[Raël] Sauvetage et vengeance

[[MJ] Le Sombre Garde]

Le premier passant que Raël tenta de questionner ne lui jeta même pas un regard et continua sa route comme si de rien était. Le second et le troisième le regardèrent mais haussèrent les épaules devant sa requête. Pour ne rien arranger, le ciel s'était couvert de nuages noirs et une pluie fine commençait à tomber, ce qui n'arrangeait rien au bourbier qu'était la partie basse de la ville. Le Scythien en avait plein les chaussures au sens propre du terme. Il commençait à désespéré lorsqu'enfin un homme d'un certain âge consentit à s'arrêter et à répondre à sa question.

« Le temple de Morr vous dîtes ? Il est en haut de la colline, vers les remparts. L'est toujours ouvert donc vous avez pas d'inquiétude à ce sujet. Vous prenez tout droit, puis quand vous arrivez à une grand place la seconde rue à droite. Vous la suivez jusqu'au bout, elle croise une rue qui la coupe. Vous la suivez vers la gauche. Une fois arrivé tout en haut, vous suivez la première rue à droite. Vous finirez par tomber sur le temple. Vous ne pouvez pas le manquer. »

Malgré des indications somme toute assez claire, Raël se perdit rapidement dans les rues de cette ville qui tenait bien plus du labyrinthe que d'autre chose. Les rues étaient étroites et humides – même si cela s'arrangeait en montant – et les gens marchaient vite, sans se parler, se bousculant les uns les autres. Plus d'une fois le Scythien fut à deux doigts de finir dans la boue. Finalement, après avoir redemandé par trois fois son chemin il finit par arriver au temple.

Celui-ci se tenait presque contre le rempart, à côté du cimetière communal. Il avait une petite cour devant lui, ceinte par une muraille de pierre. La seule entrée était un portail ouvert, surmonté d'un linteau de pierre. La cour était pavée et un vieil homme était en train de la balayer. Personne ne l'empêchant de rentrer, Raël put pénétrer dans le temple proprement dit. Juste quand il passait la porte, il dut s'effacer pour laisser sortir un homme en armure. Celui-ci était de haute taille, et engoncé dans une armure de plate complète peinte en noir. Nulle parcelle de chair n'était visible, de la maille protégeait les jointures de l'armure. Le casque intégrale était encadré de deux petites ailes de corbeau. Les deux rondelles étaient façonnées à l'image de rose, noires également. Le chevalier jeta un regard silencieux à Raël avant de se poster dans la cour.

L'intérieur du temple était illuminé par des candélabres. Des hommes en soutane noire vaquaient à diverses occupations. L'un d'eux s'approcha de Raël et lui sourit. C'était un vieil homme, dans la cinquantaine, mince – presque maigre – mais avec un visage doux et un sourire chaleureux.

« Bienvenu. Je suis le père Müller. Que puis-je faire pour vous ? »

[Raël Khem]

Le plan de cette ville avait dû être dessiné par un singe hurleur, c'était la seule explication plausible dans l'esprit de Raël à l'existence cet espèce de labyrinte boueux. Le pire étant que les gens, non contents d'être sales et peu avenants, étaient aussi râleurs, méchants, mauvais, perfide etc... Enfin bref. Le Scythien parvint néanmoins par pure chance (et quelques indications, aussi) à son objectif. Par rapport aux pyramides qu'il avait vu toute sa vie le temple n'était guère impressionnant, mais il s'en dégageait quelque chose de sinistre. Alors que les monuments des défunts nehekhariens étaient symboles de résurrection, cette église était juste symbole de mort, de néant.

En entrant dans la bâtisse le guerrier croisa le chemin d'un géant en armure noire. Il se dégageait de lui une force prodigieuse, mais aussi une impression de robustesse, d'incorruptibilité et de stoïcisme. Repensant aux récits que lui avaient fait ses pairs, Raël se suggèra intérieurement qu'il devait s'agir d'un de ces redoutables "garde noir". Et dire qu'un jour peut-être il lui faudrait en affronter... La perspective le terrifia.
Mais bientôt se dressa devant lui un des prêtres du lieu, un homme qui semblait correct, peut-être bon. Comment lui parler en restant compréhensible avec son accent arabéen? Et surtout comment l'appeller? "Mon Père"? Hors de question, Djaf pourrait voir celà comme un blasphème. Il opta finalement pour ce mot qu'utilisait tout les occidentaux. S'assurant d'être assez éloigné d'une oreille indicrète, Raël fit son récit à ce Müller.

-"Messire. Un monstre impie, je crois que vous les appellez "vampires", se cache à Carroburg. Il y a dix jours j'étais à Marienburg avec Aziz, un enfant qui est aussi mon serviteur, ce fils de Celui-qui-ne-doit-pas-être-nommé, m'a piégé, me laissant presque mort, kidnappant l'enfant et me volant une relique qui m'est chère. Avant de s'en aller la créature m'a confiée que si je voulais le poursuivre, je devrais venir à Carroburg. Connaissant l'aversion de votre temple pour ces bêtes, je me susi empressé de venir ici à mon arrivée, par bateau...

Laissant un peu la tension retomber, il planta son regard dans celui de son interlocuteur. Espérons qu'il ne soit pas trop déboussollé...

[[MJ] Le Sombre Garde]

Le prêtre leva ses mains devant en lui en signe de calme. L'accent étranger et le débit rapide de Raël l'avaient perdu un petit peu mais il avait comprit le principal. Et ce qu'il avait compris ne lui plaisait pas du tout. Mais vraiment pas.

« Calmez vous mon fils, calmez vous. Et ne m'appelez pas messire, je ne suis pas noble. Mon père ou Père Müller iront très bien. Suivez vous, voulez vous ? »

Il mena Raël à l'intérieur du temple. Il ouvrit une petite porte à droite de l'autel qui donnait sur un escalier en colimaçon. L'ensemble du bâtiment était très propre, en complète contradiction avec l'état des rues à l'extérieur. Les murs étaient nus, de la pierre grise bien taillée. Sans doute du travail de nain. Au premier palier le prêtre ouvrit une porte et s'engagea dans un couloir. Le sol était recouvert d'un épais tapis qui étouffait le son des pas, mais les murs étaient toujours sans décoration. Les portes aussi étaient simples. Le père Müller ouvrit la deuxième à droite et pénétra dans la pièce, le Scythien à sa suite.

Il s'agissait d'une petite pièce où se trouvait un bureau en bois noir devant une bibliothèque assez fournie. Le siège du prêtre était recouvert de velours violet mais à part cela et le tapis omniprésent, la pièce était aussi simple que le reste du temple de Morr. Un sablier trônait sur le bureau au côté d'un vase de roses noires. Des parchemins étaient entassés en piles nettes de l'autre côté. Le père Müller fit signe à Raël de s'asseoir sur la chaise en face de lui.

« Nous serons plus à l'aise, et plus tranquille pour discuter ici. Bien. D'après ce que j'ai compris, vous venez d'arriver de Marienburg. Là, vous avez affronté une personne que vous pensez être un vampire et qui a kidnappé un enfant – Aziz c'est cela ? – qui vous accompagnait. Ainsi qu'une relique que vous désiriez ou que vous possédiez. J'ai tout bon ? »

Sans attendre que Raël confirme, il enchaina.

« J'ai plusieurs questions. Premièrement, comment savez vous que cet être est un vampire ? Ce n'est pas une accusation à lancer à la légère, il faut que vous compreniez cela. Deuxièmement, il faut me dire tout ce dont vous vous souvenez à son propos : noms, description physique, éventuels suivants. Ce genre de choses. Troisièmement, pourquoi êtes-vous toujours en vie ? Qui me dit que vous n'êtes pas un de ses serviteurs qui compte m'amenez dans un piège ? »

[Raël Khem]

Se calmer? Oui, c'était probablement la meilleure des choses à faire. Les vampires vivaient grâce à la peur et l'ignorance des gens après tout. Raël fût rassuré quand il entendit le religieux lui demander de l'accompagner plus profondément dans le Temple, il avait été pris au sérieux, c'était déjà une victoire en soi.
Avec impatience, le père Müller commença sa série de questions.

-"J'ai plusieurs questions. Premièrement, comment savez vous que cet être est un vampire ? Ce n'est pas une accusation à lancer à la légère, il faut que vous compreniez cela. Deuxièmement, il faut me dire tout ce dont vous vous souvenez à son propos : noms, description physique, éventuels suivants. Ce genre de choses. Troisièmement, pourquoi êtes-vous toujours en vie ? Qui me dit que vous n'êtes pas un de ses serviteurs qui compte m'amenez dans un piège ?"

D'accord, ses interrogations étaient pertinentes et ses doutes fondés. Les impies étaient des créatures si vile, un tel plan -attirer un religieux dans un traquenard- était totalement dans leurs habitudes. En essayant de parler le plus distinctement possible, le Scythien répondit.

-"Je sais qu'il est un vampire, je l'ai vu, la bouche gorgée de sang, se relever du corps d'une victime. De plus il m'a mis à terre sans que j'ai même pu réagir, mes coups de ne le blessaient pas: sa force était surnaturelle. Pour son apparence, je me souviens... Yeux verts, très mince, assez grand, peau blanche, habits de qualités, nez fin, un début de barbe et large d'épaules.

La troisième question était plus problématique. Pourquoi était-il vivant? Il n'en avait lui-même aucune idée, mais il fallait bienrépondre...

-"Je ne sais pas pourquoi je vis encore. Il m'a laissé gravement blessé, peut-être pensait-il que j'allais mourir dans mon sang après une longue agonie. Je ne sais pas... Mais veuillez-ne pas m'insulter en me soupçonnant d'être avec ce genre de monstre. Mon "Père".

[[MJ] Le Sombre Garde]

Le prêtre soupira et se renfonça dans son fauteuil.

« Ce que vous me décrivez m'a tout l'air d'être un vampire en effet. Et leur cruauté et leur ruse est fort bien connue. Peut-être cherche-t-il à s'amuser avec vous, qui sait ? Mais ce que vous me décrivez de lui peut correspondre à pas mal de monde : assez grand et large d'épaules, yeux verts, nez fin. Si vous saviez le nombre de Middelander qui sont comme cela, vous comprendrez mon abattement. Pour le début de barbe et les habits de qualité, rien de plus simple que d'en changer. Si à la limite vous m'aviez donné son nom ou celui de personne agissant avec lui, cela aurait pu nous aider, mais là j'ai bien peur d'être sans ressources. Il vous a défait tout seul, il n'était pas accompagné ? Si non, je vais avertir mes prêtres et mes fidèles de garder les yeux ouverts, mais j'ai bien peur que vous perdiez votre temps à le retrouver. »

[Raël Khem]

Laissez partir ce vampire comme ça? Avec le précieux artefact qu'il avait volé? Impensable! Une information, une précieuse information c'était tout ce qui manquait... Allez, son nom... Pourquoi les occidentaux avaient-ils toujours des noms aussi impronoçables? S'en rappeller, s'en rappeller... Et le mot lui vint à l'esprit!

-"D'Albon! Il s'appellait Romain d'Albon j'en suis certain! Et il était accompagné, toute une bande de brigands, mais je ne connais pas leur nom..."

Les possibilités étaient bien peu nombreuses, mais comment retrouver un homme, fût-il vampire, dans une ville de cette taille? Même Raël se doutait que le temple ne pourrait pas fouiller chaque foyer pour rechercher l'objet et Aziz... Encore une situation impossible dont il allait devoir se tirer. A coups de kopesh, probablement.

[[MJ] Le Sombre Garde]

Le prêtre poussa un soupir de soulagement : enfin une piste !

« Bien, c'est un bon départ. L'arrivée d'un noble avec une suite conséquente n'a pas pu passer inaperçue. Je vous demande un instant. »

Il se leva et se dirigea vers la porte, puis l'ouvrit. Le prêtre de Morr passa la tête à travers l'ouverture et interpella un homme qui passait dans le couloir.

« Hans ! Allez tout de suite me chercher le frère Viktor. C'est extrêmement important alors dépêchez vous ! »

Puis il revint s'asseoir à son bureau et s'expliqua.

« Le frère Viktor est la personne chargée de se tenir au courant des affaires du monde extérieur. Il est notamment en lien avec des prêtres de Ranald. Ils savent toujours tout ce qui se passe, quel que soit l'importance du fait. Si quelqu'un peut nous renseigner, c'est bien lui. »

Après un petit temps d'attente, un jeune prêtre sec et barbu entra dans l'étude.

« Vous m'avez demandé mon père ? »

« Oui frère Viktor. Installez vous, installez vous. Voici un étranger nouvellement venu qui est porteur de nouvelles préoccupantes. Avez vous récemment entendu parler d'un certain Romain d'Albon, arrivé de Marienburg dernièrement avec une suite importante. »

Viktor prit son temps pour réfléchir. Finalement, il annonça.

« Je n'ai connaissance d'aucun Romain d'Albon. Par contre, il y a un seigneur, Herr Roman von Herzang qui est arrivé de Marienburg récemment. Ce n'est pas un inconnu en ville, il y possède un manoir. Et sa suite était réduite : trois personnes seulement, dont son majordome et garde du corps, Reginald. Un grand borgne musclé, au crâne rasé. Si c'est lui dont vous parlez, il sera aisé de parvenir à lui. Qu'a-t-il fait ? »

Le père Müller laissa à Raël le soin de s'exprimer en premier, sans doute pour corroborer les dires du frère Viktor.

[Raël Khem]

Sur sa chaise, Raël sursauta en entendant parler du "grand borgne costaud", il pensait bien sûr au type qui servait de premier homme de main au vampire, ce rustre à qui le guerrier aurait volontier tranché la tête d'un coup de kopesh...
En se repassant dans sa tête les phrases du clerc, deux petits détails alarmèrent notre Scythien, qui n'hésita d'ailleurs pas à en faire part aux deux religieux devant lui.

-"Oui, le borgne que vous avez décrit faisait partie de la bande, je m'en rappelle. Mais ils étaient bien plus que trois... Mais quelque chose me chagrine... Auriez-vous entendu parler d'une statuette en or, en forme de chacal, qu'il transporterait? Ou d'un petit enfant, a peu près dix ans, qui voyagerait avec lui?

Nerveusement, il commença à tripatouiller un pan de tissu de ses habits, plus sa quête avançait et plus la tournure qu'elle prenait l'inquiètait. Et dire qu'il était parti fier et plein d'espoir, la recherche d'artefacts était donc bien plus ardue que ce qu'il imaginait au départ... Qu'il avait été naïf!

[[MJ] Le Sombre Garde]

La confirmation par Raël fit pousser un soupir au Père Müller. C'était désormais officiel, il y avait un vampire en ville. Et pas n'importe qui, un noble bien implanté. Freiherr Roman von Herzang n'était pas inconnu ici. Mais il laissa d'abord le frère Viktor répondre à Raël.

« Oui il y avait un petit garçon avec eux, et il semblait les suivre de son plein gré. Après, peut-être qu'il était drogué, je ne sais pas. Mais cela aurait attiré l'attention de la garde si jamais il s'était débattu. Mais pourquoi ces question sur von Herzang ? »

Le Père Müller répondit crûment.

« Parce que nous le soupçonnons d'être un vampire. Oui frère Viktor, vous pouvez être horrifié par cela. Allez tout de suite me chercher Ritter Vladimir. Ses connaissances en matière militaire nous seront précieuses. »

Le frère ne se fit pas prier et partit au galop. Il revint peu de temps après, accompagné du chevalier en armure noir qu'avait croisé le Scythien en entrant dans le temple. Celui-ci avait retiré son casque, révélant une face complètement rasée. Pas un cheveu, pas un poil. Le Père Müller reprit la parole :

« Ritter Vladimir fait partie de la Garde Noire de Morr. Il a fait vœu de silence au combat mais dans les moments d'importance il a le droit de parler. Vladimir, c'est maintenant un de ces moments. Notre jeune ami ici présent est venu nous avertir qu'un vampire est présent dans notre ville. Il s'agit du Freiherr Roman von Herzang. Que préconisez vous ? »

Le chevalier parla d'une voix éraillée, comme s'il avait perdu l'habitude de parler.

« Il va être impossible de l'attaquer de front. Malheureusement, il a trop de soutiens politiques ici, y compris parmi le culte d'Ulric et à la cour. Il va falloir agir dans l'ombre. La première étape à mon sens est de se débarrasser de ses séides. Ils sont nombreux mais cela devrait être assez aisé. Je vais avoir besoin de dix hommes totalement dévoués à notre cause. »

Le Père Müller parut soulagé par les paroles du chevalier. Il sourit à Raël.

« Je pense que notre ami ici présent acceptera de vous aider dans votre tâche. N'est-ce pas ? »

[Raël Khem]

Mais pourquoi garder Aziz auprès d'eux? Raël ne comprenait pas cette stratégie, le vampire pensait s'être débarassé de lui, en quoi garder le gosse pouvait-il l'aider? Pensait-il l'utiliser pour faire pression sur le Scythien? Peine perdue, si la situation était vraiment désespérée notre guerrier laisserait mourir -voire tuerait lui-même- l'enfant pour accomplir sa mission sacrée. Un tribut lourd à payer, mais nécessaire.

Une autre information intéressante: les Gardes Noirs n'avaient pas le droit de parler quand ils allaient se battre. Ce serait sympa pour la conversation avant la bataille. Mais plus important, on venait de lui confirmer qu'attaquer de front ce vampire était impossible. A vrai dire Raël s'en doutait, au vu de la facilité qu'avait eu la bête à le vaincre et du nombre de ses sbires. Le massacre de la petite racaille serait donc la première étape.

Evidemment, quand le prêtre lui proposa de participer à l'action, il ne pût dire non, comment refuser une telle faveur qu'on vous offrait?

-"Ce combat est avant tout le mien, je serai donc des vôtres. Mais je préfère vous prévenir, j'ai affronté cet impie en combat singulier, il m'a vaincu avec une aisance intolérable. Il est redoutable et ses combattants ne sont pas des faibles."

Les voilà prévenus, il ne restait plus qu'à rassembler des combattants expérimentés et l'assaut commencerait. Une petite chose chagrinait le guerrier, un peu piteusement, il en fit la demande.

-"Je ne veux pas paraître impoli, mais pourriez-vous me préter un bouclier, le temps d'une mission? J'ai un mauvais souvenir de combat que je voudrais effacer en portant un tel objet...