[Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

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Les Montagnes sont depuis l'aube des temps le domaine des Nains : c'est là, parmi les pics colossaux et les précipices vertigineux, qu'ils bâtirent jadis d'immenses forteresses souterraines.

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[MJ] Le Djinn
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par [MJ] Le Djinn »

Les interrogations légitimes de Snorri parurent agacer son aîné qui fronça les sourcils en grognant. D'une main sûre, il porta une nouvelle gourde à sa bouche et en avala une gorgée conséquente. L'odeur de l'alcool qui en émanait brûla les narines pourtant accoutumée du jeune ingénieur. Rugni claqua la langue deux fois et rangea son objet avant de sourire ostensiblement, la réponse enfin en tête.

-"Un contrepoids au clan? Allons bon mon petit, tu te vois déjà ben trop haut. Que crois-tu? Que tu es un dawi si riche et puissant que tu vas devoir te poser des limites morales ou politiques afin de garantir l'équilibre entre le roi et les aînés? Que ton influence sera si grande qu'elle déclenchera ici des guerres de rancune pour avoir l'honneur de t'accueillir à notre table? Je vais te dire la vérité, mon garçon: il est fort probable que tu finisses comme un énième ingénieur de ville comme il en existe tant et que ta plus grande réussite politique sur toute ta vie soit d'avoir fait changer le tapis de la salle commune et dont personne ne se sera jamais soucié!"

Amusé par son beau mot, le vieux nain se remit dans son siège, tête en arrière et ricanant dans sa barbe fournie. Après une trentaine de secondes à se moquer, il retrouva sa place première, soudainement plus sérieux.

-"Je te taquine, mais pas sans raison. Les clans n'auront qu'à peine connaissance de toi et s'en ficheront probablement. Tu seras libre, au début du moins. Pour ce qui est de ton installation... Le plus sûr est de t'envoyer chez un ami des Fières-Plumes, il y a un nom ici... Olgron Davulson du clan Forge-Braise... Il est encore en vie celui-là? Par ma barbe, ou bien mes notes sont dépassées ou bien il nous enterrera tous. C'est un maître de forge ami de notre clan. Nous te donnerons de l'argent et un peu de matériel pour que tu n'arrives pas cul-nu, ensuite il t'installera. En plus cela renforcera nos liens avec le clan Forge-Braise... Ah, tu es peut-être un atout, finalement!"

Ainsi Snorri n'aurait sans doute pas une indépendance totale: il était probable que le-dit Olgron demande une certaine compensation pour accueillir un ingénieur d'un autre clan parmi les siens, mais d'un autre côté cela pouvait aussi permettre d'évoluer loin de l'environnement familial. Il restait bien sûr la possibilité de partir à l'aventure comme ça et de s'installer où bon lui semblerait, mais on ne savait jamais comment ce genre de choses pouvaient se passer. Rugni attendait en tout cas une réaction qu'il estimait être du domaine de l'affection et de la satisfaction. En soi, il avait agi comme n'importe quel dawi sensé l'aurait fait: avec un certain sens des affaires, une honnêteté dans la voix et une bonne dose de népotisme.

-"Par contre tu seras le seul Fière-Plume, enfin, affilié à Fière-Plume, sur place. Nous avons de la famille dans d'autres villes tiléennes, mais pas celle-là. Ogron sera ton seul contact sur place. Nous avons peut-être des clans amis ou alliés mais il faut que j'aille parle à mes frères pour leur demander plus précisément, je n'ai pas les informations sous la main. Dans tous les cas, fais honneur à ta famille, mon garçon!"
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Snorri Sturillson
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par Snorri Sturillson »

Bon, il profite d'une exagération voulue pour m'insulter, mais passons. J'ai toutes les réponses que je voulais, et surtout celles que je voulais. C'est cela qui compte le plus. Il me prend certainement pour un parvenu, puisqu'il méprend mon interrogation pour de l'égo. Bah, tant mieux. J'ai un nom, l'assurance de n'avoir aucun lien de parenté dans ces terres méridionales, et en plus de tout cela, la cerise sur le gâteau : un emprunt sans intérêt pour m'aider dans mes pérégrinations et mon << installation >>. Enfin, je ne m'attends pas à ce que tout soit parfait. Je n'ai pas encore vu la couleur des pièces ni la texture du matériel emprunté.

Quoiqu'il en soit, j'ai au moins l'assurance d'avoir la paix en dehors de Karak Hirn - de la part des maîtres de Zhufbar et de ma famille. Maintenant, il ne me reste plus qu'à retrouver Père et Mère, et ...

Eh, mais dis donc, quelque chose cloche, là. Mon père s'appelle Sturill Noradsson, pas Sturill Ronaldson. Donc ...

Pourquoi est-ce qu'il me considère comme son petit-fils, ce grand-oncle ou arrière grand-oncle ? Non, mieux : Est-ce que je lui dis que je ne suis pas exactement son petit-fils ? Hmmm...

...

Dans tous les cas, il faut que je dise quelque chose, sinon il va me prendre pour un scribe.

- "Ah, bon, je vois. Je tâcherai de faire honneur, sans aucune hésitation. Mais dites-moi, grand-père, je ... Y-a-t'il un Norad dans la fratrie ou dans le clan ? Quelqu'un qui devrait avoir un siècle et demi voir deux, le front glabre ou au moins aussi dégarni que celui de ses descendants, ... Je sais que cela n'aide pas beaucoup à l'identifier, mais j'aimerais le rencontrer, s'il est là ou s'il existe - et ce, de préférence avant que mon père n'arrive ici. Serait-ce possible ?"

Après tout, qu'ai-je à y perdre, sinon quelques heures d'attente et d'errance dans le fortin. Ce n'est pas comme si j'avais envie de rentrer tôt dans la maison troglodyte de mes parents maternels. Déjà qu'être ingénieur semble les avoir crispé jusqu'aux ongles, si je dis que j'ai une invention novatrice à mon épaule, je risque le bas-relief de trois-quart, couleur couenne et sang-de-nain ! Ah, oui, je sais ce que j'ai oublié avant tout cela.

- "Très bien, merci pour cette entrevue et tout ce qu'elle a pu m'apporter, grand-père. Comment serais-je informé que mon paquetage est prêt à partir ? Je veux dire, je ne voudrais pas ralentir ou gêner quoi que ce soit ni qui que ce soit parmi notre clan ou nos amis. D'ailleurs, si jamais dans un futur plus ou lointain la situation s'envenimait autour de Miragliano, pourrais-je savoir quelle autre ville tiléenne contient des gens de notre clan ? Promis, je cesse de te faire perdre plus de temps après cela, et je file trouver Norad."


Oui, voilà tout ce que j'avais à dire, et tout ce que je pourrais dire. Au-delà, je n'ai plus qu'à attendre que la saison passe, et préparer tout ce qui peut l'être avant le printemps prochain. Ah, si, je sais : Je vais aller prier un peu. J'ai bien besoin de cela avant l'arrivée de Père et Mère. Et puis, Gazul ne m'embêtera pas de sitôt, lui.
Snorri Sturillson
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Personne n’a le droit d’être ignare.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par [MJ] Le Djinn »

La remarque de Snorri sur un dawi du nom de Norad ne passa pas inaperçue. Si jusque là Romald semblait d'une humeur, si pas joyeuse, au moins agréable quand on la comparait aux standards nains, cette fois le ton avait changé. Son front épais s'était assombri et plissé alors que son corps tout entier semblait se recroqueviller. Il réfléchissait à quelque chose également et avait l'air soucieux du chercheur sur le point de découvrir une invention d'importance.

-"Ah, je comprends... C'est parce que je t'ai appelé "petit-fils" au lieu de "petit-neveu", ce que tu es pourtant, c'est cela? Je comprends, je comprends."

Il se replaça dans son siège, ses yeux ne lâchant pas le visage de Snorri.

-"Norad était mon frère cadet et ton grand-père par le sang. Il est mort avant ta naissance d'une attaque d'urkis sur un comptoir commercial qu'il aidait à protéger. Je croyais que tu le savais déjà... Mais c'est pour cela que je t'appelle "petit-fils", car désormais tu es considéré comme le petit-enfant de notre fratrie car ton grand-père ne peut plus te le dire. C'est surtout protocolaire à vrai dire, mais c'est une tradition que j'apprécie. Si jamais tu as envie de voir ton grand-père, rends toi au temple de Gazul et demande à voir les caveaux du clan Fière-Plume. Il y sera."

Un profond soupir s'échappa de ses lèvres et il attrapa sa pipe pour en tirer une large bouffée.

-"J'enverrai un de tes cousins te chercher quand ton paquetage sera prêt. Et pour ce qui est des gens de notre clan, chaque cité tiléenne a un registre régulièrement mis à jour avec les positions des différents dawis des clans présents, à l'exception des itinérants qui bougent trop souvent pour être pris en compte. Tu en sauras plus là-bas. Va, à présent. Tu as fait remonter des souvenirs."

Pendant que Snorri récupérait ses affaires, il put voir son Rugni sortir ce qui ressemblait à une plaquette de pierre représentant quatre dawis présentés de profils. Tous avaient l'air très jeunes et levaient en même temps différents outils, notamment une plume.

Direction le temple de Gazul qui était à Karak Hirn aussi peu accueillant qu'à la Cité du Torrent. Ce n'était pas vraiment le bâtiment lui-même qui se composait somme toute des codes architecturaux les plus classiques des nains ou l'ambiance générale, certes studieuse et respectueuse mais pas plus mauvaise qu'ailleurs, non. C'était le profond sentiment de malaise qu'on avait en observant les visages des masques qui ornaient les murs. Ces yeux vides qui fixaient le visiteur. Le temple ne fourmillait pas d'activités mais quelques prêtres et scribes des runes allaient et venaient, discutant de la reproduction de certains textes funéraires ou de l'entretien des tombes. De temps en temps entrait un dawi qui se mettait en prière près des différents autels qui ornaient ce bâtiment formé d'un T à deux têtes. Il suffit à Snorri de demander à accéder au caveau des Fière-Plume pour qu'on lui en ouvre l'accès: cela pouvait paraître étrange mais chez les nains le concept même de pillage de tombes était inconnu tout comme celui de profanation. Les peines les plus sévères étaient prévues pour de tels crimes, mais voilà bien mille ans que plus personne n'avait été jugé pour ce motif à Karak Hirn.

Attrapant une torche pour voir dans le noir complet, Snorri pénétra dans la dernière demeure de ses ancêtres paternels. Un caveau tout simple mais reprenant les quelques grands styles funéraires qui avaient parcouru l'histoire naine: les tombes plates, les tombes au sol, les gisants... Snorri dû d'ailleurs s'excuser après avoir marché sur la barbe de son arrière-arrière-arrière grand-oncle.
Et enfin, tout au bout du couloir qui semblait s'étendre à l'infini, il trouva la tombe de son grand-père dans une cavité. Une tombe simple, sans fioriture inutile, ornée d'une inscription:


CI-GÎT NORAD, FILS DE KORUM.
MEMBRE DU CLAN FIERE-PLUME
NÉ EN 3584, A PÉRI EN 3667, CALENDRIER DE KARAK HIRN

TA SAGESSE NOUS MANQUE ICI-BAS
MAIS NOUS SOMMES HEUREUX
CAR TU TRINQUES A PRÉSENT AVEC LES ANCÊTRES

Et c'était tout. Pas de gravure, pas de visage. Quelques mots et le froid de la pierre. A côté de lui, quelques tombes plus récentes, deux ou trois, puis des cavités vides qui s'étendaient sur des dizaines de mètres. Un jour, s'il n'allait pas dormir chez les Juste-Marteau, Snorri les rejoindrait, ici. Un nom de plus parmi des centaines, oublié par les vivants. Peut-être que ses proches se rappelleraient de lui encore un peu, puis son existence deviendrait celle d'un bloc de granit enterré au fond d'un puits, bien loin sous la surface et sous les Karak. Au moins, ici, il pourrait rêver en paix.
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Snorri Sturillson
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par Snorri Sturillson »

Bon, huitième sous-sol, soit le quatorzième depuis la surface, et ensuite cinquième halle depuis le front Est, soit la troisième depuis ma station. Ce serait plus simple avec un plan ou une carte, mais bon, si je ne me suis pas trompé dans mes numéros ...

...

C'est là. C'est vraiment là ? Je ne vois rien de spécial pour indiquer le lieu ou l'entrée. Bizarre. Je ... Ah, tiens, un pot en fer forgé, avec ... des bâtons - ah non, des torches. Mais oui, des torches ! Imbécile, évidemment qu'il faut une torche ! Il n'y a pas les pierres-lumière de Zhufbar ici, puisque je ne suis plus à Zhufbar ! C'est ...

...

Ce serait quand même mieux avec deux-trois pierres-lumière. J'ai l'impression d'entrer par effraction. Brrr, quelle idée saugrenue. Un Nain qui entre par effraction dans la demeure d'autres Nains. Et pourquoi pas des Nains qui se rasent ou qui se teignent en blanc, hm ? J'ai de ces idées des fois, pfff.

Eh bien, en voilà des visages consternés. C'est pour moi qu'ils font de telles grimaces, ou c'est juste leur humeur générale ? Hm, sans doute les deux. Après tout, je suis un inconnu pour tous ces gens - surtout ceux-là -, alors je ne devrais pas m'attendre à de la sympathie dans leurs regards. Déjà que ceux d'au-dessus me prennent pour un piquet de pâture tout juste sorti du sol, c'est déjà bien que ces gargouilles me regardent dans les yeux. Et puis, d'un certain coté, que ceux-là m'aiment ou non, ceux d'en bas ont au moins l'amabilité de se taire. C'est peu, mais il faut prendre tous les gains possibles là où ils sont.

...

Bon sang, je pense comme Morgasson. J'ai vraiment des idées étranges, si je me mets à réfléchir comme Morgasson. Un peu plus et je deviendrais vaporiste. Heh, quelle idée saugrenue. Alors, comment sont-ils rangés, ces caveaux ? A... B... V ... K... Par ordre alphabétique, je vois. Qu'est-ce que ça donne déjà ? A, B, V, K, E, F, H, G et Gh, Y, Kh, L, M, ... Je suis allé trop loin. C'est F que je cherche, comme frotte-canons. Ah, voilà. Fa, Fu, Fe, Fi... Fière-plume, là ! Euh, c'est ... Ca manque de statues en bronze et de tourmaline noire. Après tout, c'est leur spécialité minière, non ? Quoique, j'ai de la place pour m'asseoir. Je ne m'en plains pas.

Aaaah, voilà donc mes véritables ancêtres... Tant pis pour les histoires de Mère et de Mereana Juste-Marteau, j'irai la voir une autre fois. Elle ne m'en voudra pas de toute façon. Elle a d'autres choses à faire, j'imagine. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire d'ailleurs, emmuré sous des dalles en gabbro et des stèles en calcaire plein ? Pas grand chose, j'imagine. J'espère au moins que c'est confortable. Je ... Oh, pardon pour la barbiche. Je... Désolé ? Je vais m'asseoir là, excusez-moi, ... Il n'a pas de nom. Excuse-moi, vénérable aïeul.

J'en étais où ? Je ne sais plus. Oh, de toute façon ils ne m'entendent pas. Eux au moins auront le respect - sinon la dignité - de ne pas m'interrompre et de ne pas me juger pour mes mots ou mes manquements. C'est fou comme je préfère ces endroits soit-disant lugubres remplis de tombeaux et de statues mornes aux trépignations navrantes des Dawis. J'aimerais pouvoir dire qu'il s'agit d'un simple quiproquo ou d'une mésentente entre deux clans, mais déjà à Nuln je n'aimais pas cotoyer les gens du Mighdal-bar, sans doute parce qu'ils avaient tous un mot à dire à mon Père, et ni le courage ni le respect de lui adresser en face à face. Enfin, je n'ai relayé que quelques fois leurs dires, et la réponse de Père fut toujours la même : "Qu'ils viennent me le dire en face". Depuis, je cherche à comprendre tous ces gens. J'ai essayé, et j'essaye encore, mais je dois manquer une étape. Il doit y avoir une marche dans cet escalier de pensée que je rate à chaque fois, ou un barreau de l'échelle qui m'oblige à bifurquer dans mon raisonnement. C'est la seule théorie qui tienne à présent - et Gazul sait que j'en ai produit bien d'autres durant mes quinze années d'apprentissage.

Oui, Gazul sait bien des choses sur moi et mes pensées. Plus que beaucoup de monde, morts ou vivants. Enfin, mes professeurs de l'Université de Nuln auraient certainement de quoi rivaliser avec le Dernier Ancêtre, mais à moins que le calendrier ne me mente, ils sont tous enterrés à présent. Des gens qui me connaissent et m'ont connu, il ne reste que mes parents et mes camarades de Zhufbar, et ...

Les premiers, je ne les ai pas vu depuis quinze ans, les seconds, je ne les reverrai pas dans ce siècle - et certains des seconds ne reverront ni mon visage ni les Pics, là où ils vont. Certains diraient que c'est un constat triste, mais ils se trompent lourdement. Le véritable constat triste, c'est que je me suis lancé à corps perdu dans une quête construite de toute pièce, afin de m'éloigner des miens et d'enfin trouver la paix et le silence, et l'on vient de m'annoncer que je n'aurai ni paix, ni silence, ni distance avec qui que ce soit. Tu dois bien de moquer de moi, toi tout-en-bas, hein ? Oh, si, je suis sûr que tu dois bien te gausser, puisque tu m'écoutes depuis si longtemps. Vous aussi, hein, les statues ? Ce doit être terriblement drôle hein, de voir un nain échouer avant d'avoir commencé. Allons, je sais que vous ne pourrez jamais me répondre ni me faire de signe, mais je suis sûr que vous devez me juger de bien haut et rire dans mon dos. Pfff, que c'est navrant ...

On me vend et l'on me placarde depuis tant de temps une Tilée indépendante, libre, folle et ridicule comme une immense pièce de théâtre Umgi, et voilà que finalement, avant même le troisième acte, le rideau tombe, et l'incident tourne au fiasco. La merveilleuse Tilée humaine n'est qu'un ramassis de cités parsemées de Dawis et de guildes du même acabit, avec leurs décisions à rallonges, leurs plis du front, leurs jugements hâtifs et leurs paroles longuettes... Quelle déception, quelle indignité, pire, quelle ignominie ! Ainsi la seule nation capable de se construire et de produire quoi que ce soit en ce monde sans le jugement et l'aval d'une Komission de Nains est l'absurde Bretonnie et la risible Estalie ! Voilà tout ce que l'animal humain est capable ! Voilà la limite de cette mascarade infecte, de cette foire grotesque, de cette supercherie interminable, hein ?! Des nains, partout des nains, des putains de nains ! A Middenheim, des nains ! A Altdorf, des nains - et mon frère aussi, mais l'un n'empêche pas l'autre ! A Nuln, bon, passe encore. Et maintenant, à Miragliano, Verezzo, Tobaro, Trantio, Remas, Luccini, Monte Negro, Monte Castello, et que sais-je encore, toujours des Nains !

Qu'est-ce qu'ils font là-bas, hein ? Que je sache, aucun Nain n'est assez stupide pour accepter l'or tiléen, ni même pour vendre des armes et des outils de facture Dawi à des Umgis qui ne sont pas soumis à l'Alliance de Sigmar ! Aucun Nain de bonne facture n'oserait prendre de l'or tiléen. Aucun. C'est la loi des Forts, nom d'un canon, de tous les Forts du Monde ! Que font-ils de leurs journées, hein ? Ils passent leur temps à gratter la monnaie, à compter les moustaches, à faire confiance à ces faux-monnayeurs, à ces menteurs de première gamme ? Ou bien passent-ils leur temps à juger les dernières créations des savants Umgis ? Quel mérite ont ces illustres savants, d'ailleurs, si des Nains sont dans leurs villes, ou y étaient avant leur naissance, hm ?! Quel mérite y-a-t'il alors à toute la technologie Umgi, toute leur affolante audace, leur irrespect des règles coutumières, leur innovation si stupide et pourtant si utile à leur espèce, si toutes les nations ayant accès à la poudre et à l'acier sont ... - oui je vais le dire tiens - Si elles sont gangrenées par des Nains ?!

Leonardo de Miragliano, avec ses dizaines de prodiges Umgi, était-il instruit par des Nains ? L'autre empaffé de Borgio aussi ? Marco Colombo aussi ? Est-ce là la fin de la blague ? Tout a été inventé ou produit par les Nains ou en leur présence ou avec leur aval ? Si cela est vrai, qu'est-ce que c'est insultant et navrant d'être un Umgi. Tout Umgi n'est alors qu'un simple animal de foire, muselé selon la guise d'autrui, incapable de vivre avec les siens sans aide, incapable de produire quoi que ce soit sans le regard d'autrui, incapable d'innover ou de se différencier sans que sa civilisation ne soit mélangée de force à d'autres peuples plus anciens. Quelle blague immonde, et en même terrible. Les Umgis ne sont donc que du bétail, des bêtes de somme bipèdes, juste bonne à récurer les anciennes cités et trifouiller nos règles ancestrales. Après tout, la preuve en est par l'exemple : La Bretonnie ne contient aucun nain, et ils sont bêtes comme leurs pieds, de leur système arithmétique à leur système artisanal ; L'Estalie ne contient aucun nain, et elle est incapable de produire quoi que ce soit, sinon des soudards, des chiens de guerre et des galères qui se perdent dans le Grand Océan.

Tiens, qu'est-ce que c'est que ça ?

Ci-gît Norad, fils de Korum.
Ci-gît Korum, fils de Stragud. Je vois d'où Père tire son pseudonyme.
Ci-gît Kartim, fils de Stragud.
Ci-gît Thorun, fils de Stragud.
Ci-gît ... Il n'y a pas de nom.

...

Vous m'excuserez, ancêtres, pour ce que je dis, ai dit, et vais dire. Toi aussi, tout-en-bas, pardonne-moi et prends bien note de chacun de mes mots. Je le promets - non, je le jure ...

Oh et puis merde. L'autre ainé à moitié sourd me l'a affirmé. S'il m'a menti, il périra en premier.

Je fais le serment...

Oui, je fais le serment, devant tous mes ancêtres et sur toute ma descendance, qui que vous fûtes et qui que vous auriez pu être, de débarrasser la Tilée de tous ces crétins de Nains irrespectueux des lois des Forts du Monde. Je fais le serment devant Gazul et toutes ses ouailles de débarrasser, séance tenante, toute la Péninsule de ses Dawis menteurs et parjures. Je ne leur accorderai ni le respect de la poudre, ni l'intimité de la pierre. Je leur promets la foudre et le fracas du ciel, la sécheresse et l'amertume du cuivre dans leurs nasaux. Je ne demande en échange que la paix et le silence des Caves, et la réussite dans mes projets personnels.



Et par Pierre et Acier, j'aurai la paix et la réussite.
Tant pis si cela renvoie la Tilée à l'âge de pierre, ou si cela démolit tout espoir de nation Umgi. Ils n'ont pas sauvé le moindre Haut-Roi, que je sache.
Snorri Sturillson
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par [MJ] Le Djinn »

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Comme prévu les ancêtres restèrent sourds à ces promesses et ces serments. Peut-être qu'au fond de leur tombe ils approuvaient en silence mais si tel était le cas ils n'en laissaient rien paraître. Une goutte tomba au fond du couloir funeste, laissant résonner un écho fluide contre les parois de pierre taillée et les gravures où s'inscrivaient les noms des anciens, des nains passés. Snorri put rester là quelques temps encore, jusqu'à ce que la flamme qui l'illuminait faiblisse et qu'il ne soit contraint de retourner parmi les vivants plutôt que de dormir chez les morts.

Un peu plus tard, au moment du diner, on se réunit en famille dans une ambiance tranquille. On mangeait bien, on buvait beaucoup et on discutait paisiblement. Si tout se passait aussi bien c'est qu'Ulfbert avait eu une bonne nouvelle dont il parlait volontiers: en allant discuter avec les autres anciens de clans de l'arrivée impromptue de Snorri, il avait été heureux d'apprendre que la guilde des ingénieurs recherchait toujours de nouveaux membres. Alors bien sûr cela vexait un peu Ulfbert de laisser son petit-fils devenir ingénieur, mais le vieux Malor l'avait rassuré: sa tâche consisterait principalement à vérifier et revérifier jour après jour le système d'aération montant de Karak Hirn, en place depuis la fondation de la cité environ trois mille cinq cent ans en arrière et qui n'avait jamais été modifié ou presque. L'idée de voir Snorri travailler sur une œuvre aussi ancienne et donc vénérable lui était très agréable, aussi il n'éleva quasiment pas la voix ce soir-là et un seul verre de bois fût brisé sur la tête du cousin Thugur qui avait eu le malheur de dire qu'il fallait faire visiter Karak Hirn à un marchand humain désireux d'en apprendre plus sur la culture naine.

Si Snorri voulait dégager il fallait le faire rapidement. Le temps que les broutilles administratives soient réglées et il risquait d'être attaché à la forteresse avant même d'avoir pu être exfiltré vers la Tilée. Heureusement pour lui, ses parents devaient arriver le surlendemain selon un messager arrivé un peu plus tôt, de quoi lui donner l'opportunité qu'il attendait. Etonnamment, Myrta était la seule qui parlait du retour de sa fille Meyna et de son gendre Sturill, le patriarche esquivait complètement le sujet.

Le lendemain l'atmosphère ne fût pas très différente. Les retrouvailles avec Snorri laissaient place au retour aux affaires courante et à vrai dire si ce n'était pour quelques éclats de voix entendus, rien de particulier ne fût à noter. Chacun travaillait à sa tâche et on discutait de tous les sujets dans le hall du clan.

Puis arriva le grand jour. Il devait être environ onze heures quand le portier vint chercher le laisser-passer à la maison du clan Juste-Marteau. Tous avaient pris un jour sabbatique spécialement pour accueillir cette cousine absente depuis si longtemps. Ils s'étaient réunis devant la demeure du clan, en rangs bien serrés, Ulfert, Myrta et Snorri devant tous les autres. Une cinquantaine de dawis en tout et sans doute bien plus encore rejoindraient pour célébrer le soir. Ils arrivèrent bientôt, les deux parents se tenant la main, coutume extrêmement humaine. Des porteurs derrière eux trimballaient leurs sacs et malles pleines d'affaire diverses, une demi-douzaine au total. Sur l'instant, Snorri crut ne pas reconnaître son père tant il avait vieilli en quelques années. Ses incroyablement rares cheveux étaient devenus gris, son visage s'était ridé et durci au point de lui donner l'apparence d'un troll de pierre, son bras gauche, coupé jusqu'avant le coude, avait été remplacé par une prothèse d'acier et de bois lui faisant comme une pince en guise de main. Il était habillé à la mode humaine de Nuln, avec les pantalons rouges très bouffants et des bottes lui montant presque aux genoux. Seule sa barbe restait décorée à la naine, c'est à dire sobrement. Un regard vers Ulfbert suffit à comprendre ce qu'il en pensait: il était pâle, les yeux exorbités. D'autant plus qu'à côté de Sturill, Meyna s'avançait le menton haut et les cheveux soignés, portant quant à elle une robe naine tout à fait simple. Le message était extrêmement simple à comprendre et Myrta attrapa le bras de son vieux mari avant qu'il ne fasse une bêtise. Les premiers éclats de joie qui avaient jailli en voyant le couple arriver se tarirent de suite.

Une dizaine de mètres séparaient à présent Ulfbert de Sturill et leurs yeux ne se lâchaient pas. C'était au premier qui cèderait et aucun ne comptait être le premier. Les veines ressortaient sur les poings du vieillard ainsi que sur son front. Voir sa fille, la chair de sa chair, dans les bras d'un humain qui ne s'assumait pas... Et le pire c'était qu'il était à prévoir qu'il l'ait fait exprès. Un mètre restant. Meyna lâcha la main de son mari et s'avança vers ses parents pour les embrasser. Instantanément les deux anciens retrouvèrent un immense sourire et se jetèrent sur elle pour l'enlacer. Elle s'écria:


-"Papa, maman! Vous m'avez manqué!"

Ils s'embrassèrent dans une grande effusion de joie.

-"Meyna, ma fille chérie!"

-"Ma petite pépite! Ca fait si longtemps!"

Puis les embrassades s'atténuèrent et les regards se tournèrent vers Sturill qui attendait, impassible et sévère bien que Snorri put remarquer que sa main valide tremblait légèrement et qu'une goutte de sueur tombait sur son front. Ulfbert grogna dans sa direction et aboya:

-"Tu es là aussi, toi. Tu as fini par te lasser de l'or des humains?"

- "Non, je compte y retourner quand j'aurai fini mes affaires ici, je ne suis là que pour voir Snorri, mon clan et régler quelques histoires."

-"Oh je vois, tu as hâte de retourner te prostituer. Je comprends, mon gendre. Les fesses des umgis doivent être bonnes pour un dawi comme toi."

Sturill marqua un temps d'arrêt et tiqua de l'œil. Meyna et Myrta protestèrent ensemble de cette pique plus que malvenue pendant que le reste de la famille trouvait soudainement très intéressants les bouts de leurs chaussures. Avec un sourire ironique et un ton venimeux, il répliqua:

- "Celles de ta fille sont les meilleures que j'ai goûté, Ô mon aîné. Depuis que je me suis introduit chez toi pour les prendre sous le regard de ses ancêtres, je n'en ai jamais changé."

Le coup de poing qui éclata la mâchoire de Sturill aurait pu briser un pilier de granit. Il fallut quatre nains robustes pour empêcher le vieux patriarche de se jeter sur son gendre qui, également, se relevait déjà pour partir à la charge en beuglant qu'une seule main suffirait pour faire ce qu'il aurait dû faire quarante ans plus tôt. Les deux femmes se placèrent devant leurs maris pour les calmer jusqu'à ce que le clan Juste-Marteau ne parvienne, en s'y mettant à une dizaine ils parvinrent à remettre l'aîné à l'intérieur où il pourrait être remis en bonne disposition à grand coup d'alcool fort. Dehors, Sturill reprenait son souffle, les yeux imbibés de sang. Il épousseta son costume et cracha un glaviot de sang sur un pavé de pierre. La chose faite, il se tourna vers son fils qui restait à ses côtés.

- "Hé bien, le vieil homme fatigue. Ca s'est bien mieux passé que je l'espérais. Heureux de te revoir mon fils, viens donc embrasser tes parents. Tu as bien des choses à nous raconter ensuite. Ah, et montre-moi ta bague d'ingénieur, que je vérifie que tu n'as pas dilapidé tes années."
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par Snorri Sturillson »

Bon sang, les voilà enfin !

Ces deux jours m'ont été d'un ennui presque mortel, et je pèse mes mots. Les dernières heures m'ont parues aussi longues que les trois semaines passées. En fait, oui, c'est cela : plus je me rapprochais du moment fatidique, plus mon sablier ralentissait la mesure. Je suis sûr qu'il déconne encore, ce satané objet. En même temps, il est en bois, il se fait vieux maintenant. Bah, j'aurai tout le temps une fois les pieds en dehors de cet endroit. Je n'ai rien à redire sur Karak Hirn en tant que tel, et c'est bien là tout le problème. Tout n'est pas parfait, mais tout est si uniforme, si équilibré dans sa rugosité et dans son archaïsme que c'en est ennuyant. Heureusement, Fort-le-Cor est grand, et j'ai pu amplement me balader durant ces quelques heures.

J'aimerais me convaincre comme quoi j'ai pu réfléchir longuement à mes projets durant ces marches involontaires, mais non. J'étais si obnubilé à l'idée de revoir Père et Mère que je n'ai pu en décrocher ma cervelle plus d'une minute. Même le silence des caveaux n'a pu m'apporter le répit que j'apprécie tant - alors que pourtant, les sépultures me l'ont apporté plus d'une centaine de fois durant mes études à Zhufbar. Tiens, c'est étrange. Je n'avais jamais prononcé le mot "étude" lors de ces quinze dernières années. Pourtant, c'est ce qu'elles étaient - des années d'étude. C'est fou comme les mots sont parfois si difficiles lorsque l'on est poussé à la tâche, et si libérés lorsque vient le repos... À moins que cela ne soit dû à la baisse de niveau de mes compatriotes - enfin, je veux dire, de la baisse de régime remarquable entre les cervelles de Zhufbar et celles que j'ai côtoyé jusqu'ici. Hmmm ...

Oui, c'est peut-être cela. Tout est plus facile, lorsque l'on est le plus avisé du lot. Tout est déjà tracé, tout est clair, les chemins de pensée sont déjà défrichés, ... Oui, c'est certainement cela. Côtoyer des gens plus intelligents ou plus capables que soi force le labeur, mais il permet l'apprentissage, la découverte, l'organisation des méninges, la mise en branle de toute cette mélasse intérieure, etc. Alors que si l'on est le plus malin du lot, c'est autre chose : la réaction évidente est de fanfaronner - tout le monde aime se croire plus malin qu'autrui, mes premières "expériences" le prouvent suffisamment -, puis de flâner, de se reposer sur ses acquis, et c'est légitime. Après tout, puisque le travail est déjà fait par nous ou pour nous, à quoi bon le refaire ? Il n'y a pas mille façons de faire un canon, n'est-ce pas ? Et pourtant, comme je l'ai bien appris auprès de mes maîtres, c'est là le cœur du problème : il y a toujours, et je dis bien toujours, un moyen de faire mieux ou un piège que l'on a oublié. Et dans ce cas - qui est le cas général -, celui qui sait mieux et qui est plus malin se repose, glane, attend, ... Et se fait avoir par le temps et l'ennui.

Finalement, il serait plus avisé de me hâter, et par conséquent d'écourter mon arrêt à Karak Hirn. Après tout, comme le disait Orlaksson : " Les méninges, c'est comme les routes. On peut y foutre des pavés autant qu'on veut, tant qu'on entretient rien, la route finira par s'effacer ou s'écrouler". Oui, je vais faire ça. Je vais écourter mon arrêt. Déjà que mon grand-père maternel se trouve malin de me glisser des notes de recrutement sous la porte de mon logis, je sens qu'il va bientôt les signer en mon nom dans quelque temps. Heh, comme si j'avais envie de stagner auprès des maçons et de charpentiers du coin - ou pire, régresser en écoutant les arquebéleurs et artilleurs locaux. Je pense que mon cerveau coulerait par mes oreilles avant la vingtième tentative de preuve basée sur "les catapultes valent mieux qu'un millier de canons orgues". Le seul avantage d'une catapulte, c'est que l'on peut personnaliser le message et l'humeur transmise à l'ennemi. Un canon orgue, lui, est bien plus équitable et égalitaire - bien au-delà des utopies grotesques des Umgis de toute époque d'ailleurs : chaque boulet est identique au précédent et au suivant, et ce quelle que soit la salve ou la levée. Tout le monde y trouve son compte, et sans jamais perdre le fil de la discussion - enfin, discussion, nous autres Dawi ne sommes pas idiots, nous n'attendons pas d'accusé de réception après impact.

Ah, tiens, les voilà. Ouh, les nattes de Mère ont terni. C'est... Cela lui va plutôt bien, oui. Je ... Je reconnais la robe. Je ... Si j'étais un Umgi, je dirais qu'elle n'a pas vieilli d'un an. Et pourtant, tout comme moi, Mère a quinze ans de plus. De plus que quoi d'ailleurs ? Je ... Je ne sais pas, tiens. En-tout-cas, elle n'a pas changé, elle - et c'est tant mieux. Je ... Cela fait si longtemps, je n'ai pas les mots.

Je ... Je vais juste profiter de l'instant.

...

...

Père a bien changé, par contre. Je ne reconnais ni les bagues, ni la tenue, ni la ... C'est sa main ? Quelle honte de lui avoir donné cela. Il devrait avoir une coque, une pince à vis, ou au moins un ressort. Et puis les cheveux ! Qu'est-ce que ... Il les a grisés ? Non, impossible. Il n'irait pas jusque-là. Il n'a jamais pigmenté quoi que ce soit - pas même la cire des sceaux. Enfin, tout de même, du cuir au granit, il y a quelques degrés de teinte qui ont sauté durant ces quinze ans ! Et pas qu'un ! Enfin, ses habits sont ... Je ne sais pas. Je... Quelque chose m'échappe. Comment est-ce possible que son visage ait subi quarante années de vie en apparence, alors que son corps - à l'exception de cette insultante prothèse - donne l'impression d'en avoir autant de moins ?! Est-ce volontaire ? Cherche-t-il à faire passer un message ?

...

...

Crétin. Évidemment qu'il fait passer un message. C'est Sturill Noradsson, ambassadeur de Karak Hirn et premier diplomate des Voûtes et des Monts - après le représentant d'Altdorf -, pas un vulgaire maçon de Khazid Grung. Vu le ton et les contrastes, il veut marquer le coup... Pour moi ? Ou pour le grand-père ? Je -

Hôlà, je reconnais ce tic de paupière. Ça par contre, ça n'a pas changé. Baisse la tête Snorri, si c'est pour ta tête, faut serrer le cou...

- "Celles de ta fille sont les meilleures que j'ai goûtées, Ô mon aîné. Depuis que je me suis introduit chez toi pour les prendre sous le regard de ses ancêtres, je n'en ai jamais changé."

...

...

Pardon ?! Enfin, je veux dire : << HEEEEIN ?! >>

Ouah, même sans rien dire, j'en ai du mal à respirer - et c'est pas une quinte de toux volontaire celle-là ! Tonnerre, j'en ai les larmes qui montent !

[...]

Mère ne dit rien ? Pétard, Mère ne dit rien.

...

Mère ne dit vraiment rien, même après l'avoir relevé. Elle est forcément au courant, et donc elle a été prévenue de la tirade.

...

Incorrigible. C'est bien Sturill Noradsson, Père, mon père qui me fait face, et le même Sturill qui s'épanchait dans les carnets de finance que je détiens. Que c'est bon de retrouver ses semblables. J'en cracherai de la vapeur, si je le pouvais.

- " Bienvenue à Karak Hirn, Père. Et vous aussi, Mère. Bienvenue chez vous." Dis-je en compressant les quelques pas qui nous séparent."

Une fois conclue cette embrassade bien méritée, je reprends :

- " Voilà mon anneau, Père. Je n'ai pas gardé l'écharpe rêche, puisqu'ils ne voulaient pas me la laisser hors des murs, de peur de la ramollir si je contournais les Quatre Cascades, hah ! J'ai avec moi toutes mes affaires d'ingénierie - enfin, ce qui peut être stable sur mon dos -, ainsi qu'une << surprise >> en bandoulière que je vous réserve pour plus tard.

Et comme vous le voyez, je n'ai pas échappé au sort de tous mes frères : mon front s'est égaré dans ma nuque, et malgré tous mes efforts, impossible de le rabattre vers l'avant."


Enfin, après une pause et quelques regards, je termine par un :

- " Oh, je ne sais pas comment amener ça, mais Maître Barudin Orlaksson, du clan Brise-Étoiles, vous salue. Il a amplement accompli sa promesse, son serment et son œuvre est désormais achevée à travers ma réussite. J'ai aussi l'aval et l'accord du Grand-Maître Poing-de-Fer pour la suite de mes travaux et pour toutes mes tâches, Père. Si je suis là aujourd'hui, c'est grâce à eux."

Ça y est, j'ai l'impression d'avoir quinze ans de moins. Je le sais. Comment est-ce que je le sais ? Eh bien, c'est simple. La seule chose qui me trotte en tête actuellement, c'est :

<< Alors, Père, ça y est, vous êtes fier de moi ? >>
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"Vous n’avez pas le droit d’avoir votre opinion. Vous avez le droit d’avoir votre opinion renseignée.
Personne n’a le droit d’être ignare.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par [MJ] Le Djinn »

Meyna se tenait aux côtés de son mari quand Snorri leur montra sa bague ainsi que les quelques affaires d'ingénierie qu'il portait actuellement sur lui tout en expliquant que, ça y était, il pouvait faire ce qu'il voulait de sa vie. Ou du moins, ce qu'il en voulait dans les limites de ce que sa profession lui permettait. Sturill, le regard encore un peu endormi par le coup de poing qu'il venait de subir, hochait la tête avec un contentement certain.

- "C'est bien, Snorri, c'est bien. C'est bon de voir que tu n'as pas gâché ces années comme d'autres courte-barbe le font."

Meyna, lança un regard agacé à son mari et prononça bien chaque syllabe en disant:

-"Et nous sommes fiers de voir ce que tu es devenu sans même notre aide."

Avec un air un peu surpris, Sturill répondit.

- "C'est notre fils, je n'ai jamais douté qu'il y arriverait, c'était le minimum et..."

Un coup de coude dans la hanche le rappela à l'ordre.

- "Oui... C'est vrai... Nous sommes fiers de toi, Snorri."

Des aveux un peu arrachés mais sans doute sincères. Sur ces belles paroles, la mère de Snorri renchérit.

-"Comment va Barudin? Cela fait des années que nous n'avons plus de ses nouvelles. Il n'a jamais été du genre expressif dans ses écrits."

- "Je crois qu'il n'a jamais apprécié d'écrire. Il était toujours fourré dans ses machines quand nous étions jeunes. Tu te rappelles la fois où il a fait exploser le carrosse de toute la famille Schmeider en voulant absolument leur faire essayer ses essieux à vapeur?"

-"Tout ce que je m'en souviens c'est que la moitié des mercenaires d'Ostermark voulait sa peau et que j'ai mis des jours à enlever la boue de mes tresses."

Ils partagèrent un rire complice qui fit chaud au coeur à ceux qui l'entendaient.

-"Rentrons, maman va s'impatienter."

Ils se dirigèrent donc ensemble vers le hall du clan Juste-Marteau pendant que Sturill prononçait une petite prière à ses ancêtres pour qu'ils lui accordent leur protection dans les temps troubles qui s'annonçaient.
La première chose que remarqua Snorri fût que toutes les armes accrochées aux murs avaient disparues. Envolées les masses, les haches et les arbalètes: ne restait qu'une odeur de poussière et des traces blanches sur les murs rappelant leurs formes. Puis vinrent rapidement les lourdes portes de pierre, d'acier et de bois qui menaient à la salle commune. Sturill s'arrêta devant, respira un grand coup et ouvrit les portes. La grande table était déjà mise en place et la vaisselle de métal également. Certains des cousins de Snorri faisaient des allers-retours vers les cuisines où des membres des clans fermiers, connus pour leur goût prononcé pour la bonne chaire, avaient été loués à prix d'or pour préparer le repas du jour. On avait également acheté des barriques de la meilleure bière pour fêter le retour de Meyna chez elle. Personne ne s'y trompait: Sturill ne serait bien servi que par obligation d'hospitalité et le vieux Ulfbert ne le mettait pas dehors c'était uniquement en vertu des traditions.

On commença par le premier service qui faisait, disait-on, l'orgueil des cuisiniers: des fromages frais de chèvres et d'aurochs des montagnes accompagnés d'un pain de blé noir des Voûtes, une variété robuste et sauvage qui donnait un pain de couleur bronze dont une bouchée aurait fait s'étouffer un elfe. Personne ne s'y trompait d'ailleurs et des scies à métaux avaient été sorties pour le couper ainsi que les fromages les plus faits. En revanche, si la dureté restait spartiate, l'odeur douce et sucrée remettait de la faim à l'estomac et le fromage savoureux et légèrement piquant satisfaisait les palais les plus raffinés. Du point de vue nain s'entend. La bière ne coulait pas encore à flot et les discussions restaient calmes et mesurées. Meyna, Sturill et leur fils avaient été placés à la gauche du patriarche alors que les autres femmes du clan se mettaient plutôt à sa droite, mêlées aux autres vieux dawis de la famille. On discutait un peu de la vie, de l'actualité à Nuln, des modes chez les umgis. La tenue de Sturill, complètement humaine, lui valut d'ailleurs des reniflements dédaigneux.

L'atmosphère s'échauffa un peu au second service, quand on servit en hors-d'oeuvre des beignets à la pomme fourrée à l'eau-de-vie d'herbes des montagnes. Le résultat était délicieux mais la puissante teneur en alcool de ce plat fit monter le rose aux joues de tous les présents. Quand le drake cuit, un régal rare, arriva sur la table comme une montagne de viande qu'il fallait découper, tout le monde voyait l'environnement en double. Ulbert se leva, une petite hache à la main, pour trancher l'amas énorme de viande grillée à la broche et distribuer les parts à chacun. Alors qu'il donnait à ses proches un morceau de viande à rassasier un orc, il déclara, l'air de ne pas y toucher.


-"J'ai parlé au conseil des anciens pas plus tard qu'hier, ils sont d'accord pour que Snorri rejoigne les rangs des ingénieurs de Karak Hirn."

La vieille Myrta, qui sentait bien le souffre dans ces paroles, intervint.

-"Nous en parlerons après le repas. Ils viennent juste d'arriver, il n'est pas temps de discuter de projets d'avenir aussi complexes."

Sturill ne dit rien et darda un oeil noir sur Ulfbert, tandis que Meyna voulait ramener un peu de calme.

-"Complexe c'est le mot. C'est toujours délicat le sujet de l'avenir des jeunes."

En tranchant à deux mains un tendons, séparant une cuisse du corps, Ulfbert s'étonna.

-"Complexe? Je ne vois pas ce qui est complexe. Il va avoir un poste à Karak Hirn, puis nous le présenterons aux jeunes filles à marier, et il continuera la lignée du clan. C'est on ne peut plus simple."

Sturill se leva d'un bond comme un diable hors de sa boite.

- "Et si nous avions des projets pour lui de notre côté? Et des idées de prétendantes? Et un emploi pour lui ailleurs?"

Il fût accueilli par un rire moqueur de la part de son aîné. La tension montait et la situation devenait explosive. Il faudrait trouver les mots justes avant que la hache ne vole.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par Snorri Sturillson »

- "Euh, Maît-enfin, Barudin va bien, Mère. Il n'a jamais le temps d'écrire, c'est surtout ça, son problème."

Je ...

Enfin ...

Mes parents sont fier de moi. Je ... J'ai enfin réussi à leur faire avouer cela. Je ... J'ai réussi.

...

J'ai réussi. J'ai enfin réussi. Si seulement je pouvais m'excuser une minute, et exulter comme je le souhaite. Mais bon, j'ai passé l'âge pour ce genre de choses. Je ... Je me sens léger à présent. Très léger.

***
Y'a pas à dire, le fromage sec et le pain frais, c'est ce qu'il y a de mieux pour célébrer. Le coté cru et rustique s'allie très bien avec les céréales et les champignons du pain, tandis que la bière vient juste relever le niveau et mêler le tout dans une bonne pâte masticable à souhait. Hm, je dirais même que ça embellit l'ensemble, vu que ça désaltère sans couper l'appétit - sans doute grâce au peu de miel / sucre qu'ils ont dans le coin, ou bien parce qu'ils utilisent des fûts carbonisés pour enfumer l'arôme et préserver le mélange de première distillation.

Ah, que je regrette d'avoir les nasaux soudés au fer rouge. Là serait bien le moment pour prendre de grandes bouffées d'air, humer tous les plats et toutes les poteries, sentir toute la vapeur qui dégouline du cuir, l'amertume sous le palais, ... Ah, si seulement je n'avais eu besoin de connaissances en alchimie. Mais qu'importe, ce que je sens et ressens actuellement me suffit bien, puisque pour la première fois depuis longtemps, je n'ai rien à dire à qui que ce soit, rien à espérer de qui que ce soit, et rien à faire pour qui que ce soit. Je suis libéré de tous les poids qui me furent donnés depuis deux décennies, et très franchement, cela me fait un bien considérable !

Ooooh, qu'est-ce que c'est que cela ? De la mule farcie ? Du squig aux chanterelles ? Un boeuf à l'ail des ours fourré de fruits confits ?

En tout cas, ça n'a pas l'air simple à entamer. La couenne du bestiau semble résister aux premiers assauts de grand-père et - Ooooh, si ça c'est pas merveilleux ... Des écailles ! C'est un reptile, et un gros ! Est-ce un basilisc, un bezoard, un amphisbène ? Non, tous ceux-là ne sont pas assez gros ou n'ont que trop de jarrets pour correspondre - après tout, celui-là n'en a que quatre ! Est-ce de la salamandre ? Elle est bien grosse pour de la salamandre... Tiens, voilà qu'on me sert.

Ça sent les herbes en tout cas. Romarin, peut-être ? Ciboule ? Arnica ? ... Il y a trop de choses, je n'en sais rien. Ouah, c'est pas des parts de scribe, ce qu'il sert ! J'ai à manger pour la demi-journée en une seule coupe ! Bon, voyons voir à quoi ça ressemble ...

Hm ...

Hm-hm. Hm ! Hm-hm !

Je n'en ai aucune idée. C'est très épais, très juteux - sans doute cuit à la vapeur ou au feu de bois -, et il y a une sorte de texture spéciale, à la fois tendre mais résistante, filandreuse sans être dure, qui vous oblige à bien mâcher mais sans se casser les dents. C'est ... Bon, très très bon même. Heureusement que j'ai une grosse part, parce que j'en reprendrais volontiers !

Hm, qu'est-ce que ça raconte autour de moi ? J'ai l'impression que ça s'échauffe.

- "Complexe? Je ne vois pas ce qui est complexe. Il va avoir un poste à Karak Hirn, puis nous le présenterons aux jeunes filles à marier, et il continuera la lignée du clan. C'est on ne peut plus simple."

Hôlà, Père s'en mêle !

- "Et si nous avions des projets pour lui de notre côté? Et des idées de prétendantes? Et un emploi pour lui ailleurs?"

Des prétendantes ? Pardon ? C'est quoi cette histoire ? Mère ne m'a jamais mentionné cela dans ses lettres - et en plus, Ulfbert a fait quoi ?! Moi qui pensait qu'il attendrait quelques jours de plus avant de signer des documents à ma place ! Félin d'ancêtre ! Il l'a déjà fait sans moi ! En moins de trois jours, quel culot !

Ah oui, quel culot ! Quelle audace ! Je viens à peine de découvrir mon foyer d'origine qu'il me met déjà des menottes aux mollets et une chaîne autour du cou !

- "Si je puis me permettre - hm - j'ai déjà des choses en place. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, hm, l'anneau que j'ai juste là me vient d'un serment."

Un peu de bière, le temps que les étouffés s'esclaffent et ceux qui mangent recrachent.

- " J'ai prêté serment avant d'arriver ici, et j'ai déjà un poste qui m'est et m'était prévu avant mon arrivée ici. De plus, j'avais bien prévenu tout le monde avant ce repas, jusqu'à preuve du contraire. D'abord, vous, Grand-Père et Grand-Mère, lorsque j'avais dit à notre première rencontre que << J'ai des comptes à régler hors des Montagnes Noires >>.

Et de même pour vous, Père, et vous, Mère. Quand je disais et si j'ai l'aval ou l'accord du Grand-Maître Poing-de-Fer pour la suite de mes travaux, c'est parce que cette suite m'a été désignée et assignée personnellement.

Ainsi, de peur de me répéter, j'ai déjà un poste et un travail en dehors des Montagnes Noires, et j'ai déjà fait le serment d'accomplir ces travaux moi-même... Et comme tous mes ancêtres, je compte tenir tous mes serments."


Encore un peu de bière, histoire de garder son calme et de laisser les apoplexies s'estomper.

- " Enfin, pour ce qu'il en est des prétendantes, je vous laisse le choix. Je me permettrai juste d'en rajouter une dans le lot. Une jeune prêtresse de Valaya de Zhufbar, qui m'a amplement aidée durant ces quinze dernières années - je vous l'avais déjà mentionnée dans mes lettres, Mère, sans la nommer.

Brynnhild Brimeriasdottir, du clan Pied-de-plomb. C'est son nom.

Elle a quelques années de plus que moi, mais elle est nettement plus respectable que tous les gens que j'ai pu croiser entre et en dehors de Karak Hirn et Zhufbar. C'est une prêtresse de Valaya. Je vous laisse faire le calcul et l'estimer à votre guise."


Ouh, même avec la bière, je me suis un peu emporté. Hm, c'est le manque de viande, ça. Ça fait trembler les nerfs. Je suis sûr que c'est ça. Ou bien c'est un effet de cette viande inconnue. Hm, dans le doute, je vais finir mon assiette.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par [MJ] Le Djinn »

D'un mouvement franc et dur de l'épaule, l'ancêtre fit s'abattre la hache sur la chair du drake rôti qui se délita sous le fil de la lame. Ulfbert ne regardait pas Snorri et lui tournait même le dos, au point que ce dernier était incapable de savoir la tête que tirait son aïeux. Son père, en revanche, le visait avec un regard si mauvais qu'il aurait fait reculer un serviteur des Puissances Noires. A ses côtés, Meyna regardait la scène avec une certaine appréhension mais également un intérêt certain. Elle se pencha à l'oreille de son mari et lui murmura quelques mots qui parurent l'apaiser quelque peu, quoiqu'un certain énervement restait figé sur son visage. Sévère, il blâma Snorri.

- "Tu prêtes des serments bien lourds à porter sans l'accord de ta famille. Au-delà de nous prévenir ou non, tu te passes de notre approbation. Tu nous mets dans une situation délicate, le sais-tu?"

La voix d'Ulfbert gronda depuis sa place près du plat de viande.

-"Oh il le sait, Sturill, il le sait parfaitement."

A la surprise de Snorri et de tout le monde à la table, le visage du vieillard n'avait aucune expression d'agacement, d'énervement et encore moins de fureur. Au contraire, il semblait cette fois très calme et composé. Les membres du clan Juste-Marteau frissonnèrent d'autant plus qu'ils ne comprenaient pas ce soudain changement d'attitude.
D'un geste mesuré, Ulfbert s'assit à sa place et attrapa sa chope de bière en acier dans laquelle il trempa les lèvres avant de l'avaler d'un trait. Il claqua la langue après la lampée et poignarda l'ingénieur avec des yeux dans lequel on ne lisait pas la moindre trace d'émotion.


-"Parce qu'il ne l'a pas pris à la légère, ce serment. C'est le fils de ma Meyna, de mon propre sang, il ne l'aurait pas fait, j'en suis sûr. Ce qui me laisse une théorie."

Il reposa sa choppe et plaqua les deux mains sur la table avant de prendre une grande inspiration. Sa face s'empourpra et chacun devina qu'avec un peu plus d'ivresse dans le sang il aurait balancé la vaisselle à la tête de son descendant.

-"Il n'a pas l'intention de revenir ou de faire partie du clan."

Un silence froid tomba au point qu'on crut que la bière allait se mettre à geler. Sturill et Meyna avaient pâlit, comme Myrta, tant l'accusation était grave. Avec une voix faible, très faible, peut-être la plus faible que Snorri ait entendu dans sa vie de fils, Sturill opposa:

-"C'est... C'est aller un peu loin, Ulfbert... Il veut juste faire ses affaires quelques années et rentrer, le temps de respecter un serment et de se faire un nom. Il ne faut pas exagérer..."

-"Comme toi, Sturill?"

Le coup était crul et l'intéressé serra les poings avant de répliquer.

-"J'ai été chargé par mon clan d'y aller."

-"Avec un petit serment en plus, il me semble."

Cette fois ce fût la vieille Myrta qui se leva d'un bond, le poing brandit vers son mari.

-"Tu dépasses les bornes, Ulfbert! Tu peux en vouloir à Sturill mais ça ne sert à rien de médire sur Snorri! Tu as beau être le plus âgé, tu n'as pas tous les droits!"

Elle se tourna ensuite vers Snorri pour lui offrir un visage bienveillant.

-"Allez, détrompe ton grand-père bougon en lui disant bien que tu vas revenir prendre ta place parmi ton clan quand ta tâche sera accomplie! Et puis, elle le sera vite, c'est l'affaire de quelques années au plus, j'imagine!"

Elle affichait une telle bonté, une telle volonté qu'il était difficile de lui refuser quoi que ce soit, à cette ancienne femme.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Snorri Sturillson
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.

Message par Snorri Sturillson »

-" Oh il le sait, Sturill, il le sait parfaitement."

-" Il n'a pas l'intention de revenir ou de faire partie du clan."


- " Il veut juste faire ses affaires quelques années et rentrer, le temps de respecter un serment et de se faire un nom. Il ne faut pas exagérer..."

- " Allez, détrompe ton grand-père bougon en lui disant bien que tu vas revenir prendre ta place parmi ton clan quand ta tâche sera accomplie! Et puis, elle le sera vite, c'est l'affaire de quelques années au plus, j'imagine ! "

...

Mais ...

Grungni me garde, ils doivent tous avoir un trou de mémoire. Allez, je me lève. Pétard, ce que ça chauffe cette viande ! J'ai de quoi bouillir un fût quand je rote ! Tant pis, on se racle la gorge, on avale une gorgée, et :

- " Je ne fais aucun serment à la légère, Père. Cela vous me l'avez bien appris.
De même, au-delà de vous prévenir et d'attendre, et plutôt que ne jamais pouvoir sortir un pied en dehors des Quatre Cascades, j'ai fait le choix d'être ici.

Oui, j'en ai fait le choix. Personne ne me l'a ordonné.

Pour cela, j'ai en effet du attendre de passer compagnon de guilde, oui. J'ai ainsi pu prouver ma valeur et la confiance des miens, même si je suis conscient que ce n'est que le début. Et en effet, Père, et tout à fait Grand-Père, je sais dans quelle situation je me suis mis.

Oui, j'ai fait serment.
Oui, je le referais si je pouvais.
Pourquoi ? Parce que sans ce serment, je ne serais pas là aujourd'hui. Sans ce serment, je serais encore aux Quatre Cascades, et non chez moi, à Karak Hirn. Sans ce serment, pas de Snorri, pas de retrouvailles, pas de nouvelles, rien. Alors oui, Père, et oui, Grand-Père, j'ai fait serment d'être ingénieur dawi, d'être digne des miens et digne de mon rang. J'ai fait serment d'accomplir le devoir qui m'est incombé par ma fonction et par la Guilde qui m'a formé. Il n'existe pas d'autre choix au sein des Guildes des Bords du Monde ou d'ailleurs. << Quiconque souhaitant sortir d'une forteresse doit avoir une obligation ou un serment, à moins d'être soldat >>.

Ainsi, je pèse parfaitement les conséquences, puisque, jusqu'à preuve du contraire, je suis en face de vous et je vous parle de vive voix à l'heure qu'il est.

Cependant, si vous estimez que j'ai fait un faux-pas et que me voir pour la première fois depuis ma naissance vous gène tant, je peux disparaître à nouveau. le Grand-Maître Poing-de-Fer et Maître Orlaksson et tout Zhufbar seront/sera certainement ravi d'entendre mon retour dans les heures qui viennent, j'en suis certain. Je suis sûr qu'ils seront tout aussi ravi de votre opinion sur la confiance et la responsabilité qu'ils avaient pourtant accordé personnellement à un Juste-Marteau, et sur la façon dont les Juste-Marteau traitent les leurs après quinze ou quarante-cinq ans d'absence.

Après, bien sûr, si vous aviez une meilleure façon d'obtenir ces retrouvailles, j'en suis tout ouïe - et je l'aurais été en temps voulu. Cependant, j'ai vécu quinze printemps à Zhufbar, et jusqu'à avant-hier, je n'étais même pas au courant de votre existence, vénérable Grand-Père. Je n'étais pas informé de quoi que ce soit de la sorte, puisque je ne recevais de lettres que de votre fille Meyna, ma vénérable Mère.

Je suis compagnon, ingénieur, nain, et fils du clan Juste-Marteau et Fière-Plume. Libre à vous de me juger pour mes actes ou mon éducation. Je ne l'ai pas choisi par malice ou par plaisir.

En résumé, voici : Non, je ne resterai pas éternellement en Tilée. Non, je n'ai pas eu d'autre choix que de faire serment pour venir ici. Non, il n'existait pas d'autre solution, puisque personne ne m'en a soufflé d'autre. Et non, je ne compte pas prétendre autre chose que la vérité.

Je reviendrai dès que possible, mais possible n'est pas cette année ni la prochaine.

Ce qui est fait, est fait."
Snorri Sturillson
Voie de l'étude de l'ingénierie - Compagnon (Ingénieur Nain de Zhufbar)
Profil: For 8 | End 10 | Hab 11 | Cha 9 | Int 11 | Ini 7 | Att 9 | Par 9 | Tir 9 || NA 1 | PV 75/75

"Vous n’avez pas le droit d’avoir votre opinion. Vous avez le droit d’avoir votre opinion renseignée.
Personne n’a le droit d’être ignare.
"
Snorri dans un univers parallèle très mignon et propre :
Image

Fiche personnage wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_snorri_sturillson

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