Otto n’avait eu de cesse que de trembler tout au long des exactions de la Lahmiane. Il n’avait plus rien à voir avec le guerrier déterminé et téméraire qu’il avait incarné jusque-là, menant plus d’une trentaine de soldats au combat. Sous la poigne de Lucretia, il venait tout de révéler sa vraie nature ; un rodomont qui n’avait que le courage de charger une poignée de gitans, point davantage. Face à l’adversité que lui avait opposée la vampire, il s’était simplement effondré, et cela aussi bien physiquement que mentalement. Son petit esprit humain reflétait bel et bien l’état de sa condition physique ; frêle, fragile, et méprisable. La douleur avait eu raison de lui, au même titre que la peur et la colère issue de sa totale impuissance.
Par ailleurs, sa crainte avait crû que plus encore lorsque la Lahmiane l’avait redressé que pour mieux l’exposer aux lances de ses propres cavaliers. Bien que submergé par la haine, il avait tout de suite compris le danger auquel il faisait face. L’homme s’était subitement raidi dans son armure, ses poings s’étaient refermés, ongles mordant ses paumes, et ses tremblements s’étaient intensifiés. Droit comme un piquet, il avait tenté de reculer à tâtons, mais s’était heurté au mur stoïque et intransigible que formait le corps de la baronne de Bratian. Un mince filet de sang s’était écoulé le long de son cou, la lame de la vampire ayant légèrement entaillé sa peau.
Néanmoins, force était de reconnaître qu’une charge de chevaliers en armure, armes ainsi abaissées, avait de quoi vous tétaniser sur place, et, si ce n’avait été son petit ton supérieur et orgueilleux, Lucretia eût amorcé un pas en arrière. Mais la Lahmiane n’avait plus le choix. Après avoir fait main-basse sur le hobereau, après avoir exhibé un visage si fort et si confiant, elle n’avait pu dévier de sa ligne directrice. Incarner, face à ces guerriers, une figure de confiance et de puissance que rien ne pouvait faire frémir. Leur montrer que la sorcière qu’ils craignaient tous était bien réelle, et que ses pouvoirs comme sa magie dépassaient leur entendement. Nourrir leurs peurs et saper leur courage afin d’apporter plus de crédit encore à ses prochaines paroles. Car elle-même ne connaissait son futur, et, sur un malentendu, pouvait tout à fait essuyer un cruel revers.
Mais cette attitude avait toutefois porté ses fruits ; les cavaliers, la voyant ainsi menacer la vie de leur meneur sans fléchir, avaient tiré sur leur bride. Les montures avaient freiné des quatre fers, ruant, hennissant, leur mors manquant de leur arracher la bouche, quand d’autres avaient tout simplement dévié leur course de peur d’embrocher leur seigneur. Désormais entourée d’ennemis, Lucretia ne relâcha pas sa prise, et tourna çà et là, prête à trancher la gorge de son prisonnier. Ce dernier finit par proférer ces mots qu’elle attendait tant, ces phrases qui marqueraient, l’espace d’un temps, l’arrêt des combats.
L’un des cavaliers retira son heaume, et, portant à ses lèvres un cor de guerre, souffla dedans. L’instrument tonna dans toute la forêt, dérangeant les oiseaux qui s’envolèrent, et l’ouïe acérée de la vampire lui causa quelques douleurs. Mais elle tint bon, menaçant toujours son otage, et son regard se porta en direction du campement. Le spectacle qu’elle avait espéré voir se réalisa ; les soldats, bien que toujours menaçants, rompirent l’engagement, reculant de quelques pas, mais ne quittant pas des yeux les gitans. Les derniers des khilis, constatant l’attitude soudainement passive des ostlandais, battirent à leur tour en retraite, calmant leur respiration, récupérant de leurs derniers émois. Mais cette paix tacite, bienvenue, et à peine forgée, éclata une demi-seconde plus tard.
La forêt bruissa d’un nouveau coup de tonnerre, mais il ne s’agissait aucunement de la longue et lente complainte d’un cor. Quelque chose venait d’entrer dans l’enceinte que formaient les roulottes, dissimulé au regard de la Lahmiane. Quelque chose qui sembla apporter la terreur et la mort. Les chevaux s’emballèrent, fuyant ce qui venait d’arriver, bientôt poursuivis par les hommes. Si Lucretia n’avait aucun visuel sur la chose, elle parvenait en revanche à la percevoir quelque peu, notamment au travers de son sixième œil.
La Dhar. Ça embaumait la Dhar à des lieues à la ronde, et l’odeur de mort s’engouffra dans la clairière comme un pot de chambre que l’on aurait renversé. Quoi que cela pût être, cela n’avait très probablement plus rien de vivant, et était à même de compromettre la sécurité de chacun, y compris celle de Lucretia. Mais cela impliquait tout autant l’existence de Dokhara, qu’elle avait laissée dans le campement. La Lahmiane ne pouvait décemment pas la laisser là, tout comme elle ne tenait guère non plus à voir Otto s’enfuir avec ses hommes. Alors, le harpant plus fort que jamais, elle descendit vers la clairière.
Par ailleurs, sa crainte avait crû que plus encore lorsque la Lahmiane l’avait redressé que pour mieux l’exposer aux lances de ses propres cavaliers. Bien que submergé par la haine, il avait tout de suite compris le danger auquel il faisait face. L’homme s’était subitement raidi dans son armure, ses poings s’étaient refermés, ongles mordant ses paumes, et ses tremblements s’étaient intensifiés. Droit comme un piquet, il avait tenté de reculer à tâtons, mais s’était heurté au mur stoïque et intransigible que formait le corps de la baronne de Bratian. Un mince filet de sang s’était écoulé le long de son cou, la lame de la vampire ayant légèrement entaillé sa peau.
Néanmoins, force était de reconnaître qu’une charge de chevaliers en armure, armes ainsi abaissées, avait de quoi vous tétaniser sur place, et, si ce n’avait été son petit ton supérieur et orgueilleux, Lucretia eût amorcé un pas en arrière. Mais la Lahmiane n’avait plus le choix. Après avoir fait main-basse sur le hobereau, après avoir exhibé un visage si fort et si confiant, elle n’avait pu dévier de sa ligne directrice. Incarner, face à ces guerriers, une figure de confiance et de puissance que rien ne pouvait faire frémir. Leur montrer que la sorcière qu’ils craignaient tous était bien réelle, et que ses pouvoirs comme sa magie dépassaient leur entendement. Nourrir leurs peurs et saper leur courage afin d’apporter plus de crédit encore à ses prochaines paroles. Car elle-même ne connaissait son futur, et, sur un malentendu, pouvait tout à fait essuyer un cruel revers.
Mais cette attitude avait toutefois porté ses fruits ; les cavaliers, la voyant ainsi menacer la vie de leur meneur sans fléchir, avaient tiré sur leur bride. Les montures avaient freiné des quatre fers, ruant, hennissant, leur mors manquant de leur arracher la bouche, quand d’autres avaient tout simplement dévié leur course de peur d’embrocher leur seigneur. Désormais entourée d’ennemis, Lucretia ne relâcha pas sa prise, et tourna çà et là, prête à trancher la gorge de son prisonnier. Ce dernier finit par proférer ces mots qu’elle attendait tant, ces phrases qui marqueraient, l’espace d’un temps, l’arrêt des combats.
L’un des cavaliers retira son heaume, et, portant à ses lèvres un cor de guerre, souffla dedans. L’instrument tonna dans toute la forêt, dérangeant les oiseaux qui s’envolèrent, et l’ouïe acérée de la vampire lui causa quelques douleurs. Mais elle tint bon, menaçant toujours son otage, et son regard se porta en direction du campement. Le spectacle qu’elle avait espéré voir se réalisa ; les soldats, bien que toujours menaçants, rompirent l’engagement, reculant de quelques pas, mais ne quittant pas des yeux les gitans. Les derniers des khilis, constatant l’attitude soudainement passive des ostlandais, battirent à leur tour en retraite, calmant leur respiration, récupérant de leurs derniers émois. Mais cette paix tacite, bienvenue, et à peine forgée, éclata une demi-seconde plus tard.
La forêt bruissa d’un nouveau coup de tonnerre, mais il ne s’agissait aucunement de la longue et lente complainte d’un cor. Quelque chose venait d’entrer dans l’enceinte que formaient les roulottes, dissimulé au regard de la Lahmiane. Quelque chose qui sembla apporter la terreur et la mort. Les chevaux s’emballèrent, fuyant ce qui venait d’arriver, bientôt poursuivis par les hommes. Si Lucretia n’avait aucun visuel sur la chose, elle parvenait en revanche à la percevoir quelque peu, notamment au travers de son sixième œil.
La Dhar. Ça embaumait la Dhar à des lieues à la ronde, et l’odeur de mort s’engouffra dans la clairière comme un pot de chambre que l’on aurait renversé. Quoi que cela pût être, cela n’avait très probablement plus rien de vivant, et était à même de compromettre la sécurité de chacun, y compris celle de Lucretia. Mais cela impliquait tout autant l’existence de Dokhara, qu’elle avait laissée dans le campement. La Lahmiane ne pouvait décemment pas la laisser là, tout comme elle ne tenait guère non plus à voir Otto s’enfuir avec ses hommes. Alors, le harpant plus fort que jamais, elle descendit vers la clairière.
Je cherche Dokhara en continuant de maintenir Otto. Et si je peux voir ce qu’il se passe, je prends aussi.