Westen Mark, Sigmars Reich.
Il faisait froid dans la vallée. Même en étant un natif de Parravon habitué à ces vents frais qui balayaient les hauts-plateaux et les vallons du duché, Tristan ne pouvait s’empêcher de trembler, son corps parcouru par une épaisse chair de poule : Dans ce genre de situation, le mieux restait encore de marcher sans faire d’histoire, le corps réchauffé par l’exercice étant censé oublier le frais du début de matinée. Pourtant, on était en été : Nul doute que plus tard dans la journée, lorsque le soleil sera enfin passé de ce côté des Montagnes Grises et que les nuages auront été tirés du ciel comme des rideaux, l’atmosphère deviendra beaucoup plus tempérée, et ce sera l’occasion de choper quelques coups de soleil. Pour l’heure, il fallait juste serrer les dents et marcher sur les sentiers caillouteux de graviers, le chien du chevalier n’arrêtant pas de trotter tout vite en avant, de renifler quelques tas d’herbes, puis de se retourner et de courir la langue pendante revoir son maître pour quémander quelques rapides caresses sur son museau.
Tristan parcourait du vide. Tout ce qu’il croisa, un instant, ce fut un vieux berger à bâton accompagnant une jeune fille vêtue d’un par-dessus en lin : Le duo se contenta de le saluer d’un petit signe de tête et d’un « bonjour » bien courtois et ils tracèrent de l’autre côté, le vieux ignorant la truffe humide que le toutou du chevalier avait posé sur sa main au passage. Personne d’autre. Pas de village, pas de poste de garde, pas de courtine de château : Il était au milieu de rien, juste à s’élever petit à petit dans des chemins qui ressemblaient à des casses-jambes, et de longues étendues de près en jachère, qui servaient par intermittence pour les éleveurs de moutons ou de chèvres pour venir paître gentiment. Pas de bœufs ici : Les bœufs c’était plus bas dans le Val de Parravon, c’était plus proche des riches terres de son époux qu’elle avait quittées pour – sans doute – ne jamais revenir. Alors elle s’enfonçait tout droit devant, dans ces montagnes escarpées, dont les sommets étaient étrangement encore couverts de neige, alors même qu’on était dans le mois de l’année le plus caniculaire du calendrier.
Il y avait forcément quelque chose pour qu’elle se rende utile, ici. De là où elle se tenait, sur ses petits sentiers vide, la chaîne de montagne avait une apparence pacifiée et tranquille. Mais tout le monde dans Parravon avait entendu ces histoires sur ces cols dangereux des monts et des reliefs. Des repaires à Gobelins, des planques de brigands, de sombres caveaux dans lesquels des Nécromanciens pratiquaient une immonde magie noire… Hormis les bergers de l’Empire et de la Bretonnie, il n’y avait eut qu’un peuple assez bath et solide pour déclarer que ces sommets enneigés et ces pics vertigineux pouvaient être leur chez-eux : Le Peuple Nain. Campés sur quelques maigres gisements ferreux ou argentifères, les Dawi Gris étaient très loin d’avoir la superbe fantastique dont Tristan avait entendu parler dans ses livres de contes, ces récits de châteaux imprenables au sommet des alpages, leurs coffres resplendissant d’or.
Au moins, s’il voulait se rendre utile, le chevalier allait dans la bonne direction.
Pour une raison étrange, alors qu’un instant ils atteignaient à nouveau un plateau qui avait l’air absolument identique à tous les autres plateaux parcourus ici là, son chien se met à baisser les oreilles et à lever les yeux au ciel. Il se mit à piner et pleurer en baissant la tête. Et une ombre le recouvrit. Tristan se retourna, mais très vite, eut le réflexe de se retourner pour se jeter à terre : À contre-jour, éblouit par la lumière invisible qui se cachait derrière les nuages blancs, une énorme bête dans le ciel descendait en piquet, bâti des ailes, et survola en rase-motte le chevalier et son chien, avant de repartir de l’autre côté en agitant toutes les herbes de la vallée et en parvenant même à agiter quelques cailloux avec son souffle.
Après avoir rassuré Fritz et s’être remis sur ses deux jambes, il était temps de reprendre le chemin.
Elle atteint le village alors que le soleil apparaissait enfin : Il devait être à son zénith, il devait être midi. C’était un berger qui très tôt dans la matinée lui avait indiqué le chemin vers ce patelin qui portait le très charmant nom de Brossac-la-Pieuse. Un petit bled endormi, constitué de quelques grossières chaumières en torchis et en paille, entourant un grand près dans lequel broutaient tranquillement un tas de moutons solidement gardés par quelques patous Bretonniens aux aguets, parés à mordre les loups ou les Gobelins. L’endroit était bien habité : Des familles de bergers allaient et venaient, on pouvait s’attendre à croiser grossièrement une petite soixantaine d’âmes. Seuls deux bâtiments étaient faits en pierre : Une petite chapelle au centre du village, dédiée aux Dieux Taal et Rhya, et une tour de garde à l’entrée du village, où nulle sentinelle ne surveillait quoi que ce soit. Le village était à flanc de falaise, mais il était dans l’ombre très éloignée d’un grand château tout au sommet des montagnes, celui où était allé se réfugier le chevalier-pégase qui avait terrifié son chien sur la route.
Tristan commençait à avoir faim et soif, et s’arrêter à Brossac pour s’acheter quelques provisions pour un voyage était certainement une nécessité.
En passant devant la charmante chapelle de Taal et Rhya, Tristan fut interpellé par un petit panneau d’informations. Il était rare qu’un Bretonnien sache lire, si ce village était typique, les seuls lettrés à la ronde devaient être le prêtre du village et peut-être deux ou trois paysans qui avaient su s’offrir l’éducation : Il n’empêche que deux feuillets d’information étaient ainsi agrafés. Tous portaient le sceau en cire du duc de Parravon : Le Pégase Ailé Glorfinial.
AVIS DE RECHERCHE
25 ÉCUS D’OR
Les personnes suivantes sont recherchées pour agression à main armée, et vol de troupeaux.
HERNAN dit « LAME-FINE »
Grand, cheveux blonds, cicatrice autour de l’œil droit, un doigt manquant à la main droite.
WERNER DAHM
Petit, voix nasillarde, cheveux blonds, porterait des bottes cirées aux sangles d’or.
RÉCOMPENSE POUR TOUTE INFORMATION – VOUS ADRESSER À VOTRE BAILLI LOCAL
Enregistré au parlement de Parravon le 12 du Mois de la Dame 1551.
André de Brécey, Justicier du Duc de Parravon.
AVIS GÉNÉRAL À LA POPULATION
Chlodéric, Seigneur de ces terres, propose récompense à ceux qui participeront aux recherches des disparitions survenues dans les villages de Brossac, Marthon, et Suris. Merci de vous adresser à votre bailli de village pour plus d’informations.