Les différentes pistes dansèrent devant les yeux de Lucretia, se drapant d’ombre et de lumière, scintillant de concert avec les gigantesques toiles d’araignée sur lesquelles perlait la rosée vespérale. Une centaine de silhouettes représentant le palefrenier se décomposèrent sur le tableau que formait la Drakwald, et se murent tout autour d’elle, s’éloignant du point central où se trouvait la Lahmiane. Certaines représentations de Hans louvoyaient entre les arbres, se perdant dans les confins de la forêt lorsque d’autres, d’une façon assez intrigante, grimpaient aux troncs, s’accrochant aux branches, parfois avec aisance, parfois avec difficulté. Quelques-unes agissaient dans la peur, une poignée avec résolution, et, çà et là, s’en dessinaient d’autres qui paraissaient blessées. L’Aethyr, dans sa manière si propre à elle de procéder, avait dépeint l’ensemble des possibilités du réel. Mais en fin de compte, il ne demeura plus qu’une seule et unique piste au regard de la vampire, alors que les centaines restantes avaient fini par faner et s’évanouir dans la nature. Celle d’un homme inconscient que l’on tirait justement au fond de cet antre lugubre et opaque qui se dressait devant Lucretia.
Certes, la piste semblait aussi fraîche que récente, mais la baronne de Bratian n’était pas assez folle pour s’y engager toute seule sans même savoir ce qui l’attendait véritablement de l’autre côté de ce labyrinthe de ronces tressées de toile. Devrait-elle affronter une araignée, ou bien toute une compagnie ? Elle n’en savait rien, mais était bien résolue à le découvrir.
De nouveau, elle se plongea dans les vents de magie qui tourbillonnaient imperceptiblement autour d’elle, et traqua toute trace de chaleur qu’elle pouvait repérer. L’emmagasinant dans son esprit à l’aide de sa volonté, la Lahmiane absorba l’énergie récupérée, la tassa, la martela, avant de la libérer du bout de ses doigts, la canalisant avec maîtrise et sérénité. De petites flammes jaillirent de ses mains, se précipitant directement sur ces débuts de toiles qui s’accrochaient au sol avant de s’élever le long des ronciers et des arbustes pour terminer en de gigantesques orgues arrimés en haut des cimes. Quelques brindilles commencèrent à roussir, les fils de soie se mirent à fondre, et le feu s’empara bientôt de plusieurs broussailles qui s’illuminèrent d’un millier de petites braises. Et les toiles continuèrent de se racornir et de se dissoudre sous l’effet de la chaleur.
Il s’agissait là de la visée première de la Lahmiane. Celle-ci, en agissant de la sorte, n’avait aucunement escompté la disparition entière du maquis, ce qui aurait pu révéler Hans, non. Son désir n’avait pas été autre que de défraîchir le terrain en vue d’un possible combat. Il était hors de question, pour elle, que de batailler avec ces véritables pièges à quelques cheveux de sa personne, manquant de l’engluer au moindre mouvement. Une autre idée s’était glissée dans son esprit ; les araignées n’appréciaient sûrement pas le feu, et ce dernier pouvait peut-être détenir la faculté de les obliger à se montrer, voire même à s’enfuir. Mais l’effet qu’elle obtint fut tout autre.
A peine s’était-elle fondue dans sa forme de corneille qu’un étrange hululement se fit entendre. Une seconde plus tard, et la totalité de la Drakwald se mit à lui répondre, dans ces mêmes sonorités graves et inquiétantes. Les sous-bois retentirent de ces vobulations en tout genre qui introduisirent l’apparition de gobelins. Un premier surgit de l’antre, un second descendit d’une liane, un troisième jaillit d’un talus, et, bientôt, ils furent près d’une petite dizaine à se masser tout autour du feu qu’avait provoqué la Lahmiane. Mais ce fut surtout l’entrée en scène de ce qui sembla être leur chef qui intrigua Lucretia. Un pan de toile frémit subtilement, ne laissant rien présager de ce qui allait arriver. Si l’on pouvait penser de prime abord, avec cet unique mouvement, d’un lapin venant de se prendre dans la toile, le monstre qui surgit alors détrompa cette hypothèse.
Une araignée de la taille d’un petit cheval, grosse, hirsute, aux quatre paires d’yeux capables de regarder tout autour d’elle, ou presque. Elle disposait d’une carapace épaisse qui lui protégeait son abdomen en deux parties, et avait été colorée selon les peintures de guerre de ce clan gobelin qui l’avait domestiquée. Tout, chez elle, transpirait l’ignominie et l’infect ; ses pédipalpes boursouflés, ses chélicères translucides à l’inquiétante teinte orangée, ou même sa capacité à se mouvoir à la verticale.
Le chef de clan, planté sur le dos de l’arachnide, sergenta ses troupes, leur demanda le pourquoi de tout ce tapage. Un de ses comparses, quoique d’un niveau certainement inférieur au sien, trouva le courage de lui expliciter son ressenti. D’après lui, il s’agissait de magie, une magie qui coïncidait un peu trop à son goût avec leur dernière capture humaine. Il devait assurément s’agir du palefrenier que recherchait Lucretia. Cette dernière, toujours perchée sur une branche, en hauteur, continua d’observer la scène.
Apparemment, les gobelins craignaient plus que tout les puissances aethyriques. A la simple énonciation du mot magie, ils se mirent à répéter le terme en un chuchotement effrayé qui se répandit comme une traînée de poudre dans la colonie, et chacun fut subitement pris de petits tremblements apeurés. C’en fut assez pour la tarentule, qui bondit de sa position pour empaler de ses crocs le trouble-fête, faisant instantanément taire les racontars. Le silence rétabli, le chevaucheur d’araignée scanda qu’il n’y avait point de magie dans les environs, et qu’un certain Gazak chassait des choz-roz sur pierre des morts. C’était à celui qui capturerait le plus de « choz-roz » qui deviendrait le nouveau chef. Le discours à peine achevé, la multitude de gobelins rassérénés se dispersa aux quatre vents, bien qu’il sembla à la Lahmiane qu’ils s’en allèrent tous du côté du tertre. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Les choz-roz n’étaient pas autres que des humains, et la terre des morts, l’endroit où l’on inhumait les défunts. Le tumulus. Ainsi donc, Dokhara allait être en danger, se retrouvant seule, avec Marcus, contre une bonne dizaine de gobelins. Là, le choix s’imposait de lui-même.
La corneille battit puissamment des ailes pour rejoindre le campement.
Certes, la piste semblait aussi fraîche que récente, mais la baronne de Bratian n’était pas assez folle pour s’y engager toute seule sans même savoir ce qui l’attendait véritablement de l’autre côté de ce labyrinthe de ronces tressées de toile. Devrait-elle affronter une araignée, ou bien toute une compagnie ? Elle n’en savait rien, mais était bien résolue à le découvrir.
De nouveau, elle se plongea dans les vents de magie qui tourbillonnaient imperceptiblement autour d’elle, et traqua toute trace de chaleur qu’elle pouvait repérer. L’emmagasinant dans son esprit à l’aide de sa volonté, la Lahmiane absorba l’énergie récupérée, la tassa, la martela, avant de la libérer du bout de ses doigts, la canalisant avec maîtrise et sérénité. De petites flammes jaillirent de ses mains, se précipitant directement sur ces débuts de toiles qui s’accrochaient au sol avant de s’élever le long des ronciers et des arbustes pour terminer en de gigantesques orgues arrimés en haut des cimes. Quelques brindilles commencèrent à roussir, les fils de soie se mirent à fondre, et le feu s’empara bientôt de plusieurs broussailles qui s’illuminèrent d’un millier de petites braises. Et les toiles continuèrent de se racornir et de se dissoudre sous l’effet de la chaleur.
Il s’agissait là de la visée première de la Lahmiane. Celle-ci, en agissant de la sorte, n’avait aucunement escompté la disparition entière du maquis, ce qui aurait pu révéler Hans, non. Son désir n’avait pas été autre que de défraîchir le terrain en vue d’un possible combat. Il était hors de question, pour elle, que de batailler avec ces véritables pièges à quelques cheveux de sa personne, manquant de l’engluer au moindre mouvement. Une autre idée s’était glissée dans son esprit ; les araignées n’appréciaient sûrement pas le feu, et ce dernier pouvait peut-être détenir la faculté de les obliger à se montrer, voire même à s’enfuir. Mais l’effet qu’elle obtint fut tout autre.
A peine s’était-elle fondue dans sa forme de corneille qu’un étrange hululement se fit entendre. Une seconde plus tard, et la totalité de la Drakwald se mit à lui répondre, dans ces mêmes sonorités graves et inquiétantes. Les sous-bois retentirent de ces vobulations en tout genre qui introduisirent l’apparition de gobelins. Un premier surgit de l’antre, un second descendit d’une liane, un troisième jaillit d’un talus, et, bientôt, ils furent près d’une petite dizaine à se masser tout autour du feu qu’avait provoqué la Lahmiane. Mais ce fut surtout l’entrée en scène de ce qui sembla être leur chef qui intrigua Lucretia. Un pan de toile frémit subtilement, ne laissant rien présager de ce qui allait arriver. Si l’on pouvait penser de prime abord, avec cet unique mouvement, d’un lapin venant de se prendre dans la toile, le monstre qui surgit alors détrompa cette hypothèse.
Une araignée de la taille d’un petit cheval, grosse, hirsute, aux quatre paires d’yeux capables de regarder tout autour d’elle, ou presque. Elle disposait d’une carapace épaisse qui lui protégeait son abdomen en deux parties, et avait été colorée selon les peintures de guerre de ce clan gobelin qui l’avait domestiquée. Tout, chez elle, transpirait l’ignominie et l’infect ; ses pédipalpes boursouflés, ses chélicères translucides à l’inquiétante teinte orangée, ou même sa capacité à se mouvoir à la verticale.
Le chef de clan, planté sur le dos de l’arachnide, sergenta ses troupes, leur demanda le pourquoi de tout ce tapage. Un de ses comparses, quoique d’un niveau certainement inférieur au sien, trouva le courage de lui expliciter son ressenti. D’après lui, il s’agissait de magie, une magie qui coïncidait un peu trop à son goût avec leur dernière capture humaine. Il devait assurément s’agir du palefrenier que recherchait Lucretia. Cette dernière, toujours perchée sur une branche, en hauteur, continua d’observer la scène.
Apparemment, les gobelins craignaient plus que tout les puissances aethyriques. A la simple énonciation du mot magie, ils se mirent à répéter le terme en un chuchotement effrayé qui se répandit comme une traînée de poudre dans la colonie, et chacun fut subitement pris de petits tremblements apeurés. C’en fut assez pour la tarentule, qui bondit de sa position pour empaler de ses crocs le trouble-fête, faisant instantanément taire les racontars. Le silence rétabli, le chevaucheur d’araignée scanda qu’il n’y avait point de magie dans les environs, et qu’un certain Gazak chassait des choz-roz sur pierre des morts. C’était à celui qui capturerait le plus de « choz-roz » qui deviendrait le nouveau chef. Le discours à peine achevé, la multitude de gobelins rassérénés se dispersa aux quatre vents, bien qu’il sembla à la Lahmiane qu’ils s’en allèrent tous du côté du tertre. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Les choz-roz n’étaient pas autres que des humains, et la terre des morts, l’endroit où l’on inhumait les défunts. Le tumulus. Ainsi donc, Dokhara allait être en danger, se retrouvant seule, avec Marcus, contre une bonne dizaine de gobelins. Là, le choix s’imposait de lui-même.
La corneille battit puissamment des ailes pour rejoindre le campement.
Je vole le plus rapidement possible en direction du campement, tout en tâchant, alors que je suis dans les cieux, de repérer une destination sûre qui nous fera éviter les gobelins mais nous permettra d'arriver au fortin.