Alors qu’Adémar accompagnait la petite troupe de nain et que le groupe commença à bifurquer vers l’auberge, Ursuf semblait grimaçer à la vue du message porté par le cavalier. Il lui adressa de rapide murmures imperceptibles. L’expression exaspérante qu’Ursuf a l’habitude d’afficher, venait de s’exagérer sur son faciès. Visiblement, le contenu du message n’a eu guère de lui plaire. Il déplia le reste du parchemin tout en se dirigeant vers ses baraquements.
Adémar n’eut le temps de se distraire de cette scène, car il manqua de manger le pas de la porte de l’auberge en plein dans son pauvre bras meurtris.
D’habitude, dans une auberge il y a toujours quelques personnes avec qui partager un verre ou converser.
Là, ici, en ce moment: rien. Un désert humain.
Les nains n’attendirent pas qu’on les installa, aussitôt rentré, ils essuient leurs bottes, s’assurent que nulle trace trop grande de boue ou de déjection ne se trouvait sur celles-ci et se rendent à l’une des grandes tables centrales, vide, en rang organisés de manière instinctive mais quasi-militaire. C’était comme s’il s’agissait d’un automatisme ou d’un réflex naturel pour eux. Malgré leur démarche un peu pataude et gauche, ils s’assirent ensemble, comme d’un seul homme (ou nain), de manière simultanée. Ils semblaient savoir, d’instinct, quelle était la place de chacun quand il fallait s’asseoir. Même s’il y avait des nains visiblement plus vieux que lui, et sachant que les nains ont tendance à utiliser l’âge comme un déterminant crucial de la hierarchie, Ingrad restait au centre, de l’autre côté de la table.
Ingrad: ah bah ca m’a l’air d’être une vraie auberge d’zumgis ici !
Adémar:
Bien observé maître nain. C’est effectivement la taverne du campement. J'espère que vous apprécierez d'y boire.[/b]
Ingrad: “arh arh ahr ! Tant qu’on peut saouler un homme, on peut faire dormir un nain! Moi et mes Dawris ont a eu d’la longue marche, des vertes et des pas mûres. La route a été longue et nous revenons de loin*”
*
L’alcool n’est pas le meilleur mais il suffit à satisfaire ce pourquoi nous le buvons. Nous aussi, nous revenons de loin mais nous continuons de marcher de l’avant. Puisse votre halte ici vous accorder un repos réparateur. (Adémar a l’impression que ça dernière phrase fait un peu bizarre dans sa bouche mais il n’en laisse rien paraître)[/b]
Ingrad: “ah, ça mon garcon, il ne faut pas essayer de tout noyer, l’alcool est de ces drogues qu’il faut toujours partager. Boire seul est bien la chose la plus triste à faire quand on a du temps à tuer!
Oh mais oui bien sûr! On dormirait bien sur des lit d’pierres! On a tant marché! Si t’voyais mes pauvres petits orteils! Ils sont tout couvert d’ampoules après avoir botté l’train des trucs qui nous gênaient sur l’chemin, Arh Arh!
Mais tien, t’m’as l’air un peu blessé jeunot?! Que t’es-il arrivé?”
Adémar :
Je n’ai jamais eu l’occasion de boire seul et d’après vos dires ce n’est pas un mal. Je vais donc suivre votre conseil et toujours m'assurer d’avoir de bon compagnons de boisson ainsi qu’une bonne raison de boire.
Pour des lits de pierre je crains fort que nous manquons de tailleur de pierre. Un matelas vous ira-t-il à vous et à vos compagnons ?
Ha et mon bras ? Une blessure de guerre qui ne souhaite pas guérir rapidement. Je compte le garder comme ça quelque temps sinon on devrait couper court… À une possible guérison. (Adémar attends de voir si le nain à saisi l’humour noir dont il venait de faire preuve)[/b]
Ingrad: haaha un matelat? On va p’têt s’asseoir un peu avant mais c’est mieux de mourir dans quelque chose de douillet pour sûr!
Euh couper? Ca m’a pas l’air d’être une bonne idée Zumgi, m’a l’air d’aller bien vôt’ bras!
Adémar:
C’est bien pour cela que je compte laisser mon bras au repos maître nain. Si vous n’avez pas d’autres questions ou demandes, je vais vous attendre ici pour ensuite vous conduire à mon supérieur Ursuf. Malheureusement notre capitaine Abercrombie est absent pour quelques temps mais vous devez être au courant si vous êtes ici. [/b]
Ingrad: Abercrombie?
AHHH! Oui je me rappelle de lui! Quand je le connaissais il était haut comme trois pommes, maintenant c’est moi qui suis petit, hoho!
Donc oui, son aïeul! Sacré personnage! ‘me rappelle de lui comme si c’était hier. ‘l’avait aidé mon père à l’époque quand il s’est fais jeté d’Karak pour une histoire à coucher dehors. Pis il l’a jamais oublié mon père! Ça non! Mais son aieul oui! Parce qu’il avait cassé sa pipe d’puis l’temps! Mais son fils lui s'en est rappelé. Mais disons que même pour nous tous ici présent, on a oublié les raisons et les circonstances.
Du coup on lui doit un service et on est v’nu! Un nain n’a qu’une parole, pas vrai?
40 ans quand même! Le temps d’un ptit somme sans doûte?
Du moins pour un géant!
Arh Arh!
Parait-qu’zavez b’soin d’guide pour tuer d’la bête?
On en a pas l’air mais on si connait bien en forêt! Pour sûr, il y en a dans les montagnes!
On vous montrera demain!
Nous on va se reposer un peu.
Les autres nains étaient également en train de converser ensemble en Khazalide. Aussitôt qu’ils virent l’incompréhension dans le visage d’Adémar, qu’ils comprirent leur erreur. Ainsi, ils changèrent immédiatement de langue et commençèrent à parler en Reikspiel et résumèrent certaines bribes de conversations au jeune Adémar.
Sauf qu’ils le faisaient tous en même temps avant de se rendre compte que le pauvre écuyer était en train d’être étouffé par tous les résumés simultanés. Puis ils rirent de leur propre bêtise.
Ils étaient si vivant ces petits êtres qui ont pourtant la réputation d’être si stoïque et taciturne.
Adémar appris, des bouches aux langues bien déliées de ces nains, qu’ils appartenaient tous à des familles très différentes. Toutefois, la raison de leur présence en dehors de leur forteresse n’était nullement mentionnée, pas plus que la signification de leur statut de “rôdeur”.
Visiblement quelques noms revenaient, de temps à autre: Ubrum ou bien était-ce Dwinlir et Ohrik? Difficile à dire.
Après un bon quart d’heure de soulagement et de discussions légères, les nains voulurent quitter leur table.
Le jeune Adémar appris que ces amicaux nabots avaient fait de la route et qu’ils rôdaient dans les montagnes, cherchant quelque chose. Visiblement, ce quelque chose les aurait également mené ici, en plus d’une dette héréditaire.
Malgré leur ouverture d’esprit fulgurante, aucune mention de cette raison.
Quelqu’un se proposa de montrer les chambres et d’accompagner ces messires nains à quelques lits et chambres encore disponibles. Les nains semblaient souriant à l’idée de pouvoir dormir dans un lit.
Le jeune écuyer demanda à quelques autres soldats profitant d’un quart d’heure de pause, s’ils avaient déjà vu des nains.
On lui répondit des “pas des comme eux en tout cas”.
Puis….c’était l’attente… Il n’y avait plus grand chose à faire pour occuper le reste de l’après-midi. Que faire? Attendre? Piquer un somme?
Une bonne heure s’écoula. Adémar était présent dans le hall. Les nains passèrent un peu plus tôt mais visiblement ils étaient occupés.
Puis la porte s’ouvrit de manière branlante, comme un violent coup de vent venait de l’ouvrir.
Ursuf le visage encore aigri venait d’entrer. Tenant dans ses mains une lettre. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas du message qui lui fût porter plus tôt, mais bien d’une lettre marquée d’un sceau. Il se dirigea machinalement mais rapidement vers les escaliers, certainement pour aller dans ses quartiers.
“besoin d’ma chicane…” mougonna-t-il.
La lettre possédait un sceau qu’il ne reconnaissait que trop. Il s’agissait du sceau de sa famille!
Le sceau était brisé, visiblement quelqu’un avait brisé celui-ci afin de lire le contenu de la lettre.
Que pouvait-elle contenir? Difficile à dire. Ce qui était sûr, c’est que Ursuf n’avait pas l’air particulièrement ravi, mais sa mine habituelle était désormais affichée sur son visage.
Il monta les escaliers sans ajouter d’autres mots.
Plus tard vint alors l’heure du souper. Les nains étaient là! L’ambiance était tout autre. Ils se mélangent aux autres soldats, ils semblaient excités à l’idée de rencontrer d’autres personnes. Bon nombres d’hommes présents à ce moment furent surpris de leur excitation sociale, qui semblait être une caractéristique que l’on jugerait de “pas si nain que ça”.
Puis l’humeur changeait: les soldats commencèrent à sourire face aux blagues grossières des nains. On commençait à échanger, à s’ouvrir, à chanter des chansons naines en reikspiel puis des chansons impériales en khazalide.
C’était quelque chose qu’Adémar n’avait point observé depuis son arrivée ici.
Les hommes vivaient et chantaient…
Ursuf pouvait même être aperçu d’un coin de l’œil. Malgré son habitude terne et sobre, on pouvait voir son pied en train discrètement, mais sûrement, taper le sol au rythme des chansons.
Les âmes vibraient face à tant de vie, une chose si rare en Ostland.
Puis, la porte s’ouvrit brusquement, plus un bruit, plus un murmure. À la place, une ambiance glaciale et silencieuse s'immisça abruptement dans la pièce instantanément tuée de toute animation. Le vent frais de la nuit menaçait d’éteindre les flambeaux.
On entendis des bruits de sabots au loin…
Suivis d’un cri et du crissement des flammes d’un brasier:
GAMIN!?
Adémar fut tiré de sa torpeur d'un sursaut d'effroi et de terreur, visiblement trop de vin ou de bière finirent dans le sang. Il se réveilla dans sa petite chambre en habits de nuit mais transpirant comme jamais. Ses draps étaient trempés de sueur comme si on avait jeté un seau remplis d’eau.
Et il avait une horrible envie de se soulager.
Mais il fallait aller dehors. C’était affreux, il devait se soulager absolument.
Il se leva alors de son lit et se dirigea vers les escaliers, puis se pressa vers la porte afin d’aller à l’extérieur.
Puis… il entendit quelque chose, comme une voix de femme? Il vit comme une étrange lueur ou plutôt un éclat de lumière un peu vive.
Que fait-il? Rentrer au chaud à l’intérieur et se détremper?
Ou suivre sa curiosité?