[Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

L’Empereur Karl Franz siège à Altdorf, capitale impériale depuis. Altdorf est un carrefour du savoir et son université est l’institution académique la plus respectée de tout l’Empire. Là, les seigneurs et les princes de nombreux pays viennent s’asseoir aux pieds des plus grands penseurs du Vieux Monde. Altdorf est aussi le centre du savoir magique et ses huit collèges de magie sont fort justement réputés bien au-delà du Vieux Monde. Altdorf est une ville affairée, avec un nombre important d’étrangers, de commerçants et d’aventuriers. La cour impériale elle-même engendre une activité économique florissante, qui attire toutes sortes de gens.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Detlef avait écouté toute la longue diatribe d’Isabelle. Mais il ne semblait pas avoir véritablement été terrorisé ou convaincu par ses propos ; tout au plus, il garda un même air neutre, qui se transforma petit à petit en colère, alors que ses sourcils se mettaient à se froncer.

Et alors qu’elle se relevait, l’Ulricain s’enfonça dans son siège, soupira, et lui fit simplement :

« Moi aussi j’ai une histoire. Si vous me permettez de vous la raconter. Elle sera plus courte que la vôtre, c’est certain. »

Il attendit qu’Isabelle se rasseye, sous le regard lointain et curieux de l’aide-soignant en train de patienter, pour continuer.

« C’est une puissante baronne qui a été habituée, pendant des années, à tout simplement donner des ordres, et ils étaient obéis à la lettre par autrui.
Je crois que vous prenez un peu des vessies pour des lanternes, si vous pensez une seule seconde que je vais risquer mon emploi, ma réputation, voire pire, une détention dans les sous-sols de l’île Noire comme vous dites que c’est arrivé à votre domestique, simplement pour… La… Promesse, d’un vieux manoir délabré à l’écart d’Altdorf ? »


Il marqua une pause. Comme s’il souhaitait qu’Isabelle se rende compte de la folie de sa demande d’elle-même.

« Si vous trouvez quelqu’un d’assez fêlé pour le faire, je serai persuadé qu’il est lui-même un agent du Secret Impérial.
En tout cas, ce qui est certain, c’est que les gens dehors ont beaucoup de moyens de me faire du mal, et vous, en échange, n’avez en fait… Eh bien… Rien du tout à m’offrir. Et vous n’êtes pas tellement le genre de personne pour qui j’ai envie de risquer de me frotter au Secret Impérial et au Patriarche Suprême des Collèges de Magie, puisque c’est en somme ce que vous me demandez.
Vous pouvez demander tout ça à Petra. Je suis à peu près certain que l’actrice réagira comme moi. »


Il ouvrit les mains.

« Je suis désolé pour votre situation. Je vous souhaite de vous remettre de cette épreuve et d’être correctement soignée.
Est-ce qu’il y a autre chose que fouiller dans les archives de l’Empire et me mesurer aux pouvoirs-qui-sont que je puisse faire pour vous ? »
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Toute satisfaite de sa narration, emportée par la sensation de reconstruire une partie de la Dame de Fer, Isabelle ne remarqua pas le plus important : son public n'accrochait pas. Loin de là. Car Detlef avait une autre petite histoire à raconter, bien plus courte, mais ô combien plus efficace.
Plus audacieux que jamais, l'Ulricain alla même jusqu'à insulter son aînée de manière particulièrement vindicative. "Prendre des vessies pour des lanternes" une phrase qui résonnait douloureusement dans l'esprit de Breitenbach au vu de ces dernières années. Décennies même...

Bien évidemment, ces paroles firent fulminer la baronne. Les doigts blanchis par la tension de ses poings, elle sentait ses paumes souffrir sous la pointe acérée de ses ongles. Sa respiration se faisait saccadée, tant son feu intérieur lui rongeait les poumons. Ses jambes ne trouvaient plus de confort et elle devait constamment les réarranger pour résister à l'envie de se lever d'un coup.


Isabelle en avait marre. Marre de se sentir continuellement à côté de la plaque, marre que ses mots et ses ordres aient la valeur et l'impact d'une fiente de mouche. Marre de Detlef. Et marre d'elle même. Enfin merde, était-ce là tout ce dont elle était capable à présent? Être ignorée puis rager comme une vieille démente? AGIS, bordel!
Le pouvoir, ça se méritait, Isabelle l'avait appris à la dure il y a des éons de cela. Ne jamais se reposer sur des acquis, ne jamais laisser cette bête s'endormir. Car c'est alors que le lâche frappe et détrône, c'est alors que la chute commence. Sa disgrâce du Collège n'avait-elle donc pas été une leçon suffisante?!

Quand le monde s'écroule, on le reconstruit, brique par brique. L'ancienne magistère s'acharnait déjà pour se raccommoder avec l'aethyr, mais la puissance brute ne sert à rien seule. Ce n'était que du vent, de la prestidigitation, si aucune véritable influence ne l'accompagnait.
Actuellement, le monde entier était son ennemi, et c'était cela que la baronne peinait à comprendre. Il lui fallait travailler plus durement que jamais pour mater cet adversaire. Non pas en chargeant tête baissée à l'aide de paroles vindicatives et de scènes de furies théâtrales. Il lui faudrait faire... des compromis. Baisser l'échine quand nécessaire, feindre l'insignifiance. Car c'est seulement alors que les gardes se baissent, que les attentions se détournent. Et c'est alors qu'il faut frapper.

En était-elle seulement capable? Même à ses débuts au Collège, Isabelle avait joué la forte tête. Ses maîtres l'avaient punie, tant de fois, mais jamais elle n'avait baissé les yeux. Seulement, à cette époque, un talent véritable lui garantissait une légitimité certaine. Et à présent, elle était à peine capable d'animer un jouet.

Alors que la colère, la haine, l'envie de meurtre montait à son paroxysme, le tout se stabilisa soudain pour s'évaporer d'un seul coup dans un long, long soupir. Isabelle était épuisée, si lasse, si triste.


« Ok, Detlef... Ok. Tu as gagné, voilà. » Dit-elle ces mots avec absence, le regard perdu dans un coin de la pièce. « Vas donc retrouver ta femme, ta vie. J'espère qu'au moins, tu pourras en faire quelque chose. »

Elle leva enfin des yeux humides vers son interlocuteur.

« N'abandonnez pas. Si un morceau de fer tel que moi a pu avoir un enfant, alors vous finirez bien par avoir le vôtre. J'en suis persuadée. »

Isabelle posa une main sur l'accoudoir, saisit sa canne de l'autre, et se leva difficilement. Par Sigmar, qu'elle était épuisée. Même debout, elle ne dépassait pas Detlef de beaucoup avec son échine courbée.

« Oui tu peux me rendre un dernier service. Si tu le veux bien. Pourras-tu demander - convaincre même - Petra de venir me voir? Je n'ai pas grand espoir qu'elle parvienne à me faire sortir d'ici, mais... mais je n'ai aucune visite et... enfin voilà quoi. S'il te plaît. »

Et alors qu'elle se tournait lentement pour se diriger vers l'aide-soignant, Isabelle se rappela d'un dernier détail.

« Oh, d'ailleurs. Je t'ai écrit il y a quelque temps. As-tu reçu ma lettre? »

Quelque fut la réponse, elle n'y réagit que d'un simple hochement de tête. Un timide sourire, puis un bref au revoir de la main et la vieille Breitenbach s'en alla offrir son bras au jeune homme en blouse blanche.
Alors qu'elle tournait le dos pour la dernière fois à Detlef, son expression muta. Son sourire n'avait plus rien de timide et ses yeux avaient séché d'un battement de cils.



Un fois arrivée dans sa chambre, elle remercia l'aide-soignant, peut-être à sa grande surprise. Lorsqu'elle fut enfin seule, Isabelle s'installa immédiatement à son bureau, prit un morceau de papier et un bout de fusain, puis se mit à écrire.



Cher Detlef,

Avant tout, je tiens à te remercier de ta visite. Les jours s'accumulent à l'asile et je n'ai pas beaucoup de visiteurs. Mais je dois t'avouer qu'elle m'a laissée plus inquiète qu'autre chose. Detlef, je t'en prie, reconsidère!

Je sais que la promesse de mon héritage en échange de ton aide, il y a deux semaines de cela, a eu un effet malsain sur toi. C'était déplacé de ma part et j'en suis navrée, mais j'étais désespérée. J'avais peur que l'on m'enferme, que l'on m'arrache de ma demeure et de mes biens et j'espérais que ta présence me donnerait meilleure figure auprès des agents de l'asile.

Cela ne fut bien évidemment pas suffisant. Et fort heureusement! Tu l'as bien vu aujourd'hui : je vais bien! Ma condition s'améliore de jour en jour.
Mes soucis, mes angoisses, me semblent si lointaines ici. Je t'ai parlé de l'arrestation d'Hannah, de mon passé inaccessible verrouillé, mais ce n'étais que pour discuter! Je ne m'interroge plus sur le sort de mon fils, car il appartient au passé.

Résultat, quand tu m'as parlé de tous ces documents que tu as récupérés, j'étais horrifiée. Enfin Detlef! Ce sont les archives Impériales! Comment peux-tu imaginer que cela passe inaperçu, même avec toutes tes précautions?! Certes, tu les as recopiés, mais cela reste une faute grave, surtout sur des sujets aussi sensibles!

Je comprends ton intention. Tu espérais me fournir ces informations en échange d'un legs écrit de mon manoir. De telles manipulations m'attristent, mais je sais à quel point tu tiens à fonder une famille dans une belle demeure.

Detlef, je t'en prie, cesse de fouiller dans mon passé, il n'en sortira rien de bon pour toi. Je cherche à me reconstruire et savoir que tu mets ta carrière en jeu pour de telles sottises me terrifie. Tu peux avoir le manoir, je te le léguerai à ma sortie de l'asile.
Tu t'es déjà renseigné pour en évaluer la valeur, mais ne tente plus de l'acquérir avec du chantage. Tu vaux mieux que ça!

Si je suis déçue de ton attitude, choquée par tes actes, sache que tes visites me sont toujours chères. Remets un peu d'ordre dans ta vie, dans ta morale, et reviens me voir ensuite. Cela ravivera ma lanterne...

Bien à toi et à ta femme,

Isabelle von Breitenbach



Lorsqu'elle reposa le fusain, Isabelle relue plusieurs fois le brouillon de lettre pour en évaluer la crédibilité, mais aussi l'impact pour Detlef et elle-même. Breitenbach savait que son courrier serait intercepté, mais cela suffirait-il pour ruiner la carrière et la vie de l'Ulricain? Ne risquait-elle pas de prendre un retour de flammes? Il fallait rester prudent et n'envoyer le document qu'une fois sûre que les retombées seraient les bonnes. Il fallait aussi laisser un peu de temps à Detlef pour contacter Petra.

La baronne devenait donc la Dame de Mercure. Inconsistante, molle et flasque d'apparence, mais un véritable poison à inhaler. Elle rentrerait dans le moule, suivrait la marche, et attendrait que les opportunités ne viennent à elle.

En parlant d'opportunités, Isabelle s'intriguait de plus en plus en vue de son entretien du lendemain. Étais-ce la fenêtre vers son passée qu'elle espérait ouvrir depuis si longtemps? Seul le temps le dirait.
Modifié en dernier par Isabelle Breitenbach le 11 juin 2022, 22:28, modifié 1 fois.
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le soudain changement d’humeur d’Isabelle eut le même effet sur Detlef. L’Ulricain hocha la tête, alors que ses traits se détendaient, et que sa mine paraissait soudain plus accorte. Il se leva en même temps qu’elle, en bougeant un peu ses bras comme s’il se préparait à la soutenir ; et c’est avec une voix un peu rauque qu’il la remercia.

« Je ne pense pas que Rhya fera de miracles. Mais votre gentillesse est… Appréciée.
J’irai voir l’actrice pour vous, et j’essayerai de la convaincre. J’ignore si elle vous sera plus utile que moi, mais… Je le ferai quand même. »

Il poussa même le vice jusqu’à sourire.

« Je reçois toujours vos lettres. Si vous avez besoin d’autre chose, écrivez-moi. Autrement, je tâcherai de repasser vous voir prochainement.
Parce que j’espère sincèrement que vous irez mieux. »

Et ils purent se séparer, en bons amis.
Du moins, facticement. Car si Detlef paraissait très sincère dans sa bonté, ce n’était qu’une énième entourloupe d’Isabelle, qui prépara immédiatement du chantage contre lui.
Peut-être qu’Eva Seyss avait donc entièrement raison, de la traiter avec aussi peu d’égards.



Le lendemain matin, il y eut le même rituel des dernières semaines — Hedwig qui entra avec sa bonne humeur imperturbable, le déjeuner, les vêtements propres, la toilette et le changement de draps. Puis le petit déjeuner dans le réfectoire, la gymnastique des militaires invalides dans la petite cour, quelques discussions un peu quelconques avec des patients, puis la relecture de quelques articles encyclopédiques pour entretenir sa mémoire.

Mais arriva l’heure de onze heures du matin, et l’aide-soignant d’hier annonça qu’il était prêt à accompagner Isabelle pour sa séance avec Herr Sageciel.
Ils empruntèrent l’ascenseur, l’aide-soignant appuyant sur le bouton « RDC ». La cage descendit alors à la surface, et ils contournèrent l’aile principale pour se retrouver derrière un accès interdit au public et aux patients non-accompagnés — il mena jusqu’à quelques grands bureaux, et ils s’arrêtèrent jusqu’à celui tout au fond.

L’aide-soignant entra sans toquer. Ils se retrouvèrent dans une petite pièce bien lumineuse grâce à de grandes fenêtres qui donnaient plein sud. Un haut fauteuil basculant était en plein milieu, avec autour des tablettes métalliques amovibles. Au fond, un bureau, et une grande bibliothèque. Au plafond, un artiste avait peint une jolie œuvre : une carte astronomique, avec les différents astres connus de l’univers.
On invita Isabelle à s’installer sur le grand fauteuil, puis l’aide-soignant s’en alla. Elle fut seule deux minutes à peine, car la porte se rouvrit très vite, et entrèrent une infirmière, ainsi qu’un très grand homme, qui, pour une fois, ne portait ni une robe de patient, ni une blouse de Shalléen.
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L’Elfe ressemblait à beaucoup d’Elfes : fin, élancé, élégant, et beau. Avec des cheveux blonds en bataille, des grandes oreilles pointues, et de jolies joues creuses — il avait un physique de statue Bretonnienne. Il leva sa main, et parla avec une voix calme, qui résonnait bien, un joli timbre de chanteur :

« Bonjour à vous, Freiherrin. Je suis le maître Sageciel.
Comment allez-vous ? Vous sentez-vous en bonne santé ? »

Il se dirigea vers le bureau, où il installa des papiers et des calepins. Pendant ce temps, l’infirmière tira un petit chariot, et commença à manipuler des flacons et des récipients métalliques, tous impeccablement propres.

« Bien, bien… Première séance… Une heure… Hm, on est un peu en retard. J’espère que ça ne vous dérange pas de repousser un peu le repas ? »

Il offrit un petit sourire, alors qu’il posa ses fesses sur une chaise roulante, et il se propulsa à l’aide de son pied pour la glisser juste à côté du fauteuil. Il demanda à Isabelle de lever son bras, et le voilà qui écouta son pouls avec un stéthoscope que l’infirmière lui tendit.

« Le pouls est un peu ralenti… Avez-vous pris votre mandragore ce matin ? Rien d’autre ? »

Il attendit qu’Isabelle décrire son état, avant de passer aux choses suivantes.

« Je vais donc pratiquer avec vous une séance d’hypnose. J’ignore si vous avez des connaissances à ce sujet ?
Il s’agit d’une pratique qui consiste à induire un somnambulisme sur un sujet volontaire. Elle souffre d’une presse étrange, certains disant que c’est une science miraculeuse, d’autres qu’il s’agit de charlatanisme. Dans l’Empire, nombre d’hypnotistes ne l’utilisent qu’à des fins de divertissement, de spectacle…
Mon objet est autrement plus recherché. Je l’utilise de façon érudite — scientifique, diriez-vous. Ce n’est pas une pratique simple, je vais chercher à entrer dans votre inconscient, et il va falloir me faire confiance, ce qui n’est pas quelque chose d’aisé avec un parfait inconnu. Croyez-moi cependant lorsque je vous dis que la vraie hypnose repose uniquement sur votre consentement. Votre esprit, peu importe à quel point il est fragile, saura lutter contre moi si vous ne désiriez pas mon aide. »


Il marqua une petite pause, s’assurant d’être bien compris.

« J’ai eu accès à une petite partie de votre vie, via votre dossier — pas tout, secret médical oblige. J’ai travaillé dessus depuis votre arrivée. Vous souffrez d’amnésies, et vous désirez parvenir à reconstruire votre esprit afin de retisser les liens entre les morceaux manquants ?
Je peux vous aider à cela, pour une première séance, avec un simple moment marquant sur lequel je pourrais me concentrer pour essayer de travailler à partir de là… »

L’infirmière, à côté du fauteuil, commença à manipuler des flacons, et à utiliser des pipettes pour remplir des tubes.

« C’est un simple sédatif léger. Et du produit pour dilater vos yeux. Pour faciliter l’hypnose.
Y a-t-il une période de votre vie, ou un souvenir, qui est plus agréable, ou plus facile à discuter que d’autres ? Ou alors, y-a-t-il un sujet sur lequel vous voudriez vous concentrer ? Nous pourrions parler… De votre enfance, d’un moment agréable qui en vient. Par exemple.
Qu’en dites-vous ? »

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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Isabelle s'était réveillée sans heurts. Elle avait pris sa dose de mandragore la veille au soir, même après avoir été forcée de prendre celle du matin par Herr docteur, car elle se voulait en pleine forme pour la séance du lendemain. Évidemment, l'ancienne magistère conserva le premier bolus de la journée pour reprendre ses habitudes : une seule dose, plus corsée, avant d'aller se coucher.

Au passage d'Hedwig, la baronne s'était faite moins grommelant, plus silencieuse. Elle ne commentait plus chaque mouvement de l'aide-soignante d'une remarque cinglante, préférant l'observer sans animosité. Car oui, si Isabelle souhaitait se fondre dans le troupeau de moutons, il lui faudrait faire des efforts à tous les niveaux. Faire preuve de retenue auprès du bas personnel en faisait partie, à son grand dégoût.

De nouveau seule, Breitenbach s'installa à son bureau pour relire sa lettre brouillon. Elle avait imaginé l'envoyer d'ici deux ou trois jours, mais après une bonne nuit de sommeil, l'idée lui paraissait bien moins appropriée. Déjà, Detlef recevrait probablement la lettre, même après avoir été lue par les agents de la Chambre Noire. L'Ulricain ne se laisserait certainement pas faire et engagerait immédiatement des avocats pour se défendre. Isabelle n'avait actuellement aucune envie d'être traînée devant la justice.

Ensuite, la vieille sorcière comptait trop peu d'alliés pour se permettre d'en envoyer quelques-uns en prison. Du moins pour l'instant. Detlef avait fait preuve d'une certaine douceur après les dernières paroles de la Dame de Mercure. Il avait même envisagé de futures visites et une correspondance régulière. Isabelle pouvait sûrement en tirer quelque chose, cette fois non plus sur la base d'un accord financier, mais à l'aide d'un lien de famille retravaillé. Ce genre de relation n'inspirait aucunement la baronne, mais elle ne pouvait se permettre de faire la fine bouche.

Enfin, Breitenbach comptait encore sur Petra pour de futurs services. De quelle nature? Elle n'en avait pas la moindre idée, mais mieux valait-il se garder des options pour sa sortie de l'asile. Or, comment réagirait la souillon si Detlef finissait derrière les barreaux après sa visite? Il y avait de fortes chances qu'elle soit au courant, et alors, même un demeuré en tirait ses conclusions. Elle couperait les ponts avec la vieille sorcière et cette dernière se retrouverait plus seule que jamais, Hannah toujours sous les verrous.

Isabelle relut la lettre une nouvelle fois, irrité de ne pouvoir se venger immédiatement. Déjà, ce plan était le plus modéré de tous ceux qu'elle avait imaginés la veille. Son premier, alors même que Detlef se tenait toujours devant elle, avait été bien plus violent... et approprié. Prendre contact avec les Poissons et leur promettre une collaboration bien plus étroite en échange de quelques "services". D'abord, évidemment, la faire s'échapper de l'asile, quoi qu'il en coûte.
Ensuite, s'infiltrer dans la demeure de l'Ulricain pendant une journée de travail et assassiner sa femme. À cela s'ajoutait une mise en scène particulière pour qu'à son retour, le mari découvre d'abord une lanterne très originale... Composée à l'aide de la vessie de sa dulcinée. Cela ferait échos à une formule de Detlef qui avait particulièrement énervé la baronne.

Pour bien des raisons, Isabelle s'en était rapidement détournée. Trop voyant, trop risqué aussi de se rapprocher à ce point d'une organisation criminelle. Elle aurait été obligée de s'engager pour le restant de sa vie. Et puis merde... C'était peut-être un peu trop, non? Sur le moment, l'ancienne magistère débordait de rage et aurait été capable de massacrer Detlef avant même qu'il n'ait terminé sa phrase.
Mais avec un certain recul, elle se disait que ce n'était pas l'Ulricain qui l'avait mise dans cet état, mais probablement une accumulation de fureur des dernières semaines. Voire décennies.

Après avoir bien mémorisé les mots clés du brouillon, Isabelle le déchira. Une fois, deux fois, quinze fois, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien d'autre que des fragments de lettres. C'était une simple précaution, au cas où un indésirable de la Chambre Noire ne fouille sa chambre un jour. Mais ce plan n'était pas oublié pour autant et la Dame de Mercure pourrait le mettre à exécution plus tard. Elle devrait simplement ravaler ses envies de vengeance en attendant.

Un aide-soignant au bras, Breitenbach se tenait devant un bureau pour son entretien matinal. Ils entrèrent sans cérémonie pour découvrir une petite pièce bien étrange, avec un fauteuil central, un bureau et une bibliothèque. Décorée avec du goût, elle émettait une certaine aura apaisante qui calma Isabelle.
Car cette dernière était tendue, appréhendant cet entretien avec autant d'espoir que de crainte. On allait rentrer dans sa tête, l'inciter à s'ouvrir comme un œuf à la coque pour fouiller en elle sans la moindre barrière. Cela, la baronne l'exécrait, mais il lui fallait bien admettre que c'était probablement sa dernière solution efficace pour ôter les chaînes de son esprit malade... ou ensorcelé.

Une fois seule, la magicienne égara son regard sur la peinture du plafond. Une carte astronomique richement détaillée s'y étalait, transportant tout observateur entre les astres.


« Azyr. » Murmura Isabelle. Elle en connaissait bien peu sur les elfes et n'aurait su dire si oui ou non, ils étaient tous capables de manipuler l'aethyr. Ce simple indice l'incita à penser que l'hypnotiseur était versé dans le contrôle du vent bleu, mais après tout, n'étaient-ils pas capables d’interagir avec tous les spectres de magie?
Quelle audace tout de même! Contrôler plus d'un seul vent donnait systématiquement un résultat catastrophique, Isabelle ne le savait que trop bien. Wilfried en avait payé le prix. Alors s'imaginer que certains êtres interagissaient avec les huit vents en même temps sans conséquence, cela irritait profondément Breitenbach.

Quelques instants plus tard, l'homme - ou presque - pénétra à son tour dans le bureau. Il n'était pas seul, mais c'est à peine si Isabelle remarqua la personne qui l'accompagnait. Il détonnait totalement avec le reste du personnel de l'asile, portant une tenue qui inspirait un style noble, original, unique. La baronne ressentit la même chose que lorsqu'elle avait interagi avec d'autres membres de sa race. Une attirance désagréable, forcée, presque mystique. Ainsi qu'un profond sentiment de jalousie. Tout humain qui contemplait ces visages éternellement jeunes et beaux devaient avoir pareille pensées, surtout à un âge avancé.

Mais la sorcière décida de baisser sa garde, de ne pas faire preuve de mutisme. Ce n'était pas bien dur face à un minois pareil, surtout après que des paroles mélodiques s'en soit échappées.


« Je vais bien, maître Sageciel. » Répondit-il sans chaleur ni animosité.

L'idée de retarder son repas n'affecta aucunement la baronne, et elle le manifesta d'un simple geste de la main. Elle était bien moins à l'aise que son interlocuteur et tentait de le cacher au possible, mais ses gestes restaient mécaniques, forcés. Isabelle sentait une étrange impatience, une envie d'en finir rapidement. Son appréhension l'empêchait malgré tout d'exiger le début de l'examen immédiatement.

Une fois assise, Isabelle sursauta lorsque l'elfe glissa vers elle d'un coup de pied. Elle offrit son bras sans résistance et frissonna au contact du métal et de la chair de Sageciel. Se sentir ainsi intimidée l'irrita profondément et elle tenta tant bien que mal de reprendre un peu de contenance.

Lorsque le maître lui demanda si elle avait pris son bolus de mandragore, Breitenbach se maudit elle-même. Évidemment qu'elle aurait dû le prendre! Mentir en pleine auscultation ne semblait pas la plus brillante des idées, aussi Isabelle se ravisa, préférant prendre un air mi-perdu, mi-honteux.


« Pour tout vous dire, on ne m'avait donné aucune indication pour me préparer avant notre séance. Comme je ne savais pas à quoi m'attendre et que je pensais qu'il fallait un esprit clair et éveillé, j'ai préféré sauter le bolus matinal.
Ai-je eu tort? »


C'était en partie vrai car, même si l'alchimiste avait toujours prévu de faire sa double dose du soir, elle se disait aussi que les effets de la mandragore pourraient parasiter son entretien avec Sageciel.

Puis elle... écouta. Très attentivement, l'ancienne magistère ingéra chaque parole de l'elfe, acquiesçant régulièrement pour confirmer son intérêt. Cette science, Isabelle ne la connaissait aucunement. Les principes de ses propres études se baissaient sur la logique et sur la mécanique, tant bien physique que mentale.
Lorsque quelque chose se cassait, il suffisait de le réparer ou de le remplacer, et alors le cliquetis régulier et harmonique de la vie reprenait. Ainsi, quelques années auparavant, la sorcière jaune se serait contentée de rire au nez de Sageciel, avant de se lever et de quitter la pièce. Mais aujourd'hui, la baronne n'avait plus beaucoup d'options et l'hypnose lui paraissait même être une solution plausible. Il lui faudrait malgré tout faire preuve d'une grande ouverture d'esprit pour aller autant à l'encontre de toute son éducation scientifique.


« Vous savez donc que je suis forgée par les préceptes du vent doré. Cette science m'est totalement étrangère, voire incompréhensible. Je vois le corps - tout comme l'esprit - telle une horloge complexe.
Mais... j'admets me retrouver dans une impasse. Même si ce ne sera pas simple, je ferai de mon mieux pour m'ouvrir sans résister. »


Isabelle remarque enfin pleinement l'infirmière lorsqu'elle se mit à manipuler les flacons. Peut-être Sageciel repéra-t-il son désarroi car il tenta de la calmer en expliquant le but de ces nouvelles drogues. La baronne voulut protester, mais s'arrêta
la bouche entrouverte. Elle la referma, puis acquiesça du chef.

Enfin, l'elfe demanda à sa patiente si elle avait une partie de sa vie qu'elle était prête à explorer. Un moment agréable. L'ancienne magistère prit du temps pour répondre, revisitant les couloirs de son esprit à la recherche d'un souvenir adapté. C'était comme regarder le monde défiler avec des lunettes opaques de vapeur. Des formes floues, des silhouettes brouillées, des bruits étouffés. Rarement, elles prenaient un peu plus de consistance, mais la buée revenait rapidement. Bordel, elle ne se souvenait même plus de la naissance de son fils!

Un souvenir agréable... Dans son enfance? Isabelle avait beau chercher, elle ne trouvait rien. Car ces images s'accompagnaient d'une teinte, d'une sensation particulière, même sans être capable d'identifier l'instant. Il y avait d'abord de la peur, puis de la tristesse. Ensuite, venait une immense colère qui se stabilisait finalement pour ne devenir qu'un état permanent.
Il y avait une courte période de répit, lorsque la petite Isabelle s'était retrouvée dans la branche distante et peu fortunée des Breitenbach. Même si elle les avaient repoussés, ses nouveaux parents avaient fait preuve d'une inédite tendresse à son égard. Mais ces souvenirs étaient bien trop douloureux, car ils s'accompagnaient d'un ultime sentiment de traîtrise. Ils avaient finalement fini par la vendre au Collège Doré.

Son entrée dans l'Ordre Jaune n'offrait pas vraiment mieux. Tant de conflits, de luttes, de haine. Telle une enclume, elle s'était fait marteler jusqu'à briser chaque marteau qui avait osé se confronter à elle.

Il y avait bien quelque chose de plus récent. Enfin non, pas vraiment, plutôt une fenêtre vers son passé. Le fameux tableau découvert par Detlef. Encore et toujours. Une aura agréable s'en était dégagée, comme un accès à une cuisine d'où se dégageait une odeur... passionnante. Quelque chose de corsé, d'aventureux, de délicieux.


« Mon enfance... non. Rien ne me vient à l'esprit sur cette période.
Mais j'ai peut-être quelque chose qui pourrait convenir. Enfin, je n'en sais rien. Ce n'est pas vraiment un souvenir, mais plus une sensation que m'inspire un objet, un tableau.
Évidemment, on ne m'a pas permis de l'apporter à l'asile! Je m'en souviens distinctement heureusement. »


Isabelle prit le temps de décrire le tableau et ce qu'il lui évoquait. Puis, elle décompta les noms sans pouvoir tous les raccrocher à un visage. Un flou total obscurcissait cette période de compagnonnage, mais une impression de bonheur primitif, pur, s'en dégageait. Les personnes présentes, surtout l'immense masse de métal en arrière-plan semblaient terriblement familières.

« C'est peut-être un trop gros morceau pour commencer? Ce souvenir m'était totalement étranger jusqu'à ce que je retrouve ce tableau il y a quelques semaines. C'est en tout cas celui que je préfère, mais je peux en trouver un autre. »

Breitenbach réfléchit un instant, puis reprit.

« Mon tout premier sortilège lancé. C'est moins fort sur la longueur, certes. J'ai souvenir d'un incroyable sentiment de pouvoir, d'opportunités. Oh je ne saurais pas dire de quel sort il s'agissait, mais bon. C'est quelque chose! »

Elle réfléchit encore un peu, et son visage s'assombrit.

« Il y a... il y a aussi mon fils. Mais... oui j'ai bien peur que ce soit beaucoup trop pour commencer. »

Isabelle se remémorait une journée en particulier. La nourrice était indisposée et, malgré la fureur de la Dame de Fer, cette dernière avait été obligée de se rendre au manoir pour veiller sur cette petite créature, pas plus haute que trois pommes. Elle travaillait dans son bureau, griffonnant frénétiquement des documents. Wilfried jouait dans la pièce, retrouvant le silence à chaque fois que sa mère le réprimandait sèchement.
Le petit bonhomme s'était soudain fait mal au coude, avant de partir dans un concert de hurlements. Isabelle s'était vite rendu compte que, plus elle l'intimait de se taire, plus il hurlait fort.

La magistère s'était alors résignée. Dans un soupir, elle avait ramassé cette boule de morve et de pleurs écœurants pour la poser sur ses genoux, à son bureau. Le petit Wilfried s'était tu, et Isabelle avait repris son travail, en espérant qu'il s'endorme vite. Elle pourrait alors s'en débarrasser dans son berceau.

Wilfried s'était endormi. Mais Isabelle, elle, n'avait pas bougé. Continuant de gratter le papier, elle gardait cette petite chose blottie contre elle, passant distraitement la main dans ses cheveux éparses.

Oui, ce souvenir était décidément très fort, au point qu'une larme s'était accumulée sur l’œil organique de la vieille femme. Mais comment le considérer comme heureux, alors que tout ce qui touchait à son fils la renvoyait immédiatement à sa propre traîtrise? Lorsqu'elle voyait ce petit bonhomme sur ses genoux, des chaînes finissaient par se matérialiser à ses poignets et sur ses chevilles. Puis, il s'embrasait.

Non, Isabelle ne choisirait pas un souvenir de Wilfried pour sa première séance, du moins pas un souvenir direct. Si Sageciel la poussait, alors elle changerait d'avis, mais à contre cœur, ce qui pourrait être contre-productif.

Les deux premiers souvenirs choisis par Breitenbach pourraient faire l'affaire, sauf si l'elfe en décidait autrement. En tout cas, ce serait à lui de choisir, d'après les informations que la baronne lui avait données. La science de l'hypnose lui était bien trop étrangère et elle n'avait aucune idée de ce qui conviendrait le mieux pour bien débuter le processus.

Elle prendrait les sédatifs et autres drogues, elle suivrait les instructions du maître. La sorcière tenta même de se libérer de son appréhension ou de ses considérations dubitatives. Il fallait que cela fonctionne, il fallait qu'elle redevienne pleinement régente de son propre esprit.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’infirmière terminait la préparation de sa pharmacopée, tandis que l’Elfe prenait des notes. Il leva de temps à autre sa tête, mais son expression demeurait toujours aussi stoïque, et pure, si bien qu’on ne pouvait pas trop deviner à quoi il pensait — le peuple Asur avait également ce talent. S’il était bien un Haut-Elfe, et non un enfant des forêts d’Athel ou Laurelorn…

« Je vois…
D’ordinaire, je préfère commencer avec un souvenir… Agréable. Reposant plus sur vos sens, que sur vos expériences. C’est d’autant plus vrai pour les personnes qui souffrent d’une perte de repères, et de mémoire ;
Les sensations durent plus longtemps que les témoignages. Alors, si ce tableau vous met autant à l’aise, autant commencer par là… »

Il tapota sur ses genoux, et prit une grande inspiration.

« Bien. Allons-y dans ce cas. »

L’infirmière demanda gentiment à Isabelle de se détendre. Elle tira sur la paupière gauche, suspendu au-dessus de l’œil une pipette, et versa deux gouttes dedans.
D’abord, le liquide rendit sa vue floue. Elle battit des cils, rapidement, alors que le collyre s’émulsifia assez rapidement. On lui tira sur la paupière droite, pour lui donner le même traitement.
On l’invita à ouvrir sa bouche. Et on lui offrit un poison qu’elle n’avait plus eut depuis des semaines : Le laudanum. La concoction de pavot était bien présente ici, autrement plus puissante que la mandragore en bolus — consulter Sageciel avait donc un véritable avantage auquel elle ne s’était pas attendue…

On fit basculer un peu le fauteuil en arrière. Alors, Isabelle avait les yeux rivés vers le plafond décoré. Et il lui semblait que sa vue se modifiait — le bleu-roy se fit plus vif, les étoiles plus brillantes, alors qu’elle pouvait déceler bien mieux les longs traits des constellations peintes. Presque comme si elle regardait vraiment le ciel étoilé.

Et alors, Sageciel fit quelque chose d’inattendu ; Il se mit à chanter.

Pas d’une grosse voix tonitruante, et pas vraiment une composition bien compréhensible. Plus une sorte de long murmure, mélodieux, bizarrement mélancolique, une sorte de berceuse en eltharin qui résonnait dans ses oreilles ; sa langue était étonnamment proche de la magikane, et elle pouvait déceler le sens de certaines paroles, mais elle n’avait pas véritablement d’intérêt — ce qui comptait, c’était sa jolie voix douce, qui semblait résonner agréablement le long de ses tympans.

Puis, alors que les muscles de son corps se détendaient, Isabelle vit au-dessus d’elle la main de Sageciel ; il avait enroulé autour de ses doigts une chaînette en or. Il la fit tomber, et la retint juste au-dessus de sa tête. Une sorte de petite goutte en fer au bout, qu’il bascula lentement de gauche à droite, pour imiter le mouvement d’un pendule.
Et il se mit à murmurer des ordres, qui sonnaient plutôt comme des suggestions.

« Le pendule bat comme votre cœur. Concentrez-vous sur le pendule. Chaque fois qu’il bascule, vous sentez une pulsion dans votre poitrine…
Prenez une respiration, aussi profonde que possible. Tenez l’air un instant. Soufflez-le, uniquement par la bouche. Et suivez le pendule. »


Lentement, il fit ralentir la goutte entre ses doigts. Et à force d’inductions, il sembla s’emparer du corps d’Isabelle. Ses hanches lui faisaient moins mal, elle se sentait moins confuse, ou en colère. Difficile à dire qu’est-ce qui relevait de l’opium infusé, et qu’est-ce qui relevait du talent de conteur de Sageciel…

« Lâchez-vous. Détendez tout votre corps. À un moment, vous entendrez sonner une clochette, et à cet instant, vous fermerez instantanément vos yeux alors qu’une vague de détente envahira tous vos muscles.
Prenez une respiration, à nouveau. Laissez-vous aller. Plus profond, encore… Faites que votre esprit suive votre corps, perdez-vous dans le ciel, détachez-vous de votre chair… »


Ding.

Le monde était devenu noir, et le seul sens encore habile, c’était l’ouïe ;
Elle pouvait entendre son propre cœur battre, à une vitesse soudain un peu accélérée.

Puis, il y eut la voix de Sageciel, qui paraissait plus proche qu’il y a un instant.

Selon votre dossier, au moment où vous avez inventé votre golem, vous erriez en Tilée.
Concentrez-vous d’une manière olfactive… C’est un sens très sous-estimé. Quand vous repensez à ce tableau que vous m’avez décrit… Quelle odeur cela vous inspire?



Le soufre, c’était ça qui montait à son nez. L’odeur de l’urine. Et de la poudre à canon. Les deux choses qu’elle reniflait en quantité, alors qu’elle servait comme sorcière d’une compagnie de mercenaires.

Vous serviez alors dans la ville de Trantio, n’est-ce pas ? C’était il y a plusieurs années… Plus de trente, au moins.
Les étés sont chauds, en Tilée. Est-ce que vous vous en rappelez ? La chaleur ?


Étouffante. Rien à voir avec l’humidité d’Altdorf. Le soleil là-bas est omniprésent, le ciel est toujours dégagé… Surtout quand on descend le fleuve Tarano.
Oui, les suggestions de l’hypnotiseur fonctionnaient bien ; elle se souvenait des vagues de vents chauds soufflés par l’Arabie, ne parvenant pas à dépasser les monts Absako, et forçant toute la péninsule à se retrouver piégée sous une chape de plomb. Il faisait chaud même à l’ombre, étouffant, on avait les yeux qui brûlaient à cause de la poussière, et l’eau se raréfiait.
Surtout quand l’armée ennemie empoisonnait les puits…

Ce devait être une vie rude, avec l’armée. Même si vous disposiez d’un certain luxe. Vous vous êtes mise en danger, comme les autres…

Et tout revenait progressivement dans sa tête, alors qu’à présent, c’était son ouïe qui était agitée.



Elle se souvenait d’une lourde douleur sur son flanc droit. Une chaleur pulsatile qui allait de sa hanche jusqu’à son mollet. Elle se souvenait de beaucoup de poussière qui collait à ses narines, et d’un sentiment d’oppression dans le torse — il était important de retrouver sa respiration.
Et elle se remémorait des bruits. Des arquebusades, des sabots de chevaux si nombreux qu’ils font trembler le sol, des trompettes et des tambours qui guident les militaires par la musique.
Et des cris. Forts, pour se faire entendre au-dessus du vacarme. Mais ils paraissaient éloignés.

« Breitenbach est là-dessous !
– Déployez-vous près de la rivière !
– Ralliez-vous autour du drapeau ! »


Elle entendait des hurlements stridents ; des hennissements, en fait. Le bruit d’un cheval mort. Elle ouvrit ses yeux, et vit des sortes de planches de bois qui l’entouraient, comme un cercueil. La moitié de son visage était couchée dans le sol, sur une terre trop sèche.
Elle comprit, après quelques battements de cils, qu’elle était coincée sous une charrette qui avait été renversée par le souffle d’une explosion.

Sageciel souhaitait un souvenir agréable pour commencer. Mais l’inconscient d’Isabelle avait une notion étrange de ce qui était plaisant…

Il y eut un bruit de choc amorti. Puis des crissements d’acier, et la pompe d’un piston. Et des doigts disproportionnés, en bronze, passèrent sous la charrette, afin de la soulever. En dessous, un homme se glissa, arbalète sous le bras ; il tendit sa main, et Isabelle put s’en saisir pour être glissée sur le sol hors de son cercueil.

Elle se retrouvait aux pieds de Bismuth. L’immense golem avait des « yeux » (En réalité deux orbes creusées au milieu de la coque abritant le mécanisme, afin de lui permettre d’avoir le vent de Chamon qui s’insinue plus facilement) d’un or brillant, et tout une carapace de métaux différents ; il avait dégusté. Son plastron était couvert d’impacts de flèches et de carreaux, et la moitié de son épaulette droite avait été sectionnée net, probablement par un boulet de canon.
Isabelle faillit tomber à terre. Elle était sonnée. Mais l’arbalétrier qui l’avait tirée de là la rattrapa, et la força à s’asseoir sur une des « chaussures » de Bismuth.

« Stai bene ?! Stai sanguinando ! »

Du Tiléen. Qu’elle comprenait parfaitement.

Il avait l’air en aussi mauvais état que Bismuth. Son visage glabre était maculé de sang, son front dégoulinait de sueur, il haletait… La soif, la fatigue, et l’adrénaline du combat étaient mélangés en même temps dans son être.
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C’était un de vos amis ?


Non. Cato était comme un petit frère. Elle était pourtant enfant unique, mais elle ne savait pas pourquoi, elle avait la sensation que ce garçon était plus qu’un simple pote. Elle était liée à lui. Il était emmerdant, encombrant, et en même temps, elle s’était attachée…

Tout autour d’eux, c’était la guerre. En pleine après-midi, sous un immense soleil et un ciel bleu, dos au Golfe des Perles (Une immense mer brillante et cristalline), l’homme déchaînait l’enfer. Toutes les armées de Trantio avaient énormément de mal à tenir un pont enjambant le Tarano, et la compagnie de mercenaires à laquelle appartenait Isabelle avait payé un lourd tribut.
Le combat avait débuté aux aurores, alors qu’il faisait encore frais. Elle avait l’impression qu’ils avaient gagnés. Mais tout autour d’elle, il n’y avait que soldats dépenaillés, blessés qu’on évacuait vers l’arrière, et renforts qui retournaient vers l’avant en rangs serrés, avec les drapeaux au vent et les tambours battants.

Cato s’assit à côté d’Isabelle. Il ouvrit sa gourde, but une rasade d’eau, et la tendit à sa comparse.

C’était de l’eau ? Du vin ? Autre chose ?

Isabelle n’était pas réellement en Tilée. Et elle ne voyagea pas non plus dans le passé. Elle était en train de… Revivre, un événement. Selon ses propres souvenirs. Et tout autour d’elle pouvait être modifié. Son cerveau le recréait, alors que Sageciel essayait de donner une image d’authenticité.
Elle n’avait plus la moindre idée de quel liquide était contenu dans la gourde de Cato. Mais elle sentait qu’à partir de détails aussi minimes, elle pouvait essayer de se refaire une image de son histoire.

« J’ai cru que t’étais perdue. D’autres ont pas été aussi chanceux que toi. »

Il désigna la charrette. On sortait quelqu’un d’inconscient. Un arbalétrier s’approcha du cheval mourant, posa sa botte sur son museau, et lui tira un carreau en plein front — il était cruel de le laisser souffrir.

Vous avez regardé le cheval mourir ?
Ou vous avez détourné le regard ?


Question peu innocente — qu’est-ce qu’Isabelle ressentait, en voyant la mort ?


Cato reprit sa gourde. But une gorgée. Et il pointa du doigt vers le nord, bien au-delà d’immenses plateaux chevauchés les uns sur les autres, où on voyait des vignes, des oliviers, et des plaines à l’herbe grasse à perte de vue.

« C’est violent putain ! Leur artillerie est vraiment si proche ?! »

Isabelle pouvait sentir la magie. Ce n’était pas un boulet de canon qui avait renversé sa charrette — c’était un projectile magique, de l’Aqshy teinté de Dhar
Non seulement leur ennemi employait des magiciens, mais c’était un magicien noir.

Mais est-ce qu’il fallait le dire à Cato, pour autant ? Que l’adversaire avait des magistères, certes — mais des magistères noirs ? Cela pouvait au choix redynamiser les hommes, en sachant ce qu’ils affrontent. Ou achever de les terroriser.

« Putain de Borgio.
Putain de Miragliano.
Où il trouve tous ces hommes, putain ?! On se bat depuis six heures et on dirait qu’on a à peine égratigné ses forces !
Bordel de merde… Quelle idée a eut Yonec, de nous amener en première ligne ?! »


Yonec. De Huntingfield.
C’était le capitaine de votre compagnie.
Aventurier Bretonnien. A mit sur pied une condotta, à l’époque des guerres du prince Borgio.
Vous vous souvenez du symbole de la compagnie ?


Isabelle se concentra sur l’uniforme de Cato. Il avait osé appeler le capitaine par son prénom — c’est qu’il était proche.
Sur une petite ailette de son armure, il y avait un dessin. Une femme guerrière, peut-être Myrmidia, ou la Dame du Lac, ou une quelconque âme vénérée ; elle ressemblait au symbole du duché de Talabheim, dans l’Empire. Sauf que cette femme-là avait l’aspect d’un automate, car elle était tout en fer, même le visage.

C’était la Compagnie d’Aventure de la Dame de Fer.
Jet de perception : 8, réussite

Jet d’intelligence : 14, échec
Jet de concentration : 15, échec
Jet de mémoire : 2, réussite
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Installée dans le fauteuil, la sorcière sentit tout d'abord une forte angoisse en voyant l'infirmière s'avancer. On y était, plus de marche arrière possible! La figurante voulut lui déposer des gouttes dans les yeux et, bien qu'Isabelle ressentit une forte réticence au début, elle finit par se laisser faire.
En revanche, lorsqu'elle se rendit compte qu'une dose de laudanum serait nécessaire pour la séance, Breitenbach ne manifesta aucune opposition. Les mains contre son torse, les doigts agités telles les pattes d'une araignée curieuse, elle ne parvint aucunement à dissimuler son excitation.

"La mandragore est un bien piètre substitut", se dit l'alchimiste en sentant les effets du poison se déverser en elle. Un long, long soupir, un sourire hagard et tous ses soucis disparurent. La baronne avait l'impression de fondre sur sa chaise, ses muscles se liquéfiant pour ne laisser d'elle qu'une flaque en apesanteur. Oh oui, la puissance de cette drogue lui avait intensément manqué, tout comme la capacité de se foutre royalement de tout ce qui l'entourait. Isabelle avait l'impression de regagner un univers dans lequel elle s'était confortablement installée il y a bien des années, et d'où Gelt l'avait arrachée quelques semaines plus tôt.

La vieille femme ne se rendit pas tout de suite compte des chants de Sageciel. C'était comme se réveiller sur la plage, la marée au niveau du bassin sans l'avoir d'abord senti envahir ses orteils. Elle se laissa donc immerger, les paroles mélodiques enrobant sa silhouette pour s'engouffrer dans ses poumons. Car, en effet, Isabelle respirait ces mots autant qu'elle les entendait.
Elle en était convaincue, le Maître était en train de manipuler l'aethyr. Un simple effort de concentration pour sentir les vents interagir avec lui aurait suffi pour confirmer ses suppositions, mais la sorcière jaune n'en voyait plus l'intérêt.

Une fois bien conditionnée, totalement à la merci de l'être Asur, Breitenbach sentit sa voix la guider. Elle contempla les étoiles au plafond, et alors que ces dernières commençaient à prendre une présence bien plus "réelle", une autre structure se manifesta autour. Des couloirs sinueux, chacun composé de métaux différents, reliant des carrefours et des salles aux dimensions géométriques immenses. Escaliers, ascenseurs, plateformes mouvantes, murs pivotants et autres mécanismes déments régissaient l'ensemble des chemins.
Pourtant, ils étaient presque tous à l'arrêt, entravés par des couches de rouille et d'oxydation.

Isabelle contempla son Labyrinthe Mental, la manifestation délirante de sa psyché, dégradée au fils de décennies d'abus de substances et de dépression. Toutes les informations de sa vie étaient stockées entre ces murs infinis, à portée de main. Et pourtant, la plupart restaient totalement inaccessibles, toujours à cause de cette maudite Rouille. Les couloirs ne bougeaient plus, les recueils et autres gravures regroupant les souvenirs de la Dame de Fer étaient illisibles ou détruits. Et la Rouille continuait d'évoluer, grignotant les nouveaux souvenirs d'Isabelle, affamée et dévastatrice.

En ce jour, le Labyrinthe Mental avait quelques originalités supplémentaires. D'abord, les étoiles, planètes et autres astres de la peinture du bureau de Sageciel étaient bien présentes ici, en volume, orbitant autour d'elles-mêmes ou de structures du Labyrinthe. Cela donnait à l'ensemble un air d'horloge céleste grandeur nature, représentant la mécanique de l'univers. Au centre de ce conglomérat se tenait le pendule de Sageciel, ou plutôt une version titanesque de ce dernier. À chaque balancement, il émettait un tintement grave d'une puissance phénoménale.

Ces résonances faisaient trembler la structure de cet étrange univers. Elle en purifiait certains passages. La Rouille se décrocha de plusieurs mécanismes, faisant de nouveau grouiller d'activité une partie du Labyrinthe. Des ponts se déployèrent, des escaliers se retournèrent et des murs se dérobèrent pour offrir un passage à la Dame de Fer.
Une lumière se manifestait au loin et, tel un papillon de nuit attiré par la lueur d'une bougie, Isabelle se rapprocha de son origine.

C'était une gravure qui luisait ainsi, immaculée, lavée de toute corruption. Une zone irradiait plus que les autres, une silhouette en son centre, sans détails tant la lumière était forte. La vieille sorcière la toucha et se sentit immédiatement absorbée, dévorée pour prendre sa place dans la gravure.

Ding
____________________________________________________________________________


Ce n'était pas vraiment ce à quoi la Dame de Fer s'attendait. Le tableau lui avait inspiré un bonheur exotique, lointain, oublié. Alors pourquoi cette odeur immonde irritait ses narines? Puis cette chaleur infernale, d'où provenait-elle? Étaient-ce les paroles de l'elfe qui infectaient son esprit, lui mettant des choses dans la tête? Non, c'était bien des souvenirs, des sensations oubliées que Sageciel faisait émerger dans l'esprit d'Isabelle tel un archéologue talentueux. Oui, ces horreurs, elles les avaient bel et bien vécues.

Au court d'une vie, un être humain se trouvera assailli par la reine des menteuses : la nostalgie. Combien de fois avez-vous vécu une période désagréable pour quelque raison que ce soit, pour finalement la revisiter plus tard et lui trouver un certain attrait? La nostalgie prend l'ennui, la tristesse, le bonheur, l'excitation pour les combiner en un seul élément, brut, mensonger. L'ennui devient sérénité, la peine devient une mélancolie agréable, le tout rattaché à une impression de bonheur oublié. Le danger, la peur, eux, se mutent en une excitation étrange, enivrante.

C'est lors de périodes dépressives, stagnantes d'une vie que la nostalgie revient en force, occultant à outrance tout aspect négatifs de vieux souvenirs pour les rendre attrayant, pour créer un manque. "C'était mieux avant", une illusion terrible, murmurée aux oreilles de pauvres créatures aveuglées, naïves, cherchant à tout prix à se replonger dans le passé plutôt que de se tourner vers le futur.
S'ils y parvenaient, alors la désillusion faisait un carnage. Les saveurs devenaient fades, les sensations, sourdes. La magie avait disparue.

Et c'est ainsi qu'Isabelle s'était volontairement replongée en enfer.

Tandis qu'elle étouffait dans l'obscurité, Breitenbach vivait ce souvenir comme au premier jour. Pouvait-elle mourir ici? Succomber aux épreuves qu'une jeune Isabelle avait pu encaisser? Non, la baronne n'était pas réellement en danger. De plus, elle se trouvait bel et bien dans un corps sans faiblesses. Si cette expérience avait un réalisme incroyable, elle restait sous hypnose, dans un fauteuil à l'intérieur du bureau de Sageciel. La voix du maître, ses remarques, lui servaient autant de guide que rappel de ce fait rassurant.

Isabelle entendit des voix la mentionnant. Étaient-elles alliées ou ennemies?

Bismuth se dévoila auprès de sa créatrice de manière presque théâtrale, soulevant une charrette d'une simple main disproportionnée. La baronne contempla sa formidable créature qui, malgré ses blessures, semblait plus puissante que jamais. Comment diable avait-elle pu oublier pareil aboutissement de son art?

Une autre main - humaine cette fois - s'offrit à elle pour lui permettre de s'extirper de sa presque tombe. Isabelle la saisit et se retrouva enfin debout. Sonnée, elle fut forcée par le jeune homme de s'asseoir sur l'un des pieds du golem. Le choc avait été d'une violence inouïe et c'était probablement un miracle que la magicienne soit toujours en un seul morceau.

Une voix la tira finalement de sa confusion. Du tiléen qu'Isabelle comprenait parfaitement. Elle se tourna enfin vers son sauveur et reconnut l'un des visages du tableau. Cato, ce gamin insupportable qui avait pourtant une place particulière dans le cœur de la Dame de Fer. C'était son petit frère de circonstance, l'une des rares personnes en ce monde qu'elle ne supportait pas voir souffrir.
Tout comme elle et le monstre de métal, il était en bien piètre état.

Isabelle se rappelait tout cela et le transmettait à Sageciel pour lui répondre.


« Ah, t'occupe, Cato... Je vais bien. » Dit-elle en rêve, la respiration lourde.

Avait-elle prononcé ces paroles sur le fauteuil? Pourtant, elle respirait bien dans le bureau de l'elfe. Elle ne s'en rendait pas vraiment compte et cela n'avait guère d'importance.

Breitenbach prit quelques secondes pour se focaliser sur le lien qui l'unissait à Bismuth. Était-ce un golem rituel, alimenté indéfiniment par un catalyseur? Ou bien devait-il être régulièrement rechargé à l'aide d'un sort "serviteur de métal"? Mieux : était-il réellement relié à elle? Un rituel complexe permettait aux sorciers de Chamon d'accorder une identité à leur golem, le Don Ultime. Ces derniers gagnaient ainsi une certaine indépendance et pouvaient se mouvoir, prendre des décisions, sans recevoir d'injonction de leur créateur.

Autour d'eux, la guerre faisait toujours rage. Du sang, des morts, des blessés. Une activité désespérée agitait les hommes qui faisaient pourtant preuve de discipline. Tout cela, la Dame de Fer l'avait oublié à force de gratter du papier dans un bureau.

Cato lui tendit une gourde qu'Isabelle porta à ses lèvres. Elle prit plusieurs gorgées, se retenant de la finir d'une traite. Les paroles de Sageciel lui firent prendre conscience de quelque chose : le liquide n'avait pas de goût, pas même la fraîcheur caractéristique de l'eau. Réputée pour ses vins, la Tilée en offrait en abondance. Mais ce breuvage était un bien mauvais moyen de se déshydrater, surtout sous la féroce morsure du soleil.
Un alcool plus fort alors? Pour se donner courage dans la bataille? Non. S'il pouvait être distribué avant un assaut pour amoindrir l'instinct de survie et la peur d'un soldat, il serait bien stupide de le faire alors que la bataille avait déjà commencé depuis longtemps.

Après ces courtes réflexions, l'ancienne magistère répondit sur le fauteuil.


« De l'eau... je pense que c'est de l'eau. »

Cato confirma qu'elle avait bel et bien eu de la chance, pointant du doigt un cheval mourant. L'animal fut achevé d'un carreau d'arbalète pour mettre fin à ses souffrances. Isabelle ne détourna pas le regard, aucunement dégoûtée par la scène. Elle contempla le cheval, non pas par empathie - elle se foutait royalement du bien-être de cette créature - mais pour évaluer la perte. D'un côté, c'était toujours rageant de perdre un tel moyen de locomotion, surtout lorsque le ravitaillement se faisait rare. D'un autre, la viande pourrait remonter le moral des troupes...

Après avoir répondu à Sageciel, la baronne se tourna vers le jeune homme. Cato avait l'air en panique. Il pensait que c'était un boulet de canon qui avait renversé la charrette. D'un simple regard, Isabelle comprit que ce n'était pas le cas. Un manipulateur d'Aqshy, un mage noir de surcroît. Très mauvaise nouvelle, car ces sorciers faisaient fureur sur un champ de bataille.

Si le moral des troupes en prendrait un coup, ce serait une erreur cruciale que de mentir sur la situation. On ne combattait pas de l'artillerie comme on combattait un magicien, il existait des stratégies militaires pour s'adapter à ces derniers.


« Bon Cato, je ne vais pas te mentir, c'est pas de l'artillerie qu'on a en face. C'est un sorcier noir.
Mais c'est pour ça que je suis là, ok? Et ça... »
dit-elle en tapant du point sur Bismuth. « C'est pas là pour décorer. On va se faire ce connard et le Vieux Monde s'en portera mieux. Ok? »

Cato sembla paniquer encore plus. Il désespérait, alors que la baronne, elle, se rappelait. Comme tout soldat qui se croyait au bord du gouffre, le jeune homme ne comprenait pas les tenants et les aboutissants des décisions de ses supérieurs.
Isabelle prit son visage dans ses mains et rapprocha le sien pour attirer la totalité de son attention.


« Oh oh oh, Cato! Me lâche pas maintenant, hein? On va s'en sortir, comme toujours! Alors ressaisis-toi et dis-moi où est Yonec. »

Breitenbach, guidée par l'elfe, s'égara ensuite sur l'uniforme de Cato. Elle y reconnut le symbole et fut frappée en se rappelant du nom de leur compagnie : la Compagnie d'Aventure de la Dame de Fer. Enfin quoi? Une logique lui échappait.

« Je... quelque chose m'échappe. » Dit-elle à Sageciel. « Il semble que la compagnie se soit inspirée de moi pour son blason. Mais... je n'en suis pas le chef. Alors quoi? Je suis juste une vulgaire mascotte à leurs yeux? La compagnie s'appelait-elle ainsi avant que je ne les rejoigne? »

La Dame de Fer, accompagnée de son formidable golem, s'en alla ensuite trouver Yonec. Lui seul pourrait lui faire un vrai bilan de la situation. Elle allait aussi lui faire part de sa découverte concernant le mage noir ennemi, précisant bien qu'il était spécialisé dans le vent rouge, l'un des pires à affronter sur le champ de bataille.
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Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Je ne sais pas. J’ignore pourquoi elle a été nommée ainsi. Peut-être votre surnom vient de la compagnie, au lieu de l’inverse.

La voix de Sageciel était calme, douce, mais aussi directe et factuelle. Une sorte d’autorité plaisante, mais une autorité tout de même.

Reprenons.

« Je suis totalement saisi, calmos — c’est toi que je viens de sortir d’un putain d’accident. »

Le jeune arbalétrier ne semblait pas avoir été ému par l’annonce qu’ils affrontaient un sorcier utilisant une magie honnie. Au contraire, d’ailleurs ; son regard s’était fait plus ferme, et plus solennel, tandis qu’il bondissait sur ses deux jambes.

« Le reste de la compagnie tient toujours le gué. Borgio n’est pas passé. Pas encore. »

Il offrit sa main à Isabelle pour qu’elle se relève. Et ensuite, le voilà qui se mit à partir au trot, suivi derrière par l’alchimiste, et surtout, par l’immense Bismuth qui se redressa sur ses pattes de bronze, et mit en marche son mécanisme de fonctionnement. Une grosse cheminée crachait de la vapeur derrière sa tête, et le sol se mit à trembler à chacun de ses pas.
Ils passèrent à travers une plaine verdoyante, dépassant les colonnes de fantassins frais qui remontaient vers le front — et les traînards blessés, en lambeaux et haillons, qui en revenaient.

Alors les bruits s’accentuaient. Il y eut des hurlements, de la musique militaire, des détonations d’artillerie.

La géographie de la bataille était étonnamment simpliste — ça demeurait un souvenir recréé, a posteriori, alors que des détails n’arrêtaient pas de filer. Les soldats semblaient être des clones, des copies parfaites, et il n’y avait pas beaucoup de détails dans leurs drapeaux ou leurs uniformes ; ça donnait en fait très mal au crâne d’Isabelle, de faire l’effort de peaufiner, de rajouter des détails dans le tableau.
Il y avait un grand fleuve, énormissime, aussi long que large : c’était le Tarano. En face du Tarano, on pouvait voir des bouches de canons, des régiments d’hommes rutilants, des palissades en bois derrière lesquelles s’abritaient des arbalétriers — c’était l’armée de Borgio de Miragliano. De l’autre côté, où se trouvait Isabelle, il y avait d’autres soldats, d’autres constructions défensives, d’autres chariots enchaînés les uns aux autres, d’autres tranchées creusées pour abriter des canons, l’armée du prince de Trantio. Et au milieu, un long gué, rouge sang, parcouru de cadavres de chevaux et d’êtres humains qui flottaient.

Difficile de savoir qui était en train de gagner. Il y avait eut des sorties des Miraglianois, mais elles avaient été repoussées. En échange, l’artillerie de Borgio était assez puissante pour rendre la position de la compagnie difficilement tenable ; la terre était labourée par les tirs, les palissades trouées par la mitraille, et le vacarme faisait trembler tous les militaires sous le choc. À un moment ou à un autre, Borgio sentirait une faiblesse chez ses adversaires, et alors il ferait charger ses meilleures troupes directement à travers le gué, jusqu’à anéantir toute opposition. Brutal, et efficace.


En contrebas d’un petit talus, il y avait deux hommes d’armes, tout de plate vêtus, en train de vertement s’engueuler devant une table dressée sur la terre. En voyant débarquer Isabelle, mais surtout Bismuth qui était difficile à manquer, l’un d’eux se tourna, et trotta à toute vitesse.
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Yonec se mit à crier pour se faire entendre au-dessus du barrage d’artillerie, avec un Tiléen de cuisine teinté de son accent bon à couper au couteau.

« Qu’est-ce que tu fous ici ?! Je t’ai dit de partir ! Il faut que t’ailles à Viadaza, maintenant ! »

Il voulait qu’elle soit en sécurité.
Le deuxième officier, frappa son poing sur la table, et hurla également.
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Fedele était un local, lui. Trantio était sa patrie. Il avait plus à risquer que les autres.

« On a aucune nouvelle de ce qui se passe ailleurs ! Borgio a peut-être déjà traversé le fleuve ailleurs !
Il faut qu’on se replie tous, Yonec.

– Non ! NON ! Non ça suffit, Fedele ! On va pas abandonner notre artillerie ! Ça fait trois heures qu’on tient ici, notre position est parfaite, on tiendra jusqu’à ce qu’il fasse nuit !
– On l’a à peine égratigné !
– Il bluffe, Borgio est un putain de bluffeur, et on va le prouver aujourd’hui !
Un peu de foi, Fedele, PUTAIN ! Juste un peu de foi ! »


Yonec paraissait fatigué, et en même temps, il fonctionnait à l’adrénaline. Yeux écarquillés, teint rouge, il respirait à toute vitesse.
Et il se mit à crier sur Isabelle, derechef ;

« On va réussir à tenir, mais on a pas besoin de toi ici, Isabelle !
Casse-toi, m’oblige pas à te supplier, merde ! J’ai pas envie de te perdre à cause d’un simple- »


Un boulet de canon chanceux passa tout proche d’eux. Il éclata la palissade de bois et de toile en haut du talus, projetant de la terre dans tous les sens. Bismuth se mit à genoux, et profita de sa grande taille pour offrir de l’ombre, et surtout de la protection aux officiers en train de parlementer.

« La moitié de la compagnie est morte ou blessée, Borgio a retourné notre piège contre nous !
On peut encore se replier en bon ordre et combattre tous ensemble à Viadaza !
Dis-lui, Isabelle ! On est pas assez forts pour tenir contre l'ennemi ! »


Jet de mémoire : 19, échec auto, un truc de perdu
Jet d’intelligence : 16, pas assez, tu manques d’infos sur Bismuth
Jet de tactique : 8, réussite, tu sais ce que Borgio manigance.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

« La Dame de Fer... Même ça, ce n'est pas à moi?... »

Isabelle fut étrangement impactée par cette possibilité. Elle qui pensait l'avoir forgé de ses mains, grâce à l'unique force de son caractère. Un nom d'emprunt? Un plagiat?
C'était encore loin d'être sûr. Après tout, que la Compagnie d'Aventure de la Dame de Fer tombe sur une disciple de Chamon accompagnée d'un formidable golem de métal, avec un tel blason de surcroît, serait une grande coïncidence.

Cato n'était pas un pleutre. Se forçait-il à agir ainsi devant la sorcière? Ou était-ce réellement son caractère? Il avait la tête froide, mais Isabelle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter face à pareil comportement. Il pourrait bien lui coûter la vie. Mais pour l'instant, elle avait besoin de ce genre d'attitude, de ce courage. Elle lui sourit et accepta sa main avant de le suivre.

Bismuth les suivait de prêt, son immense structure se mettant en branle avec une efficacité redoutable. L'alchimiste sentait sa présence et se réconfortait de sa puissance. Quel remarquable compagnon elle avait là. Malgré ses efforts, la nature de la connexion qui les unissait restait teintée de mystère. La Dame de Mercure n'était plus habituée à partager pareil lien et son décryptage lui était impossible. Tant pis, l'important, c'était que cette machine fonctionnait et qu'elle suivait ses ordres.

En dépassant les colonnes de fantassins, Breitenbach tenta de se remémorer leurs visages, leurs blasons. Mais cet effort s'avéra aussi difficile que de déchiffrer le golem. Les visages n'étaient que des duplicatas les uns des autres, sans détails, sans personnalité. Les drapeaux, eux, ressemblaient à des toiles encore humides que l'on aurait tenté d'effacer. Ces étranges visions étaient désagréables et affectaient l'immersion d'Isabelle dans son rêve. C'était comme contourner une scène de spectacle pour en découvrir l'envers du décor : la magie s'étiolait.
Pour ne pas sortir de son hypnose, la Dame de Fer détourna le regard et continua de suivre Cato.

La situation de la bataille, ainsi que les lignes ennemies, étaient cependant bien visibles. De l'autre côté du fleuve se tenaient Borgio et ses hommes, pilonnant l'autre rive à l'aide de sa puissante artillerie. La stratégie paraissait clairement aux yeux de la sorcière : il comptait sur ses canons pour amoindrir son adversaire, puis saisirait la bonne occasion pour charger et porter le coup fatal. En observant rapidement les troupes alliées, la magicienne comprit qu'ils ne pourraient pas tenir éternellement. Borgio avait clairement l'avantage.

Le trio finit par rejoindre le bas du talus. Un homme en armure vint à leur rencontre. Yonec. Il semblait furieux, encore plus que pendant sa dispute avec... Fedele, un autre officier présent sur la peinture du manoir.
Le capitaine de la compagnie hurla par-dessus le vacarme. Isabelle ne devait pas être là, il lui avait ordonné de partir pour Viadaza. Il ne savait pas encore que leur chariot avait été attaqué.

Les deux hommes se disputèrent, Fedele intimait Huntingfield de sonner le repli, mais ce dernier refusait catégoriquement. Il voulait tenir la position avantageuse, espérant pouvoir prendre le dessus. Il ne comprenait pas clairement la situation. S'attendait-il à un miracle?
Puis il se tourna de nouveau vers Isabelle pour lui ordonner une nouvelle fois de partir, ce qui signifiait bien qu'il avait au moins partiellement conscience de la gravité de la situation. C'en était trop pour la sorcière.
Elle voulut prendre la parole, mais un boulé de canon siffla dans leurs oreilles et lui coupa la parole. Breitenbach claqua des doigts et l'immense golem se mit à genoux pour les protéger d'autres éventuels tirs.


« Ça suffit Yonec! Je ne suis pas une poupée en porcelaine! Alors cesse de m'insulter de la sorte. »

Fedele tenta de rallier Isabelle à sa cause, espérant que cela suffirait pour faire changer Yonec d'avis. La magicienne jaune tourna toute sa fureur vers lui.

« Et comment comptes-tu tenir Viadaza sans artillerie? Borgio n'aura cas nous pilonner à distance sans risque de réplique et je ne miserais pas sur le soutien de la population locale.
Non, on tient. Merde! »


La Dame de Fer s'adressa de nouveau au capitaine.

« Mon chariot s'est fait attaquer par le nord, par un putain de sorcier noir! Et tu comptes m'expulser du champ de bataille? Je reste, point.
Mais continuer ainsi serait suicidaire, Yonec. On se fait massacrer! Nos forces se font grignoter par l'artillerie ennemie, Borgio attend juste que nous soyons assez affaiblis pour lancer une dernière charge. On ne tiendrait pas. »

« Fedele a raison, notre plan s'est retourné contre nous. Notre seule chance, c'est de retourner leur plan contre les miraglianois. Ils pensent nous tenir? Très bien, jouons à leur jeu. »


Isabelle s'alluma une cigarette. Elle garda la bouffée un bon moment dans ses poumons, puis la relâcha avec toute la tension qui s'était accumulée depuis le renversement de son chariot. L'esprit clair, elle se rapprocha de la table pour pouvoir illustrer ses paroles en imaginant une carte posée dessus.

« Ce qu'il faut, c'est laisser croire que nos troupes sont déjà à bout. Inciter Borgio à lancer ses meilleures troupes, c'est nous donner une opportunité de les lui massacrer. On fait taire une partie de nos canons, on expose quelques troupes mal en point. Bref, on lui laisse le champ libre. »

« Le plus gros de nos hommes sera embusqué, tandis que quelques "acteurs" inciteront l'ennemi à charger à un endroit précis. Lorsqu'ils fonceront pour porter le coup fatal, une bonne partie d'entre eux rebondira sur des barrières magnétiques que j'aurai tracé au préalable. Ou seront désarmés.
Il suffira ensuite de massacrer les quelques soldats qui auront réussi à passer. Bismuth, qui se sera fait passer pour un vulgaire tas de ferraille inanimé, pourra contourner les barrières pour abattre ceux, encore sonnés, qui auront été stoppés. Environs un sur deux devraient percuter la barrière, il sera donc beaucoup plus simple d'attaquer une armée divisée. »

« Si leurs mages tentent de dissiper mes barrières, je pense pouvoir les repérer et donner leur position à nos arbalétriers.
Une fois la première vague passée, la cavalerie contournera les barrières. Je les désorganiserai avec des murs de lances et nos piquiers et arbalétrier achèveront le travail. »

« Il sera vital que l'illusion de notre faiblesse reste intacte le plus longtemps possible. La position des arbalétriers s'avérera aussi très importante, histoire que mes propres barrières ne risquent pas de bloquer leurs tirs. »


C'était un plan simple, mais dont l'exécution devrait être minutieuse. Une erreur de timing lèverait le voile sur la situation. De plus, Isabelle allait devoir faire preuve d'une formidable endurance pour lancer autant de sortilèges à la suite tout en guettant la présence de mages noirs. Mais si elle s'y prenaient bien, la sorcière jaune pourrait étaler ses incantations dans le temps et simplement renouveler ses sorts déjà actifs. S'ils s'y prenaient bien, une bonne partie des meilleures troupes de Borgio seraient balayée.
S'ils s'y prenaient bien, alors ils reprendraient l'avantage.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Tout le long où Isabelle avait proposé ses plans, Yonec et Fedele avaient eut des difficultés à parfaitement écouter — le bruit de l’artillerie avait dû tous les rendre sourds, il fallait que la magicienne crie fort, tandis qu’à gauche et à droite, des soldats couraient dans tous les sens, soit pour rejoindre des positions défensives, soit pour déserter.

Quand elle eut enfin terminé, Yonec la regarda tout droit avec une expression bien changée : le Bretonnien la foudroyait du regard, ses grands yeux bruns tout écarquillés, ses sourcils arqués au-dessus de son front, tandis qu’il grinçait si fort des dents que sa mâchoire prenait l’aspect d’un molosse.

« Je crois que tu n’as pas compris, Isa !
C’est fini ! C’est le jour qu’on attendait ! »


Un sentiment d’incompréhension s’emparait de la magicienne. Elle n’était pas sûre de comprendre.
Fedele, lui, eut un rire nerveux, noir, las — il souriait, d’une grimace sardonique lui offrant un air laid et mauvais.

« Son plan est solide. Enfin non, Isabelle, ton plan pue la pisse — mais c’est toujours mieux qu’attendre debout à se faire pilonner par l’artillerie de Borgio, alors bon ! »

Yonec ferma fort des yeux, et pinça l’arrête de son nez.

« Fais replier tes hommes vers la seconde ligne, Fedele. On abandonne l’artillerie. On se battra sur la seconde, magie ou pas magie !
– Avec joie — mais vous avez intérêt à tous les deux être là dans vingt minutes, et pas jouer aux héros sans moi ;
On a fait un pacte, on est ensemble jusqu’au portail de Mórr ! »


Et sur ce, le militaire Tiléen partit au pas de course, en se mettant à crier dans sa langue pour rassembler les sous-officiers de la ville de Trantio autour de lui.

Yonec changea alors de dialecte. Il se mit à parler dans un reikspiel avec toujours le même accent abominable. Il se rapprocha d’Isabelle, baissa d’un ton, et il y eut quelque chose qui semblait étrangler sa voix.

« Tu es démente. Je le suis aussi, mais moi ça va faire quinze ans de ma vie que j’ai un souci.
Je peux pas t’empêcher de te mettre en danger. Mais crois-moi : s’il t’arrive quelque chose, tu vas me faire souffrir. »


Et l’air dégoûté, lui aussi quitta le champ.

Caton demeura sur place, dubitatif. S’il avait été silencieux, le jeune homme avait de grandes oreilles, et d’ailleurs il siffla dès que Yonec n’était plus à portée d’ouïe.

« J’ai entendu de meilleures déclarations d’amour, mais hé, je juge pas comment tu choisis tes amants. »

Il avait un immense sourire de bâtard. Sa blague passait très mal — Isabelle avait l’estomac remué suite à la déclaration de Yonec, et l’alchimiste dût se retenir de gifler Cato.
Mais le garçon dû se rendre compte de sa gaffe, car il prit une petite voix, et parut soudain plus sérieux.

« Hé, je suis avec toi jusqu’au bout. Allons sur le gué, mettre en place tes fameuses barrières. »



Accompagnée de Bismuth et de l’arbalétrier, Isabelle dépassa les fortifications de fortune jetées sur les talus, pour aller directement vers le gué proprement dit. Ici, les dégâts de l’artillerie étaient beaucoup plus visibles que nulle part ailleurs ; la terre avait été totalement labourée, il y avait des restes de corps désossés, des incendies, des barrières et des palissades de paille et de bois défoncés dans tous les sens, pour produire au regard l’impression d’un immense capharnaüm.
Il était heureux que le golem les accompagnait. Avec son immense taille, le monstre de fer passa devant ; l’artillerie de Miragliano se mit à se concentrer sur lui, et il fut pris d’une grêle de mitraille et de traits, tandis qu’Isabelle, Caton, et bientôt quelques arbalétriers plus courageux que les autres, suivaient derrière accroupis.

Là, au milieu des combattants de première ligne, un duo vint la rejoindre — un duo de femmes, qui glissèrent sur le sol et s’aplatirent sur le ventre derrière le golem qui s’accroupit pile devant le gué.
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Lauretta Leutze


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Gwenwyn

Un tas de souvenirs se débloqua dans l’esprit d’Isabelle. La sorcellerie de l’Elfe fonctionnait ! D’un coup, il y eut dans son esprit une sensation de clairvoyance, alors qu’un de ces visages reproduits de force par sa psyché, au milieu d’un souvenir très difficile, activa à toute vitesse ses pensées.

L’une était entourée du vent de Chamon. Même à travers le souvenir, Isabelle pouvait distinctement le voir — c’était une collègue. Lauretta. Leutze. Impériale et magistère du collège dorée, comme elle. Elles partageaient tout, toutes les deux. Même thèse, même laboratoire, mêmes rêves. Parfois, elles allaient jusqu’à se passer le même homme. Lauretta avait participé à la création de Bismuth, elle avait fait la soudure de sa carcasse, et mit au point le mécanisme permettant à ses jambes de se déplacer sur tout terrain.
Pourtant, aujourd’hui, elle était morte. Et selon Eva Seyss, Isabelle avait même refusé d’assister à ses funérailles…

Gwenwyn, elle, venait d’Albion. Grande, laide comme un pou, couverte d’une armure d’écailles, Isabelle ressentait une grande force et une forte vitalité qui émanait d’elle. Elle l’appréciait, pas autant que Caton, mais elle se sentait bizarrement en sécurité à ses côtés.

« Je suppose que t’as ressenti le Dhar comme moi ! » cria Lauretta, tout de suite réactive et concentrée sur le travail — oui, Isabelle et elle étaient vraiment des âmes sœurs.
« Pourquoi Fedele est en train de faire reculer nos hommes ?! Hurla un arbalétrier paniqué.
– Parce qu’il veut que Borgio attaque tout de suite, et qu’on l’explose quand il sera bien embourbé sur le gué ! Répondit Gwenwyn qui avait tout de suite deviné les manœuvres proposées par Isabelle, sans que personne ne vienne la prévenir — c’était pas bon signe, si elle s’en doutait, est-ce que Borgio n’allait pas également ressentir le piège ?
– Malin. Bien sûr c’est nous qui nous tapons le rôle de merde parce qu’on est les crétins en première ligne, mais hé, c’est toujours un meilleur plan que passer les trois prochaines heures à se faire pilonner, pas vrai ?! »

Lauretta ferma son poing, et tapa dans l’épaule d’Isabelle.

« Tu crois que ton amoureux va tenir la pression, ou bien il va charger héroïquement pour te sauver dans cinq minutes ?!
– Yonec risquerait jamais la victoire pour une femme, pas même pour toi Isabelle — sans vouloir t’vexer !
– Pour notre prochain voyage d’études, c’est moi qui choisirai la destination ! On prendra un endroit plus calme, plus reposant que la Tilée !
Tiens, Praag, Kislev, pourquoi pas ?! »


Il y avait du mouvement sur la berge en face. On entendait à présent quelque chose au-dessus du bombardement : de la musique. Des trompettes, et des tambours. Et puis, on vit apparaître des drapeaux, des fanions, d’immenses bannières aux couleurs de Miragliano, ou affichant sainte-Myrmidia déesse des batailles avec sa lance à bout de bras.

Ou bien le prince Borgio faisait une dernière démonstration de force, ou bien il mordait à l’hameçon comme un bleu.

« Alors, ma puce, quelle brillante idée t’as pour empêcher le plus grand conquérant du Vieux Monde de nous exploser notre race ?!
Je propose de faire oxyder les armures de toute cette troupe quand ils seront à mi-chemin ! Et puis, un joli mur de lance qui sort de l’eau pour bien tous les étriller ! Ah pour des Myrmidéens, ça serait ironique, ça !

– Rainfred serait fier de nous !
– Crétin de Rainfred, dire que pendant qu’on est là il est pénard dans un lit d’hospice, à se faire chouchouter par des Shalléennes !
Toujours un autre qui a le bon rôle, pas vrai ?! »


Jet de charisme sur Yonec (Malus : -4) : 18. Tu as du mal à comprendre quelle était ta relation avec Yonec. C’est bizarre. Ça a l’air d’être un sacré truc…

Jets de mémoire : 1, réussite critique, et 6 — tu sais parfaitement qui était Lauretta Leutze, elle te revient totalement, et avec elle, presque tout le reste ! Quant à la guerrière Albionnaise, tu en as de bonnes idées aussi.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

La réaction de Yonec déstabilisa l'ancienne magistère. De quoi parlait-il? Isabelle n'en avait pas la moindre idée. Elle balbutiait sur le fauteuil, dans le bureau de Sageciel, ne parvenant pas à mettre le doigt dessus. Il lui manquait quelque chose, une complicité entre son ancienne personne et ce beau bretonnien.
Qu'attendaient-ils? Pourquoi ces paroles? Avaient-ils l'intention de perdre volontairement cette bataille? Travaillaient-ils pour Borgio en fin de compte? Breitenbach se rappelait de paroles d'Eva à ce propos, concernant la Tilée... Mais c'était bien trop flou pour qu'elle puisse assembler ce puzzle.

Fort heureusement, Fedele - qui d'ailleurs ne devait pas être au courant des réelles intentions de Yonec, voulant battre la retraite - lui remit les pieds sur terre. Au diable ces intrigues complexes, ces non-dits! La sorcière ferait avec ce qu'elle avait et, en l’occurrence, quelqu'un venait de l'insulter. L'alchimiste foudroya l'homme du regard.


« Fedele, quand tu proposeras autre chose que d'aller te cacher dans les jupons de ta mère, tu pourras critiquer mon plan, ok? »

Et puis merde! Elle avait l'opportunité de revivre cette expérience, que pouvait-elle faire que de jouer son propre rôle? Elle était de nouveau forte, autoritaire, ses paroles avaient de l'ampleur. Alors si un homme, qu'il fut amant ou autre, voulait la dorloter comme une putain de femme au foyer, il pouvait aller se faire foutre. Pareil pour quiconque remettrait ses paroles en doute! De toute façon, que risquait-elle? Ce n'était qu'un souvenir qui défilait sous ses sens, et si sa mémoire voulait continuer à lui faire des caprices, eh bien soit. Cela ne l'empêcherait pas de revivre ce moment, de se revivre elle-même.

Yonec parvint malgré tout à souffler une fois de plus la Dame de Fer. Elle ne s'attendait pas à une telle déclaration... d'amour? Cela faisait si longtemps qu'Isabelle ne s'était retrouvée la cible de pareils sentiments. Les partageait-elle? Peut-être, car Breitenbach ne put rien lui répondre, simplement regarder le bretonnien tourner les talons et s'en aller, furieux.

Cato, qui avait tout entendu malgré le vacarme et la distance, fit la remarque de trop. Se croyait-il drôle? Apparemment, ce n'était pas le cas, ses mots n'instillant que colère dans le regard de la sorcière. Le pauvre homme comprit immédiatement sa gaffe et, d'une pirouette, changea de sujet. Toujours un peu sonnée, Isabelle ne lui portait plus préjudice : elle était incapable d'en vouloir longtemps à son "petit frère".

Elle acquiesça d'un bref mouvement de tête et le trio s'en alla rejoindre le gué, accompagné de quelques braves.

Bismuth en tête, il devint rapidement la cible du feu de l'ennemi. Chaque impact sur sa carcasse de fer faisait frémir la Dame de Fer, la mitraille rongeant petit à petit son épaisse carapace. Pourrait-il encaisser pareilles attaques encore longtemps? Quant elle en aurait le temps, la sorcière jaune pourrait le réparer à l'aide d'un sort tout bête. Il n'empêche qu'elle n'aimait pas voir sa création malmenée de la sorte.

À l'abri derrière le golem, la troupe fut bientôt rejointe par deux femmes. Isabelle, alors pleinement concentrée dans la bataille, ne les remarqua tout d'abord pas, l'adrénaline déferlant en elle pour la première fois depuis des années. Un premier coup d’œil distrait pour identifier les silhouettes puis... un grondement assourdissant. Une partie de la Rouille qui recouvrait son Labyrinthe Mental venait de s'écrouler, les mécanismes se remettant à cliqueter pour donner accès à une plâtrée de souvenirs oubliés.

Lauretta Leutze. Breitenbach se rappelait à présent comme si elle ne l'avait jamais oubliée. Ce personnage n'inspirait plus de simples sentiments mystérieux, enrobés d'un flou intense, mais une véritable histoire, vécue à ses côtés. C'était abominable de se rendre compte qu'une telle amitié avait été si longtemps enterrée, oubliée, pour n'être redécouverte que dans un écho du passé. Car aujourd'hui, dans l'asile, Lauretta était morte. Rien de ce que pourrait faire Isabelle dans son rêve ne pourrait changer cela.

Dans un écart de trame, la vieille sorcière prit le dessus sur la jeune. Ses yeux rougirent et ses bras enlacèrent instinctivement son amie perdue. Leutze en fut probablement surprise, tout comme la totalité de l'illusion qui l'entourèrent, car Isabelle ne ressentit aucune texture, aucune chaleur dans ce contact. Elle forçait le passé et ce dernier ne se laissa pas faire, tel un parchemin que l'on tenterait de plier pour en modifier le dessin. Le papier se froissait, mais le dessin restait le même.

Outrée, Isabelle jeune reprit le contrôle, ses yeux séchant immédiatement et ses mains regagnant la terre retournée.


« Pas qu'un peu! Ils ont failli nous griller avec Cato. Au moins un mage noir d'Aqshy, pour ce que j'en sais. »

Breitenbach entendit la deuxième femme, Gwenwyn. Un roc, pas des plus futés. Mais elle l'appréciait, plus que bien d'autres dans son ancienne compagnie. Ce personnage, par sa simple carrure, vous enrobait dans une aura de sécurité. Une qualité que les magiciens affectionnaient tout particulièrement chez leurs compagnons d'armes.

L'Albionaise, au grand damne d'Isabelle, avait déjà découvert le plan. Ne faisant pas partie des brillants de la bande, c'était très mauvais signe. Trop tard pour faire marche arrière. De toute façon, ce n'était pas cette simple manœuvre qui devrait défaire Borgio et ses hommes, mais une brillante combinaison de sorts et de tirs embusqués.


« Fedele faisait dans son froc. Si je n'étais pas intervenue, on serait peut-être en train de se carapater à l'heure qu'il est. Quoique, Yonec n'aurait pas été si facilement convaincu. »

Aux railleries des deux mégères, Isabelle ne répondit que d'un simple grognement. Lorsque c'étaient elles qui se moquaient, la Dame de Fer ne s'en formalisait jamais vraiment.

« Si cet imbécile venait à ruiner le plan pour jouer les beaux princes, je peux vous dire qu'il m'entendra! »

Lauretta parla ensuite de leur hypothétique prochaine destination. Isabelle rit brièvement, mais sincèrement. Une sensation dans sa gorge qu'elle avait presque oublié. En effet, Breitenbach en avait sa claque de la chaleur, pourtant si attractive quand elle avait presque imposé la Tilée comme prochaine affectation.
Elle prit une voix nasillarde, volontairement ridicule, pour répondre.


« Ma chère, si on se sort de ce bordel, tu pourrais prendre des vacances dans le cul de Nurgle que je te suivrais! »

La Dame de Fer n'était généralement pas une femme aussi vulgaire. Mais lorsque la situation était appropriée, elle allait souvent plus loin que les autres, à la grande surprise de tous.

« On a le temps de former des barrières magnétiques? Je voulais en tracer une ou deux côtes à côtes devant nous pour que ces nigauds rebondissent dessus avant de nous atteindre. Après on pourra les oxyder ou les empaler, quand ils seront bien désorganisés. Bismuth nous couvrira le temps qu'on incante.
En plus, une partie des tirs adverses sera stoppée! »


Isabelle observa la réaction de Lauretta. Les deux femmes se connaissaient bien et elles avaient probablement conscience des capacités de chacune. Or, la vieille Breitenbach ne pouvait se rappeler précisément des sortilèges qu'elle avait en tête à cette époque. Si sa compagne était dubitative, alors ils agiraient selon sa méthode.

Mais si Leutze était d'aplomb, alors il faudrait faire vite. Les barrières magnétiques ne demandaient pas des incantations particulièrement longues, mais il fallait les tracer directement au sol un peu plus loin et donc se mettre à découvert. Bismuth se chargerait de les couvrir pendant leur office. Les arbalétriers se mettraient dans des positions stratégiques pour pouvoir épingler les quelques soldats qui franchiraient les barrières et Leutze rongerait leurs armures avec une peste oxydante. Enfin, des murs de lances massacreraient le tout pendant que Bismuth contournerait les barrières pour achever les soldats sonnés par le rebond de leur armure.

Tout cela, Isabelle l'expliqua à ses troupes rapidement, mais de manière concise. Car le timing devrait être impeccable, les arbalétriers ne devraient tirer que sur les soldats ayant franchi ou contourné les barrières pour éviter que leurs tirs ne soient déviés. Gwenwym, elle, servirait de garde rapprochée des magiciennes pendant quelles incanteraient.


« Veille au grain, ma belle. Si tu sens de la Dhar, essaie de localiser sa provenance, histoire que nos arbalétriers puissent les clouer comme il faut. »
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
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Compétences :
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Équipement :
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Archidoxis :
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Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

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