Que ce soit la gnôle d'oignon, la violence des combats qui suivirent ou quelconque maléfice d'un chaman caché dans les bois, le résultat était là: Piero était seul, définitivement seul. Il errait depuis bientôt trois jours dans les bois, abandonné de tous. Boerich, Morwen, Fulgrad? Perdus de vue dans une escarmouche qui tournait mal. Puis l'ordre de fuite, de courir sans se retourner, vers la forêt endormie recouverte par le manteau d'Ulric. Il avait péniblement survécu en mangeant des fruits à coques au sol, des racines et les infinis oignons confiés par les villageois. Autant dire que l'estalo-tiléen n'était pas en grande forme quand il débarqua sur une route large et bien entretenue, même si couverte par une fine couche de poudreuse. La présence en plein milieu de bois gigantesques d'une voie pareille aurait eu de quoi surprendre un étranger complet, mais l'explorateur à la manche était déjà passé par ici à son arrivée dans la région: il s'agissait de la Grande Route du Nord qui reliait Talabheim à Marienburg en passant par Middenheim. Pour le moment il n'y avait personne en vue mais il était courant que des malle-poste, des convois de marchands ou de mercenaires ou plus simplement des pèlerins passe dans les environs.
Si c'était un bon début et une perspective pour ne plus se geler seul la nuit venue, cela ne répondait pas à la question principale: que faire?
Théoriquement il était toujours un fugitif recherché, même si son manque de portrait n'aiderait pas les autorités à lui mettre la main dessus. Ses compagnons d'infortunes ayant disparus et peut-être à jamais il était hors de question de retourner se perdre dans les forêts assoupies. Même si cela pouvait paraître lâche, il n'avait de toute manière aucun moyen de les retrouver et c'était un suicide assuré.
Ces considérations prises en compte, ne restait plus pour lui qu'à décider quoi faire de sa vie. Assis sur une souche au bord de la route, le soleil du matin frappant son chapeau à larges bords de la mode de Trantio, il ne pouvait plus que songer à l'avenir.