[Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La colère de Nola ne gagnait qu’elle, et il n’y avait que l’Amazone pour chercher la confrontation. Loredan était le genre d’homme qui parvenait à s’imposer dans une pièce sans jamais faire mine de combattre — si Nola était une fauve, lui était un serpent, et une guerrière de Lustrie devait savoir qu’il était suicidaire de sous-estimer le venin du serpent. Croisant une jambe sur l’autre, s’enfonçant un peu plus dans son siège, Loredan sirota un rouge pétillant de quelques menues gorgées, l’air nonchalant, comme si les paroles de sa gladiatrice ne l’atteignaient pas.

Pourtant, même si Nola ne parvenait pas à intimider ou à rendre poli ce sbire, elle devait avoir gratté quelque chose — on ne savait trop quoi — car le voilà qui fit un signe de l’index, hautain, l’invitant à approcher. Il y avait de quoi le gifler pour une telle insulte, encore qu’il n’eût pas poussé le délire à claquer des doigts. C’est lorsque l’Amazone s’approcha (Par jeu ? Parce qu’elle s’en foutait ?) qu’il se courba un peu dans son siège pour lui murmurer quelque chose tout bas.

« J’ai un troisième conseil pour votre vie à Remas… »

Ah oui, elle avait oublié cette connerie.
Quand il l’avait débarquée du bateau, alors qu’elle était en haillons, couverte de crasse et de sueur, et qu’elle avait jeté son regard sur cette magnifique ville pour la toute première fois, avec son ton condescendant, il lui avait murmuré un « premier conseil » sur les mœurs de Remas, qui était une phrase du style, « On n’est que ce que l’on accepte de montrer aux autres ». Après quoi il lui avait trouvé un lit confortable, un bain chaud, et des vêtements propres.
Six mois plus tard, durant un entraînement au sein du manoir Telli, l’un des hommes d’armes de signore Marco avait lancé une moquerie vache et paillarde — fatiguée de trois heures de lutte frustrante, ça avait achevé de lui faire bouillir le sang, et elle avait tenté un coup de couteau pour venger l’affront : le bras de Loredan, surgissant de nulle part, peut-être des enfers, l’avait retenue net. Et voilà qu’avec son même ton d’enfoiré doucement méprisant, il avait balancé son « deuxième » conseil : « Les sanguins sont admirés. Mais les gagnant mangent la vengeance froide. »

Il aimait s’entendre parler, ce salopard. Et il semblait particulièrement apprécier d’endosser le rôle du mentor, alors qu’il n’avait, au fond, pas grand-chose à lui apprendre. Alors, allons-y, quelle bêtise suffisante et condescendante allait-il siffler entre ses dents ?

Loredan tira un peu sur son manteau, et par un mouvement de hanche, il dévoila un objet qu’on ne s’attendait pas à voir sur un bonhomme précieux et bien habillé comme lui : le manche d’une dague. Et pas un stylet de noble prêt à se faire agresser dans la rue par un sicaire, comme il y en avait beaucoup en Tilée : une dague à pommeau large, une arme de soldat. Couvrant son poignard avec son manteau, peut-être pour que le duo de la Calimala derrière ne le découvre point, il tira sur la lame pour mieux la présenter à Nola.

« Ne menacez jamais un homme avec du bon temps. »

C’était une grosse dague à dents, avec une inscription en écriture Classique dessus. Aucune idée d’à quoi ça faisait référence, et ça ne renseigna pas plus Nola sur la faction ou l’appartenance de Loredan, du moins s’il en avait une. Mais il y avait une certitude : c’était une arme de guerre entre ses mains. Alors, était-il vraiment un imbécile complet qui s’inventait une vie, ou bien y avait-il autre chose derrière son apparence de vieux monsieur élégant ?





Quelques instants plus tard, quelqu’un entra dans la grande pièce d’attente.

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C’était Veronica Venier, la secrétaire de Marco Telli. Nola ne savait presque rien d’elle, même si elle était tout le temps aux côtés de son maître partout où il allait dans le palais. Elle était belle, et elle portait des vêtements masculins, ce qui la faisait pas mal trancher avec le reste du personnel de la mesnie, mais elle n’avait jamais parlé de façon personnelle avec l’Amazone.

En la voyant, Loredan rangea vite sa dague et se releva tout droit avec un grand sourire. Mais à sa surprise, voilà que Veronica leva la main pour l’intimer qu’il n’était pas nécessaire de se gêner. Avec une petite voix très douce, elle indiqua :

« Ne vous dérangez pas tout de suite, signore Loredan. Maestro Telli souhaite parler quelques minutes à notre gladiatrice avant que vous n’entriez. »

Cela, par contre, c’était… Original. Telli parlait parfois avec Nola, il lui arrivait de la recevoir pour parler de ses performances à l’entraînement, d’endroits où il souhaitait qu’elle l’accompagne pour se faire voir, de comment il avait besoin d’elle pour se donner en spectacle en public… Mais Loredan, qui s’occupait de tout cet aspect « vitrine » autour de Nola, était toujours présent, c’était un peu lui l’expert. Telli avait très rarement demandé à voir Nola seule-à-seul.
Bien qu’un peu surpris, Alvise Loredan retrouva en une seconde son caractéristique sourire, et il se rassit sur son fauteuil avec une petite phrase :

« Hé bien ne faites pas attendre Son Excellence, alors. »

Avec une courbette, Veronica invita Nola à la suivre. Les deux passèrent alors dans le couloir, et continuèrent jusqu’à une porte solidement gardée par un Garde Républicain en faction. Il s’écarta en voyant arriver la secrétaire, qui ouvrit la porte et laissa Nola entrer devant elle.


C’était l’un des bureaux des triumvirs. Une immense pièce fort jolie, feutrée, chaude malgré la mauvaise saison et la fraîcheur de dehors. La lumière provenait d’immenses baies vitrées qui occupaient toute la façade du mur devant. Il y avait là d’autres tapisseries, des tableaux de maître représentant de grands moments de l’histoire de Remas. Au sol, un grand tapis à l’Arabéenne, cousu de fils d’or, et dans un coin, un grand aquarium carré où flottaient des poissons multicolores, juste adjacent à une boîte à musique. Luxe et confort habitaient cette pièce.

Mais Telli n’était pas le genre d’homme à beaucoup en profiter. L’immense bureau en ébène au milieu de la-dite pièce était recouvert à en craquer de feuilles, de livres, et de parchemins dans tous les sens. Il y avait même des colis éventrés, remplis de paperasse et de volumes. Preuve ce que n’était pas de la décoration, beaucoup étaient ouverts et tournés vers le grand siège un peu vétuste posté derrière. C’était ici que Telli travaillait pour Remas, la Calimala, et aussi un peu pour lui-même — et en ce moment, il était debout, les bras croisés, en train de discuter avec quelqu’un. Les cernes autour de ses yeux montraient qu’il n’avait pas beaucoup dormi hier soir.
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Remas était une cité bizarre — elle avait décidé que ses dirigeants seraient choisis par un Dieu, mais en l’occurrence, il s’agissait de Ranald, saint-patron des chanceux, des joueurs et des voleurs. Trois triumvirs se partageaient le pouvoir exécutif, chacun désigné pour seulement trois années, avec un renouvellement chaque année par tirage au sort d’un d’entre eux. À en croire le sage Arese, il n’y avait eu que cette ville pour adopter un tel système de gouvernement, qui évitait la tyrannie de politiciens de carrière, ou celle de dynasties familiales qui s’allieraient entre elles.

Telli n’était donc pas l’homme le plus riche, le plus charismatique, ou le plus puissant de Remas. Mais il était triumvir encore pour cette année au moins, et en tant que patron de la Calimala, cette immense guilde de drapiers, il possédait une influence incontournable.


L’homme avec qui il était en train de parler, Nola ne le reconnaissait pas. Mais à son uniforme et son plastron, il devait être un militaire — à moins que ce ne soit sa tête au visage froid qui trahissait son rôle martial.
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« Ce que j’ai promis aux autres vaut également pour vous, votre excellence.
– Je vous remercie, mon général. »

Les deux hommes s’échangèrent une poignée de main bien franche. Puis le soldat s’éloigna avec une valise à la main, en faisant un simple signe de tête en guise de politesse à Nola. Pendant ce temps, Marco Telli repris place derrière son bureau.

« Je vous remercie, Veronica.
Nola, vous buvez quelque chose ? »


Était-il utile de soigner une gueule de bois par une rasade de vin le ventre vide ? En plus, la question était purement pour son invitée — Telli était le genre de personne bizarre à commander…

« Un verre d’eau minérale avec glaçons pour moi, je te prie. »

La secrétaire s’exécuta en allant ouvrir un buffet réfrigéré. S’asseyant dans son fauteuil, Telli lit rapidement un papier dans sa main en fronçant des sourcils, comme un myope débutant qui n’avait pas encore renoncé à l’idée de porter des lunettes, puis finalement, hocha de la tête avant de lier ses mains devant lui, et de porter toute son attention envers l’Amazone.

« Bonjour, Nola. Comment allez-vous ? »

Question purement de politesse. Les Tiléens adoraient tourner autour du pot dix minutes avec du « blabla » avant d’aborder le sujet qui les intéressaient. Telli était très fort pour ça, à raconter des choses sur ses enfants, ses affaires, le climat général à Remas, avant d’enfin admettre pourquoi il la recevait ainsi en solitaire… Cela allait être bien chiant, mais elle n’allait pas avoir d’autre choix que de se soumettre à cette tradition méridionale.


Jet de charisme de Nola (Bonus : +2) : 19, échec

Jet de connaissances générales (Tilée) (Malus : -6) : 15, échec aussi
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

Je me contentais de hausser les épaules, sachant pertinemment que cette question n'était que pure politesse et désireuse de raccourcir au maximum cet échange de banalités préliminaire à toute discussion qui semblait être la norme dans la sphère politique de Remas. Cela n'empêcha pas Véronica de me jeter un discret regard chargé de reproches alors qu'elle déposait le verre d'eau fraîche sur le bureau de son maître. « La même chose que vous » dis-je en désignant du menton le pichet « les bavardages du signore Loredan m'ont assoiffé. »
« N’est-ce pas ? » fit Marco Telli avec un très léger son qui ressemblait à un rire.« À son débit de paroles, il est presque étonnant que lui-même n’ait pas besoin d’étancher sa soif. » Quand Veronica me tendit à mon tour un verre d’eau, Telli la remercia d’un hochement de tête. « Étrange homme, Loredan. Efficace, bon pour faire du chiffre, et il a toujours été un ami de la Calimala… Mais il laisse cette espèce de sensation derrière lui, pas très discrète, comme s’il faisait bien sentir que tout ce qui l’intéressait c’était lui-même. Pas trop un joueur en équipe, si je puis dire… Qu’est-ce que vous en pensez ? »
Je portais le verre à mes lèvres. J’eus l’impression de sentir le liquide descendre directement dans mon estomac vide en laissant une sensation de froid sur son passage. Ces quelques secondes me permirent de réfléchir à ma réponse, ne sachant pas où voulait en venir le triumvir. Je n’étais pas habitué à toute cette finasserie diplomatique alors que mon interlocuteur excellé dans ce domaine et je craignais en permanence de commettre un impair. Telli pour sa part était un orateur hors pair, capable de convaincre un condamné de se couper la tête lui-même. Il savait comment faire un discours, quels arguments utiliser pour impressionner la foule et la rallier à sa cause. Parfois, je me demandais même s’il ne serait pas capable de persuader un mendiant qu'un caillou valait plus qu'une pièce parce qu'il était plus lourd et qu'un estomac vide valait mieux qu'un estomac plein parce qu'il ne posait pas de problèmes de digestion. « Le jeu en équipe n’a jamais été mon point fort non plus, alors je ne vais pas lui jeter la pierre sur ce point. D’ailleurs, je préfère qu’il s’intéresse à lui plutôt qu’à moi, bien que j’ai souvent la désagréable impression que les deux vont de pair. »
Telli hocha de la tête, ma réponse semblait bizarrement le satisfaire. « Il s’intéresse beaucoup à vous, oui. En même temps, d’après ce que j’ai compris, vous lui avez coûté très cher… Il est bizarrement évasif sur le sujet, mais ça lui a visiblement coûté de vous amener jusqu’à nous… Personnellement, je pense que son investissement sera à la hauteur du gain. Vous ne seriez pas devant moi autrement, Nola. »

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Un commandant n'inspire pas toujours de l'affection, mais par Manann, Il faut qu'il inspire confiance ! C’était ce qu’avait l’habitude de dire le vieux Gindast quand je naviguais encore à bord de l’Aslevial et il me fallait reconnaître que j’avais plutôt un sentiment favorable envers Marco Telli depuis que j’avais fait sa connaissance. Je ne me leurrais pas quant à la teneur de ses intentions envers moi, mais il avait toujours eu l’art et la manière d’amener les choses avec tacts et subtilité. Cependant, il m’était désagréable d’entendre ces puissants parler de moi et de ma valeur comme on l’aurait fait d’un étalon de race ou d’une épée de maître. Serrant les dents pour ne pas montrer le mécontentement que me procurait ses dernières paroles, je continuais de fixer mon patron pour l’inviter à poursuivre.
Telli resta figé sur place, en attendant ma réponse. Loin d’être perturbé par mon silence, il se contenta de hocher de la tête et d’ouvrir un tiroir pour en sortir une petite boîte. « Cela n’a pas dû être facile de s’installer à Remas. On raconte mille rumeurs sur vous et votre terre d’origine, et il est difficile de savoir faire la différence entre la réalité et le fantasme. » Visiblement, il avait très envie de continuer son baratin inutile au lieu d’accoucher du but réel de notre entrevue « Qu’en pensez-vous ? Notre belle cité est-elle à votre goût ? Ce n’est pas la plus grande ville du Vieux Monde, mais elle est probablement la plus antique de toutes. Est-ce que vous fumez un peu ? » Et là-dessus, il ouvrit la petite boîte, où se trouvait une magnifique pipe à tabac. S’il y avait bien un sujet sur lequel je n’aimais pas qu’on vienne me chatouiller, c’était bien celui de ma terre natale. Encore moins le lendemain d’une nuit alcoolisé comme celle de la veille. Évitant volontairement cette partie de la question, je répondais donc sur mes premières impressions concernant Remas « c’est… c’est différent de tout ce que j’ai pu voir jusqu’à présent. J’ai pourtant parcouru beaucoup de contrées malgré mon jeune âge, mais rien qui ne ressemble à l’ambiance de cette cité. Je crois qu’elle est un peu à mon image, je m’y sent bien et j’ai l’impression que nous nous sommes rapidement adoptés mutuellement. » Comme je marquais une pause, il me désigna d’un geste de la main le lourd fauteuil en face de lui. Je m’y assis avec plaisir, avant de reprendre « nous avions l’habitude dans ma tribu de fumer en effet, mais ce n’était que pour certaines occasions… chez les frères de la côte en revanche, la consommation était.. disons, plus régulière. » J’espérais qu’il se satisferait de la seule petite référence à mes origines que j’avais bien voulu lui concéder tandis qu’il entreprenait de bourrer sa pipe avec méthode.
Pour toute réponse, il lança une réflexion avec un petit sourire : « À défaut d’avoir trouvé beaucoup d’or et d’argent, le tabac justifie pour certains marchands toutes les expéditions jusqu’en Lustrie. Il n’a pas fallu longtemps pour accrocher presque tout le Vieux Monde, celui-là se fume bien mieux que ce qui pousse dans le Moot. Vous en voulez ? » Il tira sur sa pipe, laissant de la fumée bleutée s’échapper de sa bouche. Puis, soudain, il changea de posture sur le fauteuil, un peu plus avancé sur le bureau. Et de ton aussi, plus ferme. Peut-être dévoilait-il enfin où il voulait en venir. « Je suis heureux de vous entendre tenir à Remas. Que cette ville n’est pas juste un lieu de passage, pour vous… Je comprends que ce ne soit pas votre patrie, ou, disons, votre matrie… Mais est-ce que vous seriez prête à la défendre, si elle était menacée ? Parce qu’il ne faut pas se leurrer, Remas est menacée. Lourdement. »

Je serrais les accoudoirs de mon fauteuil si fort que les jointures de mes mains blanchirent. Faisait-il exprès de me provoquer sous ce ton feint de conversation banale ? Évidemment, Telli n’était pas homme à parler au hasard. Je ne lâchais pas son regard, mon œil unique braqué sur son visage, mais en périphérie de ma vision, je senti l’assistante du triumvir se tendre légèrement. J’acceptais la proposition de mon patron plus pour offrir une diversion à ma colère que par réelle envie de tabac. Je portais le pipe à ma bouche et inspirais une longue bouffée de fumée que je bloquais dans ma bouche pour ne pas l’inhaler. Finalement je la relâchais lentement par les narines, achevant de calmer le coup de sang qui avait failli me saisir. Je retins de justesse un rictus mauvais quand il me questionna sur ma volonté de défendre la cité contre des ennemis potentiels. Il n’y avait que Marco Telli pour évoquer avec détachement les pillages dans votre terre natale avant de vous demander si vous étiez prêt à vous battre pour la sienne. « Qui donc pourrait menacer une cité aussi puissante que Remas ? » demandais-je avec une vraie curiosité.
« Remas est beaucoup de choses, mais puissante, certainement pas », répondit Telli du tac-au-tac, en retroussant une lèvre, comme si ce constat froid l’énervait particulièrement. « La paix et la prospérité ont rendu Remas douce et son peuple peu attaché au service des armes. Non pas que je critique le peuple pour ça : je suis un homme prospère et aimant la paix. Mais aujourd’hui, nous risquons malheureusement de payer très cher notre… Hmm… », il sembla hésiter un moment sur le mot. « Notre négligence. Il y a des dangers dans Remas, et des ennemis en dehors de Remas. Au dehors, nous avons des voisins qui convoitent notre principauté et qui lorgnent sur ses frontières. Au dedans, il y a des fous, des fanatiques, ou des veules qui ne se rendent pas compte du danger que nous courons tous. Je suis en train de travailler ardemment, avec mes collègues triumvirs, pour essayer de redresser beaucoup de choses dans cette ville. Mais je crains que ce soit un travail de grande taille, que je ne parviendrai pas à accomplir… » Il détacha son regard de Nola, et eut l’air particulièrement en colère sur son visage.
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J’étais totalement hermétique à la colère de mon interlocuteur, en revanche, ma surprise quant à la situation dans laquelle semblait se trouver Remas était totale. Je gardais évidemment pour moi une réflexion sur le fait que si les puissants et les dirigeants ne passaient pas autant de temps à se quereller entre eux, sûrement ce seraient-ils mieux préparé aux dangers extérieurs et je demandais simplement d’une voix neutre « quel est le rôle que vous voulez me voir tenir dans votre plan pour défendre Remas ? »
Il hocha de la tête face à mon interrogation « Pour défendre Remas ? Aucun. Ce n’est pas votre terre, et il serait fou de ma part de vous demander de risquer quoi que ce soit pour cette cité. C’est à Remas de trouver un moyen de se défendre. Et plus exactement, c’est aux gens en charge de Remas de se démener pour protéger la principauté et ses citoyens. C’est le travail pour lequel Ranald m’a choisi, pour le peu de temps qu’il me reste. » Il eut un petit rire visiblement plus sardonique qu’autre chose. « Non, Nola. Ce n’est pas pour protéger Remas que j’ai besoin de vous. Remas se trouvera bien assez de personnes prêtes à mourir pour elle. C’est pour une raison très égocentrique et autocentrée que je vous parle. C’est pour ma famille. »
Je me penchais légèrement plus en avant vers mon patron avant de répondre d'un ton sérieux « Vous m'avez accueilli dès mon arrivée en ville et avez tout fait pour me rendre l'existence moins désagréable. Je suis au moins redevable à votre famille sur ce point. Dites-moi ce que je peux faire pour vous retourner la politesse. »


Telli hocha fermement de la tête. Il semblait me prendre au pied de la lettre, et c’est avec un sérieux absolu, et même un peu d’inquiétude dans la voix, qu’il répondit : « Ce que vous me dites me va droit au cœur, ce n’est pas tout le monde qui me répondrait ça avec une telle franchise… …Je n’ai pas peur de mourir. De même que mon fils aîné, il doit être prêt à donner sa vie pour Remas, si Remas le demande. Mon sort appartiendra à l’histoire. Mais j’ai, je dois l’admettre, une immense frayeur pour ma fille. J’ai nombre d’hommes d’armes et de loyaux sujets qui jureraient sur la vie et l’honneur de tout faire pour la sauvegarder, mais il me suffit d’ouvrir un livre d’histoire pour être convaincu du contraire. Tant de princes dans les annales du Vieux Monde ont été facilement déposés, et les proscriptions concernent souvent toute la famille… Je suis dans l’étrange situation où j’ai plus confiance en une étrangère qu’en mes propres concitoyens. » Il me regarda droit dans les yeux, et chaque mot qui sortait de sa bouche était à présent immensément solennel. « Si Remas devait être en danger, et si je n’étais plus en mesure d’assurer la sécurité de ma fille, j’aimerais que vous vous assuriez de sa sécurité. C’est tout. Rien de plus. Mais c’est déjà beaucoup. Je suis prêt à payer pour un service si important. »

S'il n'avait pas pris un ton aussi sérieux, je crois bien que j'aurais éclaté de rire devant sa requête. Mais son intonation, de même que l'intensité de son regard me convinrent qu'il ne se moquait pas de moi. Pourtant, il m'était toujours inconcevable d'imaginer Remas menacée, du moins pas au point que le plus puissant personnage de la cité soit obligé d'anticiper sa chute et le sort de sa lignée. Sans trop mesurer dans quoi je m'engageais, je souris à Marco Telli, un sourire un coin franc, mais aussi un peu moqueur, avant de répondre « N'ayez crainte, il faudra que vos ennemis soient bien motivés et retords avant de pouvoir toucher à un cheveux de votre fille. Continuez de subvenir à mes besoins Maestro, pour ma part, je me charge de maintenir les dangers à distance de votre précieuse cadette. »
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 14:06, modifié 2 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le triumvir Marco Telli semblait bizarrement soulagé. L’entretien, et cette question si étrange sortie de nulle part, avait de quoi remuer. Quand bien même Nola n’était pas une intime du patricien, il lui avait toujours paru être un homme droit dans ses bottes, parfaitement impassible et maître de lui-même.
Qu’est-ce qui pouvait ainsi terrifier un homme de sa trempe ?

« Bien. Merci, merci énormément. Faisons donc rentrer Loredan, afin qu’on règle les affaires qui le concernent également, et après je vous libérerai. »

Le patricien fit un signe de la tête à la secrétaire. La jeune femme vêtue comme un homme s’en alla donc, les laissant seuls quelques instants, pendant lesquels le triumvir glissait devant lui la boîte remplie de tabac séché, des fois qu’elle souhaitait se resservir.

Loredan fit son entrée. Par réflexe, il s’approcha tout droit du bureau, et fit une courbette.

« Votre Excellence. »

Marco Telli lui fit un simple geste de la main quelconque, et même bizarrement un peu agacé, il lança :

« Prenez une chaise, demandez si vous voulez boire. J’ai un agenda particulièrement plein alors j’aimerais que l’on conclue avec vous très vite. »

Étrange. Avec Nola, il avait cherché à faire du blabla par politesse, mais avec Loredan il était soudain très pressé ? Est-ce que Loredan lui était antipathique ? En tout cas, il ne semblait pas mouché, car la vipère affichait toujours son magnifique sourire aux dents d’un blanc éclatant, tandis qu’il trouvait une chaise sur laquelle poser ses fesses.

« Peut-être pourriez-vous commencer par rappeler à Nola comment se déroulent les munera de clôture, et ce qui est en jeu ?
– Bien sûr votre excellence. »

Loredan se tourna à moitié pour regarder l’Amazone à côté de lui, et il commença un discours déjà tout préparé, comme gravé dans son cerveau.

« Les munera de clôture d’année sont une tradition ancestrale de Remas — on les fait remonter à l’ère où Myrmidia vivait parmi les hommes, c’est un festival d’importance religieuse, civique, et évidemment, sportif. S’il y a des combats de gladiateurs toute l’année, c’est vraiment cette compétition-ci qui est considérée comme vitale et essentielle.
Le format actuel des munera voit s’affronter trente-deux gladiateurs, au cours de plusieurs phases qui vont s’étaler sur plusieurs semaines, d’ici jusqu’au nouvel an. Ces combats vont être immensément suivis, par la totalité de la ville, et même par une énorme quantité d’étrangers — des gens font la visite depuis le Kislev et Marienburg, au moins pour la phase finale !

La première phase est une phase de groupes. Un tirage au sort va séparer les trente-deux gladiateurs en huit groupes de quatre, qui vont s’affronter mutuellement au cours de combats individuels. Ce sont des combats d’armement mixte, au choix du gladiateur, il n’y en a pas un d’imposé, ce qui explique la popularité de la compétition. Lors de cette phase de groupe, une victoire peut permettre de gagner trois points au tableau du-dit groupe, tandis qu’une égalité déclarée par les juges mène au gain d’un seul point pour les deux joueurs. À la fin de la phase de groupe, les deux personnes avec le plus de point peuvent entrer à la phase suivante — en cas d’égalité pour accéder à la suite, il y a départage grâce à une épreuve supplémentaire où les gladiateurs affrontent un animal de leur choix, fourni par la Casa di Ruggisce ; évidemment, plus l’animal est dangereux, plus il y a de points à la clé.

La phase suivante est une phase éliminatoire. Les gladiateurs s’affrontent dans des huitièmes, quart, demi, et enfin, l’immense finale qui doit avoir lieu juste le jour après le Nouvel An. Il y a aussi une petite finale avant la levée d’Amatomorr, la lune verte, mais elle est tout de même bien moins suivie…

Le gagnant, ou la gagnante, est nommé champion de Remas jusqu’à l’année prochaine. Son nom est inscrit sur la pierre des vainqueurs du Colisée et il a le privilège de siéger au Grand Conseil pour toute une année, en plus d’une large récompense monétaire. En plus des nombreux cadeaux et propositions de sponsoring à la clé, évidemment… »


Il eut un soudain sourire. Visiblement l’argent l’excitait beaucoup. Mais il se reprit assez rapidement en toussotant.

« J’ai un peu potassé le sujet avec ton entraîneur, et également Son Excellence… Au vu du profil des autres combattants, et tes capacités, on espère bien que tu puisses te hisser jusqu’aux quarts de finales. Tu en as largement le potentiel.
Il me semble que Son Excellence avait prévu des primes…

– En effet.
Nola, tu seras payée vingt couronnes d’or pour chaque combat, quelle que soit l’issue. Si tu te qualifies en huitièmes de finale, tu auras une prime de vingt couronnes d’or supplémentaires. Quarante couronnes d’or en plus des vingt du combat, si tu parviens à le gagner et te qualifier en quarts. Quatre-vingts si tu atteins les demi-finales. Si tu es finaliste, tu auras une prime de cent-soixante couronnes. Enfin, si tu parvenais à gagner la compétition et devenir championne de Remas, je te confierai un prix de trois cents couronnes d’or ainsi que quatre virgates de terres dans le contado de notre cité, avec une rente à la clé de soixante couronnes d’or par an. »

Nola avait passé de temps à Remas pour se rendre compte de l’importance de l’argent qu’on lui promettait. Vingt couronnes d’or le combat, c’était franchement très généreux — un paysan ou un ouvrier gagnait ça à l’année, mais si elle ne se hissait pas au-delà de la phase de groupes, il n’y en aurait que trois de disputés, une somme pour s’assurer un luxe très important, mais qui ne changerait pas toute sa vie non plus.
En tout cas, Telli n’était pas pingre sur la paye, c’était certain.

« Le tirage au sort de ton groupe aura lieu dans trois jours, pour ça d’ailleurs tu es invitée à la cérémonie au Colisée, avec ton entraîneur et moi-même. Ce sera l’occasion de te présenter à Remas, puisque ce sera suivi par toute la presse, et également le moyen de découvrir tes adversaires. Je te préviens : la concurrence va être très rude. Sur trente-deux combattants, il n’y a que les meilleurs gladiateurs du Colisée. Pour les prochaines semaines, il va falloir te concentrer férocement, et je dirais même uniquement sur tes entraînements. J’espère que l’argent promis par Son Excellence te motivera suffisamment…
…Dans le même temps, ce sera aussi un moment important pour toi, parce que tu vas représenter Telli et toi-même. De l’impression que tu fais à la presse va dépendre tes sponsors et la publicité qu’il y aura autour de toi. Ce sera l’occasion de montrer ton armure. Il y aura aussi une interview qui est prévue — on va poser des questions sur toi, sur ton histoire, et comment tu abordes le combat. Tu vas avoir une personnalité à présenter, ce sera l’occasion pour toi de jouer au matamore.
Est-ce que tu as déjà ta petite idée de comment tu abordes tout ça ? »


En fait, il était sûr et certain que Loredan avait déjà sa vision toute préconçue et comment ça allait se passer. Mais il était fort pour faire croire à Nola que leur relation était un partenariat équilibré…
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par Nola Al'Nysa »

J’avais bien conscience de la générosité du contrat que Marco Telli me proposait. Très peu d’hommes dans ce monde auraient un jour la chance de gagner aussi bien leur vie, si ce n’est ceux de bonne naissance. Pourtant, ce que le triumvir ne comprenait pas, malgré son intelligence et son ouverture d’esprit, c’est que jamais je n’avais pu me projeter à plus de quelques mois dans le futur. J’étais une survivante et je vivais au jour le jour depuis ma naissance, alors m’imaginais propriétaire de terres fertiles en Tilée dépassait mes capacités. De plus, je n’avais jamais imaginé vivre un jour une vie paisible et attendre que la mort vienne me cueillir un soir dans mon lit. Au fin fond de mon âme, j’étais convaincu de mourir les armes à la main en combattant pour une cause qui me tenait à cœur.

Pourtant, j'écoutais poliment Loredan tandis qu’il m’expliquait le déroulé des munera de clôture d'année et j’adressais un sourire poli à mon patron lorsqu’il me présenta son offre. Le seul point sur lequel nous nous accordions totalement, c’était sur ma détermination à remporter ses jeux. J’étais convaincu de pouvoir défaire n’importe lequel de mes adversaires dans l’arène en combat singulier et je trouvais leur volonté de me voir arriver au moins jusqu’aux quarts de finale vexante. Me mordant l’intérieur de la joue, je me contraignis au silence et laissais les deux hommes poursuivre leur échange autour de l’organisation de l’événement. Lorsque la conversation arriva sur la tenue que je devais porter dans l’arène, je me redressais légèrement dans mon fauteuil, attentive aux moindres détails. J’avais eu l’occasion de me rendre à plusieurs reprises chez l’armurier personnel de Marco Telli et j’étais extrêmement satisfaite de ce que celui-ci avait commencé à me confectionner en respectant mes demandes et en y associant celle de notre patron. Personne ne l’avait encore vu à part Loredan, l’artisan et moi-même, ainsi que le triumvir sans aucun doute, bien qu’il ne l’ai jamais mentionné directement devant nous, mais je savais qu’elle risquait de faire sensation. La seule pièce que je n’avais pas encore pu essayer était le casque en or que Telli voulait garder secret jusqu’au dernier moment.

La conversation se terminant finalement, je me redressais pour prendre congé de deux hommes. « Bien, je pense que nous avons une stratégie claire pour les prochaines semaines » déclara Telli en se levant « concentre-toi sur tes entraînements et sois prête à donner le meilleur de toi-même lors des combats. Nous ferons tout notre possible pour t'aider à briller dans l'arène et en dehors. »
Je saluais sobrement mon patron, captant dans son regard un éclat brillant, comme s’il voulait appuyer une dernière fois la requête qu’il m’avait présentée plus tôt et me détournais vers la sortie sans faire plus attention au reptile qui me servait de chaperon. Véronica m'accompagna jusqu’au petit salon où patientaient toujours les deux de la Calimala. Ils m’adressèrent un signe de tête que j’ignorais superbement en quittant la salle à grandes enjambées sous le regard amusé de la secrétaire du triumvir.

Lorsque je sortais dans la grande rue longeant le palais, j’inspirais une bouffée d’air frais qui me fit le plus grand bien. Il faisait beau et le climat était clément malgré la période de l’année. Jugeant que la matinée n’était pas encore trop avancée, je décidais de profiter d’être dans cette partie de la cité pour rendre visite à Arese Parisi, un vieux sage qui s’était mis en tête de m'instruire sur le monde et toute sa complexité depuis mon arrivé à Remas. Le vieil homme, prêtre du clergé de Véréna, était un puit de science ayant par le passé officié à la cour du roi de Bretonnie, dans le grand palais d'Oisillon. Humaniste et homme de sciences, il s’était intéressé à moi dès notre première rencontre et pour la première fois depuis que j’avais été arraché à la Lustrie, j’avais rencontré un homme désireux d’apprendre tout ce que j’avais à lui dire sur ma terre, mon peuple et ma culture uniquement par soif de savoir et non par appât du gain. Rapidement, une étrange relation s’était nouée entre nous, à la croisée de celle d’un père et d’une fille, d’un professeur et de son élève et de deux amis issus de deux mondes différents. Je n’aurais pas su bien définir la teneur de nos sentiments l’un envers l’autre, mais il était devenu un point de repère pour moi au cœur des intrigues remasiennes et j’appréciais les moments passés en sa compagnie à l’écouter bougonner en tentant de mettre la main sur un parchemin poussiéreux bien précis.

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Je quittais donc le palais et pris la direction de la bibliothèque de Véréna, située dans le quartier universitaire de Remas. J’empruntais les rues animées de la cité, bordées d’échoppes et de boutique en tous genres. Les étals regorgeaient de produits venus des quatre coins du Vieux Monde : épices, soieries, bijoux, armes, livres et bien d’autres trésors encore. Les marchands criaient à tue-tête pour attirer l’attention des passants, tandis que les clients négociaient âprement les prix. Les rues, pourtant calmes et désertes au petit matin lors de mon arrivée au palais étaient à présent bondées de monde. Des groupes de soldats en armure patrouillaient dans la ville, veillant à la sécurité des citoyens et dissuadant les chapardeurs et autres tire-laine de passer à l’action. Des prêtres de Myrmidia, la déesse guerrière, arpentaient les allées, bénissant les passants et récoltant des dons pour leur temple. Des mendiants tendaient la main, espérant recevoir quelques piécettes de la part des plus généreux. Des enfants couraient et jouaient entre les jambes des adultes, tandis que des musiciens et autres crieurs de rue divertissaient la foule.

En me frayant un passage au cœur de cette foule bigarrée et chatoyante, je débouchais sur le pont qui enjambait le canal, reliant les deux parties de la ville. Les maisons et les palazzi des familles nobles et des riches marchands s'élevaient de part et d’autre du cours d’eau, formant une véritable forêt de pierres. Les balcons en surplomb offraient une vue imprenable sur le port et la mer au loin. Les tours penchées et les contreforts colossaux témoignaient de l'ingéniosité des architectes tiléens, qui avaient su défier les lois de la gravité pour bâtir ces édifices spectaculaires. Lorsque je pénétrais enfin dans le quartier universitaire, l'agitation disparut pour laisser place à une ambiance plus calme et studieuse. Les lieux étaient animés par la présence d'étudiants et de professeurs, tous vêtus de toges et de robes, discutant avec passion de leurs cours et de leurs recherches. Les bâtiments majestueux abritaient les facultés de théologie, de droit, de médecine et de lettres, témoignant de l'importance accordée au savoir et à l'éducation dans cette cité.
Au milieu de cette foule d’érudits, je dénotais avec ma tenue martiale et mon attitude déterminée. Les deux sabres dans mon dos tranchaient avec l’apparence studieuse des gens que je croisais et mon regard perçant ainsi que mon allure athlétique ne laissait aucun doute sur ma profession : j’étais une guerrière, une combattante aguerrie, qui semblait avoir peu en commun avec les savants et les lettrés. Mes pas me guidèrent jusqu’à l’entrée de la bibliothèque de Véréna, un édifice splendide construit en pierre blanche et orné de colonnes et de fresques. J’en poussais les lourdes portes et pénétrais dans la grande salle de lecture, où régnait un silence religieux. Les rayonnages s'étendaient à perte de vue, remplis de livres et de manuscrits précieux. Des copies de la Bible de Sigmar côtoyaient des traités de magie, des cartes anciennes et des ouvrages de philosophie.

J’avançais d’un pas déterminé dans la vaste pièce, mes bottes résonnant sur le sol en pierre et mes armes cliquetant à chaque mouvement. Les érudits présents levaient parfois la tête de leurs ouvrages pour me lancer des regards courroucés, mais aucun d’entre eux n’eut le courage d’émettre la moindre remarque et je n’y prêtais pas attention, poursuivant mon chemin vers le bureau d’Arese Parisi. En entrant dans la tanière du vieux sage, je découvris comme toujours une pièce remplie de livres et de parchemins, témoignant de l’immense savoir accumulé par mon professeur au cours de sa longue vie. Les murs étaient recouverts d’étagères en bois chargées de manuscrits anciens et de traités savants, certains reliés de cuir, d’autres simplement roulés et attachés avec des rubans. Une grande table en bois massif occupait le centre de la pièce, encombrée de documents, de cartes et d'instruments de mesure qui m’étaient inconnus. Derrière la table, Arese Parisi était assis sur une chaise rembourrée, penché sur un parchemin qu'il étudiait avec attention. Le vieil homme était vêtu d'une longue robe noire, boutonnée jusqu'au col, qui lui donnait une allure solennelle et austère. Le vêtement était ceinturé à la taille par une fine cordelette de cuir, d'où pendaient quelques petits objets en métal, tels que des clés et des amulettes gravées de symboles étranges. Par-dessus sa robe, il portait une ample cape de velours bordée de fourrure, qui lui donnait une apparence à la fois imposante et rassurante. Ses cheveux blancs, longs et épais, encadraient son visage ridé, mais encore vif et intelligent. Sa barbe, également blanche, était soigneusement taillée et retombait sur sa poitrine en une fine pointe. Ses mains, fines et osseuses, étaient ornées de plusieurs bagues en argent, serties de pierres aux couleurs vives. Ses yeux, d'un bleu perçant, étaient cernés de rides profondes, témoignant de ses longues heures passées à étudier et à lire.

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Sur les murs, je remarquais des cartes géographiques, des tableaux représentant des scènes historiques ou mythologiques, ainsi que des objets étranges et fascinants, souvenirs des voyages et des recherches du savant. Un globe terrestre était posé sur un socle en bois, près d'une fenêtre donnant sur la ville. Des instruments d'observation, tels que des lunettes d'approche et des astrolabes, étaient disposés sur des étagères, à côté de fioles et de bocaux contenant des substances mystérieuses. L'atmosphère du bureau d'étude était à la fois calme et stimulante, empreinte de l'odeur caractéristique des vieux livres et des parchemins. On sentait que chaque objet, chaque livre, chaque carte, avait une histoire à raconter et recelait des connaissances précieuses. C'était un lieu propice à la réflexion et à l'apprentissage où j’aimais venir chercher la paix et la quiétude, loin de l’agitation de ma vie.
Dès que je pénétrais dans son bureau, le vieil homme leva les yeux de son travail et un sourire chaleureux illumina son visage. Il posa de côté le document qu’il était en train de lire et se leva lentement de son fauteuil, les mains tendues vers moi dans un geste d’accueil : « Ma chère Nola, te voilà à une heure décente pour une fois ! Je suis content de voir que tu as pris soin de te présenter à moi sans vêtements crottés et couvert de sang » s’exclama-t-il d’une voix faussement piquante. Je m’avançais vers lui et saisis ses mains avec affection. Je ressentais toujours une certaine émotion en présence d’Arese, comme si je retrouvais un membre de ma famille éloignée. Le vieil homme me regarda avec tendresse et me demanda : « Comment vas-tu ? Je suis content que tu sortes un peu de ton camp d'entrainement pour venir te remplir la tête. D'ailleurs à force de prendre des coups sur la tienne, je m'étonne toujours que tu puisses mémoriser mon enseignement. »

Arese Parisi avait toujours été fasciné par les cultures étrangères et les peuples lointains, au point de vouer sa vie à les étudier. Lorsqu’il m’avait rencontré pour la première fois, lors d’une réception organisée par Marco Telli et durant laquelle j’avais la quasi-certitude que ce dernier avait fait en sorte de nous pousser à entrer en contact, il avait tout de suite été intrigué par mes origines et ma culture. En tant qu’amazone, je venais d’un monde complètement différent du sien, un monde où les femmes étaient guerrières et dirigeantes, où la nature était vénérée et où les traditions étaient très différentes de celles de la Tilée.

Arese avait donc commencé à me poser des questions sur moi, sur ma terre natale, la Lustrie et sur le fonctionnement de notre société. Il voulait tout savoir sur les amazones, notre mode de vie, nos croyances et nos rituels. J’avais été surprise au début par cet intérêt sincère, car je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui s’intéressait à moi et à mon peuple sans arrière-pensée. Au fil du temps et de nos discussions, il avait commencé à prendre des notes, rassemblant des informations et compilant tout ce que je pouvais lui livrer comme détails. Il avait même commencé à apprendre ma langue afin de pouvoir lire les textes sacrés que certains de ces chiens de qharis avaient ramené de leurs pillages. Longtemps réticente à livrer des secrets sur ma civilisation, j’avais laissé tomber mes murailles et ma réserve petit à petit face à cet intérêt si fort et si honnête.
En contrepartie, Arese partageait ses connaissances avec moi, me parlant de l’histoire de Remas, de la Tilée, de la politique, de la religion, de la philosophie et de la science. J’avais été fasciné par tout ce qu’il avait réussi à m’enseigner et peu de temps et mon regard sur le monde avait un peu changé, je le voyais désormais d’une manière plus large et plus complexe.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Nola Al'Nysa] ZéroZéroZéro

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Véréna était une étrange déesse, apparemment très importante dans le Vieux Monde — elle incarnait à la fois le savoir et la justice, la connaissance et le châtiment, et était priée tant par les juges que par les professeurs d’université. Son symbole, hormis la chouette qui l’incarnait de manière animale, était tout autant la balance de la justice que l’épée, et il semblait que des gens très différents pouvaient la prier de manières fort diverses — loin d’avoir un clergé unifié, la religion vénérant Véréna était constituée de dizaines, sinon de centaines d’ordres indépendants organisés chacun à sa manière pour sa vénération.

Pour ce qui était de le temple-librairie de Remas, ce n’était pas juste la bibliothèque la plus riche de la ville, c’était une des plus importantes du monde entier. Nola ne s’en rendait peut-être pas compte, mais pouvoir accéder à ce temple du savoir était un privilège immense qui lui avait été fait, et nombre d’étudiants devaient débourser des frais d’entrée prohibitifs pour se retrouver au milieu d’ouvrages compilés dont certains dataient de l’ère antique. Toute la construction elle-même du bâtiment était étrange et éthérée, on racontait que les Nains avaient construit les archives au sous-sol dans une solide pierre pour résister aux inondations et aux invasions de rats, tandis qu’un enchanteur du peuple Elfe avait lancé un sortilège sur toute la flèche poussée de terre par les hommes afin que des runes ignifuges protègent la structure de l’incendie — si ce bâtiment brûlait, une part du savoir et de la richesse de l’Humanité disparaîtraient avec.

Du moins, l’Humanité qui concernait le Vieux Monde. Nola était bien placée pour savoir que les humains ne se limitaient pas du tout à ce continent bouffi d’importance.



En tout cas, Arese Parisi était un étrange bonhomme. Un puits de science intarissable, qui avait toujours un avis sur tout, mais un avis prudent et éclairé, bien sourcé — quand il n’avait pas une réponse qu’il jugeait lui-même satisfaisante à une question, il la gravait dans un coin de sa grande tête, et la semaine d’après, quand on le revoyait, il pouvait développer une dissertation dessus. Il était fort pour vulgariser ce qui était compliqué, mais aussi pour développer ce qui était trop simple. Sans doute avait-il été un excellent professeur, pour cela qu’il avait servi de précepteur aux princes de Bretonnie. Mais aujourd’hui, ses talents semblaient gaspillés. Nola n’était pas certaine de son travail quotidien : il avait son petit bureau rien qu’à lui dans le temple-librairie, avec son nom estampillé sur la porte, et il lui arrivait de donner des cours magistraux dans l’un des amphithéâtres du bâtiment. Il sortait, assez pour être présent aux soirées de Marco Telli, mais c’était des soirées qu’il passait dans son coin à étudier quelque curiosité plutôt que de parler avec autrui. On ne pouvait se défaire de l’idée qu’il gâchait peut-être ses talents, mais ça ne semblait pas vraiment l’émouvoir. Peut-être que son âge avancé le faisait aspirer à une retraite paisible, mais il ne semblait avoir ni épouse ni enfants, ni même famille ou amis.

Pour Nola, en tout cas, il pouvait se permettre de trouver du temps dans sa semaine. Chaque fois, c’était une négociation avec lui, comme s’il était beaucoup trop sollicité et constamment occupé — mais puisqu’il avait toujours au final un horaire au cours de la semaine, c’est plutôt qu’il mentait et qu’en fait il disposait de suffisamment d’heures à sa guise en plein les jours ouvrés. C’était des horaires de deux ou trois heures, où il était sincèrement à la disposition de Nola, mais ensuite il trouvait quelque excuse pour la chasser, bien embarrassé. Il pouvait même parfois être un sale con quand il voulait être tout seul.


« On va déjà vérifier que tu as fais tes devoirs. Retrouve nous donc le livre de la dernière fois. »

C’était une obligation après chaque séance : Nola devait travailler et s’exercer. Il avait déjà sèchement renvoyé l’Amazone chez elle une fois où elle avait oublié. Depuis quelques mois maintenant, il l’enseignait à lire et à écrire, du tiléen pour commencer. Il fallait qu’elle comprenne comment déchiffrer les boucles des copistes, et les caractères imprimés des presses. De gros progrès avaient été faits, mais la richesse du vocabulaire et la complexité de la grammaire rendaient l’exercice toujours très compliqué. Pour travailler, il se basait à la fois sur des ouvrages de tout type, mais aussi sur des manuels pour enfant — Nola pouvait pratiquer ses lignes avec un beau livre illustré, où une chouette qui parle, Sapienza, apprenait à deux enfants tous les secrets des adverbes et des accords des adjectifs grâce à des petites histoires dessinées.

Le livre de la dernière fois était un roman courtois, « la Geste de Beauclerc et Violante », une histoire d’amour entre un chevalier de Bretonnie et une noble Estalienne déjà mariée, au temps de ce qu’on appelait les Croisades. C’était bien traduit, si on aimait les descriptions d’amour à l’eau de rose entrecoupées de violentes scènes de bataille. En tout cas, c’était un bon sujet d’étude ; si les nombreuses descriptions d’armement et les péripéties de chevaux chargeant offrirent quelques difficultés et provoquèrent des erreurs, Nola parvint à relire et réécrire parfaitement la scène d’amour adultère entre les deux. Voilà qui était satisfaisant.

« Hé bien, je suis impressionné. On dirait que tu prends mon enseignement au sérieux. Ou alors il faut juste que je te trouve quelque chose de plus difficile qu’un roman pour adolescents. »

Il était fier, même s’il ne le dirait jamais.


Maintenant qu’elle avait fait ses leçons, il y avait un petit instant où Nola avait quartier libre pour choisir son enseignement. C’est quelque chose que Arese avait mit en place — il pensait que ses élèves apprenaient mieux s’ils discutaient eux-mêmes de la teneur des cours, au moins pour un temps. Ils pouvaient revenir sur une matière déjà vue précédemment, ou alors élaborer ensemble leur travail.
En l’occurrence, Nola se trouvait être curieuse sur les munera. Il est vrai que Loredan avait dit qu’il s’agissait d’une tradition ancestrale. En entendant cette question, Arese réagit avec un petit rire.

« Le sport suscite donc ton intérêt ! Ce n’est pas mon sujet de prédilection, je t’avoue ne pas être intéressé du tout par le grotesque des arènes, mais oui, les jeux de gladiateurs ont une importance capitale à Remas. Il y avait un poète du temps de l’Empire, Fiermonte, qui se moquait du peuple de Remas en disant que tout ce qu’il fallait donner à la plèbe pour la tenir tranquille, c’était du pain et des jeux.
C’est un raccourci un peu simpliste, mais il y a de la vérité là-dedans. Remas adore ses gladiateurs. Le Colisée de Remas est de construction humaine, cela est certain, mais il est très compliqué de le dater. Selon le mythe, ce sont les Ogres qui ont inventé les gladiateurs — leurs combats de fosse pour décider de beaucoup de choses dans leurs tribus a inspiré les peuples tribaux du nord des montagnes, là où se situe aujourd’hui l’Empire. Dans certaines provinces rustres de l’Empire, il est encore normal de régler des disputes judiciaires par de violents combats de champions. Nous n’étions pas en reste en Tilée : dans les textes saints de la vie de Myrmidia, on sait que la Déesse-Aigle avait dans sa suite d’anciens combats de fosse, des esclaves échappés à leurs maîtres. Donc c’est vraiment ancien. Apparemment, il était normal d’organiser des combats pour le divertissement des gens en certaines occasions, notamment les funérailles de personnes illustres.
L’organisation fixe des jeux et du système des munera moderne date du IIIe siècle, sous le règne de l’Empereur Gordian. De rituel funéraire, quasiment religieux, les jeux deviennent alors un véritable divertissement public, et commun. Il y a un préteur dédié aux jeux de gladiateurs, qui doit organiser les combats — c’est une charge fort coûteuse mais aussi très populaire, presque autant que celle du préteur charger de l’approvisionnement en blé de la ville. Le Colisée a probablement été construit à cette époque là. Les munera se multiplient alors par dizaines, d’importances diverses et variées — il y a des combats d’animaux, des combats de détenus, même parfois un munus exotique, comme lorsqu’en 539 un Empereur fait exclusivement s’affronter des femmes dans l’arène. Les gladiateurs en cette ère sont exclusivement des esclaves, même si ce sont des esclaves chers payés et bien nourris.

Avec la chute de l’Empire, le Colisée est abandonné et on perd toute trace des jeux. Il retrouve une certaine importance quand la mode Bretonnienne se propage au temps où notre ville était dirigée par un duca — on y mène des joutes équestres et des combats de nobles. Cela a sans doute contribué à redonner le goût du sang par atavisme aux Remassiens, puisqu’à partir du XVIIIe siècle on réorganise des munera qui sont soi-disant « antiques ». Cela n’a en réalité plus grand-chose à voir avec les combats de l’ère impériale, mais ça y puise sa source : les combattants sont cette fois-ci volontaires, et cela va rarement jusqu’au sang, même s’il arrive que des détenus soient graciés par le duc en échange de devenir la propriété du Colisée.

Pour Remas, les combats de gladiateurs sont un moment immense de communion entre toutes les classes sociales. Ce sont les riches qui organisent les combats, qui payent cher pour avoir de grands combattants — c’est devenu un business immense, puisque des gens de tout le Vieux Monde font le voyage jusqu’à notre ville pour y assister. De tous les ouvrages du grand Léonardo di Miragliano, le plus grand inventeur de tous les temps, la rénovation complète du Colisée avec des plateformes et des outils novateurs est un de ses chefs d’œuvres. Il existe un munus aquatique où la fosse est remplie d’eau et des monstres marins navigue, une fois tous les vingt ans, par exemple.
Lorsque Remas est devenue une République, les gladiateurs, qu’on nommait les crupellaires, ont fait partie de la milice populaire qui a attaqué et chassé les forces du duc. Et une seconde fois, lors du règne du podestat-tyran Omilio Mondo, les mêmes crupellaires ont rejoint la bande de la future garde républicaine pour le décapiter. Les gladiateurs sont donc vus comme des héros du peuple, beaucoup d’enfants de Remas rêvent de devenir gladiateurs quand ils seront grands, et le champion du munus de fin d’année, le plus suivi de tous, est nommé d’office comme sénateur au Conseil des Cinquante. »


Elle demanda si un étranger avait déjà gagné les munus. Il hocha de la tête.

« Souvent. Depuis que les combats de gladiateurs sont devenus une attraction populaire où l’argent est immensément important, les familles marchandes vont très loin pour engager des combattants. Beaucoup des guerriers qui s’affrontent viennent du Nordland, une province de l’Empire, ou même du lointain Kislev. Le peuple aime un beau spectacle, avant toute chose, et quiconque peut vaincre des dizaines d’adversaires pour se hisser à une telle position est forcément très aimé. Même si parfois il a pu arriver que des personnalités controversées se retrouvent ainsi champions, la polémique ne suscite qu’encore plus d’attractivité au sport.
La violence qu’on voit au Colisée est proportionnelle à l’argent déployé et à la popularité de la compétition. Pour cela que le clergé de Shallya boycotte les combats de gladiateurs — même si les prêtresses au bon cœur ne refusent jamais de soigner les blessés. En revanche, le clergé de Mórr a récemment décidé, il y a dix ans en fait, de ne plus offrir de sépulture aux personnes tuées lors d’une compétition sportive. Ça a provoqué d’immenses réactions, surtout qu’il y a un double-standard assez important : les Mórriens acceptent d’enterrer les chevaliers tués dans une joute, mais pas les prolétaires tués dans une fosse…
Je ne sais plus qui, mais il y avait un grand homme de Remas du passé qui soutenait que les combats étaient importants pour « purger » le mauvais sang et la colère contenue dans la plèbe, comme si voir de la violence permettait de faire une catharsis saine et salvatrice. Une Shalléenne s’étranglerait forcément d’entendre tel propos. »



Une autre question de Nola, plutôt liée à son propos, vint alors à l’attention d’Arese — comment se portait Remas actuellement ? Était-elle en mesure de se défendre ? Nul doute que la demande d’aide hystérique de Marco Telli troublait encore l’Amazone.
Le vieux professeur mit un moment à répondre. Il s’installa bien dans sa chaise, se gratta bruyamment la barbe, commença à dire une phrase, avant de se raviser. Finalement, c’est avec un ton calme de professeur qu’il reprit :

« Remas ne va pas bien. C’est une cité en perte de vitesse. Beaucoup de jeunes quittent notre ville pour aller faire fortune ailleurs, plus haut à Miragliano ou plus bas à Luccini. L’économie est en crise — chaque semaine une boutique ferme. Nous ne sommes plus la grande cité commerciale d’autrefois, Marienburg et le royaume de Bretonnie ont volé les voies commerciales, tandis que l’Estalie a découvert l’Eldorado du Nouveau-Monde. Tout ceci provoque un cercle vicieux — parce qu’il y a moins de rentrées d’argent, la cité peut offrir moins de libéralités : des travaux publics sont repoussés, la rade est moins entretenue, ce qui, évidemment, défavorise l’attractivité et empire la crise économique.
Il y a dix ans, Remas a été victime d’un terrible ravage, une folie collective. Beaucoup de gens ont dit qu’un démon s’est manifesté dans les rues, et a tué beaucoup de gens et provoqué des incendies avant de disparaître dans un combat au large de la rade face à un ange gardien envoyé par Solkan en personne. J’ignore si ceci est bien réel ou juste une hallucination qui s’est emparée de beaucoup de gens à la fois, mais les dégâts ont été bien réels : des pâtés de maison entiers ont été détruits, et le temple de Mórr lui-même a été ravagé par l’incendie et n’est toujours pas aujourd’hui reconstruit. Ceci n’a fait qu’aggraver encore plus la crise structurelle. Aujourd’hui, il y a dans chaque quartier d’immenses rancœurs, des conflits entre religions, des conflits entre les habitants locaux et ceux perçus comme des migrants, des tensions avec les plus riches qui se sont enfermés sur leur pont immense, Il Ponte Eterno. Tout va bien mal.

Pour se défendre, Remas peut officiellement compter sur la Garde Républicaine — c’est une magnifique force armée, encore brillante et admirable, mais les coupes budgétaires ont réduit ses effectifs. Au siècle dernier, la Garde comptait sous ses drapeaux pas moins de quatre mille soldats permanents et quatre mille réservistes. Aujourd’hui, elle n’a plus que cinq cents soldats et officiers permanent et mille cinq cents réservistes en morte-paye, et une loi doit bientôt passer pour réduire encore plus ce nombre.
Officiellement, les grands de Remas n’ont pas le droit de maintenir d’armée privée, c’est illégal pour empêcher la tyrannie. Bien sûr, chacun détient une ou quelques dizaines de spadassins et gardes-du-corps dans leurs manoirs fortifiés, mais ce n’est pas une vraie force militaire. Les condotta qui peuvent servir à l’étranger, hors du territoire de Remas, sont peuplées de leurs proches, souvent un troisième ou quatrième fils d’un grand deviendra condotierre, et Remas pourrait en cas d’urgence acheter ou saisir les contrats des condotta, mais c’est un système militaire périmé : alors qu’en Tilée, nous n’avons que des troupes militaires intérimaires, nos voisins de Bretonnie, de l’Empire et du Kislev ont chacun à leur manière de vraies forces militaires nombreuses, professionnelles et permanentes, en plus d’avoir une population guerrière mobilisable très importante. Le roi de Bretonnie ou l’Empereur d’Altdorf n’a qu’à donner un ordre pour avoir cinquante mille guerriers en armes à son service, et cinquante mille de plus en réserve, tandis que Remas aurait bien du mal à trouver cinq mille hommes prêts à la défendre.

Pour pallier à ce manque, Remas compte sur les soldats de la religion. Le culte de Myrmidia, qui a un grand temple à Remas — certains voudraient que ce soit la ville-sainte de cette religion, puisque Myrmidia y est née et y a régné — dispose de solides guerrières à lance, des prêtresses prêtes à se battre et connaissant tous les arts martiaux connus du Vieux Monde ; et ceci sans compter les ordres de chevalerie qui sont au service du clergé Myrmidien. De la même manière, l’Ordre de la Loi et de la Lumière, l’entité qui organise la vénération de Solkan dans notre ville, dispose de plusieurs centaines de guerriers fanatisés et compétents. Les forces militaires de Myrmidia et Solkan fournissent un appoint qui est jugé salvateur par nos dirigeants.
Ils sont profondément idiots. Ces militaires, certes de qualité, ne sont pas fidèles à Remas, ils sont fidèles à leurs chefs religieux — ils ne lèveraient pas le petit doigt pour défendre la cité face à un envahisseur qui serait aligné sur leurs intérêts, et à l’inverse, garder des gens de ces sectes en armes dans la ville leur donne un pouvoir immense. Autant les prêtresses de Myrmidia sont des femmes bonnes, saintes, et dignes de confiance, autant les inquisiteurs Solkanites abusent de la faiblesse actuelle de la Garde Républicaine. Les Solkanites peuvent souvent agir avec impunité, séquestrer et torturer des gens sous couvert d’interrogatoires qu’aucun juge n’a ordonné. Ils traquent surtout les narcotrafiquants, les proxénètes, les gens de mauvaise vertu en général. Dans les quartiers les plus pauvres de la ville, ils font régner la terreur, obligent les gens à rester chez eux la nuit, à ne pas jouer de musique car c’est impie… Mais parce qu’ils maintiennent l’ordre, mieux que le guet, on les laisse faire.

De toute façon, les fortifications de Remas sont obsolètes depuis au moins deux siècles. Nos murs ont été élevés pour résister aux béliers et aux trébuchets, pas aux canons d’artillerie que l’on fait fondre à Nuln ou Erengrad. Si une armée motivée se présentait devant nous avec un armement moderne, nous serions vite envahis.

Pour l’heure, aucune menace de ce genre n’existe. Puissent nos dirigeants faire en sorte que cela perdure. »


Il y avait une sacrée inquiétude dans l’œil d’Arese. Sa dissertation l’avait lui-même mit mal à l’aise.

Alors, Nola décida de changer de sujet, à son grand bonheur, en parlant de son peuple à elle. Et de comment il pouvait bien être perçu.

« Le monde ne sait quasiment rien des Amazones. Pour tout dire, il y a même pas mal de gens, même très éduqués et très rationnels, qui refusent de dire que vous existez, et qui pense que vous n’êtes qu’un immense mythe ! Comment leur donner tort ? Les Amazones ne se montrent pas volontiers aux voyageurs du Nouveau Monde, et les-dits voyageurs du Nouveau Monde ont la méchante tendance à exagérer tout ce qu’ils voient. Ils découvrent trois poussières d’or et ils redébarquent à Magritta en disant qu’ils ont trouvé un temple rempli de lingots…
Marco Colombo a vu ton peuple, a échangé avec tes ancêtres, même vécu un petit moment parmi elles. Mais ses carnets sont parcellaires — je t’ai commencé à les lire, il faudra que nous reprenions vite ensemble. Ce que Colombo a écrit en privé dans son journal personnel n’a rien à voir avec ce qu’il a ensuite fait passer à la postérité, il y a un monde entre les deux ; c’est normal, il souhaitait surtout faire de la publicité pour se rendre héroïque et pour financer de nouvelles expéditions futures. Le Colombo qu’ont vu les Amazones n’est pas le même Colombo qui a ensuite raconté son expérience.

D’après ce que j’ai compris, ce que vendent les recruteurs sur les ports, c’est que les Amazones sont un peuple de femmes qui sont toutes guerrières, qui se couperaient un sein pour pouvoir mieux se battre à l’arc. On dit qu’elles sont toutes éternellement jeunes et magnifiques, et qu’elles se reproduiseraient comme des mantes religieuses, en violant des hommes. Tu me diras toi-même ce qui est balivernes dans tout ça, même si j’ai déjà mon idée… Certains érudits ont émis l’hypothèse que les Amazones seraient, à l’origine, des guerrières du peuple Norse qui se seraient perdues il y a des siècles sur le continent de Lustrie — cela n’est pas improbable, car les Norses ont bien des femmes guerrières et ont exploré très tôt ce que l’on appelle le Nouveau Monde, mais j’ignore à quel point ceci est vrai. On devrait comparer ce que moi je sais des Norses et ce que toi tu peux me dire de ton peuple, cela serait peut-être révélateur, ou pas du tout d’ailleurs, il peut arriver que des peuples aient des points communs sans s’être jamais connus.

En tout état de cause, les sociétés exclusivement faites de femmes ne sont pas rares dans le Vieux Monde, et s’expliquent assez peu historiquement. On sait qu’en Bretonnie, les dames-servantes de la Dame du Lac sont exclusivement des femmes, et elles servent des druïdesses, enchanteresses, et à l’occasion de guerrières pour ce pays. De même au Kislev, où les sorcières qui y pratiquent les arts occultes sont exclusivement des femmes. De ces contrées, je sais beaucoup de rumeurs, et j’ai eu la chance inouïe de discuter paisiblement avec une damoiselle du Graal et une sorcière de glace du Kislev — pour je ne sais quelle raison, elles avaient une personnalité qui me faisait beaucoup penser à toi, et c’est bien un compliment que j’entends par là. Peut-être qu’il y a là aussi un lien… »


Il rougit un peu. Un souvenir qui remontait, peut-être ?
Jet d’apprentissage de Nola (Bonus : +2) : 12, échec de 1, et 1, réussite critique.


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