Lucrétia fut donc invitée à rejoindre le cercle d’hommes et de femmes qui s’était formé sous le chapiteau. Ils étaient une dizaine, assis en tailleurs, sur des tabourets ou encore debout, tandis qu’autour d’eux la vie continuait dans le campement. La nuit tombait rapidement sur la Drakwald. Le forgeron pliait son atelier pour regagner sa roulotte, tout comme la vieille qui filait sa laine, et toute personne qui n’était pas du comité d’accueil de la lahmiane. On fit rentrer les enfants, les chiens et même les poules, et les portes se refermaient une à une en grinçant tandis que les lanternes et autres bougies s’allumaient à l’intérieur.
- «Tu es courageuse pour une simple dévote en plein pèlerinage. » lança un homme à Lucrétia, à qui l’on proposait de s’assoir sur une chaise en paille. L’homme avait un chapeau pointu en cuir bordé de fourrure de loup, et ses joues étaient mangées par la barbe. Un marteau pendait à sa ceinture et son pantalon bouffant était sale et troué.
- « Rares sont ceux qui s’aventurent sur la route des bois au crépuscule. Plus rares encore sont ceux qui le font seul, à pied, et pour venir nous trouver. » confirma Shana. « Ta foi en Sigmar est véritable si elle te donne tant de confiance. Où allez-vous ainsi, à travers la forêt noire ?»
Une femme âgée concoctait une sorte de tisane sur le foyer au milieu du cercle, y ajoutant des herbes, des épices et de l’alcool. Derrière eux, quelques chevaux renâclèrent. On les ramenait de la rivière pour les attacher à l’intérieur du cercle de roulottes. Un homme à la barbe blanche regardait les bêtes de trait avant de tourner la tête vers Lucrétia.
- « Nous ne te vendrons pas nos chevaux. » dit-il en secouant la tête, imité par un ou deux membres du cercle. « Deux se sont noyés lorsque nous avons traversé la rivière. Nous devons garder ceux qu’ils nous restent si nous voulons arriver à destination. Mais nous te vendrons des vivres. »
Ces gens s’exprimaient avec un accent étrange, râpeux. Ils échangeaient parfois entre eux dans un jargon, mêlant reikspiel et d’autres langues, que la vampire ne comprenait pas. On fit circuler des coupes dans lesquelles on fit couler la tisane, ainsi que des bols de potage aux lentilles et aux choux. Lucrétia fut servie en premier par son voisin de gauche, l’individu qui les avait suivi elle et Shana lorsque ces deux dernières s’étaient éloignées.
- « Le poison de l’araignée brûle dans les veines de ton ami. » annonça la vieille femme en servant la tisane à la lahmiane. Elle portait une écharpe incroyablement longue nouée en turban sur sa tête, dans lequel était piqué des épingles à bouts en verre et de petits crânes d’oiseaux. « Pour ne pas qu’il ne meure, donne lui dix gouttes par soir, diluées dans du lait de chèvre. » dit-elle en sortant une petite flasque en cuir d’on ne sait où. Si Lucrétia avançait la main pour l’attraper, l’ancêtre enturbannée se rétractait d’un coup et ouvrait l’autre paume en ramenant ses doigts d’un petit geste vif pour inviter la baronne à y placer quelques piécettes.
Le barbu qui avait refusé un cheval à Lucrétia lança quelques mots à Shana dans leur parler guttural. La femme se tourna vers la vampire.
- « Tu es invitée à passer la nuit ici. Tu ne dois pas rentrer seule à l’auberge, car les bois ne sont pas sûrs. » Comme pour ponctuer ces dires, une bête hurla à la lune, loin dans la forêt. Personne ne sembla s’en préoccuper.
Deux ou trois personnes, dont les deux anciens, disparurent du chapiteau pour regagner les roulottes tandis qu’un homme attrapait une guiterne, et un autre une flûte à deux tiges. Ils commencèrent à jouer tandis que les autres discutaient entre eux, réchauffés par le feu qu’on alimentait de temps en temps. Une jeune femme se leva pour danser à la lueur des flammes avec des mouvements lancinants et peut-être provocateurs envers Lucrétia. Shana frappait dans ses mains en rythme et ses nombreux bracelets s’entrechoquaient. Les pans de tissu qui formaient le toit du chapiteau dansaient dans la lueur du foyer, et la vampire remarqua qu’ils étaient brodés de scènes colorées et dynamiques, de villes, de flammes, de personnages, bordés de crânes et d’ossements. On resservait une rasade d’alcool dans les gobelets en étain.
Qui aurait cru que les nuits pouvaient être si paisibles dans la Drakwald ?
- « Regarde, Ilsa la pieuse. Regarde les stryganis. Que t’as-t’on dit sur nous, dans l’église de ta ville ? Les tiens nous craignent et nous jalousent, car ils nous pensent libres alors que eux sont enchainés. Ils nous haïssent car nous sommes des vagabonds. » dit Shana à Lucrétia en regardant la danseuse. « Mais vous vous trompez. Mon peuple est esclave, plus encore que le tiens. Esclave de son passé, destiné aux routes et à la poussière. Il n’en fut pas toujours ainsi. » L’homme à la guiterne commença à chanter, et cette musique était étrange, enjouée mais mélancolique, enflammée mais déchirante. « Écoute-le. Il te dit combien nous souffrons, et qu’un jour nous retrouverons notre gloire et notre fierté. »
D’autres se levèrent pour danser, et un homme vint prendre la main de Lucrétia. Il était jeune et bien fait, aux traits virils et aux cheveux noirs et bouclés. Son bolero s’ouvrait sur un torse athlétique et une lueur sauvage brûlait dans ses yeux sombres.
- « Chavo te veut. Danse avec lui, et si tu danses bien, il t’invitera à passer la nuit dans son lit. Profite, Ilsa la pieuse ! Goutte à l’impudence des stryganis, cette nuit ton dieu ferme les yeux. » rigola Shana en caressant le bras du jeune homme.
- «Tu es courageuse pour une simple dévote en plein pèlerinage. » lança un homme à Lucrétia, à qui l’on proposait de s’assoir sur une chaise en paille. L’homme avait un chapeau pointu en cuir bordé de fourrure de loup, et ses joues étaient mangées par la barbe. Un marteau pendait à sa ceinture et son pantalon bouffant était sale et troué.
- « Rares sont ceux qui s’aventurent sur la route des bois au crépuscule. Plus rares encore sont ceux qui le font seul, à pied, et pour venir nous trouver. » confirma Shana. « Ta foi en Sigmar est véritable si elle te donne tant de confiance. Où allez-vous ainsi, à travers la forêt noire ?»
Une femme âgée concoctait une sorte de tisane sur le foyer au milieu du cercle, y ajoutant des herbes, des épices et de l’alcool. Derrière eux, quelques chevaux renâclèrent. On les ramenait de la rivière pour les attacher à l’intérieur du cercle de roulottes. Un homme à la barbe blanche regardait les bêtes de trait avant de tourner la tête vers Lucrétia.
- « Nous ne te vendrons pas nos chevaux. » dit-il en secouant la tête, imité par un ou deux membres du cercle. « Deux se sont noyés lorsque nous avons traversé la rivière. Nous devons garder ceux qu’ils nous restent si nous voulons arriver à destination. Mais nous te vendrons des vivres. »
Ces gens s’exprimaient avec un accent étrange, râpeux. Ils échangeaient parfois entre eux dans un jargon, mêlant reikspiel et d’autres langues, que la vampire ne comprenait pas. On fit circuler des coupes dans lesquelles on fit couler la tisane, ainsi que des bols de potage aux lentilles et aux choux. Lucrétia fut servie en premier par son voisin de gauche, l’individu qui les avait suivi elle et Shana lorsque ces deux dernières s’étaient éloignées.
- « Le poison de l’araignée brûle dans les veines de ton ami. » annonça la vieille femme en servant la tisane à la lahmiane. Elle portait une écharpe incroyablement longue nouée en turban sur sa tête, dans lequel était piqué des épingles à bouts en verre et de petits crânes d’oiseaux. « Pour ne pas qu’il ne meure, donne lui dix gouttes par soir, diluées dans du lait de chèvre. » dit-elle en sortant une petite flasque en cuir d’on ne sait où. Si Lucrétia avançait la main pour l’attraper, l’ancêtre enturbannée se rétractait d’un coup et ouvrait l’autre paume en ramenant ses doigts d’un petit geste vif pour inviter la baronne à y placer quelques piécettes.
Le barbu qui avait refusé un cheval à Lucrétia lança quelques mots à Shana dans leur parler guttural. La femme se tourna vers la vampire.
- « Tu es invitée à passer la nuit ici. Tu ne dois pas rentrer seule à l’auberge, car les bois ne sont pas sûrs. » Comme pour ponctuer ces dires, une bête hurla à la lune, loin dans la forêt. Personne ne sembla s’en préoccuper.
Deux ou trois personnes, dont les deux anciens, disparurent du chapiteau pour regagner les roulottes tandis qu’un homme attrapait une guiterne, et un autre une flûte à deux tiges. Ils commencèrent à jouer tandis que les autres discutaient entre eux, réchauffés par le feu qu’on alimentait de temps en temps. Une jeune femme se leva pour danser à la lueur des flammes avec des mouvements lancinants et peut-être provocateurs envers Lucrétia. Shana frappait dans ses mains en rythme et ses nombreux bracelets s’entrechoquaient. Les pans de tissu qui formaient le toit du chapiteau dansaient dans la lueur du foyer, et la vampire remarqua qu’ils étaient brodés de scènes colorées et dynamiques, de villes, de flammes, de personnages, bordés de crânes et d’ossements. On resservait une rasade d’alcool dans les gobelets en étain.
Qui aurait cru que les nuits pouvaient être si paisibles dans la Drakwald ?
- « Regarde, Ilsa la pieuse. Regarde les stryganis. Que t’as-t’on dit sur nous, dans l’église de ta ville ? Les tiens nous craignent et nous jalousent, car ils nous pensent libres alors que eux sont enchainés. Ils nous haïssent car nous sommes des vagabonds. » dit Shana à Lucrétia en regardant la danseuse. « Mais vous vous trompez. Mon peuple est esclave, plus encore que le tiens. Esclave de son passé, destiné aux routes et à la poussière. Il n’en fut pas toujours ainsi. » L’homme à la guiterne commença à chanter, et cette musique était étrange, enjouée mais mélancolique, enflammée mais déchirante. « Écoute-le. Il te dit combien nous souffrons, et qu’un jour nous retrouverons notre gloire et notre fierté. »
D’autres se levèrent pour danser, et un homme vint prendre la main de Lucrétia. Il était jeune et bien fait, aux traits virils et aux cheveux noirs et bouclés. Son bolero s’ouvrait sur un torse athlétique et une lueur sauvage brûlait dans ses yeux sombres.
- « Chavo te veut. Danse avec lui, et si tu danses bien, il t’invitera à passer la nuit dans son lit. Profite, Ilsa la pieuse ! Goutte à l’impudence des stryganis, cette nuit ton dieu ferme les yeux. » rigola Shana en caressant le bras du jeune homme.