La pluie froide de Brauzeit commençait à se faire sentir, ça vous glaçait les os. Dans une cité cosmopolite comme Marienburg, toute personne pouvait trouver un endroit pour se réchauffer. Que ce soit sous les genoux d’une femme de basse morale ou au bord du feu d’une auberge qui sentait le poisson. L’un n’empêchait pas souvent l’autre cela dit. Depuis les dernières semaines, la ville semblait plus terne, c’était fort probablement la cause du retour de l’hiver disait les plus érudits du lot. Mais pour le commun des mortels, ceux qui se brisent le dos à décharger bateau après bateau, pour eux c’était un mauvais signe. Un mauvais augure, quelque chose de terrible se rapprochait de la cité. Les quelques diseuses de bonne aventure faisaient attention à leurs prédictions afin de ne pas enflammer une populace déjà sur les nerfs.
La pluie tombait sur Marienburg et tout le monde ne rêvait que d’hiver.
Marchand depuis ce qui pouvait lui sembler une décennie, un homme, du moins sa forme nous rappelait un homme, mais pour ce qu’il en restait, un homme se dirigeait vers cette cité. Il avait en route eu mille rencontres plus tristes les unes que les autres. Des pieuvres des marais, des brigands, des incendies, et j’en passe. Depuis peu, il s’était entouré d’un groupe d’individu plus ténébreux les uns que les autres. Leur chef, Medenor, une carapace à l’allure humaine poussés par les murmures de la Ruine, prêchait la parole du Grand-Père pestiféré préféré de tous, Nurgh. Dans sa suite, des membres de la Loge occulte du Crachat Purulent, Rauschenbach, un magicien avec une soif de pouvoir que seul Nurgle pouvait étanchéifier. Suivi de près par le massif Furonculus, homme de main, pas le plus aiguisé du lot, mais tout de même dévoué. Fermant la marche, le bien malheureux Sigurd, leur guide malgré lui. Suivant un enlèvement de bandit de grand chemin, les dévots ont dû utiliser leurs bénédictions pour se libérer de leur joug. Témoin, le pauvre Sigurd ne put qu’observer la véritable nature de ces, jusqu’à maintenant ordinaire, clients. Depuis trois semaines, ils marchent tous ensemble à l’abri des regards indiscrets dans les Collines Déferlantes des Pays Perdus. Marienburg n’était pour eux qu’une halte, leur destination finale est encore loin. Suivant une vision de la Ruine, le seigneur Medenor et sa Loge effectuent un sombre pèlerinage vers le Moussillion, lieu de mille mystère et résident d’un artéfact putride de leur Dieu Abjecte. Pour l’instant, la simple vision de la cité indépendante était une bénédiction, un lieu de prolifération idéal pour infecter le monde entier.
D’un autre côté de la cité, dans les Suiddock, dans une petite auberge ne possédant qu’une seule chambre, un jeune homme, Cedrec Wartz, prenait son bain dans une minuscule bassine rouillée. L’eau froide lui rappelait le Reik se lequel il venait de passé la dernière semaine à vogué vers la ville. Dans son cas, ce n’était pas la cité qui l’intéressait, mais c’était plus la fuite qui le motivait. Pourchassé par des répurgateur de la capitale de l’empire, Altdorf. Il avait trouvé refuge à Marienburg. Depuis toujours, Cedrec s’était plus intéressé à la maladie qu’à la guérison des hommes. Pas dans un esprit mal intentionné, bien sûr, mais dans un esprit de contemplation. Chaque bubon qu’il rencontrait, il l’étudiait. Chaque furoncle, il le notait. L’amour du Grand-Père avait tranquillement commencé à se montrer sur lui, mais rien n’avait été concret. Jusqu’à…
La loge occulte du Crachat Purulent avait trouvé refuge dans les souterrains de la cité. Évitant ainsi les patrouilles des chapeaux noirs, ces miliciens terrestres responsables de garder l’ordre public sur la terre ferme. Un confluent d’égouts pluviaux, fermé par un éboulement, une grille prise dans la rouille et une porte massive en fer. Plus haut, à une vingtaine de pieds du sol, un puisard offrait une légère lumière à l’endroit. Par contre, lors des pluies, ce chemin devenait une chute de rebut et un vecteur de maladie. Au centre d’un labyrinthe humide et tortueux, les membres de la loge se demandaient toujours ce qu’il allait faire du pauvre Sigurd.
Herr Wartz avait commencé à faire quelque travail ici et là pour Garst, cet homme à l’allure louche qui semblait bien connaître le monde interlope de la cité indépendante. Jusque là, tout semblait réglo, suivre les hommes d’expérience, transporter des boîtes, ne pas poser de questions, ce genre de boulot. Un jour alors qu’il devait effectuer un déplacement de marchandise par les égouts, Cedrec se retrouva attiré par un murmure. Il n’était pas effrayé, c’était une voix chaude et visqueuse qui l’appelait par son nom.
"Cedrec... "
La voix venait d’une canalisation secondaire d’où s’écoulait un liquide à l’allure peu ragoutante.
"Cedrec…Warrtz..."
La voix l’attirait à une trentaine de mètres hors du canal principal. Le chemin devenait de plus en plus petit et Cedrec dut s’accroupir dans l’eau pour continuer son chemin. Une faible lueur émanait dans un espace ouvert devant lui. Les épaules frottaient sur les parois alors que pieds et mains étaient plongés dans le mélange liquide non homogène qui coulait à travers ses vêtements. L’odeur de corruption était palpable, même avec un foulard, le goût vous roulait dans la bouche.
Dans l’espace ouvert, une lueur phosphorescente illuminait la place d’une couleur verdâtre. Au centre de la pièce, trois îlots, ronds, positionnés en triangle, étaient entourés de ce mouvement d’eau impure. Au centre du triangle, un monticule de boue.
"Ceeedrec….."
L’homme du Reikland plongea les mains dans la substance odorante. L’appel était plus fort que tout ce qu’il n’avait jamais entendu. Les bras jusqu’au coude à creuser et à chercher l’inconnue. Jusqu’à ce qu’il ne sente un objet plus solide que les autres. Il croyait que c’était un ossement. Acéré. Long. Dur. Agrippant fermement la chose, il tira de toutes ses forces pour s’extirper du monticule odorant. La tension fut trop forte et lorsqu’il retira l’objet, il tomba de tout son long dans le liquide visqueux et un léger tremblement fit résonner la caverne. Un des murs s’écroula derrière lui.
La Loge occulte du Crachat Purulent terminait une messe afin de sanctifier leurs prochaines actions quand l’entrée du tunnel bloqué par un éboulis s’ouvrit d’un coup. Cedrec se releva doucement de la mare, dégoulinant de sécrétion et de selle liquide dans la lumière verdâtre de l’endroit. Tenant à la main un divin message envoyé de leur Dieu commun. Une longue et dangereuse dague suintante fabriquée d’ossement non humain. La lame, une colonne vertébrale fusionnée, le pommeau, un amoncellement hétéroclite d’éclat et d’os.
C’est à cet instant que les regards de Cedrec et Medenor se croisèrent pour la première fois. L'un devant son assemblé plus qu'hérétique, l'autre au centre d'un symbole impie.