Si son foyer était désormais tombé, l'espoir d'une victoire finale contre les morts n'était pourtant pas totalement évaporé dans le cœur du magister. Face à la menace d'une éternité de servitude entre les mains cadavériques du premier nécromancien, les survivants épars des peuples du monde avaient, dans un acte impensable il y a encore quelques mois, décidés d'unir leurs forces pour espérer survivre à cette nuit sans fin. Humains venus de tout horizon, nains rescapés des karak déchus, elfes venus des bois sauvages ou des terres par delà l'océan, peaux-vertes attirés par le vacarme des combats, ou encore des hommes-rats, ayant prétendument déjà causé la chute du premier d'entre-les-morts, en des temps ayant même précédés la fondation de l'empire. Tous réunis dans une armée de fortune, aussi hétéroclite qu'improbable, assemblée autour d'un objectif commun : survivre. L'impérial était bien conscient qu'une telle alliance n'était pas du fait de la bonté de chacun, mais il ne pouvait s'empêcher de sourire intérieurement à la pensée de peuples pendant si longtemps antagoniste et maintenant réunis dans un effort commun. Une réflexion dérisoire, mais qui l'aidait étrangement à garder la tête haute en ces temps troublés.
Sur la route qui le menait au dernier bastion de l'ordre, dans la cité de Tottenburg, l'apprenti sorcier fut lui-même rejoins par plusieurs dizaines de soldats, désireux de lutter une dernière fois dans un funeste requiem, délivré au son des balles volantes et des lames s'entrechoquant. Une symphonie finale en l'honneur de ceux ayant péris, et auquel le jeune homme servait manifestement de chef d'orchestre machinal. Le Valdorf n'avait, de fait, rien d'un meneur d'homme, lui qui s'était toujours démarqué par son humilité autant que sa discrétion. Mais pour ces guerriers désespérés, cela importait peu : sa noblesse d'âme, son rang social et son statut de Magister parlaient pour lui, si bien qu'il s'était résolu à mener ses troupes à leur dernier combat. Des miliciens de franche-compagnie, accompagnés par l'élite à cheval des Templiers de la Lumière Éternelle, déterminés à vaincre ou à mourir en essayant.
La bourgade sylvanienne était aussi misérable que le reste de la province, l'air chargé d'une âpre magie noire, infestant autant les terres que les esprits. Loin des somptueux palais de la capitale maintenant dévastée, c'était dans ce village oublié de tous, en plein cœur du bastion bien connu des vampires, qu'allait se solder la bataille qui déciderait de la domination des morts ou des vivants. Aussitôt arrivé, la petite troupe s'était mise en branle, se positionnant de son propre chef à l'extrémité sud de la ville, là où des éclaireurs manquaient encore pour quadriller les environs. Quoi de plus naturel, pour un homme qui avait toujours fait passé le bonheur du plus grand nombre au-dessus du sien, que de se placer ainsi au-devant du danger, aux premières loges pour assister à la sanglante mêlée qui allait bientôt avoir lieu ? Les hommes que menaient Faust étaient naturellement anxieux, et les montures aussi bien que leurs cavaliers pouvaient sentir l'odeur rance des cadavre approchant. La fin des temps était sur eux, et cette fois, rien ne les sauveraient de leur inéluctable destin. Seul importait désormais la destruction du Conclave, et l'illusoire espoir de voir le jour se lever à nouveau sur ce cimetière à ciel ouvert.