Martin [MJ Assistant]
Déjà quelques jours que Wolvir avait rencontré son contact avec "l'organisation". On lui faisait peu confiance, malgré ses années de bons et loyaux services dans l'armée. Aussi, il ignorait encore l'identité des autres membres du cercle, si ce n'est celui qui lui servait de contact local - et encore, celui-ci avait été clair : pas de contact direct à moins d'urgence absolue - et il ne pouvait contacter le réseau de manière régulière qu'en déposant des messages dans une "boite aux lettres" - une boite en bois dans une rue contiguë à la place du marché et contenant un fusain et du tissu - qu'on lui avait montré en ville. Même s'il avait été recommandé, sa loyauté et ses capacités se devaient d'être mises à l'épreuve proprement avant qu'il ne soit pleinement admis dans le premier cercle.
Son retour à la vie "civile" fut facilité par les quelques connaissances qu'il avait fait au cours de son service. De nombreux soldats avaient repris leurs champs, mais quelques-uns s'étaient reconvertis, après avoir été licenciés, dans le mercenariat, principalement, ou en tant qu'hommes d'armes dans le guet. Ainsi, avait-il quelques recommandations pour divers petits boulots.
Puisqu'il n'existait pas de guilde des mercenaires à Salzenmund, une sorte de "bourse du travail" - en réalité un taverne miteuse, mais dotée d'un hall important - où l'on trouve un grand panneau recouvrant l'intégralité d'un mur où sont affichées diverses requêtes, postées par le tout venant. Le propriétaire du lieu, un ancien marin borgne et unijambiste, tenait lieu de tenancier, secrétaire et liseur, pour ceux ne sachant pas lire. C'était un vieux bâtiment, mais au moins il y faisait chaud et l'ambiance était relativement agréable. Après, la clientèle était surtout composée de mercenaires, "aventuriers" ou petits bandits, contrebandiers, saltimbanques et autres malandrins. Un bon concentré de la partie la plus vile de la nation. Au moins le patron veillait à ce qu'il n'y ait pas de meurtres ou de vols dans son établissement, et ceux qui jouaient aux cons avec les poseurs de missives se retrouvaient vite fichés, et interdits de foutre à nouveau les pieds dans le coin.
Ça n'était pas la panacée, il y avait des quiproquos, des mauvaises surprises, une misère comparé au système tiléen mais toutes choses bien considérées, cela suffisait pour faire le travail et les clients étaient, en général, satisfaits. Après, la bière était insipide, les filles étaient grasses et le sol pas toujours très propre. Une bonne taverne quoi.
Que faisait donc Wolvir dans cet endroit où la lie de l'humanité et la partie légèrement supérieure de celle-ci se côtoyaient ? Simple. Il réfléchissait à ce qu'on lui avait ordonné de faire. Se fondre dans la masse et attendre. Il y avait bien eu ce petit boulot pour un bourgeois pas clair, ou bien jouer les gros bras au marché, mais ça n'avait jamais rien eu à voir avec l'organisation. Il ne faisait que jouer son rôle, celui d'un ancien de l'armée, désœuvré et cherchant à se reconvertir.
C'était tout à l'heure, alors qu'il buvait sa soupe chaude aux oignons qu'un étranger, impossible à identifier, dissimulé sous son chaperon, avait déposé un papier sur sa table, avant de repartir aussi rapidement, sans que Wolvir n'ait eu le temps de réagir.
La "missive" était tâchée d'huile, le vélin trahissait un recyclage du papier incessant, d'anciens caractères à moitié effacés selon des procédés ne pouvant qu'être qualifiés de rustres par les scribes les plus scrupuleux pouvaient encore, en plissant des yeux, être devinés sur le papier.
Le document en lui même ne révélait pas grand chose, non plus. L'écriture était sans style particulier, presque mécanique, si une telle chose était possible, trahissant un esprit froid et peu affecté par les choses. Quant au contenu...
C'était plutôt direct. Mais au moins laissait-on à l'apprenti répurgateur la liberté de choisir la manière dont il allait prendre les choses en main. Il pouvait très certainement se rendre directement sur place et chercher un travail là-bas. Après tout, on avait toujours besoin d'ouvriers solides dans le coin. Mais inspirait-il vraiment confiance avec son attirail ? A moins qu'il ne cherche sur le tableau d'affichage quelques requêtes qui puissent joindre l'utile à l'agréable ? Cela aurait l'avantage de lui fournir un "alibi", tout en lui faisant gagner des sous. Il était un peu court ces temps-ci. Mais un travail ne risquait-il pas de le faire avancer lentement ? A moins qu'il ne préfère effectuer les choses rapidement, menant son enquête dans le quartier, quitte à faire naître quelques suspicions sur sa personne ? Un inconnu armé et patibulaire qui posait des questions sur tout le monde, c'était louche. Surtout dans un quartier relativement aisé comme celui des artisans....Meurtres et disparitions dans le quartier des artisans. Enquêtez dessus. Gardez votre couverture. Détruisez cette note. Si imprévus, vous connaissez la boite aux lettres.
Qui vous savez.
Après il pouvait toujours essayer quelque chose d'autre....