviteurs ne pourront plus lui revenir étant donné qu’il ne connaissait pas encore de moyen pour faire en sorte de relier ses esclaves une fois le lien rompu. Il se dit d’ailleurs qu’il ferait bien de trouver un moyen de le recréer. Mais pour le moment, il n’avait pas l’énergie ni le temps à se consacrer à ce genre de tâche tandis qu’il devait travailler à devenir plus puissant. Réussir à faire en sorte que le lien ne se rompe pas dès qu’il ne les voyait plus était déjà un bon début et une solution bien plus simple à ses yeux que de réussir à plier une nouvelle fois les vents de magie.

N’y pensant plus et réfléchissant toujours à comment faire pour que les lapins ne meurent pas, il traversa de ses grandes enjambées la distance qui le séparait de la sortie. Il pensa qu’il pourrait mettre en place une réserve de nourriture, mais celle-ci ne serait certainement pas suffisante pour permettre à ces rongeurs de survivre bien longtemps et ils risquaient même de tout manger avant d’avoir subi la moindre mutation. La solution vint alors d’elle-même, pourquoi les nourrir? Un homme pouvait très bien survivre un mois sans manger, une bestiole devait bien y parvenir pendant une semaine ou deux, mettre une petite réserve d’eau et de nourriture devrait donc amplement suffire pour le bien de l’expérience. Parfait, un problème de moins à traiter se réjouit le loup avide de savoir.

Il arriva à la sortie en même temps qu’il trouvait la solution à son problème et il put constater que les soldats de Sir Rachard n’étaient guère mieux disciplinés que ceux du Guet. Leur camp était misérable aux yeux du sorcier. Mais après tout que pouvait-on attendre d’humain? Les serviteurs morts-vivant avaient l’avantage de ne pas avoir besoin de dormir, ni de manger ou de rependre leurs déjections partout où ils passaient. A la place, ils pouvaient rester aussi longtemps que voulu debout et sans bouger. C’était bien plus correcte, plus fiable. Le nécromant eut envie de vomir intérieurement en se rappelant qu’il était lui-même un vulgaire mortel… Non pas vulgaire, car lui au moins savait manier la magie et il avait bon espoir de trouver un moyen de se détacher de ce problème plus que gênant.

Il jeta un regard sur la personne qui lui adressait la parole, Aubin de Tyrosse, un vulgaire mortel qui se croyait noble parce qu’il était chevalier de se cloaque qu’était la Bretonnie. Ainsi avait-il réussi à capturer un espion? Impressionnant quand on savait qu’il n’était pas des plus simple pour un barbare de ce type de retenir son bras pour ne pas tuer tout ce qui passait à sa portée. On fit redresser la tête du supplicier et du plus profond de ses souvenirs, une image apparut devant le loup sombre. Ainsi cet homme était le crétin qui avait osé le frapper? Comme le hasard était comique, lui qui cherchait un cobaye, il en avait trouvé un tout désigné. Mais en même temps, il était bien plus capable de s’échapper… Mais courrait-on vite avec le tendon du pied tranché? Rien n’était moins sûr… L’envouteur sourit intérieurement avant de se tourner vers Fangon.

-Nul besoin d’aller chercher des lapins, mon chère Fangon. Sir Aubin de Tyrosse vient de me trouver un cobaye d’une bien plus grande valeur.

Il se tourna vers le chevalier susnommé:

-Il s’agit d’un éclaireur du Guet. Cela implique que ce dernier surveille encore l’endroit. L’extraction avance bien, nous avons déjà récolté de quoi faire une bonne partie de ce pourquoi nous en avons besoin, mais il nous en faut plus. D’ici demain nous pourrons repartir, le Guet ne devrait pas avoir eu vent de la disparition de ce homme. Toutefois il serait préférable que vos hommes s’installent dans la première grotte, avec interdiction de boire dans l’eau qui y coule ou de manger quoi que ce soit qu’ils pourraient y trouver sauf s’ils veulent devenir comme celui qui a eu la maladresse de toucher à la poussière.

Il désigna alors du menton le braconnier avant d’ajouter et de conclure:

- Quant à lui, amenez-le à l’intérieur. J’aimerais que vous fassiez construire une cage pour l’y stocker un long moment. On lui coupera les talons pour être certain qu’il ne fuit pas et on lui coupera la langue pour qu’il ne puisse plus parler. Ce qui nous permettra de le laisser ici. Il ne devrait pas survivre bien longtemps, mais assez pour ce pourquoi il sera là. Croyez-moi, si l’expérience est concluante, Sir Henris de Rachard sera très satisfait.

Il n’avait pas pris la peine de cacher le nom de son « maître », car la seul personne qui n’était pas dans au courant de son implication ici allait bientôt ne plus pouvoir parler durant le restant de sa misérable vie. En même temps qu'il avait dit cela, le sorcier se dit qu'il ferait bien d'apprendre un peu plus l'anatomie humaine... Il s'agissait d'un savoir toujours bon à apprendre.

[[MJ] Le Grand Duc]

Aubin de Tyrosse contempla quelques instants le prisonnier, puis Grogmar et retira sa lame de sous le menton du braconnier.

- "Soit.", se contenta-t-il de dire. "Emmenez le et installez le campement dans la grotte."

L'éclaireur du Guet-de-l'Estran freina des quatre fers, apostrophant Grogmar.

- "Monseigneur ! Faites pas ça ! Epargnez moi, j'vous rejoindrai ! J'espionnerai le village pour vous ! Faites pas ça !"

- "Silence, maraud !" lui intima sèchement le chevalier en lui collant son poing ganté de fer dans la mâchoire, faisant sauter quelques dents gâtées au passage.

Le prisonnier fût donc emmené à l'intérieur, tandis que le reste des hommes faisaient tomber les cabanes bâties à la va-vite et dispersaient les cendres des foyers avant de rouler leurs fourrures et leurs tentes sommaires pour les déplacer dans la cavité. Certains grommelèrent, rechignant à s'installer au milieu de cette flore corrompue, mais ils hésitaient visiblement à contredire les ordres et finirent pas obéir sans discuter, tandis que certains d'entre eux ramassaient de quoi fabriquer rapidement une cage en bois.

Grogmar, quant à lui, regagna la seconde caverne, où les zombies continuaient inlassablement leur labeur. L'odeur qui régnait ici commençait à se faire puissante, mêlant les relents de chair pourrie et de poussière minérale dégagée par l'excavation. Jestan était assit en tailleur, près du petit lac, et observait les travailleurs morts-vivants à l'oeuvre, le regard un peu dans le vague. Quand l'impérial descendit les marches, son confrère lui jeta un regard et se fendit à nouveau de son sourire habituel, à la fois insolent et inquiétant.

- "Alors ? Leur trouvaille en valait-elle le déplacement ?" demanda-t-il alors même que le braconnier, dans la première grotte, poussait un cri de panique ou peut-être de souffrance, faisant écho à la demande du nécromancien. "Quoi qu'il puisse bien s'agir, je vois que nos amis ne perdent pas leur temps." se contenta-t-il de dire tournant à nouveau la tête vers la petite mine.

Les morts-vivants, inlassablement, avaient à présent entamé la roche sur plusieurs mètres de profondeur, créant une sorte de bouche béante dans la paroi.

[Grogmar]

Le puissant sorcier était heureux de voir que le chevalier ne contredisait pas ses ordres. C’était vraiment plus agréable d’être écouter que de devoir parler pour ne rien dire face à un mur d’obstination. Le mage détestait les affaires d’état et de manière générale tous ce qui demandaient de parler plus que quelques minutes à la suite. Ce n’était pas ce qu’il avait l’habitude de faire, lui qui avait vécu la plus grande partie de sa vie seul ou presque. La compagnie n’était pas ce qu’il aimait le plus, surtout quand il s’agissait d’une compagnie qui parlait trop et encore pire d’une compagnie qui parlait pour ne rien dire. Pour le jeune homme discuter des ordres, et plus particulièrement ses ordres, rentrait dans la classification de ce qu’il considérait comme parler pour ne rien dire. Car après tout, il n’était pas devenu puissant pour se voir refuser des choses par ses subalternes.

Quand le cerveau lent du braconnier comprit qu’il était dans une sale affaire, il tenta de freiner le plus possible son avancer vers l’enfer qui l’attendait. Mais il ne pouvait rien y faire et ce n’était pas son regard vers le nécromancien qui allait y changer quelque chose. Ce dernier le regardant simplement avec ses yeux perçants et son visage éternellement figé dans la glace de son âme. Il n’aimait pas cette personne, elle lui avait causé du tort et il n’aimait pas qu’on lui face du tort. Il lui avait jeté la décoction au visage. Celle-ci s’était d’ailleurs révélée hautement explosive, ce qui avait son intérêt certain, bien que le nécromancien ne voyait pas encore ce qu’il pourrait en faire. Revoir cet homme avait eu comme bonne chose de lui rappeler l’existence de ce liquide. Il décida de le remettre dans un coin de sa tête en attendant le moment où cela deviendrait plus important.

Sans plus faire attention à son entourage, le nécromancien repartit simplement de là où il venait. Les travaux d’extraction étaient lent et il devait rapidement retourner s’occuper de ses serviteurs délaissés pour que cela garde le rythme maximum qu’il avait eu tant de mal à atteindre. Ainsi descendit-il rapidement les marches, tout en prenant toutefois maintes précautions pour ne pas chuter. L’odeur qui se dégageait de la grotte était devenu assez pesante, mais il s’agissait d’un fumet qu’il commençait à connaître à force de côtoyer des cadavres à longueur de temps. C’est pourquoi, il n’y prêta pas plus d’attention qu’un bûcheron en aurait pour l’odeur de résine des arbres fraîchement coupés.

Une fois en bas, l'envoûteur écouta ce que lui dit son camarade avant d’y répondre de sa voix éternellement calme:

-Il s’agissait d’un espion du Guet… Il va me servir comme cobaye pour une petite expérience ici qui devrait me permettre de savoir si la corruption est également aérienne ou seulement lié à l'alimentation en produits corrompus.

Avant d’ajouter négligement:

-J’ai demandé à ce qu’on lui coupe les tendons des talons pour évité qu’il s'échappe, ainsi qu’on lui tranche la langue pour être certain qu’il ne puisse plus rien dire si le Guet venait à le redécouvrir avant qu’il ne soit mort. Les cris que l’on entend doivent venir de cette “opération”.

Après quoi, le sorcier s’assit calmement sur un gros caillou à bonne distance des zombies et de la fosse remplie de malepierre. Car il n’avait aucune envie de rentrer en contacte avec cette matière hautement corruptrice. Ensuite, il se concentra, cherchant à se souvenir comment il faisait et surtout comment se pliait le Dhar pour former les laisses entre lui et ses serviteurs. Il voulait en effet réussir à se relier à ses esclaves le plus rapidement possible et n’ayant jamais tenter l’expérience, il était légèrement excité à l’idée de le faire, mais également un peu inquiet. Car, était-ce seulement possible? Plongeant dans ses souvenirs, il se souvint de la manipulation qu’il fallait faire, c’était vers la fin du rituel, après que les tentacules nécromantiques n’aient réanimé les corps et se transformaient en lien non plus réanimant, mais plutôt comme des connections d’alimentation en magie pour les maintenir en action. Tout d’abord, il fallait se concentrer, les zombies avaient comme une sorte de petite queue à l’arrière du crâne, un reste de la laisse? Peut-être, pour ne pas dire sûrement. Le sorcier se concentra sur celles-ci, cherchant à les tirer vers lui pour les faire siennes. Il sentait que c’était la manière avec laquelle il devait procéder pour y parvenir. Mais il s’agissait de tout petit câble. Se concentrer, rester totalement fixer sur cette objectif et étirer la laisse suffisamment lentement pour qu’elle ne rompe pas, mais avec assez de force pour qu’elle s’allonge. Grogmar pouvait sentir qu’il s’agissait en réalité d’une lutte entre son esprit et celui des morts-vivant qu’il cherchait à récupéré et il avait une total confiance en ses capacités qu’il savait bien meilleur que celle d’une créature décérébrée comme l’était un zombie. En même temps, il s’agissait d’une première pour lui et l’idée de l’échec était là pour lui rappelé que tout ce qui était nouveau n’était pas aussi facile et que même ce qui était connu ne le devenait pas forcément. Concentration, voilà le maître mot et il comptait l’appliquer à la lettre.

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Test d'Int des Zombies : 13, raté.

Test d'Int de Grogmar : 2, réussi.

Grogmar récupère le contrôle sur les 8 zombies.

Le nécromancien se concentra profondément, fermant son esprit au monde extérieur pour se focaliser sur celui, métaphysique et changeant, des Vents de Magie. Fort de sa connaissance du sortilège d'invocation, il en isola les différentes étapes pour se focaliser sur celle ayant pour but d'établir le lien entre lui-même et ses esclaves morts-vivants. Récitant à voix basse la formule tronquée, il sentit un frisson maintenant bien connu le parcourir alors qu'il pouvait sentir les cordages nécromantique se lancer depuis son esprit pour s'arrimer aux corps sans vie qui s'affairaient comme des automates. Chacun de ces fils invisibles se lia autour de sa cible, ancrant l'influence de l'impérial sur ses sujets, sans que ceux-ci ne semblent réagir. Pour un observateur externe, rien ne semblait s'être passé. Mais Grogmar savait que son expérience venait d'être couronnée de succès et que les huit mineurs décérébrés étaient à nouveau soumis au moindre de ses caprices. Dans sa tête, une main de fer tenait les chaînes de ces pauvres êtres sans âme.

La journée touchait à sa fin et les morts-vivants continuèrent leur labeur toute la nuit durant. Au matin, Jestan ordonna aux zombies sous ses ordres de placer les sacs de Malepierre dans les caisses de plomb prévues à cet effet. Il y avait là plus de quatre-vingt-dix onces de poudre émeraude ainsi que quelques éclats de la taille d'un ongle. Toute cette matière hautement corruptrice fût scellée et enfermée dans la caisse, et les zombies, sur ordre des nécromanciens, se tinrent en ligne sans rien faire, attendant les ordres de leurs maîtres, les regardant de leurs orbites vides. Jestan se tourna vers Grogmar, qui s'était désormais imposé comme le chef de cet expédition.

- "Et maintenant ?" demanda-t-il.

[Grogmar]

Le nécromancien exalta d'allégresse quand le lien se fit avec chacun de ses esclaves morts-vivant. Il venait de réussir quelque chose qu’il ne savait pas possible. Établir un lien avec des serviteurs déliés. Ce simple acte le rassura dans son idée de gain de puissance. Comment en douter désormais? Il devait juste faire attention à savoir bien manipuler les vents de magie et faire en sorte de ne pas en perdre le contrôle. Mais savoir qu’il était capable de faire ce genre d’action sans trop de mal était déjà quelque chose encourageant quand à ses capacités futures. Il restait toutefois toujours persuader que tant qu’il restera un simple mortel, il ne pourra jamais espérer pouvoir atteindre l'excellence.

Quoi qu’il en soit, il ne tarda pas à recommencer à délivrer ses ordres silencieux, les zombies n’étaient pas malin, loin de là même. Ainsi, certain d’entre eux avaient dévié de leur trajectoire ou plutôt avait trop fidèlement suivit la trajectoire demandée. Il les réajusta donc non sans devoir se concentrer plus qu’il ne le voudrait. Mais il était certain que cet exercice lui serait très profitable pour son expérience personnel et ainsi lui permettre de bien mieux contrôler ses pantins. Sa magie se renforçait chaque jour, devenant un torrent de puissance, tandis que son savoir s’approfondissait creusant le lit du fleuve de sa destinée. Il jubilait, se demandant combien de temps de connaissance il lui restait à apprendre, combien de choses il lui restait à découvrir. Cette mission n’était qu’une étape dans sa vie et il ne comptait pas en rester là, une fois arrivé à Castle Rachard, il devra faire en sorte de rapidement maîtrisé le rituel ou le sort, il ne savait pas vraiment, que lui avait promis son “maître”. Ainsi, il allait pouvoir retrouver toutes ses forces et il allait pouvoir devenir encore plus puissant qu’il ne l’était déjà. Comment pouvait-il ne pas être heureux? Les seules taches qui venaient noircir le tableau étaient les deux autres nécromanciens qui n’étaient pas avec lui. Jestan semblait pour le moment fiable, car il lui avait promis de l’aider à grimper les échelons à ses côtés. Mais il devait également le surveiller, on était jamais assez prudent et le puissant mage avait trop souvent été trahi par des personnes en qui il avait confiance. Le loup ne comptait pas faire la même erreur.

La nuit passa aussi vite qu’un battement de cils, le nécromancien était bien trop occupé à réfléchir à ses plans et à comment manipuler ses serviteurs pour faire attention au temps qui filait tel un cheval aux calops. Mais quand il en prit acte, il se rendit compte que si le sable du temps coulait aussi vite, cela ne lui laissait pas beaucoup de temps pour apprendre comment devenir un fidèle serviteur de son dieu. Un serviteur qui le suivrait dans l’éternité de son règne. Un serviteur immortel. Ce savoir, il en était certain, Sir Rachard devait le détenir également, mais il ne le lui laissera jamais, non. Comment le pourrait-il seulement? Il allait devoir ruser pour pouvoir se l’approprier. Mais d’abord, apprendre le moyen qui lui permettra de se purger de la corruption qui le rongeait. Il fut interrompu dans sa réflexion par Jestan. Ce dernier avait fait stopper leurs labeurs à ses sbires, les alignant comme des soldats après avoir fait enfermé et scellé les nonante onces de malepierre qu’il avait récolté. En comptant une once par rituel, ce qui était en somme déjà énorme, cela en faisait plus qu’assez pour ce pourquoi il était venu. Tout en se relevant à son tour et en étirant ses muscles endoloris par le manque de mouvement qu’il avait fait durant cette nuit, il lui répondit de sa voix froide et sans émotion habituelle:

-Cette grotte est précieuse. Mais y mettre des gardes ne feraient qu’éveiller les soupçons et connaissant les gens du Guet, ils seraient bien capable de faire s’effondrer l’entrée pour en sceller l’accès. Nous ordonnerons donc à nos serviteurs d’aller s’effondrer dans la petite maison là-bas…

Il montra du doigt la bâtisse où le jeune homme et Fangon avait trouvé les statuettes, avant de continuer.

-Ensuite nous partirons sans tarder.

Grogmar ordonna à ses serviteurs de prendre leurs outils et d’aller dans le lieu ci désigné avant de leur intimer l’ordre de se coucher et de ne plus rien faire. Ils n’étaient ainsi plus techniquement actif, mais il pourrait en reprendre le contrôle sans trop de problème. Pour s’assurer qu’il ne risquait pas de perdre le contacte trop tôt, il les suivit jusqu’à la maison avant de repartir vers la première grotte une fois chose faite.

[[MJ] Le Grand Duc]

Les deux nécromanciens guidèrent leur zombies comme des bergers guiderai un cheptel claudiquant et en état de décomposition. Ils les menèrent dans la vaste salle d'embaumement en pierre dans laquelle Grogmar et Fangon avaient découvert les statuettes et leurs ordonnèrent de se coucher les uns à côté des autres, ce que firent les morts-vivants en grognant et en bavant. Une fois fait, les sorciers coupèrent le cordon mental qui les reliait à ces créatures impies. Ils se rendirent ensuite dans la première grotte et signifièrent à sire Aubin que leur travail ici était terminé. Près du campement, Grogmar remarqua la cage en bois grossière qui avait été construite par les hommes de Castel Rachard, et dans laquelle croupissait désormais le braconnier mutilé, prostré dans un coin, les yeux rouges et le menton et le torse maculés de sang. Un seau d'eau et quelques miches de pain avaient été posée à côté de lui, tandis qu'il regardait dans le vague.

Le chevalier ordonna à quatre de ses hommes d'aller quérir la malle de plomb qui renfermait la précieuse poudre et une fois fait, ils levèrent le campement sans tarder et quittèrent ces cavernes corrompues. Le chariot fût chargé, les chevaux attelés et la troupe se remit en route vers la forteresse de sire Rachard. Grogmar pouvait sentir les effluves néfastes des grottes de Mornemont se faire de plus en plus faibles à mesure qu'ils s'avançaient dans les marécages, tandis que la malle de plomb contenait à la perfection les émanations mutagènes de la Malepierre.

Le voyage du retour se fit sans accrocs. Ils traversèrent les tourbières et les bois torturés, s'arrêtant la nuit en dressant un campement rapide. Ils ne croisèrent que quelques maresquiers aux larges chapeaux qui s'empressèrent de s'écarter du chemin, et passèrent dans deux ou trois villages miteux. Enfin, au troisième jour, ils pénétrèrent sur les terres du seigneur Henri de Rachard, comme en témoignaient les bourgades plus importantes et les tours de guet dressées ça et là.

[Grogmar]

Le puissant sorcier admirait son œuvre. Celle-ci était prostrée dans sa cage de fortune, de maigres rations à ses côtés pour seul compagnie dans sa douleur silencieuse. Comme il devait le hair pour ce que le magicien lui avait fait. Mais il ne devait pas comprendre l'importance que venait d'acquérir sa misérable existence. Autrefois sans aucune valeur, il était désormais un engrenage de quelque chose de plus grand, la mécanique du savoir du Loup Sombre. Pour le reste, ses sentiments n'avaient pas autant gagné en importance que son corps et l’envoûteur ne faisait donc pas grand cas de ce qu'il pouvait penser. Il sera mort dans bien peu de temps et seul son cadavre avait donc réellement de l'importance. Le nécromancien se demanda alors ce qu'il lui ferait si à son retour ce gueux était encore en vie. Il finit par se dire qu'il lui donnerait généreusement de quoi manger et boire pour continuer l'expérience plus longuement. Une étude à long terme étant sûrement plus prudente pour être certain de la force corruptrice de ce lieu. En même temps qu'il se dit cela, le jeune homme se demanda si cette expérience ne perdrait pas tout son intérêt s'il trouvait entre temps un moyen de ne plus craindre la mort. Il chassa bien vite cette idée de sa tête, le savoir était précieux, quel qu’il soit !

Il finit par détourner le regard de son sujet d'expérience. Aucun résultat n'était attendu avant un moment et il s'agirait d'une perte de temps que de l'examiner pour l'instant. Il vint donc plutôt se porter aux côtés du chevalier bretonnien à qui il annonça la fin du travail d'extraction. Il restait encore beaucoup de malepierre dans ses terres corrompues, oui, il disait bien ses terres, car pour le sorcier, elles lui appartenaient de plein droit ! Il n'en fit toutefois rien paraître, son visage restant dans son inexpressivité caractéristique. Il regarda simplement les humains décharger sa grotte de sa précieuse chair pour l'embarquer dans le chariot qui l'amènera chez le voleur qui la lui dérobait. Le loup rongea l'os de sa haine, goûtant au goût de sa vengeance pour le moment imaginaire.

Quand tout fut près et que la petite troupe fut prête à partir, le magicien se dirigea vers Fangon pour lui parler d'une tâche qu'il voulait lui confier durant le trajet du retour. Le souvenir du liquide qu'il avait trouvé peu de temps avant son premier séjour ici ne le lâchait plus et il voulait absolument pouvoir l'analyser plus en détail quand il en aurait le temps. Ce n'était bien sûr qu'une expérience secondaire, il avait soif d'une connaissance bien plus grande que ce que pouvait lui apporter un liquide inflammable, mais il s'agissait d'un savoir qu'il n'avait pas et cela suffisait à lui donner envie de s'en emparer. Il parla donc à l’arbalétrier de sa voix neutre de toute émotion :

-Mon chère Fangon, j'ai une mission pour vous qui devrait vous permettre de vous occuper un peu durant le voyage du retour. Vous vous souvenez de la gourde qu'on m'avait donné ? Elle contenait un liquide qu'on nomme Huile de Roche. On en trouve dans les marrais et j'aimerais beaucoup l'étudier plus en détail, je suis en effet certain qu'elle pourrait nous être très utile pour ce qui nous attend, la simple explosion qu'elle a provoquer lors que l'outre à brûlée avec toutes mes affaires devrait vous en convaincre. Ainsi, j'aimerais, si vous le voulez bien, que vous me cherchiez cette mixture et que vous en récoltiez une bonne quantité histoire que j'ai de quoi travailler et peut être faire une démonstration militarisée à Sir Henris de Rachard.

Il attendit la réponse du serviteur du seigneur du Castle Rachard avant de partir s'asseoir sur le chariot sans insister plus que cela si la réponse était négative ou même si la réponse était positive. Il n'était pas d'humeur à parler plus que de raison, en effet, il était fatigué par le travail qu'il avait du réaliser durant toute la nuit et il commençait juste à s'en rendre compte. Ainsi s'assoupit-il un moment dans le chariot, bien calé dans le chariot bien plus vide d'outil qu'à l'aller, mais charger d'une ressource infiniment plus précieuse. Il avait avant cela, vérifier que la malle était bien hermétique à la puissance corruptrice, il n'avait en effet aucune envie de se réveiller avec un bras en plus ou le visage totalement déformé par les mutations. Seul les crétins du chaos pouvaient bien croire qu'il s'agissait d'un signe de leurs dieux. Les mutations étaient des aberrations qu'il fallait traiter et non pas adorer.

Le voyage était long et le sorcier n'était pas beaucoup plus bavard que durant le trajet aller. Le simple fait de parler à des gens était fatiguant pour lui et cette fatigue, si elle venait s'ajouter à la frustration de quitter une nouvelle fois sa grotte, risquait de le rendre explosif, ce qui n'était clairement pas une bonne chose et il le savait. Ainsi préféra-t-il ne rien faire de trop fatiguant durant le trajet, de toute manière, il ne pouvait pas faire grand chose d'autre que de regarder le paysage défiler lentement devant ses yeux. Ce n'est seulement à la vue des tours de guet annonçant l'arrivée prochaine à Castle Rachard que la langue du nécromant se délia de sa bouche pour s'adresser à Jestan de sa voix qui ne semblait pas être capable d'exprimer les émotions de son âme, restant éternellement morne et plate comme une steppe gelée.

-Et bien, le voyage du retour n'aura pas causé d'ennui. Je suis certain que sir Henris sera ravi par ce qu'on lui ramène. Quand aux deux autres, ils ne vont pas être heureux de l'attention que notre maître va nous porter. Je compte sur toi pour couvrir mes arrières autant que je couvrirais les tiennes... Et agir en conséquent s'ils nous y forcent.

Deux craquelures semblèrent alors se former au niveau des commissures des lèvres du masque de glace qui constituait son visage tandis qu'un léger sourire apparu. Mais il ne s'agissait qu'une chose temporaire et telle une crevasse, les fissures se refermèrent sans aucun état d'âme sur l’espoir qu'une émotion puisse survivre bien longtemps dans ce froid mordant qu'était le Loup sombre et son visage redevint le masque sans vie qu'il avait toujours été.