[Tétradie Gondeghissel] Chemins & Travers

[[MJ] Le Faussaire]

Test de FOI, à +3 vu l'effort : 16.
Test de FOR / HAB pour lui enlever le carnet des mains : 4.
Klosel lâchera-t-il ? 8, oui, il lâche.
Test d'INT - ??? : 10.

Le psaume lancé, la prière était terminée. Il ne restait plus qu'à attendre - attendre que le miracle survienne, que quelque chose survienne, comme lors de ses entraînements au couvent. Mais alors, rien ne survint. Le valet, avec sa tête longue et émaciée, ses yeux pâlots, ses mains osseuses et tremblantes, ses plaies ouvertes et droites... Le valet lâcha prise. Il tenta de s'agripper au livret - en vain -, puis au cocher - tout aussi en vain - pour enfin s'agripper les paumes avant de les plaquer sur son torse défait.

- "Morr... envoie une vierge..."

Malgré sa faiblesse de corps et son air de plus en plus absent, ses phalanges rougirent, gonflèrent sous la pression, comme s'il tentait un effort pour s'accrocher non pas à un miracle ou à quelqu'un, mais à sa destinée. Oui, c'était évident à présent. Klosel le prostré, Klosel le gêné, Klosel l'effacé, s'était une fois de plus jeté à la seule chose que l'on ne pouvait lui prendre : sa destinée. Peut-être n'avait-il pas voulu la prononcer de vive voix - car un tel acte était un affront colossal aux yeux du Vieux Père - ou peut-être était-ce là son dernier geste, son dernier aveu après avoir tant lutté contre Sigmar-sait-quel problème qui le gênait tant depuis le départ de la capitale. Ainsi, ce valet, ce serviteur si oubliable, rendait grâce une dernière fois, il donnait du souffle une dernière fois. Alors Klosel relâcha ses mains, passa ses paumes sur son visage, et ne dit plus un mot durant son dernier salut.

Ces gestes mis bout à bout ne durèrent qu'un instant, une seconde tout au plus, et même si Tétradie avait déjà réagi au quart de tour, elle n'aurait rien pu faire de plus. En effet, le relâchement du valet révéla plusieurs tâches sinueuses sur/sous ses vêtements, semblables à des sillons de vin sur les fourrures et le crin.


- "Ilsa, va chercher l'monsieur d'la chambre deux ! Ilsa, regarde pas !

- Le monsieur est déjà là, aubergiste. Qu'est-ce que c'est que tout ce boucan ?"

La deuxième voix était plus forte que la première, mais aussi plus lointaine. D'un mouvement de tête, tout le monde devina qu'elle venait de l'étage, là où étaient les chambres privées et les quartiers du tenancier.

- "Eh bien ... Euh...

- Quelqu'un est mort.

- Mort ? Ecartez-vous, tous ! Et que personne ne touche au corps !"

Il y eut un grognement à la fin de cette phrase, qui sonna comme une promesse - ou plutôt une menace. L'homme, visiblement mal luné ou mal réveillé, arborait une tignasse noire et une moustache incurvée du même acabit, un gilet de cuir bleu nuit ainsi qu'une paire de bottes de cavalerie. L'épée à sa ceinture balança dans tous les sens alors qu'il claqua la porte d'une des chambres - la sienne, sans doute-, puis il se dirigea au pas vers le rez-de-chaussée.

Test opposé secret : 11v16, l'individu l'emporte.

Durant sa descente, tout le monde s'écarta du défunt valet, laissant ainsi la place libre à Tétradie - qu'elle souhaite se relever ou faire autre chose. Ensuite, le moustachu dévisagea tous les visages de l'auberge - gardant au moins un oeil vissé en direction du corps - avant d'enfin s'approcher du cadavre. Contrairement aux autres convives, il s'arrêta à deux pas du défunt, et ne prit même pas le luxe de s'accroupir pour l'observer de près.

- "Depuis quand est-il là ? Qui a fait cela ?"

Les regards se perdirent dans l'assemblée, et le tenancier ne put répondre, trop occupé à calmer ses filles et sa femme.

- "T'es qui d'abord, monsieur ?" fit l'ainé des cochers, tordant son visage dans une grimace dubitative.

- "Ulf Lodderson, patroll-feldwebel aux ordres du baron de Middenland. Et toi, cocher, qui es-tu ?"

- Euh Egidius, monsieur. Juste Egidius, des Quat'Saisons."

La moue du vieil homme tourna à la surprise, avant de se raidir à nouveau.

- "Eh bien, Egidius, où as-tu trouvé ce corps ?

- Ici-même, monsieur. Enfin, on l'a trouvé. Il est revenu d'lui-même, avant de... de calancher ici-même.

- Hm, je vois."

Il posa une main sur le pommeau de sa lame, avant de reprendre :

- "Et vous, jeune fille - jeune femme -, qu'avez vous fait ? Vous le connaissiez ?"

Si elle ne l'avait pas déjà fait, il l'aida à se relever avec son autre main avant de la laisser s'expliquer. Ensuite, alors qu'il ne faisait pas vraiment chaud dans l'auberge, le sergent essuya son front trempé de sueur. Du coin de l'oeil, Tétradie vit l'aubergiste raccompagner ses filles à l'étage, tandis que l'autre moustachu fronçait les sourcils en silence. Après une bonne minute, il ouvrit enfin la bouche.

- " Attendez tous, qu'était-il parti faire dehors par...

- HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !"

Un cri de panique retentit dans l'auberge. Comme la dernière fois, Ursula leva une main, mais cette fois elle pointa la porte ouverte à l'étage.

La porte où l'aubergiste avait ramené ses filles.

[Tétradie Gondeghissel]

C'était sa faute, en réalité. Sa faute à elle. Sa très grande faute.

Jamais Sigmar n'aurait abandonné un de ses loyaux sujets, alors ce ne pouvait être qu'elle. Avait-il failli? L'avait-elle déçu? Sans doute quelque chose dans ce goût là. Bien sûr il restait l'hypothèse que Klosel ait été une crapule, un mauvais sujet qui ne méritait pas d'être sauvé. Ou pire encore: il aurait pu être tout
à fait ulricain. Cette dernière pensée la consola, si c'était un ulricain qui mourrait, alors ce n'était pas si grave au fond. Restait qu'il n'avait pas pu donner l'identité de son meurtrier et qu'avec la neige qui tombait dehors les traces seraient bientôt recouvertes. Restait ce livret qu'il tenait dans les bras avant de mourir: que renfermait-il? Il s'y était accroché comme si sa vie en dépendait. Pour le moment elle se contenta de le planquer sous sa bure, pour le reste elle le lirait plus tard.

Le grand homme bourru qui descendit de l'étage par contre, le patroll-feldwebel Ulf Lodderson, lui laisse une impression mitigée. Elle n'était pas mécontente d'avoir un homme d'un calibre un peu plus élevé que des cochers, des marchands et autre pour résoudre la malédiction qui semblait s'acharner sur l'auberge-relais, mais ne risquait il pas de se montrer trop curieux? Elle avait une mission après tout, quoique l'issue semblait s'éloigner de jour en jour. En vérité elle ne savait plus trop où donner de la tête ni comment réagir. C'était facile de parler du Mal derrière de hauts murs et des gardes fanatiques dévoués et équipés du meilleur acier, c'était autre chose que de le subir en plein milieu de la Drakwald, par des températures glaciales et sans possibilité de fuir. Comment était-elle sensée gérer ça? Quelle était la bonne conduite à adopter? Elle n'était qu'une novice, trop jeune même pour prétendre à une place d'ordonnée digne de ce nom et elle se retrouvait à jouer au limier! C'était de la folie!

Une pensée la traversa: "Oh! Ferme-là, pauvre conne! C'est ta chance de faire tes preuves, arrête de te lamenter!" La voix dans sa tête avait raison; il était temps de se surpasser, de montrer à Sigmar qu'elle était digne de lui. Même si cela devait lui coûter cher, elle avait versé assez de sang au cours de ses flagellations pour remplir plusieurs fois son corps, alors que représentait la lame d'un assassin ou la griffe d'un monstre?

- "Et vous, jeune fille - jeune femme -, qu'avez vous fait ? Vous le connaissiez ?"

-"Fräulein, merci pour la main tendue."

Encore à terre car perdue dans sa réflexion, Tétradie attrapa la main du patrouilleur et se releva, faisant face à l'individu à la tignasse noire.

-"Je ne le connaissais que peu. Il est... Enfin il était au service d'Herr Henning Ans qui voyageait avec nous. Il est rentré soudainement dans la pièce avec sa blessure, là et s'est effondré sur la chaise avant de... De mourir."

D'un geste anodin, elle s'épousseta les vêtements.

-"Quand je l'ai vu au plus mal, je me suis approché et j'ai essayé de faire ce que je pouvais, c'est à dire pas grand-chose."

Un soupir: c'était vrai, trop vrai. Elle ne pouvait pas grand-chose. Elle allait continuer quand un cri perçant retentit de l'étage. Elle reconnut la voix de la femme de l'aubergiste et en suivant la direction donnée par Ursula, c'était sans doute ça. Encore un cadavre? Que devait-elle faire? Ses instincts lui criaient d'y aller, mais son esprit rationnel ne voulait pas lui faire prendre d'initiative pouvant la faire démasquer. Elle déglutit et tenta en direction du patrouilleur:

-"Ca a l'air grave! Il faut aller voir, vite!"

[[MJ] Le Faussaire]

Choix du joueur : Je vais à l'étage.

En un instant, le patrouilleur bondit en arrière, fonçant tout droit vers l'étage et la source du cri. Il fut suivi de près par tout un cortège - Georgius, Egidius, Nyse -, ne laissant qu'Ursula et le jeune cocher pour surveiller la dépouille de Klosel. L'interrogatoire de Tétradie s'était fini aussi subitement qu'il avait démarré, et vu l'absence de sons en provenance de l'étage, quelque chose de grave était véritablement survenu. De son point de vue et depuis sa petite taille, la novice n'apercevait que l'aubergiste forçant ses filles à se blottir contre lui, et les gants du sergent qui balayaient dans tous les sens.

- "Tout l'monde dehors ! DE-HORS !" hurla ce dernier, suivi de près par un " FAITES PLACE, TOUS !"

Test d'INT : 3, presque parfait.
Test d'INI : 19. Aïe.

Là, elle aperçut enfin des bribes de la scène. Quelqu'un aux cheveux longs était couché sur un lit de paille, un tapis sec et rugueux couvrait le plancher jusqu'à la fenêtre - fenêtre qui était fermée, et couverte de buée ou de givre. Il y avait des briques encastrées dans un mur, formant un relief semblable à une poutre ou une cheminée - elle aussi givrée par endroits. Il y avait un autre lit, vide, encore fait de la veille. Et puis la foule recula, emportant Tétradie avec elle jusqu'à la rambarde de l'étage.

- "Vous deux, vous fermez les portes. Plus personne ne sort ou n'entre.

- Et s'il y a quelqu'un deh-

- Il n'y a personne dehors.

- Mais si -

- Per-sonne."

Le patrouilleur fixa pendant quelques secondes le cocher, qui grommela quelque chose lorsque l'officier lui indiqua l'escalier du doigt. Ce fut au tour de Georgius d'agripper Tétradie, et lorsqu'il le fit, la novice sentit une douleur à ses deux bras. Il avait le visage raide, le regard tremblant. Il souriait maladroitement, et sa mâchoire était si serrée que l'on aurait pu y casser des noix sans aucun problème.

- "Jeune fille, allez voir au dortoir si nos affaires sont là. Dépêchez-vous, oui ? Oui. Dépêchez-vous. S'il y a un voleur par ici ..."

- Qu'y-a-t'il, Herr ? Quelque chose à dire ?"

Là, Georgius lâcha son employée, avant de pivoter au garde-à-vous face au patrouilleur.

- "Non, Herr feldwebel. Je conseillais mon employée à propos de ..."

Il ne finit jamais sa phrase. L'officier pointa l'escalier du doigt, et tous furent congédiés.
***
Durant le reste de la journée, personne n'eut le droit de sortir ou d'ouvrir les portes de l'auberge. Tous les clients réveillés furent invités à se sustenter, à se reposer, ou à faire ce qu'ils voulaient dans la grand-salle, tant que cela ne dérangeait pas les autres convives. Ans Henning passa le plus clair de son temps devant une fenêtre, répondant simplement d'un "Non, je ne veux rien, merci" à chaque fois que quelqu'un lui apportait à boire ou à manger. Les cochers retournèrent à leurs commérages, accompagnés de temps en temps par Ursula et Nyse, et d'autres moments par les deux vieux briscards de la veille - Tumas et Sigmar-sait-son-nom.

Après une bonne heure de doute et d'interrogation, l'aubergiste posa deux bols sur le comptoir, en hommage aux deux défunts et afin de monter une offrande au Bon Père malgré l'absence de cimetière dans le coin. Ensuite, il distribua gratuitement de la nourriture, et sa femme s'affaira pendant tout l'après-midi aux fourneaux, amenant des biscuits au miel et de l'hydromel à tous les clients présents. Leurs deux filles, quant à elles, obéissaient sans un mot lorsque leurs parents leur demandaient, et sinon elles restaient assises près du bar, les yeux dans le vide.

Le patrouilleur, quant à lui, passa sa journée à remuer tous les recoins possibles de l'auberge. Des fois, il errait sans but, pensif et silencieux, tandis qu'à d'autres moments, il battait le plancher, puis il disparaissait une demi-heure dans une chambre, avant de redescendre, demander quelque chose à voix basse à quelqu'un, et ainsi de suite. A priori, le sergent était la seule autorité présente ici, et même si personne n'avait produit le moindre scandale durant le jour, il était difficile de dire si c'était l'ordre ou la peur qui régnait en ces lieux.

Klosel avait été progressivement éloigné de la porte, avant d'être temporairement mis au repos dans le cellier. À l'inverse, on laissa la jeune fille sur son lit de paille, bien que l'on prit soin de l'allonger convenablement, les yeux clos. On laissa la porte fermée, la clé dans la serrure, au besoin du patrouilleur. Elle s'appelait Céleste, et apparemment, ses parents n'étaient pas présent dans l'auberge - ce qui dérangeait terriblement la femme du tenancier.

Enfin, pour Tétradie, une fois qu'elle eut accompli la demande de Herr Georgius, elle fut libre de toute action et de tout mouvement, pourvu bien sûr qu'elle soit discrète si elle désirait fouiller, regarder, s'introduire là où elle ne devait ou devrait pas.

Et puis ce fut la nuit, noire, froide et sans vie.

Je te laisse RP la journée, et régler en MP ce que tu fais. Je n'ai fait aucun jet pour l'instant, j'attends de voir ce que tu veux faire pour jeter quoi que ce soit.

[Tétradie Gondeghissel]

Les jets ont été réglés sur Discord avec le Faussaire.

Les choses s'étaient produites telles qu'elles s'étaient produites, essayer de les changer ne servirait à rien si ce n'était à perdre du temps et de l'énergie. Un homme et une jeune innocente dormaient pour toujours et si pour l'un il semblait évident qu'il y avait eu crime, pour l'autre c'était bien moins sûr. Encore que Tétradie soupçonnait fortement un lien entre les deux affaires tant la coïncidence était grande. Mais si les défunts pouvaient attendre les coupables, eux, prenaient bien soin de prendre la fuite et chaque minute comptait pour les rattraper. Sa mission ne lui avait été confiée que quelques jours auparavant et pourtant elle semblait déjà caduque et obsolète. La priorité était de survivre à ces morts en série et à l'étrange créature qui rôdait dans ces bois. Quand viendrait le temps d'écrire un rapport, elle aurait bien des choses à raconter...

Dans un premier temps il convenait de trouver des traces de pas dans la neige pour identifier le tueur, sauf que sortir du bâtiment était totalement interdit. Tétradie essaya bien de négocier avec le patrouilleur Ulf Lodderson mais rien à faire, l'homme était têtu comme un mulet et s'en tenait à ce qu'il disait: personne ne sortirait tant que l'enquête durerait. Difficile d'être plus clair, ils étaient condamnés à s'entasser les uns sur les autres. Tant pis, songea la jeune femme, il y avait bien d'autres choses à faire, comme par exemple observer les agissements de Lodderson!
Mais rien dans ses mouvements ne pouvait vraiment aider l'exorciste en herbe. Il courait un peu partout, marchait et reculait comme s'il cherchait à comprendre ou imiter quelque chose puis rentrer s'isoler dans sa chambre, sans doute pour y réfléchir en paix et prendre des notes. Peut-être essayait-il également de déterminer le temps qu'il fallait pour aller d'un point A à un point B et sans doute qu'il viendrait ensuite demander les alibis des uns et des autres. Contrairement à certains de ses professeurs, Tétradie n'était pas une enquêtrice très endurcie, mais elle s'avait reconnaître les premiers pas d'une démarche rigoureuse. Restait à faire son travail de son côté. En premier étape, il fallait cacher ses affaires quelque part et se faire oublier un peu. Déjà que ses actes n'avaient pas été très discrets jusque là, elle risquait de complètement faire capoter son déguisement si le coupable ou un curieux allait fouiller dans ses affaires. Alors qu'elle allait les vérifier et les ranger, Georgius lui confia également l'oeuf bleu qu'il avait acheté aux kislévites. Il semblait y tenir et le savoir en sécurité le rassurerait.

Seule dans le dortoir, elle planqua la marteau sous un tas de couverture, si bien qu'il aurait été impossible de l'extérieur de dire que quelque chose s'y trouvait! Ses affaires parfaitement en sécurité, elle prit l'œuf en main une dernière fois avant de le ranger, pour l'observer sous toutes les coutures. Cet objet lui déplaisait énormément. Il était étrange, très peu commun et ainsi suspect au yeux d'une sigmarite qui aimait la tradition et le dogme. Rien de maléfique au premier abord, bien sûr, mais tant de choses n'allaient pas. Sa température tiède par exemple, alors qu'il aurait dû être glacial, comme si quelque chose le chauffait en permanence. Et puis ces ombres à l'intérieur, ces mouvements lointains mais visibles, hypnotiques presque. Un instant elle songea: et si c'était un œuf, tout simplement? Cela expliquerait l'ombre à l'intérieur, ce serait l'oisillon ou la créature qui y dormait ainsi que la température. Son esprit ne pouvait pourtant pas s'y résoudre. Elle avait vu des œufs de poule, d'oie, de caille et même de serpents une fois: ils étaient tous parfaitement ovales là où l'objet en question ressemblait davantage à un gros caillou bleu. Que pouvait elle donc en faire? Il était hors de question de laisser Georgius, un simple marchand, avec un objet pareil. Le briser pourrait régler la question, mais si elle se trompait elle aurait juste perdu son alibi pour rien et sa mission risquerait de prendre un tour déplaisant. Pour le moment, mieux valait le laisser sous les couvertures. Si elle parvenait à trouver un prêtre de Sigmar dans un village du Middenland, elle s'en entretiendrait avec lui. Au pire, s'il commençait à devenir une menace, son marteau ferait l'affaire.

L'objet planqué sous un pied de lit, elle attrapa le carnet du pauvre Klosel et en repoussa la neige devenue de l'eau qui l'écornait. Un peu de sang traînait sur la couverture qui ressemblait à celle de n'importe quel livre imprimé un peu pratique. L'ouvrage semblait avoir du vécu, au vu de l'état de la couverture. Cela semblait cohérent pour le livre d'un serviteur qui aurait voyagé avec Herr Henning, mais tout de même. Au final qu'importait et Tétradie tourna la première page qui révélait un marteau enflammé s'abattant telle une comète. Le symbole sigmarite était évident. Elle pensa qu'il s'agissait peut-être d'un livre d'heure ou un recueil religieux quelconque avant de tourner la page et de découvrir des mots en gothique sans aucun sens. La raison était évidente: tout était codé.

Codé.

Cela sentait mauvais, vraiment mauvais. Klosel était donc un espion ou un agent? De qui? Pourquoi? Et son maître Ans alors? Était-il au courant? Tétradie déglutit, tout ça la dépassait par trop! Elle devait laisser ça reposer dans sa tête quelques minutes et elle reviendrait dessus plus tard. Il faudrait essayer d'en décoder des morceaux pour comprendre la gravité de la chose.
Elle revint dans la salle commune histoire qu'on ne se demande pas ce qu'elle faisait. Elle resta là à observer les visages. La plupart semblaient stressés, inquiets, à l'exception de Nyse qui paraissait prendre les événements avec un calme très suspect. Elle guetta le comportement d'Ans: il paraissait sous le choc même s'il ne l'admettait pas. Elle attrapa un bol de cidre et en but un peu. Elle resterait encore une heure parmi avant avant de retourner dans le dortoir comme si elle allait déféquer dans le pot de chambre. Elle en profiterait pour récupérer le livre et une plume gavée d'encre. Elle avait du travail à faire.

En attendant elle profita de sa présence pour discuter un peu avec l'aubergiste par rapport de la jeune fille partie rejoindre les dieux. Une amie de la famille apparemment, surtout des filles. Pas de signe avant-coureur, pas de maladie particulièrement grave? On mourrait souvent jeune dans l'Empire et personne n'était à l'abri d'un accident, mais la mort subite d'une adolescente paraissait toutefois très suspecte, même à un non-initié. Un empoisonnement peut-être? Se pouvait-il qu'elle avait vu quelque chose qu'elle n'aurait pas du voir? C'était fort possible et il faudrait également tirer cela au clair.

[[MJ] Le Faussaire]

Après avoir bien soigneusement dissimulé ses affaires - grâce à ce drap supplémentaire particulièrement pratique bien qu'absent d'aucune couchette -, Tétradie s'enquit de, selon ses propres dires, << passer un peu de temps pour ne pas paraître suspecte >>.

Et en effet, durant ce temps incertain et inconnu, elle ne fut pas la personne la plus suspecte de l'auberge. Durant son petit temps loin de tous, bon nombre de gens avaient changé de siège, et la plupart des discussions s'étaient éloignées de Tétradie : Georgius était à la table des cochers, les deux passagères s'étaient enfin séparées, Henning regardait désormais les fenêtres obstruées par la neige, tandis que la grande brune - Ursula - discutait avec les deux vieillards devant la cheminée. L'aubergiste et sa famille ne dérangèrent personne, et ce fut plutôt le patrouilleur qui dérangea toute cette organisation, avec ses va-et-vient, ses interrogations silencieuses, ses milliers de pas sans rien dire, etc. Pendant un temps, il s'était assis avec Herr Henning, et malgré le trac et la panique palpable dans le regard de l'Altdorfer, le patrouilleur se leva avec le même air que lorsqu'il s'était assis : l'air agacé.

Puis, le patrouilleur passa près des cochers, et au bout d'une bonne demi-heure, se tourna vers Herr Georgius. Toujours rien à signaler. Rien d'extravagant, rien de terrifiant, sinon le doute et la tension sur les visages. Herr Georgius semblait inquiet, et il lançait parfois des regards vers le comptoir, mais sans plus. Pas une fois il ne pointa le doigt vers Tétradie, et il n'avait pas non plus l'air enclin à la panique ou à la crise de nerfs. Lorsque le patrouilleur repartit à l'étage, Georgius semblait endurci, comme du fer trempé à chaud.

Lorsque l'aubergiste retira les plateaux de nourriture et les marmites tièdes, l'après-midi fut annoncé. C'est après quelques minutes d'attente et d'observation que Tétradie put à nouveau s'extirper de la grande salle, pour retourner à son enquête personnelle.

Alors qu'elle entrait dans le dortoir, elle aperçut quelques rayons qui perçaient le noir derrière la fenêtre. Ainsi, ce qu'elle avait pris pour la nuit n'était en réalité qu'un bloc de neige ou de gel qui était tombé devant la porte. Qu'à cela ne tienne, cette lumière lui permettait désormais de lire sans bougie, mais aussi de réfléchir en dehors des ténèbres.

Stratégie élaborée par le joueur :
Trouver quoi que ce soit qui se répète
Les remplacer par une lettre que je connais
Voir si ça ressemble à quelque chose que je connais
Réessayer.

Si rien ne marche, j'essaye de décaler les lettres selon l'alphabet reikspiel.

Tout d'abord, elle s'enquit d'un encrier, et de quelques feuillets - chose aisée, puisque le matériel fourni par Herr Georgius contenait justement des tablettes d'encre et des plumes. Ensuite, elle chercha un dossier ou une table sur laquelle s'appuyer pour travailler - et là aussi, ce fut chose facile, puisqu'elle était seule dans le dortoir, et que tous les lits vides pouvaient faire office de pupitre si l'on s'agenouillait. Enfin, elle déplia le carnet craquelé, et se mit au travail.

A première vue, les lettres - en admettant que ce furent des lettres - étaient épaisses mais plutôt distinctes, ce qui permettait d'établir une sorte d'alphabet, une liste de symboles. Une fois ceci fait, la novice s'attaqua à l'ouvrage principal : déchiffrer ce code.

Après plusieurs minutes de recopiage, il y avait en effet une lettre ou deux qui apparaissaient souvent : le X et un S rayé - à moins que ce ne soit un B ou un Z ? Quoi qu'il en fut, Tétradie tenta de remplacer symbole après symbole : d'abord par un "e", puis par un "s", puis par "a", et ainsi de suite. Rien ne faisait sens avec cette méthode, et puisque le temps ne jouait pas en sa faveur, elle passa à sa seconde idée : décaler les symboles.

Désormais, le Z était un A, le X devenait C, et puis... Rien. Kyzyncki kwibpt. Cela ne faisait aucun sens. Elle essaya d'autres échanges, d'autres décalage, et soudain, des mots apparurent :

" ?u?de du ?????eu? de ?????e?e?, ..."

Cela commençait à avoir un sens. Quelque-chose du - un lieu, un état, un type d'ouvrage ? -, suivi de "de" - adressé à quelqu'un, une date peut-être ?

Et puis ce fut une autre lettre.
Ce B devint un G ...

" Gu?de du ?????eu? de ?????e?e?, ..."

Ce D se transforma en I ...

" Guide du ?????eu? de ????ie?e?, ..."

Et là, l'avalanche. Alors qu'un grondement soudain survenait au-dessus de sa tête et près des fenêtres - révélant le soleil pâle et le sol immaculé -, elle sursauta devant le texte.

"Guide du chasseur de sorcières, par Kasper von Liebenstein, repris par Frère Eberhart."

Et l'encart en bas de page disait désormais, en lettres manuscrites...

"Corrections de Frère Heinzdork."

- "Vous allez bien, jeune fille ? Voilà longtemps que vous êtes là, vous allez bien ? Un linge chaud, de l'eau peut-être ?"

C'était la voix de son employeur qui la cherchait. Le grand et glabre middenlandais l'appelait depuis le pas du dortoir, sans doute par pudeur ou par respect envers la novice. Sans doute avait-il encore en tête les histoires de demi-lune évoquée précédemment - cela expliquerait le ton inquiet, mais pas la pudeur.

- "Le souper est proche, alors si vous avez faim, n'hésitez pas. Le tenancier peut vous apporter quelque chose au besoin. Circonstances oblige, vous n'aurez rien à payer."

[Tétradie Gondeghissel]

Les premières minutes, la résolution de l'énigme se rapprochait de celle d'un jeu.

Les numéros ne donnaient rien? Pas grave, on pouvait essayer le carré.
Le carré ne donnait rien? Pas grave, on pouvait essayer le décalage.

Et là, après quand même quelques essais, elle obtenait un début de quelque chose. Un point la gênait toutefois.

-"On y voit rien dans ce dortoir à la..."

D'un bond, elle se leva et ouvrit la fenêtre pour pousser la neige qui bloquait la lumière. Quand la luminosité fût acceptable, elle s'épousseta les mains à grandes tapes l'une contre l'autre et partie se rasseoir face au lit pour continuer ses recherches. Plus que vingt décalages possibles! Heureusement le reikspiel avait des lettres qui se répétaient couramment, cela facilitait le travers à condition qu'il n'y ait pas un code dans le code ou que l'écrivain ne parlait pas une autre langue, mais elle en doutait. Personne n'aurait codé une langue étrangère à l'Empire car le codage rendait tout de suite l'écrit suspect et il y avait fort à parier que personne ou presque dans l'Empire ne saurait lire couramment, par exemple, le bretonnien ou le kislévite. Encore que le dernier, dans le Middenland, pouvait se retrouver assez facilement.

-"Le décalage de cinq a l'air prometteur... Donc Z devient E, A devient F..."

Anxieuse, elle mâchonna sa plume de canard en regardant les mots qui se formaient. Encore un peu et elle les aurait tous décortiqués. Quand toutes les lettres furent remplacées, elle n'avait pas encore lu l'ensemble, juste des petits fragments qui lui semblaient cohérents. C'est avec une joie manifeste qu'elle murmura sa réponse:

-"Ah! J'suis trop forte à ce jeu! Allez: Guide du chasseur de sorcières, par Kasper von Liebenstein, repris par Frère Eberhart."

Un instant elle crût que ses yeux la trahirent. Son visage commença à blanchir alors qu'elle relisait:

-"Guide du chasseur de sorcières, par Kasper von Liebenstein, repris par Frère Eberhart... Corrections de Frère Heinzdork..."

Ses joues pâlirent pour de bon.

-"Oh putain... Oh putain... Par Sigmar..."

Sa respiration se fit plus rapide alors qu'elle mettait sa main sur sa bouche. Les pièces du puzzle commençaient à s'assembler! Klosel devait être un chasseur de sorcières ou un acolyte, tout comme son "maître", Ans Henning. Voilà aussi pourquoi le livre était codé: pour qu'ils puissent travailler sans être repérés. Qu'est-ce qui venait de lui tomber sur le coin de la tête? Un serviteur des Sombres se trouvait sans doute dans l'auberge avec eux après avoir assassiné ce pauvre Klosel! Et si ça se trouve, elle serait la suivante et...

- "Vous allez bien, jeune fille ? Voilà longtemps que vous êtes là, vous allez bien ? Un linge chaud, de l'eau peut-être ?"

Tétradie fit un tel bond qu'elle crut bien se cogner la tête au plafond de l'auberge et manqua de lâcher un cri de surprise, qui jaillit néanmoins sous la forme d'un hoquet. Ce n'était rien, juste Georgius. Ce bon vieux Georgius.

- "Le souper est proche, alors si vous avez faim, n'hésitez pas. Le tenancier peut vous apporter quelque chose au besoin. Circonstances oblige, vous n'aurez rien à payer."

-"Ce n'était rien, j'avais besoin de m'isoler un peu. Ca ira mieux dans deux ou trois jours, au plus. Je vais venir souper avec tout le monde."

Elle craignait de se laisser gagner par la paranoïa et il y avait sûrement de quoi. Mais elle devait dompter sa peur avec sa raison et son courage, c'est ce qu'on lui avait toujours enseigné. En l'occurrence, s'isoler ne ferait qu'attirer encore plus l'attention sur elle et elle n'avait pas besoin de ça. Il fallait qu'elle ait l'air normal, le plus normal possible.

-"J'arrive, j'arrive!"

Dès que le marchand eut le dos tourné elle rangea le livre au niveau de son dos, sous sa pèlerine. Ce n'était pas confortable du tout, mais elle tenait à garder ce carnet en sécurité. Dans son idée, il n'était pas qu'un simple ouvrage tutoriel pour des chasseurs débutants mais il renfermait sans doute d'autres informations dissimulées dans le texte. Elle verrait cependant pour la traduction plus tard: le soleil ne tarderait pas à se coucher et travailler à la lumière des bougies après le début la rendrait immédiatement suspecte.

Mais ce n'était pas pour autant qu'elle resterait les bras croisés. Quelque chose lui revint en tête, quelque chose qu'elle avait mis dans un coin de son esprit. Ursula lui avait parlé d'un fugitif, celui que les patrouilleurs recherchaient quelques jours auparavant sur la route de la Drakwald. N'était-ce qu'une coïncidence? Elle avait du mal à le croire.

Et si c'était ça, la clé? Un criminel caché quelque part dans l'établissement qui se serait débarrassé d'un enquêteur gênant? L'idée la fit frémir mais elle pouvait être plausible. Peut-être.

En tout cas elle profiterait du repas pour essayer de trouver des signes de sortie récente sur les gens de la salle, comme des bas humides ou des mains gersées. Restait à voir comment elle occuperait sa soirée après. Une idée lui vint: si elle savait que la mort de Klosel était un meurtre, elle se posait des questions sur l'amie des filles de l'aubergiste: avait-elle assisté à la scène? Avait-elle vu l'assassin? Elle demanderait à pouvoir se rendre à son chevet pour y dédier une prière à Shallya si elle était souffrante ou à Morr si elle n'était plus. Elle insisterait un peu si l'on lui refusait, d'ailleurs.

Ensuite, elle aviserait.

[[MJ] Le Faussaire]

Sitôt conviée, sitôt revenue. Tétradie n'avait pas trainé, ou bien c'était Georgius qui avait un peu trop attendu devant la porte close. Dans tous les cas, tous revinrent dans la grand-salle, où pratiquement tout le monde sirotait quelque chose à boire pendant que l'on s'affairait chaudement en cuisine. En fait, de la vapeur sortait par bouffées de l'arrière-salle, emportant par à-coups des odeurs de graisse animale, de sel, de pain en cuisson - un bon repas en perspective. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu un bon repas, tiens. Cela faisait au moins ... Six ou sept heures - autant dire une éternité.

En attendant que le repas arrive pour de bon, et plutôt que de saliver bêtement autour d'une bière comme les cochers et son employeur, Tétradie préfera retourner vers l'âtre bien chaud, de peur sans doute d'aggraver son coup de froid de la veille. Cependant, une fois arrivée au pied de la cheminée, elle ne trouva aucun siège libre, hormis un espèce de tabouret molletoné, dont elle avait oublié le nom spécifique. En effet, sur les deux grands fauteuils couverts de fourrures grossières et de couvertures du même acabit, il y avait les deux vieillards, les deux fumeurs de pipe de la veille, qui n'avaient pas l'air d'avoir bougé d'un cil depuis hier. Tous deux étaient tournés vers les flammes, les mains emmitouflées dans des mitaines ou autour d'une pipe en terre cuite.

A priori, les deux anciens - mais aussi doyens de cette auberge - avaient fermement ancré leurs habitudes et leurs postérieurs dans ces sièges, tant et si bien que l'un et l'autre semblaient ne pas avoir bougé de la journée ou de la nuit. Occupés à murmurer des réflexions et racontars, ils en étaient à l'étape des élucubrations et des légendes folkloriques, puisqu'ils racontaient alors, l'un à l'autre sans se soucier la novice :

- J'sens qu'c'est quequ'chose d'pas normal, s't'affaire. Ca sent les cochonneries tout ça. Les trucs pas nets. Manquerait pu qu'on m'pique ma hache et qu'ce monstre s'égare...

- Et t'en f'ras rien, oui. Le patrouille a dit d'rien faire, va pas t'faire des ennuis avec lui. C'est sans doute une grosse bête qui rôde, oui, l'genre à gambader et porter des vaches...

- Pour sûr qu'ça porte des vaches, la p'tite-là a dit qu'ça avait porté un ch'val.

- C'est ben l'temps qui faut pour ça, hein. L'genre des bêtes féroce, vicieuses qui bougent avec le vent glacial."

A cet instant, une énième bourrasque s'engouffra dans la cheminée, écrasant un court instant les flammes. Rien de surnaturel à priori, hormis la coïncidence parfaite. L'un des vieillards se leva, tandis que l'autre tirait sur son tabac.

- Qu'est-ce qu'y a donc là-d'sous qu'y gêne tant ? fit-il en passant la tête dans l'âtre en perdition.

- Tiens, gamine, tire-voir la tringle qu'est là, à gauche. Vite, sans ça il s'fume les os dès qu'ça repartira" indiqua l'autre, pointant du doigt une tige en fer noir de l'autre coté de la cheminée, juste à portée de bras de Tétradie. Si elle obéissait au vieux bûcheron, alors elle pourrait actionner un mécanisme caché dans la cheminée, semblable à ceux que l'on trouvait au couvent - ces leviers qui permettaient tantôt d'enfumer, d'aspirer ou de contrôler la quantité de flammes dans un foyer. Une fois ceci fait, l'autre vieillard se rassit après quelques secondes, avec quelque quinte de toux.

- Rien que l'vent, pfeuh-ha.

Ils continuèrent ainsi leurs petites jérémiades sans but jusqu'à l'arrivée du repas, et même après. Lorsque le service du soir fut lancé, chacun reçut à sa table ou à sa place particulière une grande assiette en bois, une épaisse part de tourte, et une bonne louche de soupe chaude et vaporeuse par-dessus. D'un seul coup d’œil, il y avait là pour une bonne demi-heure de mastication - plus si l'on se rationnait.

Pendant qu'elle dégustait sa part de farce à l'épaule poivrée et collier de bœuf broyé, elle put remarquer... Qu'il n'y avait rien à remarquer. De son siège, personne n'avait de salissures sur les bottes, personne n'était trempé ou frigorifié - hormis Nyse, qui reçut accidentellement le gobelet de vin de Henning sur sa cape alors qu'il essayait de se frayer un chemin entre les tables. Ce dernier s'excusa de manière très confuse et très urbaine, avant de se rassoir seul, sans vin ni compagnie.

Le patrouilleur, quant à lui, se fit remarquer par son retard au repas. Il fut ainsi servi en dernier, tout autant qu'un autre, et malgré toutes ses manières, il ne put rejeter le gobelet d'hydromel offert par le tenancier. Il mangea rapidement mais proprement, avant de retourner vers l'escalier - moment où Tétradie l'interpella pour accéder à la défunte. Prétextant le besoin de se rendre à son chevet pour prier, elle fut d'abord reçu avec compassion et tact, avant d'être tout bonnement laissée sur place, avec un simple "Bonne soirée, Fraulein" en guise de réponse.

- "Allons, lâchez-lui un peu la grappe, ce n'est pas comme ça qu'on gagne un homme" fit une inconnue en lui attrapant le bras.

Cette inconnue, ce n'était nulle autre qu'Ursula, la fière femme avec son chignon grossier et sa balafre sur sa joue gauche. Vu l'humeur que son visage exhalait, elle n'en était pas à sa première bière, ni la troisième, puisqu'elle avait les joues rosies par la fatigue, quelques mèches tombantes de-ci de-là, ... En fait, seuls ses yeux verts pâles étaient encore frais.

L'amenant jusqu'à son épaule pour la ramener vers les tables, elle lui glissa une longue tirade en chuchotant

- "Une femme dans votre situation ne devrait pas rester seule si longtemps, non ? Vous allez attirer les regards intrigués, ou pire, suspects."

Et puis elle éclata de rire, penchant la tête comme si elle avait entendu une soudaine blague - et ce, quelle que fut la réponse de Tétradie. Du reste de la soirée, la novice ne put s'isoler à aucun moment, car il y avait toujours un jeu à faire, une histoire à écouter, une partie à regarder, un gobelet à finir ou une charade à comprendre.

Test de VOL pour rester calme - 10.
Test d'INT - Tétradie : Résultat secret.
Test de CHA pour commérer - 12, mouaip.
Test de CHA pour persuader/convaincre/amadouer - 13v11. Journée de merde, visiblement.
Test d'INT - ??? : 7.

[Tétradie Gondeghissel]

-"On y voit rien dans ce dortoir à la..."

Les yeux fixés sur les flammes vivent qui dansaient dans l'âtre de la cheminée, Tétradie pensait. On ne se figure pas correctement ce que c'est qu'être enfermé avec un ennemi invisible, pouvant frapper à n'importe quel moment et dont les motivations et les capacités restaient encore à découvrir. Elle soupira en tirant la tringle, attisant ainsi les flammes qui se levèrent plus haut qu'auparavant, alimentées par un vent frais venu de l'hiver. Tandis que les deux ancêtres déblatéraient des propos à moitié fous, elle resta assise à fixer les cendres qui voletaient et à écouter le crépitement du feu. Tout cela lui donnait une idée qui lui servirait sans doute pendant la soirée...

-"A table, le repas est prêt!"

En se retournant, Tétradie s'aperçut qu'on lui apportait à sa place devant la cheminée la part de tourne et le potage chaud au-dessus, mais elle préféra plutôt aller les manger avec les autres. Elle voulait voir si sa théorie dite des "bottes humides" se confirmaient. La réponse fût négative: personne n'avait rien de suspect, pas même le patrouilleur qui restait un suspect potentiel.
L'exorciste croqua dans une part de tourte. "Mince, c'est chaud! C'est chaud! C'est chaud!" Elle se força néanmoins à l'avaler avant de reprendre le cours de ses pensées. Personne n'avait rien de suspect: pas de sang sur les vêtements, pas d'habits humides et trempés. Un ronchonnement s'échappa de ses lèvres alors qu'elle plantait sa cuillère dans un morceau de viande. Elle songea tout de même avec un certain opportunisme: "Il faut que je me rappelle de ce que Père Erich disait: L'absence de preuve peut être une preuve à part entière.
Peut-être que cela confirmait sa première intuition et que le tueur n'était pas un membre du convoi ou de l'auberge mais bel et bien un extérieur qui se terrait quelque part au-dehors, peut-être justement près des écuries ou dans une réserve quelconque. Mais alors, comment pouvait il survivre par ce froid? La question restait ouverte.

Sa tête lui fit mal en essayant de mettre ensemble des éléments qui lui paraissaient contradictoire. Il devait y avoir une issue, une explication, c'était juste qu'elle ne la voyait pas encore.

Mais autour de Tétradie le repas s'achevait et les discussions reprenaient bon train. On parlait de tout et de rien, on essayait d'oublier les horreurs de la journée. On buvait aussi, beaucoup. Le cidre et la bière, ainsi que d'autres boissons plus fortes, coulaient dans les gosiers avec un glougloutement insupportable. Après un soupir, la nonne attrapa un grand cidre et se l'enfila d'un seul trait avant d'en servir un autre. Elle aurait préféré ne pas intellectualiser la situation, seulement profiter du moment comme elle le faisait parfois aux fêtes religieuses, mais comment le pouvait elle? Plus que tout autre ici elle se sentait en danger.
A vrai dire, elle ne voyait qu'un seul innocent à coup sûr: Ans Henning. Il était le compagnon, et apparemment le maître officiel, de Klosel et sa mort semblait l'avoir plongé dans un état d'attente calme. Selon Tétradie, un coupable aurait au contraire surjoué la tragédie, le chagrin, afin de donner le change. Son comportement peu affecté signifiait sans doute qu'il n'y était pour rien et même peut-être qu'il savait les risques encourus. S'ils étaient réellement des chasseurs de sorcières, alors rien de plus normal.

Un peu plus tard dans la soirée, quand elle essaya de monter au chevet de la jeune défunte, elle se fit sèchement rembarrer et se retrouva, vexée, à devoir supporter les assauts très peu subtiles d'Ursula, qu'elle finissait par connaître.

- "Allons, lâchez-lui un peu la grappe, ce n'est pas comme ça qu'on gagne un homme. Une femme dans votre situation ne devrait pas rester seule si longtemps, non ? Vous allez attirer les regards intrigués, ou pire, suspects."

-"Je ne suis pas seule vu que je voyage avec Herr Georgius et que nous sommes attablés. Maintenant..."

L'haleine qui puait la boisson, la voix déraillée et hésitante ou le fait qu'Ursula lui tenait le bras: qu'est-ce qui était le pire? Tétradie râla en dégageant la pogne d'Ursula de sa chair. Une femme sans doute intéressante, certes, mais qui tenait visiblement fort mal l'alcool. L'exorciste allait l'envoyer paître avec une réponse bien sentie quand elle s'arrêta.

-"Maintenant... Ca vous dirait une partie de dés, vue que vous allez l'air inquiète que je sois seule? Hola tavenier! Tu aurais des dés pour nous, s'il-te-plait? "

Une fois la table installée et les dés dessus, Tétradie se tourna vers Ans.

-"Vous venez jouer avec nous? Ca vous permettrait de penser un peu à autre chose."

Elle essaya de lui offrir un beau sourire, mais tout ce qu'elle parvint à donner fût une demi-lune triste.

-"Et puis ce serait une occasion de discuter un peu. Dans cette diligence, tout est toujours silencieux..."

S'il refusait trop sèchement, elle n'insisterait pas. Cet homme avait des secrets, bien des secrets. Peut-être que s'il voyait en elle une alliée, il accepterait de les partager et tout cela la mènerait encore un peu plus près de la Vérité.

Et la partie... Ne se déroula pas tout à fait comme Tétradie l'espérait. Déjà parce qu'après une première série de victoires elle finit par perdre, ce qui était tout de même gênant quand elle se savait championne de yami dans la chambrée (par trois fois!) mais aussi par le fait qu'Ursula parlait comme la dernière des ivrognes. Un ton moqueur avec une voix peu assurée, des rapports tactiles beaucoup trop proches. Rien de tout cela ne plaisait à la jeune nonne qui prit bien soin de se placer loin de la patrouilleuse. C'était dommage, elle l'appréciait au début... L'alcool changeait les gens, pas forcément pour le meilleur. Cela ne l'empêcha pas de reprendre un cidre et de l'avaler en deux gorgées.

En tout cas son plan ne fonctionnait pas. Herr Henning restait silencieux, pensif et ailleurs et ne pipait mot. Elle grimaça: comment lui faire cracher le morceau et enchaîner sur une alliance? La réponse devait lui venir quand elle termina la partie, délestée de ses pistoles. Une nouvelle bière fût offerte à Ursula, en précision bien "une costaude". Cela fait, Tétradie se retourna vers Ans pour lui demander d'un air affecté:

-"Vous avez l'air très affecté, herr. Vous étiez proche de Klosel? Je veux dire, il était plus que votre valet pour vous? C'est une horrible histoire que tout cela, si seulement on pouvait comprendre ce qu'il s'est passé..."

[[MJ] Le Faussaire]

Test d'INT : résultat secret.
Test de CHA vs VOL : 5 v 17.
Test secret : 3, facile.

-"Vous avez l'air très affecté, herr. Vous étiez proche de Klosel? Je veux dire, il était plus que votre valet pour vous? C'est une horrible histoire que tout cela, si seulement on pouvait comprendre ce qu'il s'est passé..."

Pendant que Ursula balayait les gobelets vides d'un bras en suivant du regard les gesticulations du plus jeune cocher, l'altdorfer lâcha un soupir, regardant légèrement au-dessus de Tétradie, le regard vide. Après quelques secondes - le temps que la brune agrippe sa nouvelle bière -, il dit enfin :

- " C'était ... un ami. Vous savez ce que c'est, oui ? "

Il laissa tomber les mots sur la table, avant de secouer la tête

- " Pardon, je ne voulais pas dire ça , je ... Excusez-moi, je ne voulais pas émettre de sous-entendu..."

D'un simple signe, la novice accepte les excuses, et reprend :

- " Oui, perdre un ami c'est toujours très dur. Quelle horreur que cette histoire, tout de même... Et moi qui pensais que toutes les personnes ici étaient des gens honnêtes! Comment cela a-t-il bien pu se produire...

- Je ... Oui, c'est horrible, oui. Vous pensez que c'est un homme qui a fait ça ? Vous pensez que Klosel a croisé quelqu'un de mal intentionné ? ... Tout ce que je sais, c'est qu'il voulait s'occuper des chevaux, et que ... "

Et le reste de sa phrase se perdit. La novice resta pensive quelques instants elle aussi.

-"J'ai vu la blessure sur lui avant qu'il ne... rejoigne Morr. Ce n'était pas une blessure accidentelle, ce n'est pas possible. Et la veille nous avions eu un problème avec les chevaux, un mort parmi eux... Je..." dit-elle avant de se mordre les lèvres.

- "Il aurait fallu être fou pour aller seul aux écuries. Fou ou déterminé à trouver quelque chose... Je ne sais pas ce qu'il cherchait, herr, mais vous aviez un ami valeureux."

Étonné, un sourire s'échappe de son visage.

- " J'imagine que oui, même si je ne sais pas s'il savait ... Il était très méticuleux vous savez, c'est pour cela qu'il me suivait. Toujours à remettre les choses à leur place, à se tenir droit, à parler comme il faut, ... "

Puis, en lorgnant vers les cochers et la brave Ursula, il lance d'une voix plus retenue :

- " Il ne buvait jamais, même quand je lui en offrais. C'était contraire à ses principes, qu'il disait. Je le traitais de morrien intégriste, mais il ne l'a jamais pris comme une insulte. Hmpf, c'est ironique ça, non ?

- Il y a des gens comme ça, on dirait que la moindre larme de cidre va leur brûler la peau ! "

Elle sourit elle aussi, avant de trinquer - ce qu'il accepta volontiers. Après quelques gorgées, la discussion reprit de plus belle :

- " Vous vous connaissiez depuis longtemps ?

- Oui, oui. Depuis ... Trois ... Quatre ans, peut-être ? Je ne sais plus d'où il est arrivé, mais il était souvent dans son coin avant que je le mette à mon service. Le genre qui passe la journée dans un salon, à lire sur une banquette avec un verre d'eau et rien d'autre. Ce n'est pas le genre que l'on cherche dans les grandes maisons, mais il m'a souvent été utile.

C'est ... C'est même grâce à lui si je suis ici."

S'attendant à d'autres questions, il ne surenchérit pas, sauf lorsque Tétradie resta silencieuse, hochant du chef pour le relancer.

- " J'ai ... J'ai eu quelques soucis avant mon départ, vous savez. J'ai essayé de suivre le rythme et j'y arrivais bien, mais cette ville commençait par me ronger. C'est là que Klosel m'a proposé de prendre l'air, de voyager.

Je pensais qu'il voulait se débarrasser de moi, et puis, non. Il m'a suivi sans problème, et m'a aidé à choisir ce qui était nécessaire ou superflu. Il n'avait que peu d'affaires de son coté, vu qu'il était mon valet, mais tout était toujours bien rangé.

C'est d'ailleurs la première chose qu'il a fait en arrivant : Ranger la chambre. Si vous saviez comme cela le rongeait de voir le moindre désordre !"

Enfin, il arrive à rire un peu, même si ses yeux sont marqués par la fatigue et le deuil.

- " Et vous, en dehors de ce voyage, comment vous êtes vous retrouvé ici ? "

[Tétradie Gondeghissel]

En vérité, il était intolérable de voir à quel point cet homme était... Banal. C'était le mot: banal. Porter le deuil d'un proche ne tendait pas à rendre une personnalité plus intéressante, certes, et chacun faisait avec la vie que Sigmar lui avait donné finalement, mais là... Si ça n'avait été pour Klosel et ses secrets, Tétradie doutait qu'elle se serait attardée à son chevet. C'était cruel, mais la situation l'exigeait: le temps manquait.

Mais si Sigmar enseignait la force dans la défense de l'Empire, il apprenait également à ses fidèles la détermination à accomplir un objectif et dans une certaine mesure la compassion quand une troisième force entrait en jeu.
En tout cas quelque chose ressortait de ce petit entretient: qui que Klosel ait pu être, il avait mené une double vie depuis longtemps, cachant savamment son identité à son maître. Dans ces conditions, son intransigeance envers le rangement n'était que le cache-sexe qui lui servait à masquer les preuves de ses agissements, c'était l'évidence. Peut-être même que le code sur le livre lui aurait permis de brouiller les pistes si Herr Henning avait découvert l'ouvrage.

Mais pourquoi? Pourquoi un chasseur de sorcières, s'il en était bien un, se serait introduit chez un homme qui semblait, il fallait le dire, plus que commun? Riche peut-être, après tout n'avait-il pas réservé la chambre privé de l'auberge, mais des gens comme lui il y en avait bien d'autres. Peut-être qu'il ne cherchait qu'un protecteur, qu'une couverture et que le hasard a fait que ce fût Henning et pas un autre.

-"Quatre ans? C'est un temps suffisant pour construire une amitié solide, je pense..."

Gagner du temps.

Il avait parlé d'une chambre mise en ordre mais Klosel avait son grimoire avec lui quand il était sorti dehors. Un tel homme n'aurait pas simplement oublié un livre sur lui. S'il l'avait, c'était pour une raison, raison qu'il lui faudrait découvrir. Peut-être parce que ces pages contenaient des bénédictions capables de combattre la chose rôdant autour de l'auberge? Parce qu'elles permettraient de l'identifier. Dans tous les cas, la prochaine piste à étudier serait de fouiller la chambre privée pour en découvrir les objets cachés.

Tétradie chercha un plan mais n'eut aucune idée qui aurait plu à Sigmar. Se dévoiler en tant que religieuse pour réclamer une inspection était hors-de-question, pas plus que de s'offrir à Henning pour "diminuer son chagrin". Restait la dernière option, pas la meilleure clairement mais c'est tout ce qu'elle avait pour le moment. Elle demanda une nouvelle pinte à l'aubergiste, une grande, et la proposa au malheureux à côté d'elle.

Une question lui avait été posée, également. Heureusement elle avait une excuse toute trouvée.

-"Oh, ma vie n'a rien d'intéressante. Je gagne ma croûte en faisant des écritures, je vais retrouver un peu de famille dans le Middenland afin d'y trouver d'y passer l'hiver. C'est ironique, non? Passer l'hiver là où il est le plus rude! Mais on est comme ça, chez nous!"

Souhaitant évacuer le plus vite possible ce sujet, elle en revint à Klosel. L'objectif était simple: faire tellement boire Henning qu'il en tomberait de sa chaise ou endormit sur la table. Là, tout dépendrait de la situation: ou bien elle lui piquerait la clé de ses appartements si personne ne la voyait et aller y fouiner ensuite, ou bien le porter à bout de bras et le coucher dans son lit ivre mort pour ensuite fouiller en toute tranquillité. Tétradie grimaça en son for intérieur: ce n'était pas bien de faire, pas bien du tout. Mais mieux valait une gueule de bois que mourir.

-"Vous sortir de la ville? Tel que vous en parlez, on dirait presque qu'il agissait comme un frère pour vous. Vous saviez ce qu'il faisait avant d'être domestique? Parlez, parlez! Ma mère me disait toujours que ça soulageait de parler des gens qu'on a aimé."