[Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

L'une des plus riches provinces de l'Empire grâce à ses célèbres chevaux. Les armées d'Averland sont fameuses pour leurs uniformes richement décorés. Bien que le dernier des Comtes Electeurs d'Averland, Marius Leitdorf, soit mort et que nul descendant n'ait été désigné, Averheim n'en reste pas moins la capitale.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Cela faisait quatre années que le Déluge s’était abattu sur l’Empire. L’Averland avait été épargné par les hordes de serviteurs de la Ruine descendus du Nord ; Le dernier conflit à avoir eu lieu directement sur les terres de la province remontait à il y a neuf ans, lorsqu'une grande horde de Peaux-Vertes venue ravager le sud des terres de Sigmar avait été heureusement défaite grâce à l’intervention salvatrice de Son Altesse Impériale Karl Franz von Holswig-Schliestein.
Pourtant, si l’Averland n’avait pas connu la destruction, le ravage, les villages enflammés et les sacrifices à la gloire du Mal, le pays avait aussi eu à souffrir à sa manière des conséquences des troubles qui frappaient durement l’Empire depuis près d’une décennie.

Cela faisait neuf ans que Marius Leitdorf était mort, et neuf ans que plus personne ne pouvait légitimement se revendiquer comme étant le dirigeant légitime de l’Averland. En lieu et place d’un prince puissant qui pourrait faire régner l’ordre et la Paix de Sigmar, toute une ribambelle de barons-voleurs, de gros propriétaires de bétail, de petits tyrans locaux, profitaient de l’anarchie pour installer des péages, appeler à eux des brigands, et taxer comme il leur plaisait le petit coin qu’ils parvenaient à arracher à l’influence des autres par la violence. Avec la guerre contre l’Orque et le Mécréant, des milliers de jeunes hommes avaient été enrôlés en toute hâte dans des milices, des bandes armées et des Troupes d’États ; De jeunes hommes comme Lud et Bert, les deux frères mobilisés de Gabriel. Une cohorte de gamins brutaux, endurcis, armés, qui maintenant vagabondaient sur les routes, auxquels il fallait ajouter les mercenaires Tiléens et les aventuriers Bretonniens venus faire la guerre ailleurs que dans leur pays d’origine. Quatre ans durant, toute cette soldatesque avait couru l’Empire pour traquer les restes du Déluge, les bandes de maraudeurs errants, les aristocrates corrompus, les hardes d’Hommes-Bêtes. Aujourd’hui, certains arrivaient dans l’Averland avec leurs bottes trouées, leurs trognes cicatrisées, et leurs drapeaux de contrées lointaines, pour se mettre au service de tel ou tel sire Leitdorf ou von Alptraum, afin de renforcer la pression qu’ils pouvaient exercer au conseil des nobles de l’Averburg.

Weidhausen bei Heideck était exclus de ce désastre en devenir. Comme hors du temps. Le village profitait d’un sursis assez unique, et bienheureux. D’ordinaire, un paysan se plaindrait volontiers que son seigneur soit un éclopé fou à lier ; Mais le seigneur Philipp préférait s’enfermer chez lui dans son vieux manoir poussiéreux plutôt que de se mêler du jeu de brelan bien dangereux auquel participaient les aristocrates du pays. Les brigades de mauvais garçons n’étaient pas encore passés ici, on apprenait qu’ils pullulaient sur les routes que par les échos de marchands, de pèlerins et de saltimbanques itinérants qui s’arrêtaient à Weidhausen comme une étape dans leur voyage.

Il n’empêche ; Gabriel Brandt avait toutes les bonnes raisons du monde de se méfier de ce vagabond qui ne rougissait pas de se présenter ouvertement comme un militaire. Si le culte de Sigmar rendait toujours hommage à ces braves héros qui défendaient l’Empire contre ses ennemis, le soldat est craint et mal aimé des sujets du pays. Les crimes dont ils sont capables en temps de guerre ont depuis longtemps marqué la conscience paysanne, assez pour qu’on rappelle leurs pillages et leurs viols de génération en génération.



Mais il accepta de l’accueillir chez lui. Il le laissa entrer sous le linteau de sa porte, lui offrit une assiette avec sa simple pitance, et lui rempli même son godet d’une gnôle bien requinquante.
À voir de telles attentions, le soldat parut ému. Il eut un grand sourire qui afficha mieux ses dents jaunes, un sourire creusé de molaires manquantes.

« Hé beh… C’est ben bon d’ta part, mon gars. Si seulement tous les sujets d’l’Empire pouvaient avoir le même cœur que toi. »

Il posa un baluchon près de la porte, et sifflota à son chien bien agité pour qu’il se colle contre le mur. Le toutou remuait la queue dans tous les sens, et semblait guetter avec grand intérêt la table peu garnie de Gab’ et de Hans. Mais il ne montrait son appétit qu’en remuant la queue dans tous les sens, autrement, il resta bien obéissant, dans son coin.
Le jeune Hans s’était bien réveillé en voyant débarquer l’inconnu. Il lui lança un mauvais regard, sans doute très méfiant. Il attendit qu’il réponde à la question que venait de lui poser le maître de maison.
Le militaire claqua ses talons au sol. Il fit un salut militaire, avant de brailler de toutes ses forces d’une voix rauque, usée :

« Tambour-major Thietmar Gibing, 4e bande d’infanterie d’Hergig, Troupes d'État du Hochland, « Défiant l’Adversité », au raaaaaaport, chef ! »

Qu’est-ce que Gabriel Brandt connaissait du Hochland ? Que c’était un pays de l’Empire. Que c’était loin, de l’autre côté du fleuve Talabec – le fleuve qui séparait le Sud, civilisé, du Nord, plus bizarre, arriéré, où on faisait du mauvais fromage et où on priait Ulric. Que c’était un pays rempli d’arbres, et que les Hochlanders étaient de semi-sauvages qui passaient tout leur temps à chasser et à manger des baies. Pas grand-chose d’autre.
Le jeune Hans fut en tout cas bien étonné d’entendre la provenance du militaire. Le garçon fronça encore plus les sourcils avant de répondre à son cirque :

« Hochland ?
Vindiou, céti qu’t’es loin d’ton pays mon gars. »


Le tambour-major s’affala sur sa chaise. Maintenant qu’il était tout proche de son nez, Brandt put confirmer ce qu’il ne faisait que deviner en le voyant de loin – Thietmar Gibing fouettait. Ses vêtements devaient avoir macéré dans de la sueur, des fragrances de viande faisandée, des effluves de mauvais alcool clandestin à un sou avec lequel on pouvait devenir aveugle les jours de marché.
Mais il ne semblait pas méchant. Il n’avait pas l’air d’être un criminel avec une bande. Pour tout dire, il était très clair qu’il n’avait pas mangé à sa faim depuis longtemps : Au lieu de répondre à la question de Hans, il se jeta sur sa soupe, et bien qu’elle fut encore assez chaude pour se brûler la langue, il mit le bol directement à sa bouche, buvant dans des bruits de succion qui furent bien vite le seul son qu’on entendait dans la baraque, si on exceptait les pignements plaintifs de son chien, et les grouinements d'une Titine curieuse des nouveaux arrivants, la truie agitant son gros groin qu’elle approchait des bottes du militaire.

Celui-ci baissa sa soupe. Il se signa, et attrapa un petit bijou argenté représentant un marteau qui était accroché en médaillon autour de son cou. Un symbole de Sigmar. Il pianota de ses doigts tout le long du marteau, son visage semblait avoir été bien apaisé par la chaleur et la consistance du bouillon.
Assez pour qu'il se mette à parler, clairement, avec un ton détaché, comme s'il avait dû servir son récit des dizaines de fois déjà, chaque fois qu'il était accueilli par quelque bonne âme.

« J’suis allé m’battre jusqu’au Kislev mon gars, contre l’aut’ fêlé d’Archaon. On m’a démobilisé qu’y a deux ans, deux ans et d'mi, alors j’suis r’tourné dans mon p’tit village dont l'bon Karl Franz m'avait tiré.
Quand j’suis revenu… Y avait pu rien. On m’a dit qu’les Hommes-Bêtes sont v’nus. Ont tout rasé. Tout détruit. Les jeunes gens ont fuit. Les vieux qu’on pas pu s’casser à temps, leur ont fait… Leur ont fait des choses. Y avait mes parents dans l’tas.
J’suis allé chercher ma sœur. Qu’on m’a dit qu’elle était partie s’réfugier à Talabheim. D’venue lavandière. Mais elle a épousé un gars. L’gars m’aimait pas. J’suis resté chez elle un p'tit moment, mais y m’a vite foutu dehors.
Depuis, ben… Ben j’vais là où on veut ben d’moi. P’têt j'vais tenter ma chance à Nuln, y r'crutent des bras tout l'temps. Mais j’connais pô la ville, j’ai grandi dans la forêt moué. »


Il attrapa la gnôle avec sa main couverte d’engelures et de blessures. Le jeune Hans sembla seulement alors se détendre ; À priori, le pauvre bougre avait l’air totalement inoffensif.

« Et vous bonnes gens, vivez tous seuls lô ? Pô beaucoup d’civilisation ici. Pas qu'ce soit un reproche, v'nant d'moué c'est même un compliment, oui-da.
– Beh... Moué j’viens d’un village juste à côté. Hans j’m’appelle, comme mon pôpa s’appelait Hans, mais pô l’pôpa d’mon pôpa ; Céti l’frère du pôpa à mon pôpa qui s’appelait Hans, mais mon grand-pôpa paraît qu’il a hérité parce que son frère l’est mort d’maladie, d’mauvaises humeurs. ‘fin on a pô trop à s’plaindre, on a un lopin pour nous, alleutiers qu’on est, on fait des céréales pis on a deux roncins pis du mouton. Pô d’bœufs parce que c’est qu’les messeigneurs pis les bonnes gens d’la ville qui ont des bœufs.
Mais ici c’te ferme… Moué j’rend juste service. L’gros Gab’ peut t’en dire plus, c’t’ici chez lui. »
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Gabriel Brandt
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Message par Gabriel Brandt »

Oh Bonne-Mère, mais il daube ce bonhomme.

Alors allez pas croire que j’fais l’délicat. Moi j’ai grandi au milieu des bêtes, avec d’bonnes bouffées de lisier et de crottin dans les narines toute la journée. Mais c’est pas pareil, ça c’est des bonnes odeurs. Moi j’aime celle de la bouse fraîche, encore verte et mouillée. Celle rance du bouc, ou pis même celle qui reste sous les ongles quand j’frotte bien la couenne à Titine sous la gorge. Pis j’aime celle du moût des fruits qu’Pôpa il prenait pour faire de la gnôle, et pis celle aussi de quand la pluie tombe sur la poussière sèche de la cour. J’aime l’odeur de la vase du ruisseau, dans l’petit bois, quand j’vais lever mes paniers à écrevisses. Et j’aime celle du lait caillé qu’on faisait couler sur le petit autel de Taal le Bon-Père, Rhya la Bonne-Mère et Karob l’Bon Patron des sources et des eaux vives. Aussi j’aime celle des grosses tommes qui sentent les pieds, pis j’aime aussi celle du travail des champs et du tas d’fumier qui sèche avant l’épandage. Pis attends, y’a celle de la sueur des chevaux, quand ça fait d’la mousse dans leurs poils parce qu’ils tirent bien fort sur la charrue. Mais ma préférée, ma vraie préférée, c’est celle dans ma pogne, à la fin d’la journée. Quand t’as bien bossé, qu’t’as les sillons noirs dans la main et qu’y reste plus qu’à manger sa soupe pis aller au lit. Alors là j’ferme les paluches sur mon nez et j’renifle. Olala, ça c’est bon. Enfin bref voilà les odeurs quoi.

Mais lui peuchère, il fouette la pisse pis la barbaque pas fraîche et même d’autres trucs que j’sais pas c’que c’est. Même Titine, qu’elle a un p’tit groin si délicat, elle tire la gueule j’le vois j’la connais bien. Mes aïeux alors, qu’est-ce qu’il pue ce soldat. Môman, si elle était là qu’le Veilleur protège son âme, bah elle le prendrait par l’oreille jusqu’à la rivière et elle lui dirait d’bien s’frotter le cuir avec d’la saponaire et d’la cendre comme quand on était pitchounes.

Bon bref. Thietmar Gibing qu’il dit qu’il s’appelle, du Hochland. Pôpa disait qu’la bas les gens ils vivaient dans des arbres et qu’ils étaient plus poilus qu’des tiléens, comme des bêtes fauves. Bah en fait à part qu’il ressemble à un clodo le Gibz il est tout pareil que nous. Ouais, le « Gibz ». C’plus mieux à dire et en plus ça fait moins con. Alors l’Gibz il dit qu’il veut aller bosser à Nuln. Mais moi quand même, pendant qu’il cause, j’me fais une autre idée.


- « Oh compagnon, mais qu’est-ce qu’tu veux bien aller faire à Nuln. Tu sais-t-y donc pas qu’ils vont t’faire buriner dans leurs grandes fonderies ? Toi qu’aime tant les arbres tu vas pelleter du charbon toute la sainte journée. Tu s’ras tout nègre du haut pis jusqu’en bas pis on dit qu’si tu fatigues ils t’jettent dans l’four aussi ! C’pô une vie ça. Pis c’est grands, ça pue » Bon ça ça devrait pas trop lui changer m’enfin. « et c’est tout plein d’lascards du Wissenland et de crèves-la-faim sudenlanders qui vont t’faire les poches et te voler en t’faisant croire d’être copains. Y’a la maladie, et que des clodos. Non toi c’qui te faut c’est l’grand air ! »

Et comme qu’il a pas l’air trop fripouille et que d’toute façon j’ai b’soin d’main d’œuvre, j’enfonce le clou.

- « Hé tu sais quoi compagnon. Tu peux rester ici à la Fourche. C’est chez moi. Tu vois nous on est qu’des humbles paysans mais on travaille dur et pis c’est un travail honnête. On est dehors toute la journée durant, parfois même la nuit, et on fait aussi des grandes fêtes au village et puis les dieux nous sourient parfois même. Tu peux m’aider ici, à la ferme. Y’a plein d’trucs à faire : les semences, pis l’potager, pis l’poulailler et même une porcherie pour Titine qu’tu vois là, qu’elle est pleine. Pis défricher, pis faire ci pis faire ça bref tu vas pas t’emmerder. Tu m’aides pis en échange bah tu peux rester ici comme qu’tu veux, et pis même qu’tu payes pas de rente pour l’gîte et l’couvert ! T’en dis quoi le Gibz. »

Et là j’lui tends ma pogne. Ca c’est un truc qu’Pôpa il m’a appris. Il m’a dit « nous on est trop pauvre pour signer des papiers compliqués pis d’t’façon on sait pas lire. Alors tu serres la main. Quand tu serres la main, ça veut dire que tu donnes ta parole. C’est très important » qu’il disait. Il disait « Si tu dis qu’tu feras un truc et qu’tu sers la main, tu dois l’faire. Sinon c’est pas bien, et Sigmar te jugera méchamment. »

Moi j’vais pas vous mentir : Sigmar j’m’en cogne un peu. J’veux dire les dieux j’les prie j’les remercie et tout mais bon quand même j’me dis que tout ça c’est surtout nous qu’on choisit. Enfin j’le dis pas fort parce que bon. Là par exemple j’suis serre la main ouais : mais si y m’fait une cagade vous en faites pas j’m’occupe de lui. Pis aussi bon lui il a peut-être pô eu un Pôpa comme le mien qui lui a dit tout ça. Donc bon si il dit d’accord le Gibz j’cacherai quand même bien mon or, on sait jamais. Et si son cabot y cherche des noises à Titine ou à mes poulettes il ira faire un tour dans la rivière dans un sac lesté pis c’est marre !
Gabriel Brandt, Voie du Fermier
Profil: For 9 | End 10 | Hab 8 | Cha 8 | Int 8 | Ini 8 | Att 8 | Par 8 | Tir 8 | NA 1 | PV 65/65
Fiche personnage : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_gabriel_brandt
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le tambour-major Thietmar Gibing, 4e bande d’infanterie de Hergig – ou juste « Gibz », puisque même s’il ne le savait pas encore, c’était ainsi que Gab’ avait décider de le baptiser – écouta bien les propositions de Brandt alors qu’il finissait sa maigre pitance généreusement accordée. Il se gratta sa barbe sale qui n’avait pas été bien taillée depuis longtemps, et sembla considérer sérieusement l’offre un instant.

« Bah hé, mon gars, j’dois t’dire… J’m’attendais pô à celle-là ! D’ordinaire, les gens, y aiment pô trop ma gueule d’traînard. J’suis plus chassé à coup d’fourches qu’accueilli les bras ouverts ! »

Il ricana et leva sa main pour tapoter la tête de son chien.

« Écoute… T’sais quoi ? Y fait froid sur les routes, pis Nuln c’est loin… J’suis d’jà ben content d’avoir à manger, j’vais pô faire la fine bouche sur l’emploi qu’on m’propose.
J’veux ben t’donner un coup d’main si tu me files un coin où pioncer, oui-da ! »


Et ayant dit ça, il leva sa pogne afin de serrer celle de Gabriel Brandt, et ainsi, Gab’ fit un contrat avec son premier véritable ouvrier agricole.

Ils passèrent le reste de la nuit à beaucoup boire. Le fiston de Hans, maintenant rassuré à l’égard de cet énergumène, se dérida, et les trois purent donc passer la soirée à jouer à un étrange jeu de cartes que Gibz appelait « la belote Ostlandaise », tout en terminant leurs bouteilles de schnaps. Ils s’effondraient de fatigue, réchauffés par l’alcool, chacun dans un coin de la chaumière de Brandt.



La fin de la deuxième semaine approchait. Dehors, le printemps pointait enfin le bout de son nez – après s’être fait désiré, c’était comme si les nuages dans le ciel avaient enfin décidé de se faire la malle, vers les contrées du nord, vers le sordide Stirland, et les pays de montagnes et de forêts. Ni regel, ni grêlons, ni averses – alors que tout Weidhausen avait sagement retardé ses récoltes, Gabriel Brandt s’était obstiné à continuer d’ensemencer son champ. Dehors, l’atmosphère avait prit un coup de chaud, et même si, au réveil, il était encore conseillé de se revêtir d’une petite laine, la journée promettait d’être bien plus agréable. Bientôt viendraient les bourgeons, et les arbres recommenceraient à se couvrir de feuilles. Il ne manquait plus que le retour des oiseaux.

C’était le jour où Gabriel Brandt avait prévu de ramener Hans Junior à son père, afin de revenir avec un autre de ses fistons. Et puisqu’il était utile de tout faire à la fois en revenant à Weidhausen, il en profiterait pour ramener son épouvantail qu’on avait dû avoir le temps de tresser, et surtout, il pourrait participer au premier Conseil de Village de l’année.




Le père de Gabriel Brandt avait souvent répété ce mot : Kaiserlicher freier Mann. « Homme libre de l’Empire. » La terre que possédait Gabriel Brandt, celle qu’il avait hérité de son paternel, qui l’avait lui-même hérité de son paternel, et ainsi de suite jusqu’à des temps immémoriaux, était un Allod, un alleu.
L’Empire de Sigmar n’est pas le Royaume de Bretonnie ou l’Empire du Kislev. Dans les nations unies sous le Marteau, un millénaire de guerres civiles ont favorisé l’éclatement de la noblesse et la montée en puissance des grands centres urbains – le servage, chez ces peuples, est devenue une chose dépassée. La plupart des villages sont franchisés, devant leurs impôts et leurs services à une communauté urbaine plutôt qu’à un petit tyran local. Par on-ne-sait quel mystère légal ou historique, le père du Gros Gab’ avait plusieurs fois expliqué à son fils qu’il était un homme libre, possédant sa terre de lui-même, et qu’il ne devait aucune corvée à personne, de même qu’il exploitait ses acres de terrain comme bon lui souhaitait, sans devoir de droits ou d’aliénations à quiconque.
C’était du moins la théorie. Ce qu’il répétait fièrement. La réalité était, comme toujours avec la réalité d’ailleurs, plus compliquée.

Tenus légèrement à l’écart du plus gros village de Weidhausen, les Brandt en avaient pourtant toujours été liés et dépendants, ne serait-ce que parce que c’était là-bas qu’on y trouvait le moulin et le four les plus proches. En tant qu’alleutiers, les Brandt avaient hérités de grandes libertés, mais également des devoirs – devoirs d’autant plus négligés qu’on en avait perdu la nécessité au cours des siècles. Gabriel Brandt avait un devoir de défense du village ; Mais cela faisait depuis longtemps qu’il n’y avait plus eu aucune guerre dans la région. Il avait un devoir de gîte et de couvert pour le seigneur local – mais le seigneur local passait le plus clair de son temps enfermé chez lui. Il devait également une dîme à l’Église de Sigmar – ça, par contre, on ne lui avait jamais oublié de la lui réclamer, et tous les ans il y avait bien un curé pour se ramener et faire le tour des fermes afin d’avoir des espèces sonnantes et trébuchantes à ramener à Averheim.
Gabriel Brandt avait, en tant qu’alleutier, le droit de voter et de débattre lors des conseils de village de Weidhausen. Puisqu’il était obligé de payer pour utiliser le four ou le moulin, il était logique qu’il puisse décider de comment on allait rénover le four et le moulin.




Gabriel Brandt était parti tôt ce matin. Il avait choisi de laisser Gibz de côté. Si cette journée était peut-être une bonne occasion de présenter le village, il n’était pas certain qu’un soldat traînard, puant, sorti des forêts du Hochland, serait bien accueilli. Bien sûr, le laisser à la Fourche seul et sans surveillance n’était peut-être pas non plus la décision la plus judicieuse – en tout cas, le tambour-major déclara qu’il profiterait de leur absence pour aller se laver dans la rivière adjacente, celle que la maman de Gab’ avait toujours déclarée comme sacrée, et qu’il en profiterait pour faire quelques menus travaux, comme ramener des seaux d’eau. De quoi l’occuper un moment.
Hans Junior avait ramassé toutes ses affaires, et, laissant la charrue de son père sur place, il accompagna Gab’ jusqu’à son village de naissance.

Weidhausen bei Heideck était bien trop peu peuplé pour disposer d’un hôtel de ville, et d’une magnifique résidence de bourgmestre. Mais il y avait bien, au bout du village, une sorte de grosse grange en bois qui servait de bâtiment public qu’on pouvait louer pour des bals ou utiliser pour abriter des saltimbanques itinérants afin d’amuser les enfants du bled. Il fut un temps proposé au Conseil de Village de faire des travaux à l’autel de Sigmar pour le transformer en véritable paroisse tout de pierre, qui pourrait servir à accueillir de tels événements ; Le curé attitré à l’autel déclara qu’il préférait démolir la structure que de laisser des Stryganis en souiller le sol, alors l’idée fut abandonnée. Il y avait bien la chapelle de Taal et Rhya autour de laquelle tout Weidhausen était construit, mais il s’agissait d’un étrange bâtiment exigu, mélangeant de la tourbe avec de la terre crue, les fidèles de ces deux Dieux n’aimant pas vraiment les belles structures bien extravagantes.
Les portes de cette grange publique étaient grandes ouvertes, et tout le bon peuple de Weidhausen était en train de se presser à l’intérieur pour le Conseil de Village. À l’extérieur, Inge, la veuve tresseuse d’épouvantails, était en train de servir du vin dans des godets avec l'aide de son fils de onze ans, préparant ainsi le buffet qui allait récompenser ceux qui passeraient la fin de matinée à débattre.

« Ah bah, v’là l’Brandt pis l’fiston au Hans !
Ton épouvantail j’l’ai fini dans la soirée d'hier, tu passeras l’chercher après ? »


Elle semblait plus agréable et souriante que d’ordinaire. Elle tapa la discute avec Gab’ un petit moment, en lui proposant de boire un petit verre pour se mettre en bon état pour le Conseil. Elle lui demanda comment tout se passait à la Fourche, s’étonnant qu’il eût déjà commencé à ensemencer ; Elle-même déclarait avoir du mal à commencer l’entretien de son lopin de terre, elle avait toujours du mal depuis que son mari était parti à la guerre pour ne jamais revenir.

« Y m’manque tu sais. L’était un bon gars, qu’aimait ben l’travail... »

Son enfant le plus âgé était une fille de quatorze ans, qui rêvait de quitter le bled paumé de Weidhausen pour aller tenter sa fortune en ville – nul doute qu’elle se rêvait dame de compagnie de la comtesse Emmanuelle von Liebwitz, mais qu’elle était probablement plus destinée à épouser un vieux bourgeois avec la goutte. Beaucoup de jeunes gens à Weidhausen cherchaient tous les prétextes possibles pour se casser le plus loin possible de ce village hors du temps, rêvassant d’une vie plus excitante dans des grandes cités comme l’impitoyable Nuln.
Gabriel ne pouvait que partager sa peine : Ses trois frères et sa sœur étaient tous partis pour le laisser là, unique héritier d’une Fourche qui, tout allod qu’elle était, demeurait un immense champ en friche. Peut-être avaient-ils fait fortune ailleurs. Peut-être s’étaient-ils écrasés. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus eu de nouvelles d’eux.

Alors que Brandt discutait tranquillement avec l’Inge, il entendit un sifflement. Hans le précieux, tout souriant, rasé de près, s’était fait beau pour le Conseil de Village – il cocotait le parfum à des lieues à la ronde, avait porté ses habits pour la messe hebdomadaire à l’autel de Sigmar, et troqué ses vulgaires sabots de bois pour des poulaines en cuir qui coûtaient excessivement cher. Il était proprement ridicule. Nul doute qu’il aurait provoqué des esclaffements de rires si de vrais aristocrates avaient pu le voir. Mais il s’affichait tout guilleret, avec sa bourgeoise, Magda, qui le collait au bras. Il leva la main pour saluer Brandt.

« Ah ! V’là le Gros Gab’ !
Comment tout va bien, compagnon ! T’es satisfait de mon champion ? Il a bien bossé le fiston, hein ? »


Il s’approcha de son fils à qui il donna une petite tape amicale sur sa joue. Il salua ensuite Inge qui lui proposa également un godet de vin. Alors qu’il s’en approchait avec appétit, sa bourgeoise l’arrêta.

« Non, c’est de très mauvais genre de boire alors que tu es censé parler. Que diraient les gens ?
– Roh, t’as raison… Désolé l’Inge, ça attendra. »

Si parfois, Hans haussait le ton et disait clairement à son épouse de se la boucler, la plupart du temps, il demeurait assez castré.
Mais toujours souriant. Castré, mais souriant. Il fit un petit signe de tête à Gab’, tout heureux qu’il était de le voir :

« Y fait bien beau aujourd’hui, mais j’ai toujours pas commencé à bosser au champ, vu que t'as ma charrue... Bref...
Je t’avais parlé de c’qui va être au débat aujourd’hui ? Le village a réussi à économiser un beau trésor l’année dernière. On a des pistoles d’argent à dépenser, c’est pas toujours qu’on a cette occasion ! On a l’occasion de le dépenser, alors on va se faire plaisir.
Sauf que tout le monde est pas d’accord sur qu’est-ce qu’on devrait en faire d’cet argent. Moi, parce que j’ai l’nez creux, j’veux qu’on appelle des terrassiers, pour rénover la voirie jusqu’aux routes comtales ; ça permettrait de faciliter le chemin jusqu’à Heideck, parce qu’en c’moment tout est boueux et accidenté, les charrettes s’cassent les roues trop facilement, c’t’une sale affaire !
Fridi le meunier, bien sûr, il veut rénover le moulin. Y s’plaint qu’le moulin est tout vétuste, qu’le débit d’eau de la rivière est pô idéal, et qu’il fabrique pas assez d’farine par rapport à c’qu’il devrait. Moi je pense que c’est surtout parce que Fridi est un idiot de meunier qui fait mal son boulot et qu’il tire au flanc, il aime bien son boulot parce qu’il fout rien et qu’il peut être bien courtois avec les bonnes femmes qui ramènent le grain à moudre, si tu vois ce que je veux dire… Mais j’ai pas besoin de te convaincre, tu m’avais d'jà dit que t’étais d’accord !
Ah, puis y a Ranalt Knapp, l’aubergiste, tu sais c’qu’il va essayer de nous convaincre de faire avec l’argent ? Écoute ben, son idée débile : Y croit qu’on d’vrait payer un maître d’école ! Genre, ramener un gars d’la ville, pour qu’il apprenne aux gosses à faire les lettres ! À quoi ça a servi à deux loustics comme nous, d’apprendre à lire ? »


Magda, sa grosse bourgeoise, fronça les sourcils.

« Personnellement, je trouve que c’est une très bonne idée.
– Qu’est-ce t’en sais de c’qu’est une bonne idée ou pas ? Tsss…
Mais dis-moi l’Gab. T’es un des gars qui a le droit non seulement de voter, mais aussi de parler au Conseil… Tu m’avais dit que t’aimais bien mon idée… T’es toujours d’accord, hein ? Tu vas soutenir et voter pour la mienne ? Hein ? Rassure-moi ? »


Il faisait un grand sourire insistant, un peu niais.
Il est vrai que seules dix personnes dans tout le village avaient le droit de décider au Conseil : Hans, Gab’, Ranalt Knapp qui avait acheté très cher son droit en s’installant ici, le patriarche Stark, Fridi le Meunier, un honnête fermier assez discret qui se nommait Otto Zing, le prêtre de Taal, la prêtresse de Rhya, le curé de Sigmar (Celui qui ne passait qu'une fois par semaine), et enfin, un représentant du seigneur demeuré qui avait prit pour habitude de constamment s'abstenir à tous les votes, de manière à ne pas provoquer trop de remous. Autrefois, l’époux d’Inge siégeait au Conseil, mais on ne lui avait pas retenu le droit pour elle, déclarant qu’il revenait plutôt à son fils de onze ans qui était trop jeune.

Charisme de Gab’ (Bonus : +2) : 4, réussite
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Gabriel Brandt
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Re: [Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

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Y’a tout plein d’monde, moi j’aime pas trop ça la foule mais bon. Y’a le veuve Inge qui m’donne un canon, au moins j’suis pas venu pour rien. Un p’tit rouge de chez nous derrière la cravate ça fait toujours du bien. Ah ce jus de vigne ouais c’est sûr, il est bien rapeux et y’a du moût au fond. Il vaut pas un clou à Averheim mais il vient d’chez nous et moi j’l’aime bien. Le soleil qui le fait mûrir c’est le même qui nous tanne le cuir, ça peut être que bon créfieu. J’taille le bout d’gras avec la Inge qui m’parle de son mari moi j’m’en fous un peu dans qu’elle me fait un bon épouvantail, j’salue deux trois gars pis y’a le Hans qui arrive avec sa bourgeoise.

Elle commence à me courir celle-là. Lire ? Et puis quoi encore. Du bon temps d’perdu, ça. Déjà elle fait caguer à dire qu’il faut pas boire, peut être qu’elle dirait moins de conneries si elle picolait plus. Ensuite c’est quoi ces âneries de bouquins là. Nous quand on a besoin de lire une paperasse on demande au prêtre ou aux colporteurs qui passent pour faire ça, mais sinon ça sert à rien. Dans tous ces trucs y a que des conneries soit qui nous concernent pas soit qu’on peut rien y faire de toute façon. Attends si en fait tout ce papier ça sert à un truc : allumer le feu. Non mais sans déconner, comme si ce qu’on avait besoin c’est une école. Non madame ! Ce qu’on a besoin nous c’est de la terre noire, une bonne pluie et un cochon bien gras pour faire de la saucisse, oui ! J’sais pas où il a trouvé cette bougresse, le Hans, mais il va falloir qu’il se fasse pousser une paire parce que c’est pas possible. Bon bref, j’m’envoie mon godet.

Donc là y m’demande c’que je pense de tout ça. Bon l’idée à Knapp c’est latrines déjà. Ensuite le coup à Fridi l’meunier c’est des conneries aussi le moulin y marche très bien mais voilà il veut juste se faire plus de deniers et pis être le chef du village. Moi j’sais bien que ce qu’il faut c’est retaper la route, parce que là les charrettes mettent un temps fou à aller et venir et c’est pas bon pour les affaires, à moins d’partir la veille on arrive à la fin du marché de Heideck et c’est pas bon parce que c’est là-bas que les affaires se passent, ou quand les marchands ils viennent chez nous. Peut-être même que si on a une bonne route bah on peut y mettre un péage ou j’sais pas quoi. Donc j’suis d’accord avec le Hans de toute façon.

Mais moi j’suis pas un nigaud, et là faut la jouer fine. Le Hans il me rappelle bien qu’il m’a prêté sa charrue et il en pense pas moins. Donc déjà j’lui rends son fils, j’lui prends pas l’autre et plus j’lui passe des bottes d’bonnes carottes. Mais c’est pas assez et faut bien que j’le garde de mon côté pour pas qu’il me fasse caguer avec la charrue, parce que moi j’en ai bien besoin. Alors j’vais lui faire croire que j’pense que son idée c’est pas la meilleure, mais que comme j’lui en dois une bah j’lui rends service en votant son idée.


- « T’sais quoi le Hans » que je dis en prenant un air emmerdé. « L’Fridi c’est une crapule mais il dit pas qu’des bêtises. C’est vrai qu’le vieux moulin c’est presque une ruine, j’veux dire tu l’as vu toi. Y’a des lézardes partout pis la roue on dirait qu’elle va tomber, c’est la même que quand Pôpa il était pitchoune déjà t’imagine. Le jour où il tombe en rade on l’a dans l’os. Pas de farine, faudra qu’on amène le grain à Heideck et j’te raconte pas vu l’état d’la route que tu connais et même comment ils vont nous faire payer, la miche de pain elle va valoir un cochon entier, t’imagine. Moi j’me dis, c’est pas des âneries de voter pour Fridi … »

J’fais mine de réfléchir et j’le regarde du coin de l’œil pour voir comment qu’il réagit. Et là j’enfonce le clou. Filou, l’Gros Gab.

- « Mais bon le Hans toi je sais que tu veux le bien du village pas que pour toi. D’ailleurs toi et ton môme vous m’avaient bien aidé. Sans ta charrue j’serais encore en train de m’échiner avec ma binette conne un sourd et j’aurai pas pu planter. En vérité, la Bonne-Mère m’en soit témoin, tu m’as rendu une fière chandelle. Et même que si le moulin il aurait besoin d’un coup de neuf il faut aussi qu’on ait une bonne voirie pour les marchands de Heideck parce que j’ai l’nez creux et je sens bien qu’le Bon-Père il va nous donner une bonne raison, ça oui. Alors mon vieux Hans, j’suis avec toi copaing. » que j’lui dis en lui tapant bien l’épaule. Héhé.
Gabriel Brandt, Voie du Fermier
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les yeux du Hans s’écarquillèrent alors que Gabriel Brandt commençait à dire qu’il appréciait plus l’idée de Fridi ; L’espace d’un tout petit instant, ce fut presque comme si le précieux qui s’était mis sur son 31 allait avoir une crise d’apoplexie. Il ouvrit la bouche pour déjà lui répondre, lorsqu’au final, Gab’ lui dit être dans son camp. Exhalant tout l’air de ses poumons, Hans posa une main sur son poitrail, et se mit à sourire :

« Ouf ! Tu m’as fait peur l’Gab’ !
J’comprends tes arguments lô, mais t’inquiète pas, j’te r’vaudrai ça, parole d’Averlander, oui-da ! Entre enfants du pays faut qu’on s’serre les coudes ! »


Sa bourgeoise parut bien moins convaincue. Elle ne put s’empêcher de froncer ses petits sourcils épilés avant de persifler.

« Il faut dire que c’était effectivement vous rendre un grand service que d’emprunter notre charrue.
D’ailleurs, Hans comptait lui-même commencer à labourer son champ. Nous avons du retard hé-

– Bon sang, m’man ! Parle pas d’ça d’vant les copaings ! Tu mets dans la gêne d’vant Gab’ ! »

Hans tira sa bourgeoise à l’écart, et les deux se mirent alors à laver leur linge sale le moins discrètement du monde. Inge se contenta de faire un sourire fort malaisé en faisant mine d’ignorer le débat conjugal des deux époux.

Mais enfin, au bout d’un moment, arriva finalement l’heure de rassembler le conseil du village.




Des bancs couverts d’écharde et nécessitant peut-être un coup de vernis et du ponçage avaient été installés les uns à la suite des autres devant deux tables accolées l’une avec l’autre. Derrière, dix chaises en bois, fort peu confortables, pour les dix assesseurs du conseil. Quelques personnes étaient déjà installées :
Gab’ reconnu tout d’abord l’intendant du seigneur maboule, Herr Stephanos, un petit homme au nez crochu, avec du poil dans les oreilles, et des lunettes sur le bout du museau. Il s’était réservé le siège le plus au centre, et avait déjà ouvert un gros livre constitué de folios reliés les uns aux autres. Devant, à portée de main, il grappillait sur la place de son voisin car il avait dû installer son encrier qu’il agitait dans tous les sens, se plaignait qu’elle était froide.
Son voisin n’avait pas l’air de beaucoup s’en vexer. Le père Haussmann était un honorable Prêtre-Guerrier de Sigmar ; mais c’était un prêtre sans sinécure, et sans bénéfices, qui se contentait de passer régulièrement à Weidhausen pour entretenir les cierges et frotter l’autel du petit oratoire de Sigmar. Il n’avait de relations avec les villageois que lorsqu’il venait leur extorquer la Dîme, seul moment où il semblait retenir les noms de chacun.
De ces deux gugus, il ne fallait pas s’attendre à quoi que ce soit. Ils s’abstenaient presque toujours lors des votes, et n’avaient aucun intérêt à prendre parti.

Plus intéressants étaient le prêtre de Taal et la prêtresse de Rhya du village ; frère Ulfred, et sœur Serhilda. Ulfred était un immense cinquantenaire, aussi gras que musclé, qui servait de trappeur et de tanneur du village. Il lui arrivait souvent de rassembler les gamins de Weidhausen pour aller leur apprendre à faire des pièges à lapins et bivouaquer au milieu du petit sous-bois seigneurial, des sorties appréciées par les parents qui pouvaient être débarrassés de leur progéniture durant quelques jours de paix, beaucoup moins par les enfants qui subissaient les cours de survie d’un Taalalite qui aimait l’amour vache ; Il apprenait par exemple aux enfants à nager en les balançant dans un lac.
Serhilda elle servait de guérisseuse et de sage-femme. Sa compétence dans cette matière était toute relative, elle n’était ni une Shalléenne, ni une étudiante en médecine lettrée. Mais faute de grives, on mange des merles, et Weidhausen ne pouvait compter que sur elle pour combattre des septicémies avec des tisanes de tilleul.
Ulfred et Serhilda couchaient ensemble et vivaient irréligieusement comme un couple marié depuis maintenant vingt ans. C’était un immense secret de polichinelle pour tout le monde, et le seul étonnement qu’on pouvait avoir été qu’ils n’avaient pas encore eut de gosses.

Le reste des assesseurs n’était pas encore présent. Brandt se prépara à s’installer à sa place, quand il entendit une petite voix nasillarde non loin.

« Oh, mais céti l’Brandt ! Beh alors, on dit pas bonjour au meunier de Weidhausen ? »

Fridi le Meunier, dit « le Gros » (Ce qui était visiblement le surnom de beaucoup des gueux de l’Averland). Laboureur et alleutier, Fridi avait obtenu de son père et de son grand-père avant lui le privilège exclusif de diriger le moulin seigneurial du village. Fridi était le paysan le plus riche du coin : Il n’avait pas de vaches, mais beaucoup de poules, au point où il s’était mis à se faire sa propre armoirie qui représentait un Coq rouge chantant sur le toit de son poulailler. En Bretonnie, on l’aurait probablement fouetté pour s’être inventé une héraldique, mais aussi ridicule que cela pouvait être, il ne pouvait pas s’empêcher de peindre son faux-blason sur les portes de sa grange et de sa maison.
C’était un homme tassé, racé, grassouillet. De bonnes joues joufflues et un nez rouge. Et un grand sourire qui affichait des dents très blanches – la rumeur courrait dans le village qu’il faisait des bains de bouche avec sa propre urine pour garder un sourire impeccable.

« C’dommage ! J’ai entendu dire que t’as d’mandé d’l’aide à c’bon vieux Hans y a queques s’maines. Tout va bien à la Fourche copaing ? T’as pas trop d’soucis ?
Tu sais si t’as des soucis, tu peux v’nir me voir à n’importe quel moment, j’connais des gens mon bon Gab’, j’te jure, j’connais des gens de Heideck moé ! »

Il regarda derrière lui, puis devant, puis il fit mine d’intriguer en prenant une toute petite voix, et en approchant sa trogne afin de modérer le volume de sa voix.

« T’sais si t’as pris une décision l’Gab ? C’est qu’les affaires à Weidhausen ça nous concerne tous…
Faut qu’on s’serre les coudes entre enfants du pays. »
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Gabriel Brandt
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Re: [Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

Message par Gabriel Brandt »

Comme j’te disais tout à l’heure, y’a tout plein de monde.

Déjà y’a l’Stephanos -nous on l’appelle Stephanus ou la Pie, rapport qu’il aime bien les trucs qui brillent s’tu vois c’que j’euv’dire- et aussi l’Père Haussmann. Deux raclures de bidet, qu’il disait Pôpa. Eux le bled y s’en cognent pas mal, pis d’nous autres tout pareil. C’qu’ils veulent c’est les sonnantes qui trébuchent du bon peuple et ça sans trop suer. Moi j’aime pas ça. Alors ouais, l’autre tonsuré c’est un prêtre de Sigmar, peut-être. Mais moi Sigmar -et j’le dis dans ma tête pour pas finir au bûcher- mais j’crois que j’m’en fiche un poil. Alors ouais c’est not’ saint patron à nous tous dans l’Empire, il nous a sauvé des orcs pis Môman disait que c’est lui qu’il a unifié les pro-vinces et tout ça blablabla. Bon soit. Mais créfieu, est-ce que c’est lui qu’il fait croître et mûrir le blé ? Non c’est la Bonne-Mère. C’est lui qu’il fait pleuvoir sur les champs et dans les forêts et qui éloigne le gel quand l’printemps pointe son nez ? Non, c’est le Bon-Père. Qui c’est qui gonfle les rivières et qui garde les sources, les goujons et les écrevisses ? Bah c’est l’Vieux Karog. Et quand c’est l’heure d’partir loin comme pour Môman, pis Pôpa et la Margoton, qui c’est qui emporte les âmes vers le Jardin ? Bah c’est Mórr le Veilleur crénom. Alors notre SIGMAR KAISER dans tout c’tintouin ? J’sais pas si il s’en tape pas d’nous autres les paysans. Lui c’est l’copaing des soldats, des chevaliers pis des nobles et même des rois p’t’être bien ouais. Mais les cul-terreux j’vois pô bien c’qu’il leur propose en fait. C’que j’en sais moi d’notre saint-patron Sigmar bénit soi son nom, c’est que surtout il aime l’or vu comment le Père Haussmann c’est un putain de rapace. Bref.

Après y’a Ulfred et Serhilda. Eux ils sont bons, ils veillent que Taal et Rhya ils soient honorés comme il faut et que l’abondance et la bonne saison soient pour nous. Leurs histoires de couche-ries moi je m’en fiche, ce que je sais c’est que Serhilda elle a aidé Môman quand la Margoton elle est née. Elle oui Môman elle est morte en accouchant, mais Sœur Serhilda elle lui a donné des herbes et des tisanes pour faire qu’ce soit moins dur, et elle est restée avec Pôpa et pis moi pen-dant plusieurs jours, et elle nous a bien aidé et grâce à elle Môman est partie sans souffrir. Et pour ça, moi, Serhilda, j’ferai ce qu’elle veut. C’est une bonne personne, et l’Bon Père m’en soit té-moin que des gens bons y’en a pas tant qu’ça dans not’bas monde, ça oui. Ulfred bon, l’seul sou-venir d’lui que j’ai c’est quand j’étais pitchoune et qu’il m’a balancé dans la rivière en m’disant « nage » et qu’j’ai failli m’noyer. Sinon c’est un bon gars, pas d’manière.

C’lui qu’est pas un bon gars par contre c’est le Fridi. Y m’fait penser à un ragondin, il arrive là tout mielleux pour m’causer. Rien qu’ça voit qu’on dirait la porte du poulailler quand elle grince elle m’énerve j’ai envie d’lui mettre une tarte. Et une tarte d’un vrai paysan comme moi avec des mians bien calleuses à force d’bêcher j’peux te dire ça fait pas du bien, hé ! En plus on dit qu’y boit sa pisse. Vraiment un sale type. Là y m’fait son numéro, moi j’connais du monde gnagnagnah moi j’suis l’plus riche et j’ai un blason avec un foutu poulet gnagnagnah. Pov’type. Allez l’Gros Gab, faut qu’t’as l’air sympa et il te fera plus caguer.

- "Ouais, ouais. Ca va l’Fridi, le Hans et son fils y m’ont bien aidé, si la Bonne-Mère le veut la saison elle sera bonne."

Bon maintenant faut que j’arrive à lui raconter des sornettes. Mais j’sais pas bien quoi dire, parce qu’en plus on va voter donc bon de toute façon il va savoir qu’j’vais voter pour le Hans. Et même si que Fridi j’peux pas m’le voir, c’est un gars important au village et vaut mieux pas s’le mettre à dos. Allez réfléchis l’Gros Gab réfléchis. Réfléchis !

- "Euh ouais, bah ouais c’est bin vrai … J’suis bien d’accord avec toi l’Fridi."

Ah putaing, mais quel âne, quel âne ! Créfieu.
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Gabriel Brandt] Pays de Cocagne

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le visage de Fridi s’illumina d’une petite lueur, et il fit un clin d’œil entendu au Gab’, comme si les deux s’étaient compris avec un quelconque arrangement du plus haut secret.

« Toi et moi l’Gab’, j’pense qu’on a plein d’trucs en commun, et même qu’on d’vrait s’entendre…
J’ai entendu dire qu’tu voulais t’lancer dans l’porc, c’est ben ça ? Tu sais que j’en ai des porcs aussi ? On pourrait bosser ensemble tous les deux, échanger un peu avec les gars d’la ville. C’est qu’not’ seigneur, il est un peu pince sur les droits de glandée, et- »


Et alors qu’il disait ça, à petite voix, en se rapprochant de sieur Brandt, la critique qu’il venait à peine d’effleurer sur la gestion seigneuriale sembla réveiller la Pie, Stephanos.
L’intendant fit un bruit exagéré d’éclaircissement de gorge. Alors, Fridi ricana tout en donnant une petite tape au Gab’.

« ‘fin, j’ai quelques soucis avec mon moulin… L’Hans est fou, y veut juste retaper la route, alors qu’elle va très ben la route. Mais le moulin tu sais ça coûte cher, toi-même tu sais tout ça, donc j’me disais, p’têt…
Voilà voilà, quoi. »


Ranalt Knapp fit son entrée dans le petit bâtiment. L’aubergiste du village était un homme très éduqué, ancien écolier de Streissen, et pourtant, il était loin de se vêtir de fausses parures de bourgeois comme Hans ou Fridi. Il ressemblait plus dans la dégaine à Gabriel, avec un gros manteau fort simple qui descendait jusqu’à ses genoux, sous lequel il portait un justaucorps et des braies délavées. Il fit un signe aux deux ainsi qu’un grand sourire.

« Alors, ça conspire bien par ici ? » demanda-t-il en rigolant.
« Meuh… Non ! » répondit Fridi en prenant visiblement la phrase au pied de la lettre, vu comment il se mit à froncer les sourcils et à virer au rouge. « On discute, on conspue pô !
– Oui, oui, très bien…
Plutôt bon le vin que nous sert Inge juste devant ! Je me demandais, puisque vous êtes des gens de la terre, pourquoi est-ce que Weidhausen ne fait pas pousser plus de vignes ? Ça ne serait pas rentable ? »


Fridi posa ses mains dans le dos, et leva fièrement son menton, tirant une grande fierté de pouvoir faire la leçon à un érudit.

« Entretenir un vignoble ça d’mande beaucoup d’main d’œuvre ! Y faut des coteaux et plein d’p’tites mains pour les vendanges ! En plus, c’très sensible à la météo, une bonne grêle et toutes les vignes sont hachées sur place.
– C’est vrai, mais il y a de la bonne terre ici. Je veux dire, il y a des champs d’une taille immense, et ils servent juste à faire paître quelques bœufs pour le seigneur. Je suis sûr qu’il n’a pas besoin d’autant de surface que ça. »

Stephanus recommença à dégager sa gorge, encore plus fort que juste avant. Il foudroya du regard les trois roturiers, tout en tapotant sa plume dans son encrier.

« Ah, messieurs, nous sommes surveillés », fit-il avec un petit sourire.

Tandis que les trois allèrent s’installer, il ne fallut pas beaucoup plus de temps pour que les absents viennent à l’intérieur : Le vieux Stark arriva avec toute sa famille. Brandt l’avait déjà croisé lorsque qu’il lui avait demandé s’ils pouvaient construire sa porcherie – les prix qu’ils demandaient semblaient bien trop élevés. En tout cas, ils se faisaient remarquer : si le vieux Stark était quelqu’un de grisonnant, à la barbe blanche, dont l’âge le forçait à légèrement se tasser, toute sa ribambelle de gosses suivait derrière en le dépassant d’une tête, solides comme des chênes. Même ses deux nièces et sa fille ressemblaient à des hommesses Norses.
Otto Zing et les siens arrivèrent peu après. Tout comme Brandt, ils occupaient une ferme un peu éloignée de Weidhausen, mais relevant toujours du bailliage. Gabriel n’avait pas eu trop l’occasion de les connaître, mais il savait que les Zing se spécialisaient dans le mouton et les semailles d’orge pour faire de la bière et fournir du fourrage. Leur terrain était plus petit que celui de la Fourche, mais en meilleur état.
Ne manquait plus que Hans, qui vint se placer juste entre Fridi et Gabriel, les deux lui offrant tous les deux de grands sourires, persuadés que Brandt allait voter de son côté.

Devant eux, le village acheva de s’assembler, constitué des paysans qui étaient considérés non comme alleutiers, mais directement dans la dépendance du seigneur.

Stephanos griffonna sur une feuille de parchemin avec sa plume, avant de s’exprimer d’une petite voix de fausset un peu rocailleuse – il ne semblait pas être à l’aise en public.

« Oyé, oyé, oyé.
Je déclare ouverte la première séance de printemps du conseil du village de Weidhausen bei Heideck, en date du 12 Jahrdrung en l’An du Sacre 2529 ; Gloire soit rendue à Sigmar, et hommage à Son Altesse le… »


Il hésita une seconde.
Il est vrai que cela faisait quelques années qu’il n’y avait plus personne pour diriger la province de l’Averland.

« Bon, je vais écrire, Son Altesse le Grand-Comte de l’Averland…

Plumitif établi in absentia de Sa Seigneurie Philipp von Weidhausen, représenté par son intendant, Frère Stephanos, oblat de Véréna, et Père Haussmann, clerc de Sigmar, possédant la prébende de Weidhausen.
Et blablabla… Blabla. Blablablablabla ; J’ai mis à tous vos noms vous signerez, d’une croix si vous ne savez pas lire. Faites passer mon père je vous prie. »


Haussmann signa le papier en chipant la plume du notaire. Puis, il se dépêcha de la passer aux prêtres de Taal et Rhya, côtes-à-côtes, qui commençaient à se chamailler à voix basse comme deux vieux mariés.

« À l’ordre du jour de cette séance :
Il nous faut trouver des volontaires et des fonds pour organiser le festival du Mitterfruhl ; il nous faut en effet un animal à sacrifier, et commencer des échanges de graines et des saillies d’animaux pour la belle saison.
Ensuite, nous devons discuter de la manière avec laquelle nous utiliserons le reste de trésorerie de l’année dernière, puisque certains assesseurs avaient des propositions de la manière avec laquelle nous pourrons utiliser les fonds – si aucun projet ne recueille une majorité de six voix au minimum, nous procéderons à la redistribution du numéraire entre les propriétaires de parcelles.
Enfin, sera mis au vote une proposition de nouvelle taxe annoncée par sieur Philipp, qui consiste en la cession d’un grain sur huit récoltés chaque année. »


En entendant ce dernier point, tout Weidhausen perdit son souffle. Et toutes les paires d’yeux dans la salle, même des plus endormis, se dirigèrent vers le petit clerc de notaire.

« Mais qu’est-ce que…
– Un nouvel impôt ?!
– On a pô été prévenus !
– C’est quoi c’t’histoire ! L’aut’ timbré il veut qu’on ait d'nouveaux impôts maintenant ?!
– Du calme, messieurs, fit le notaire d’une petite voix.
– J’suis sûr c’t’un coup d’sa fille, elle-
– OH ! VOS GUEULES ! »

Haussmann tapa sur la table. En tant que bon clerc Sigmarite, le prêtre était un solide bonhomme, au visage couvert de cicatrices, et qui brandissait comme principal symbole de son office un magnifique marteau de guerre estampillé d’une comète de bronze.
Plus personne n’osait trop parler en l’entendant ainsi rugir.

« À qui devrais-je laisser la parole en premier ? » fit le notaire avec un petit sourire.
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