! | Message de : MJ Katarin |
Disclaimer : les posts ci-dessous abordent d'assez près des thématiques assez malsaines et malaisantes, notamment autour de la relation incestueuse entre Anne et son fils, vu par l’œil non pas de la victime mais bien de sa mère. Si ce sujet est sensible à vos yeux, peut-être serait-il plus sage de ne pas lire ce qui suit. |
Le tumulte des pensées de Anne était pareil à des flots déchainés dans lesquels Armand ne pouvait que se faire emporter en tentant de son mieux de garder la tête hors de l'eau. L'esprit humain n'était pas un long fleuve tranquille que l'on pouvait emprunter sereinement, afin de glaner tranquillement le fil de ses réflexions et émotions. Quand bien même l'esprit d'Armand côtoyait de très près celui d'Anne, lui permettant d'effleurer ses impressions et opinions, rien n'était jamais simple à appréhender.
Lorsqu'il se mit à parler de Ravel, l'esprit d'Anne devint en un éclair un tourbillon de doutes et de désirs. Elle se méfiait de son fils, qui essayait sans doutes de l'amadouer en abordant des thématiques plaisantes afin de la manipuler. Elle était fatiguée, elle avait envie de se détendre sur un sujet léger, loin de la complexité de leur actuelle situation. Elle était fière, et refusait de laisser un climat tendre s'installer entre eux alors qu'il ne le méritait en rien. Elle était une mère aimante, qui ne désirait rien de plus au monde que de passer un moment d'insouciance avec lui tant qu'elle le pouvait encore. Elle était haineuse, d'une colère accumulée deux mois durant à voir encore et encore l'armée du Duc fondre sur son domaine pour la tuer, sur ordre de son propre fils.
Elle aussi devait percevoir le même type de confusion chez son fils. Un mélange chaotique d'amour, de haine, de fatigue, de lâcheté, et de tant d'autres émotions contradictoires qui, mêlées les unes aux autres, ne représentaient plus qu'un assemblage mutant d'intentions vaines et de désirs inassouvis.
Anne décida de lâcher prise. Arrêter de douter, pour juste se laisser porter. Écouter uniquement son désir de l'instant présent, et ignorer les parasites : elle voulait être heureuse avec son fils, et que son fils soit heureux avec elle, même si ça ne durait que quelques minutes.
Elle félicita sobrement son fils pour son titre de seigneur, lui souhaitant que cette situation fasse son bonheur - mais elle ne s'attarda pas davantage sur ce sujet. Elle caressa plutôt Ravel en se laissant guider par les conseils d'Armand. Elle rigola de son caractère fougueux, rappelant à leur mémoire commune la différence entre ce destrier et celui du seigneur Casin : le second lui avait mangé dans la main dès qu'elle l'avait libéré de sa stalle, alors que le premier avait failli lui envoyer ses deux sabots dans le visage lors d'une ruée méfiante. Malgré la fatigue, elle se laissa emporter par la légèreté d'une conversation sans enjeu : elle lui rappela que le seigneur Elbiq avait la réputation de posséder un cheptel dont le sang elfique avait été renouvelé quelques générations plus tôt seulement, faisant de ses juments des merveilles rares au capital inégalé : et de fait, lors des tournois, ses chevaux se classaient souvent parmi les meilleurs. Néanmoins, selon elle, Ravel devait avoir entre trois et quatre ans : un tout petit peu jeune pour les saillies, mieux valait attendre une année supplémentaire.
La conversation dura une bonne vingtaine de minutes, pendant lesquelles le sujet ne changea jamais. Mère et fils éprouvaient la même passion pour l'équitation, et c'était sans difficulté qu'ils pouvaient échanger sans discontinuer. Malheureusement, la fatigue physique finit par être trop difficile à supporter pour Anne, qui décida à contrecœur de mettre fin à ce moment pour aller s'endormir.
Après la pierre d'un cercueil, la paille d'une ferme. Si on lui avait dit à quoi ressembleraient ses lieux de sommeil lorsqu'elle serait de retour parmi les vivants, elle n'aurait jamais voulu y croire : heureusement, la fatigue l'emportait pour le moment sur le manque de confort et le grand manteau d'Armand la protégeait partiellement du froid : Anne s'endormit en l'espace de quelques secondes.
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La salle de bal du château de Lyrie était une véritable fierté pour la famille d'Armand : c'étaient là que se tenaient presque toutes leurs réceptions, c'était ici qu'ils étalaient richesses extravagantes et tenues provocantes pour rappeler à leurs amis tout comme à leurs ennemis qu'ils possédaient une forte influence en Aquitanie, tant en terme de richesses que de pouvoir politique. Des rideaux en soie bleue de cathay ornaient les murs, tandis que de magnifiques sculptures murales de femmes ailées étendaient leurs plumes de marbre en direction des danseurs. Les chandeliers au plafond soutenaient des centaines de bougies dont les flammes se réfléchissaient aussi bien sur diverses verreries et miroirs judicieusement placés, que sur le parquet parfaitement ciré. De part et d'autres, de grandes tables de buffet recouvertes d'une nappe blanche finement brodée étaient recouvertes de mets plus luxueux et raffinés les uns que les autres : le père d'Armand était tout particulièrement féru de mets provenant de l'Albion, et permettait ainsi à ses invités de s'essayer à de multiples nouvelles expériences gustatives dont le cout d'importation était exorbitant. Quelques domestiques s'assuraient que ni la nourriture ni l'alcool ne venaient à manquer : entièrement parés de gris, ils portaient tous un masque incolore destiné à cacher leur faciès : sans visage ni couleur, ils étaient dépossédés du droit d'avoir une identité propre, pour ne plus être qu'une fonction : la servitude.
La réception se déroulait sans anicroche. Armand et elle avaient époustouflé leurs invités lors d'une valse endiablée pour laquelle ils avaient révisé de nouveaux pas particulièrement acrobatiques, Bohémond s'était tenu à carreau à partir du moment où le seigneur de Lyrie l'avait rappelé à l'ordre et se réfugiait désormais dans le vin et la bonne chair pour calmer ses nerfs, le cadet du vieux Duc et sa grande sœur semblaient tout particulièrement apprécier les musiciens qu'elle avait fait mander pour l'occasion, et déjà quelques invités s'étaient déjà réfugiés dans les chambres du château pour nouer des liens particulièrement étroits.
L'on s'amusait toujours en Lyrie, Anne y avait veillé. Chaque serviteur masqué était dévoué au culte, éduqué des mois durant par sa propre main : pour peu qu'on connaisse le mot de passe, alors chacun était tenu d'obéir scrupuleusement au moindre désir de leurs invités, quels qu'ils soient. Notamment, ils pouvaient alors proposer aux invités dans la confidence, quelques gouttes de
Courage à mélanger à leur verre : l'assurance d'une soirée inoubliable. Bien évidemment, la drogue en question était d'ores et déjà diluée dans la boisson de chaque invité présent pour diminuer les inhibitions de chacun - les pantins gris ne permettaient que d'en avoir davantage encore pour ceux souhaitant franchir certains paliers.
Le Corrupteur gagnait toujours quelques partisans supplémentaires lors du Jour du Lis. L'ambiance était à l'euphorie, au partage, aux étreintes. La drogue seule n'expliquait pas cette réussite automatique : non, il s'agissait avant tout d'un effet de groupe des plus pervers : un noble timide, entouré de quelques personnalités plus enthousiastes et libérées, aura alors tendance à normaliser des attitudes qu'il n'aurait pas adopté dans d'autres circonstances. "Si les autres le font, je dois le faire aussi" : une pensée pernicieuse qui cimentait l'expansion démesurée de la cellule slaaneshie d'Aquitanie, où la compétition et la jalousie entre nobles était la base de toute relation.
Plus que quiconque, Armand de Lyrie était à sa parfaite aise dans ces circonstances. Danseur d'exception, baratineur de génie, séducteur sans égal, il butinait de groupe en groupe, échangeait, rigolait, conspirait. Rien ne l'amusait tant que de faire montre de son éloquence sans pareille, que d'aller charmer ses pairs pour nourrir son ego : un poisson dans l'eau.
Anne ne disposait pas de son aisance naturelle. Bien sur, elle ne déméritait pas lorsqu'il s'agissait de faire bonne figure en public, mais au fond d'elle son ventre était toujours douloureusement serré d'inquiétude. A aucun moment elle ne relâchait sa vigilance, jamais ne touchait-elle aux boissons relaxantes qu'elle avait mis à disposition, et à chaque instant son regard balayait la pièce, la recherche du moindre détail pouvant indiquer que la situation dégénérait. Elle était la maitresse de maison, et en ce sens elle ne pouvait supporter que quoi que ce soit échappe à son méticuleux contrôle. Il suffisait d'une erreur, d'un seul cultiste commettant un impair auprès de la mauvaise personne, pour que tout s'écroule.
Naturellement, son regard portait plus de la moitié du temps sur l'épine enfoncée dans son pied jusqu'à la cheville : Loyse de Ternant.
Cette vipère était affreusement séduisante. Elle n'avait que deux ans de moins que Anne, mais l'écart semblait pourtant bien plus grand tant l'on jurerait qu'elle n'avait jamais atteint la trentaine. L'héritière des Lanneray avait subi les premiers affres du temps : ridules, veines légèrement apparentes, quelques grains de beauté surnuméraires, fines vergetures, ainsi que des os un peu plus saillants qui trahissaient sa maigreur. Loyse en revanche semblait voir sa beauté figée dans le marbre. Elle était bien en chair, mais pas grasse pour autant : Des seins rebondis, des hanches larges, des fesses bien charnues, le type de rondeurs qui donnait envie de se damner pour les agripper et y plonger le visage d'extase. Elle portait une robe noire au décolleté abominablement provoquant, et aucun noble ne pouvait la laisser passer sans s'empêcher de reluquer ses formes, ne serait-ce qu'un court instant.
Sa fille Margot ne lâchait pas Armand de la soirée. Elle le collait où qu'il aille, agitant ses provocantes mèches blondes près de son visage, incitant son fils à boire quelques verres de plus en sa compagnie : à l'évidence, elle savait très bien ce que contenaient les boissons. Elle minaudait, gloussait, se frottait, et toujours avec plus d'entrain, manipulant Armand pour obtenir de lui ce qu'elle désirait.
Telle mère telle fille. Loyse elle aussi usait de ses charmes pour roucouler auprès du seigneur de Lyrie, l'incitant à danser ensemble à de multiples reprises, collant son corps au sien et invitant ses mains à se balader sur elle. Loin de la repousser, Armand chuchotait à son oreille pour la faire glousser de plus belle, avant qu'elle ne jette des regards provocateurs à Anne destinés à la narguer. Armand savait très bien qu'elle détestait sa rivale, mais il n'était pas homme à s'empêcher de faire ce qui lui chantait parce que cela déplaisait à autrui, quand bien même il s'agissait de sa propre femme.
Quant au mari de Loyse, le seigneur Hubert de Ternant... mieux valait ne pas compter sur lui pour tenir la laisse de sa femme. Le pauvre homme restait debout sur le côté de la piste, adossé au mur, le regard dans le vide alors qu'il tenait dans sa main une coupe de cognac qu'il ne buvait pas. Totalement absent de son propre corps, l'esprit de Hubert avait été la victime des machinations de Loyse au fil des ans. Une décennie plus tôt, il était déjà quelque peu rêveur, mais c'était bel et bien avec lui qu'Armand avait noué une solide amitié et non pas sa sinistre conjointe qui ne servait que de discrète potiche. Officiellement, il souffrait d'un mal inconnu qui rendait son esprit somnolent ; officieusement, Anne était convaincue que Loyse l'avait volontairement affaibli au fil des ans pour prendre le contrôle de ses terres. S'il avait du mourir, la Dame de Ternant aurait du composer avec un nouveau mari qui aurait pu saper son autorité : mais tant qu'il restait dans cet état pathétique, elle pouvait l'utiliser comme une marionnette pour que tous ses ordres soient dictés par sa bouche. Lorsque Loyse demandait quelque chose à son mari, une étincelle d'humanité revenait allumer ses prunelles, il souriait un peu, puis lui accordait tous ses désirs.
A un moment de la soirée, assez tardivement puisque plusieurs invités étaient déjà partis, Armand et Margot s'éclipsèrent dans le cimetière. Anne s'inquiétait au sujet de cette passion morbide que développait son fils : de plus en plus souvent, il était fourré dans les jupes du prêtre de Morr de Lyrie, à écouter ses assommants sermons. Néanmoins, Anne y trouva quelque réconfort : jamais son fils n'aurait l'audace de s'envoyer en l'air avec cette petite trainée dans un lieu consacré. Ou tout du moins se força t-elle à le croire : il avait pris en confiance depuis qu'il avait commencé sa pagerie avec Quentyn de Beauziac.
Loyse apparut alors devant elle, la main tendue dans sa direction. Elle avait les joues rouges de vin, les yeux pétillants de malice, et elle inspirait si fort qu'on aurait juré que l'un de ses seins allait s'échapper de son décolleté à chaque respiration. Elle adressait un sourire tout particulièrement carnassier à Anne.
- Vous venez danser ma chère ?
Sale pétasse arrogante. Elle savait pertinemment être meilleure danseuse : Loyse était née pour ça. Elle avait une grâce folle et un pas sûr en toutes circonstances, lui permettant d'être la cavalière idéale du seigneur de Lyrie qui excellait lui aussi en la matière. Anne était douée, bien sur, mais elle n'était pas
exceptionnelle comme ces deux-là. Elle aurait pu refuser la demande de Loyse, qu'elle savait manigancer Slaanesh seul savait quoi. Mais piquée aux nerfs, refusant de se rétracter par peur, elle avait accepté.
Sans surprise, Loyse prit sans en demander la permission le rôle du cavalier. Ce fut elle qui guida la danse, et bien évidemment,elle avait choisi des pas particulièrement complexes à suivre pour mettre Anne en difficulté. Déterminée à ne pas se laisser démonter, la Dame de Lyrie suivit néanmoins le rythme et la chorégraphie imposés : s'il lui arrivait de rater un pas, elle se rattrapait immédiatement sur le suivant pour ne pas être déséquilibrée.
Ce ne fut qu'après une première danse au tempo rapide que Loyse profita du rythme plus en douceur de la seconde afin de murmurer à l'oreille de sa cavalière d'une voix chaude et sensuelle.
- Je peux le sentir Anne. Le cadeau du Prince, il me rend... meilleure.
Anne ne répondit pas. Elle se concentra sur ses pas.
- Nous pourrions nous isoler, vous, et moi. Je vous laisserai le toucher. Le caresser. Le lécher. La pénétrer.
Anne l'ignora. Provocations futiles. Elle valait mieux que ça. Terminer cette danse, et se débarrasser de Loyse. La soirée était bientôt finie.
- La fille du vieux Duc l'adore. Elle me mangeait déjà dans la main auparavant, mais maintenant... elle est tellement dévouée, c'en est aussi excitant qu'effrayant.
Anne laissa son esprit divaguer. Les provocations et vantardises de Loyse ne menaient nulle part. L'écouter, réagir, c'était déjà entrer dans son jeu.
- Armand a su unifier tant de nobles d'Aquitanie à sa bannière. Vous ne le savez que trop bien, Dame du Lanneray... et le Ternant semble désormais avoir l'oreille à la fois du Duc, mais aussi du Prince...
La colère montait. Anne savait où cette messe basse les menait. Elle concentrait tous ses efforts afin de garder son calme. Ne pas faire d'esclandre. Elle n'en valait pas la peine.
- Le Ternant et la Lyrie, ensemble, domineraient toute l'Aquitanie, c'est une évidence. Ne croyez-vous pas, pour les intérêts de notre maitre, qu'il serait grand temps de laisser votre petit garçon prendre son envol, afin qu'il puisse trouver grâce auprès de ma Margot ? Un mariage serait...
La gifle qui en suivit résonna dans toute la salle de bal. Anne s'était retournée à cent quatre-vingt degrés, et avait laissé le dos de sa main percuter avec tant de puissance la joue de Loyse que cette dernière éait partie à la renverse et s'était écroulée sur le sol. L'air hagard, elle fixait Anne en tenant son visage meurtri, désormais rouge non plus d'ivresse mais de douleur. Du sang coulait de sa pommette, trahissant le passage d'un ongle qui avait perforé sa peau.
Alors que toute la foule se tournait vers elle, Anne se laissa guider par son instinct et sa colère, et incanta en quelques secondes un sortilège de langueur qui affecta toute la salle de bal. Les invités subirent l'impact de l'énergie aethyrique de plein fouet, et leur esprit affibli se mit à fuir la réalité pour rejoindre un domaine de douce euphorie. Libérée de tout témoin, Anne put déchainer sa colère sur Loyse de Ternant.
- Vous ne toucherez pas à mon fils ! hurla Anne, perdant tout sens commun.
Une corde argentée apparut tout à coup depuis le poignet d'Anne, pour se jeter autour du cou de Loyse qui se relevait péniblement. Enserrée par le lien magique, elle se mit à étouffer : usant de ses doigts, elle tenta de gagner quelques centimètres de mou pour pouvoir respirer, en vain.
Mais Anne n'en avait pas terminé avec elle : incantant un nouveau sortilège, sa propre langue s'allongea de manière grotesque, pour s'introduire dans la bouche grande ouverte de la Dame de Ternant, qui cherchait de l'air à aspirer. Anne laissa glisser sa chair déformée à l'intérieur de sa rivale : elle descendit à travers sa gorge, gouta les parois de son œsophage, se faufila dans son estomac, puis descendit dans ses intestins pour lécher et perforer sa chair de l'intérieur. Etranglée par le filament argenté, sa respiration obstruée par la langue démesurée de Anne, Loyse était un pantin suppliant et misérable qui se tortillait devant elle.
Je me moque de vos petites manigances avec la fille inepte du Vieux Duc, hurla t-elle par télépathie dans son esprit suppliant.
Tout comme je me fous de la vilaine marque que le Corrupteur vous a offert, Loyse. Vous croyez que cela suffit à m'affronter, moi ? Vous n'avez pas le centième de ma puissance, ni de mon influence. Vous n'êtes rien sinon une pute de bas étage qui ne peut que tortiller du cul et vendre celui de sa fille pour espérer s'élever de la fange qu'est votre demeure. Vous n'aurez ni mon mari, ni mon fils : et si je surprend encore une seule fois Margot ou vous à minauder auprès de mes deux hommes, je m'assurerai personnellement que ce seront vous les deux vedettes de notre prochaine orgie sacrificielle. Me suis-je bien faite comprendre ?
Les borborygmes suppliants et les larmes qui fuirent ses yeux suffirent à satisfaire Anne.
Lorsque le sortilège de langueur se dissipa, les invités purent voir Loyse au sol, la joue rouge, les yeux humides et en train de tousser, tandis qu'Anne quittait la pièce. Elle jeta un regard glacial à son mari avant de sortir.
A peine était-elle hors de la salle du bal qu'Anne tituba et manqua de s'effondrer. Deux serviteurs accoururent pour lui prêter main forte, et l'aidèrent à monter dans sa chambre. dans les escaliers, elle fut prise d'une quinte de toux qui lui fit cracher des gerbes de sang sur le sol. Elle n'avait lancé que quatre sortilèges à la complexité limitée, et pourtant déjà elle avait l'impression que son corps était ravagé de l'intérieur. Des larmes lui montèrent aux yeux. Si elle avait donné le change devant Loyse, l'intimidant suffisamment pour la mettre au pas, Anne savait pourtant que la vérité était toute autre : elle n'était plus l'élue du Corrupteur, et depuis longtemps déjà. Depuis qu'elle avait sauvé son fils, le Prince avait grandement limité sa générosité à son égard. Voilà quinze longues années qu'elle donnait le change, usant de sa réputation passée pour garder la main mise sur la cellule cultiste d'Aquitanie. Plus les années passaient, plus elle s'affaiblissait : ce ne serait qu'une question de temps avant qu'un fidèle ne découvre sa réelle faiblesse et tente d'en profiter : si ce n'était pas Loyse c'en serait un autre. Si Anne ne trouvait pas un moyen rapide de retrouver sa puissance, elle risquait de tout perdre.
Y compris son fils.
Anne ne trouva pas le sommeil cette nuit-là. Ou plutôt, elle dormit peu, et ses rares instants de repos furent parasités par une multitude de cauchemars impliquant Loyse et son fils. Elle s'imagina Armand aussi catatonique que Hubert de Ternant, elle l'imagina avec la marque du Prince sur son nombril, elle l'imagina forniquer avec Margot avant que cette dernière ne l'égorge, elle l'imagina devenir le pantin obéissant de Loyse, pour s'introduire dans la chambre de sa mère et l'assassiner dans son sommeil.
Se réveillant en sueur au milieu de la nuit, elle retira le drap sous lequel elle dormait : ce dernier était si humide de sa transpiration qu'il en était désagréable. A ses côtés, Armand dormait comme un loir, les bras et les jambes en étoile, un filet de bave coulant de sa bouche souriante.
Animée d'un besoin impérieux, Anne quitta son lit pour faire le même chemin que de nombreuses autres nuits : se saisissant d'une bougie, elle traversa l'étude de son mari, rejoignit le couloir du deuxième étage qu'elle longea vers l'ouest, entra dans la salle de réunion des chevaliers, puis rejoignit la chambre de son fils. Posant sa source d'éclairage, elle abandonna sa robe de chambre au sol puis se glissa sous les draps de son amant.
***
Anne se réveilla en sursaut alors que les premières lueurs du soleil passaient entre les planches de la grange. Recouverte de paille séchée, elle était aussi dégoulinante de sueur que dans son souvenir, et surtout, son esprit en ébullition était en complète panique. Le souvenir se mêlait au réel, et toutes les émotions ressenties cinq ans plus tôt étaient remontées par le chemin de son subconscient jusqu'à ici et maintenant. Reliquat de ces rêves humides, la vigueur d'Armand était bien réelle entre ses jambes, douloureuse à cause d'une position inconfortable dans son pantalon.
Sa main glissa vers la source de son désir, se faufilant entre le vêtement et la peau.
L'esprit d'Anne était un véritable chaos. Melant rêves et réalité, souvenirs et désirs, il s'agissait d'un maelstrom d'émotions brutes sans structure, dans lequel tout se confondait.
- Armand... s'il te plait... faisons-le... comme avant... ensemble...
Elle lui laissait le contrôle, au moins partiellement : la volonté de Anne guidait ses muscles, à défaut de les manipuler directement.
Armand avait par le passé admis craindre de pouvoir un jour comprendre ce qu'il se passait dans la tête de sa mère lors de ces instants. Désormais il savait.
Aussi incohérent que cela puisse sembler, il y avait un amour sincère, inconditionnel, presque effrayant. Il n'avait nulle limite, nulle frontière, aucune notion morale ou éthique : le type d'amour qu'on idolâtre dans les livres, celui pour lequel on peut déplacer les montagnes et tuer ses opposants. Mais chez Anne, cette affection malsaine était littérale, épargnée de toute culpabilité, de tout manichéisme : le bien et le mal n'existaient pas dans sa manière de pensée : il n'y avait que ce qu'elle voulait, et ce qu'elle ne voulait pas. Pour l'amour de son fils, le monde pouvait bruler sans que jamais elle ne s'en émusse.
Il y avait aussi du désir, un besoin impérieux et malsain qui ne souffrait ni contrôle ni retard. Une nécessité vitale que de satisfaire ses sens, de fuir ses pensées par la jouissance, de laisser le plaisir prendre le dessus sur tout le reste. Une volonté de posséder le corps de son fils, de le contrôler, de le faire sien.
Mais surtout et avant tout, il y avait de la peur. Anne de Lanneray était terrifiée. Terrifiée de perdre son fils, terrifiée qu'il puisse ne pas l'aimer, qu'il la déteste, la rejette, la renie. Une angoisse qui s'était concrétisée le jour où il l'avait trahie. Une crainte primale ancrée dans son passé, par les mots d'une prêtresse qui résonnaient encore au fin fond de sa mémoire, gangrénant son cœur meurtri.
"Shallya ne peut rien pour lui, ma Dame, car il n'est pas malade. La vérité, c'est que cet enfant refuse de vivre."