-Je n’en attendais pas moins de vous concernant ce « pauvre » nain. J’ignore ce que l’avenir lui réserve, ainsi qu’à vous, mais une chose est certaine : vos destinées semblent tout sauf ordinaires. Vous avez déjà accompli de grandes choses, et concédé de nombreux sacrifice, aussi. Mais tout cela aura-t-il un sens ? La fin sera-t-elle bonne ou mauvaise ? Je l’ignore, et je doute que quiconque le sache.
Concernant les chevaux, il est plus que probable que le Comte accède à votre demande. C’est bien peu de choses pour lui que deux montures par rapport à ce que vous avez fait. Cependant, en certaines situations, on a bien vu des rois offrir leur royaume entier pour un simple cheval, alors… Mes mages de l’Ombre camoufleront votre départ. Quels que soient vos poursuivants, vous aurez plusieurs heures d’avance sur eux, peut-être même plus, ça je peux vous l’assurer.
Quant à « Glace-les-Cœurs », vous avez pris la bonne décision, Geralt. La magie qui imprègne cet objet jusqu’à sa moindre particule est foncièrement maléfique : cette arme est dangereuse, beaucoup plus encore que vous ne pourriez le croire.
Bonne chance, ami de la Vie.
Sur ces mots, la vieille directrice repartit dans son établissement, laissant les trois compères entre eux. En apprenant qu’ils repartaient dès le soir, tous deux semblèrent satisfaits, et surtout Sannri Barbe-Enflammée qui, si on ne l’avait pas raisonné serait parti sur le champ à la rencontre de sa dulcinée.
Gertrud Teizer, elle, semblait plus terre à terre, mais elle paraissait inquiète, notamment, comme elle le souffla en aparté à Geralt, à cause de leurs poursuivants et des gens qui les avaient suivi dans la ville. Elle ne serait pas mécontente de quitter Hergig, même plutôt soulagée, et ce malgré l’accueil du Comte-Electeur et des magiciens. Dans ce monde, la jeune femme ne semblait pas trop à son aise. La lumière des projecteurs et des personnalités célèbres semblait plutôt l’intimider voire l’effrayer plutôt que la rassurer. Ce qui était étrange, car dans des situations autrement plus périlleuse, elle avait toujours fait preuve d’un remarquable courage, ou pour être plus exact d’un sang-froid redoutable, comme si elle était une vraie professionnelle habituée à ce genre de chose. D’ailleurs, Geralt ne s’y était pas trompé et avait rapidement douté, à raison, de la prétendue faiblesse qui l’avait conduit à la « sauver » et à la recueillir dans un premier temps. Elle possédait en outre des relations prêtes à mourir pour elle dans les milieux des bas-fonds, comme l’homme qui s’était sacrifié pour leur permettre d’échapper aux sbires du Chauve à Bergendorf, quelques jours plus tôt. Toutefois, il n’avait pas encore réussi à percer la part de secret et de mystère qu’elle refusait ouvertement de lui révéler. Mais à en croire son regard, ses dires et ses actions passées, cette partie d’elle-même devait surement être sombre.
Quoi qu’il en fût, le soir même, tout était prêt pour le départ du trio. Une femme de confiance de Mathilda, en la personne d’Armelle la magicienne-forgeronne, vint personnellement leur apporter deux chevaux dociles et tout affrétés. Ce n’étaient pas là des montures de guerre, mais bien des bêtes plus légères et plus rapides, mais beaucoup moins puissantes et courageuses que des destriers, quoiqu’assez endurantes tout de même pour supporter de longues chevauchées en portant une charge moyenne.
Il y avait là une jument à la robe « isabelle », nommée « Falnia », et un étalon entièrement noir du nom de « Dace ». On laissa à Geralt le soin de choisir sa bête, et Gertrud et Sannri prendraient l’autre. Aucun parmi le groupe n’était spécialiste en chevaux et en monte, mais heureusement, cela avait été pris en compte et les animaux étaient très dociles et simples. Tant qu’ils n’entreprendraient pas d’actions particulièrement dangereuses, comme sauter ou combattre, par exemple, ils ne risqueraient pas de tomber, à priori.
Le nain n’était pas très enthousiasmé à l’idée de grimper sur une telle bête, mais la perspective de revoir plus rapidement son aimée grâce à ce moyen de transport acheva de le convaincre de se faire violence. Bientôt, le groupe fut fin prêt à partir. Armelle leur accorda un dernier salut :
-Vous pouvez y aller, maintenant. Les Mages Gris du collège ont lancé des sortilèges d’illusion qui couvriront votre départ et votre route, et désorienteront tous vous poursuivants. Avec cela, vous avez au minimum une heure d’avance avant que quelqu’un ne puisse s’apercevoir que vous avez disparu, probablement bien plus encore, car je doute qu’on se lance à votre recherche de nuit. Et même alors, on ne saurait pas dans quelle direction vous vous rendez.
Bonne chance, et encore merci pour l’épée, Geralt !
Le groupe quitta ainsi Hergig en direction du Sud et de Talabheim. La ville n’était pas lointaine, et une simple journée de cheval suffirait, en allant à bonne allure, pour la rejoindre. En partant au crépuscule comme ils le faisaient, cela signifiait qu’ils auraient atteint la ville dans la matinée suivante, et cela en faisant des pauses pour se reposer un peu, faire leurs besoins et manger. Toutefois, voyager de nuit dans l’Empire était dangereux et également plus lent, puisqu’on voyait mal la route. Certes, cela permettait plus de discrétion, mais c’était aussi le moment où tous ceux qui voulaient agir dans l’ombre sortaient.
Sur une grande partie du trajet, la route suivrait les cours d’eau, d’abord le « Wolfs’run », puis le Talabec, avec la majorité des portions de route en forêt. Ces lieux étaient infestés de bandits en tous genres et de pirates d’eau douce, ils constituaient leurs repères naturels. Puis il faudrait franchir le Talabec pour arriver à Talabheim ou plus précisément à la ville portuaire en banlieue de Talagaad, probablement via un bac.
Les premières heures de trajet se déroulèrent sans anicroche. La route était déserte et si brigands il y avait, alors ils ne se montrèrent pas. Ce ne fut qu’au beau milieu de la nuit, probablement après minuit, alors qu’ils étaient à peu près à la moitié de leur trajet, que les choses évoluèrent…
Test d’HAB (perception) : 8. Réussite.
Geralt s’étant bien habitué aux bruits ambiants, il n’eut pas trop de mal à entendre, plus loin sur la route devant eux, des bruits de combat. La scène leur était cachée par un coude de la route, dont la bordure était forestière, mais à une cinquantaine de mètres environ, l’on se battait. Des cris, des bruits d’armes… Il fallait décider quoi faire, sachant qu’ils n’avaient probablement pas encore était repérés, pour leur part, et qu’il n’y avait pas de possibilité de contourner l’affrontement, mis à part passer par la forêt ou tenter de traverser le fleuve à la nage, cette dernière option étant cependant extrêmement risquée, voire à la limite suicidaire.