[Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

L’Empereur Karl Franz siège à Altdorf, capitale impériale depuis. Altdorf est un carrefour du savoir et son université est l’institution académique la plus respectée de tout l’Empire. Là, les seigneurs et les princes de nombreux pays viennent s’asseoir aux pieds des plus grands penseurs du Vieux Monde. Altdorf est aussi le centre du savoir magique et ses huit collèges de magie sont fort justement réputés bien au-delà du Vieux Monde. Altdorf est une ville affairée, avec un nombre important d’étrangers, de commerçants et d’aventuriers. La cour impériale elle-même engendre une activité économique florissante, qui attire toutes sortes de gens.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Deux semaines étaient passées depuis son arrivée au Grand Asile. Après la sidération initiale, et la violence du changement d’habitat après des années passées dans le même manoir, elle était forcée de petit à petit se faire à son nouvel environnement.

Si elle pouvait se sentir oppressée, on ne pouvait pas dire que la résidence au sein de l’Asile était véritablement une torture — elle était nourrie trois fois par jour (Et bien mieux que les repas souvent ratés que Hannah lui préparait), elle dormait dans des draps propres, et on passait souvent lui amener du savon en lui proposant de l’aider pour sa toilette. Petit à petit, le corps d’Isabelle allait mieux. Moins tremblant, moins amorphe, moins faible, il reprenait une vigueur bien nécessaire, comme seule l’hygiène pouvait offrir : Shallya pouvait être louée.

Mais si au niveau physique, tout allait mieux, le niveau mental était lui plutôt en demi-teinte ; Tous les deux jours ou trois jours, Aure Rondet passait dans la chambre de la baronne, et lui proposait de nouveaux exercices pour tester sa mémoire, sa capacité à reconstruire des figures, de réaliser des calculs ou de suivre des cheminements logiques — étonnamment, et contrairement à la première fois où elle avait suivi ces devinettes, elle s’en sortait plutôt avec brio ; Seize jours auraient-ils donc suffi à soigner la plupart de ses troubles ? La réparation de son esprit était, selon Rondet du moins, très encourageante ;
Le plus gênant, c’était plutôt lorsque Rondet se mettait à poser des questions plus intimes et personnelles à Frau Breitenbach. Régulièrement, la Bretonnienne l’interrogeait sur des moments importants de sa vie, des gens qu’elle avait aimés, des choses dont elle était fière. Il arrivait souvent que la baronne se ferme à la discussion, et alors que Rondet s’efforçait d’aider Isabelle à reconstruire ses souvenirs, le caractère de sa patiente n’était pas franchement coopératif.

Surtout, Rondet avait décidé de médicamenter Isabelle. Elle ne lui fit pas l’insulte de forcer de gros aide-soignants à lui faire ouvrir le bec pour la gaver, mais tout de même, la grosse infirmière, Hedwige, n’oubliait jamais de lui confier son bolas avec un verre d’eau matin et soir. Rondet avait insisté sur la nécessité de prendre ces comprimés, à base de mandragore, pour l’apaiser et la détendre — mais il revenait en fait à Isabelle de suivre diligemment le diagnostic du médecin, ou bien d’écouter celle qui prétendait être la sœur de Karl-Franz et se débarrasser discrètement du bolas ; voire, qui sait, peut-être de jouer avec l’alchimie, et de ne prendre qu’une seule double-dose ? Cela permettrait de bénéficier des bons points de la mandragore, sans en devenir dépendante ou être transformée en larve par la poudre… Qui sait, il fallait bien tester.

Deux semaines avaient également servi à Isabelle de faire un peu plus confiance avec les autres résidents. La prétendue Isabelle avait disparue — elle était de retour hors d’Altdorf, dans l’hospice de Frederheims ; ne restaient dans l’Asile proprement dit que les militaires (Avec qui elle continuait de jouer régulièrement au podestat), et quelques vieux aristocrates et riches bourgeois plus âgés qu’incapables, bien que l’âge amenait son lot de handicaps. Il apparaissait clairement aux yeux d’Isabelle que le Grand Asile dans lequel elle était internée constituait une étape intermédiaire, et non une prison définitive, là où l’hospice de Frederheim, au beau milieu de la campagne d’Altdorf, était beaucoup plus isolé ; le Grand Asile était une maison de retraite et une place d’invalides, et pour l’heure, Isabelle pouvait faire semblant et se mêler aux groupes de vieillards pas encore tout-à-fait séniles. Avec tout de même une angoisse — et si elle aussi était envoyée à Frederheim ? Et surtout, pourquoi régulièrement, des patients de cet hôpital étaient forcés de revenir à Altdorf pour quelques jours ?
Quant à l’Amiral, il se faisait plus discret. Il passait encore beaucoup de temps à boucler dans son coin, à faire des calculs et ressasser des souvenirs en boucle, mais chaque fois qu’il croisait Isabelle, il lui faisait des clins d’œils, comme s’ils étaient les collègues d’une conspiration.
Elle ne saurait trop expliquer pourquoi, mais l’alchimiste pouvait sentir que ce vieux fou sénile savait certaines choses, si seulement son cerveau n’était pas un grand sac de nœuds… En ça, il ressemblait beaucoup à elle-même.




Aujourd’hui promettait pourtant d’être une journée un peu meilleure. Depuis sa fenêtre qui donnait sur la cour extérieure, elle avait vu une charrette arriver, avec des caisses et des tonneaux — peut-être que ses affaires demandées de son manoir venaient d’arriver ; avec de la chance, elle aurait enfin des nouvelles de sa famille, de Hannah, et surtout, elle pourrait retrouver ses vêtements, sa canne, et Tink !


Il était à peu près huit heures du matin. Hedwige entra avec son sourire sympathique, en l’appelant bien « Frau Isabelle » ; elle lui apporta un petit déjeuner (Un plateau avec une tasse de thé, une pomme déjà coupée pour ménager ses dents, une petite bouillie sucrée et parfumée vraiment bonne même si pas très jolie, un œuf à la coque et quelques pâtes de nougat), le journal si elle l’avait demandé, et quelques nouvelles ; Hedwige déverrouilla la fenêtre avec la clé pour aérer, se retourna en la laissant dans la serrure, et prépara le bolas de mandragore avec un verre d’eau minérale pour bien faire passer le tout. Puis elle laissa Isabelle seule pour se réveiller et s’habiller.


C’était une heure plus tard que le rendez-vous avec Aure Rondet était prévu. On toqua à la porte, Isabelle donna son autorisation pour qu’on entre, et malheureusement, ce n’était pas la petite doctoresse très douce et aimable de Bretonnie qui entrait ;
C’était Theodor Morell.

L’homme était aussi bien élégant que la dernière fois. Un peu plus grand que la moyenne, épaules un peu larges, il avait tout de même un ventre bedonnant et des joues un peu rondes, la faute à un léger surpoids — un bon physique d’universitaire, quoi. Cravate à l’Ostlandaise, redingote rouge-noire, canne à son flanc, il s’était parfumé avec de l’eau de Wurtbad, et gominé les cheveux avec de la suie.
Un dandy parfait, si seulement il n’avait pas une grosse partie du visage bouffé par une cicatrice. Et maintenant qu’il approchait un peu plus son visage, elle savait pertinemment que cette brûlure était de cause chimique — il avait dû jouer avec des potions, un hobby qu’on ne prêtait pas forcément à des aliénistes.

« Bonjour à vous, Freiherrin Isabelle von Breitenbach. Avez-vous bien dormi ?
Je me présente : Je suis le docteur Theodor Morell, docteur en sciences aliénistes, mécaniste diplômé, et pharmacien résident de l’Asile.
Sœur Aure Rondet vous présente ses excuses pour son absence inopinée, mais c’est quelque part tant mieux — je souhaitais vous rencontrer depuis un petit moment maintenant. »


La médecine du Vieux Monde, Isabelle le savait, était source de nombreuses controverses et courants de pensées différentes, notamment entre les Gaelénistes qui suivaient la plus ancienne tradition médicale (Fondée sur la théorie des humeurs, et les traitements à base d’herbes et de drogues de tout genre), et les Mécanistes, qui percevaient le corps humain comme une machinerie, un outil où tout fonctionne par régulation et entretien — Theodor Morell était donc, a priori, un savant qui avait disséqué des corps, en plus de s’y connaître en pharmacie. En sommes, un docteur moderne et aux lectures variées.
Quelqu’un de confiance, donc.

Il tira un tabouret qu’il plaça près de la porte, sur lequel il s’assit. Il croisa une jambe sur l’autre, posa sa serviette par terre, et sortit un petit carnet qu’il commença à griffonner avec un bâton de fusain.

« Allons-y, on m’a dit que vous aimiez les visites les plus brèves possibles, fit-il avec un petit sourire amusé.
Comment allez-vous au niveau du traitement ? Vous le supportez bien ? Pas trop d’effets secondaires — pas trop amorphe, pas trop de fatigue, constipation, diarrhée ? »

Il nota les réponses rapidement, avant d’enchaîner sur un autre sujet.

« Dormez-vous bien la nuit ? Beaucoup de rêves ou au contraire, c’est un sommeil de plomb ? »

Jet de charisme sur l’amiral (+2) : 9, sans souci. Considère que l’Amiral du Reikland est parfaitement d’accord avec tes théories du complot.

Jet d’intelligence : 5, réussite
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Si le temps s'écoulait lentement au sein de l'Asile, le corps d'Isabelle, lui, s'y adapta rapidement. Dans son manoir, elle s'était toujours imaginée vivre dans un luxe, certes terni, mais toujours présent. Hors, il fallait bien l'admettre, comparé à la poussière, la crasse, la moisissure et le délabrement de son propre domaine, la maison de fous passait pour un château d'empereur.
Aujourd'hui, elle mangeait bien, dormait dans un lit douillet et respirait un air frais. Les silhouettes qui l'entouraient étaient réelles, et mieux! elles lui répondaient!
La baronne pouvait se mouvoir plus facilement, presque sans douleur, parvenant même à rester éveillée une bonne partie de la journée sans sombrer dans l'inconscience.

Mais cet acheminement n'avait pas été de tout repos. Car en réalité, les premiers jours faillirent avoir raison de la Dame de Plomb. Refusant catégoriquement de prendre son traitement, préférant se débarrasser du bolas de Mandragore dans les toilettes, Breitenbach avait vu sa santé rapidement se dégrader. Sueurs froides, fatigue, crises de nerfs : Hedwig avait subi bien des sautes d'humeur de la vieille sorcière. Isabelle ressentait un creux abyssal dans son torse, dans son être.
Hermaan avait même refait surface, ainsi que d'autres figures plus ou moins mémorables du passé confus de l'alchimiste.

Épuisée, ses nuits ravagées par des cauchemars incompréhensibles, Isabelle avait finalement cédé à la fin de la première semaine. La concoction de mandragore, véritable oasis en ce calvaire désertique, avait stabilisé la balance, calmé les nerfs de la vieille dame et apaisé son sommeil. Certes, elle ressentait toujours une envie vorace d'opium, d'alcool et d'autres mixtures échappatoires, mais de manière plus supportable.
De plus, le tabac adoucissait la frustration. Avec sa forte consommation, Breitenbach avait rapidement épuisé ses propres stocks de cigarettes. Si l'Asile avait regarni ses réserves, les feuilles de tabac n'étaient pas de grande qualité. Malgré les talents d'alchimiste de la mage jaune, il lui avait été impossible de produire exactement les mêmes cigarettes au contenu "fantaisiste" que dans son manoir.
Enfin elles faisaient l'affaire.

Isabelle prenait donc le traitement de mandragore, mais à ses propres conditions. Hors de question de passer ses journées dans les vapes, comme à son arrivée. Elle se voulait alerte, éveillée, requinquée. Breitenbach en avait assez de subir, le vif souvenir de son violent kidnapping deux semaines plus tôt restant marqué au fer blanc dans son crâne. Usant à nouveau de ses talents alchimiques, l'ancienne magistère combinait et dosait les deux bolas quotidien pour n'avoir à en consommer qu'un seul. Ainsi, elle s'accordait les bienfaits de la mandragore sans finir abrutie du matin au soir.

Ainsi, la vieille Breitenbach avait retrouvé la notion de "journée". Sans les siestes comateuses, les phases d'inconscience amorphe, elle se retrouvait avec un considérable temps libre entre les mains. Isabelle l'avait d'abord utilisé pour explorer tous les recoins accessibles de sa nouvelle demeure. Silhouette fantomatique blanche, elle hantait alors les couloirs, équipée d'un minuscule carnet et d'un fusain.
Griffonnant sans arrêt des détails, itinéraires et autres informations anecdotiques, la baronne fit le tour du domaine en une ou deux journées. Mais que planifiait-elle exactement? Sa propre évasion? Impossible à dire, mais au moins elle s'occupait l'esprit.

Une fois l'Asile mis à nu (du moins dans les pièces qu'elle avait pu visiter), l'ancienne magistère s'investit pleinement sur son propre intellect. C'était Aure Rondet qui lui en avait donné l'idée, ses visites régulières et ses stupides exercices semblant tout de même avoir quelques effets positifs. L'esprit plus clair, Isabelle ne subissait presque plus les apparitions et autres confusions de son passé brouillon. Mais malgré cela, ses souvenir restaient, pour la plupart, toujours verrouillés.
Si la baronne faisait mine de refuser de collaborer, c'était surtout parce qu'elle n'avait pas de réponses à offrir à la Sœur. Et aussi parce que certaines questions étaient bien trop personnelles...

Le pragmatisme est un concept fondateur du vent de Chamon. La réflexion, la logique, le savoir sont les meilleures armes de tout sorcier jaune. En son temps, Isabelle avait scrupuleusement appliqué ces principes pour s'élever au sein du Collège Doré. Sa minutie et son esprit vif lui permettant de planifier froidement sa carrière, ses relations.
Mais avec sa chute en disgrâce, la vieille Breitenbach s'était involontairement coupée du vent de Chamon. Son esprit était devenu volatile, ses pensées irrationnelles, bordéliques. Comme pour maudire cette traîtrise, l'aethyr jaune semblait avoir fragmenté et verrouillé son esprit (du moins c'est ce qu'Isabelle préférait croire, plutôt que d'admettre que l'alcool et la drogue en étaient les causes principales...).

À présent, seul son œil de fer témoignait encore de son affiliation avec la magie.

Mais son corps allait mieux et surtout, son intellect se réveillait. Telle une braise au cœur de charbon froid, il fallait l'entretenir, la raviver, la muter en une véritable fournaise. Et pour cela, Isabelle devait reprendre les bases, tel un apprenti, et nourrir son esprit.
C'est pourquoi elle avait passé le plus clair de ses journées à revoir les fondamentaux, allant de simples équations mathématiques aux lois complexes de la physique. Avec cet objectif en tête, la vieille alchimiste était partie en quête de livres et autres registres se rapprochant de près ou de loin au domaine scientifique, espérant trouver dans sa nouvelle prison une bibliothèque plus garnie que les tristes étagères dans son manoir.

Pour la pratique, la baronne "empruntait" différents ustensiles. Couverts en métal, boulier, tout accessoire métallique ou faisant brin d'un minimum d’ingéniosité mécanique attirait son attention. Si elle ne pouvait emporter une curiosité avec elle, alors Isabelle se contentait de le croquer dans son petit carnet pour l'étudier plus tard.
Elle harcela même plusieurs aide-soignant pour utiliser le monte-charge, faisant mine de peiner à prendre les escaliers. Isabelle savourait alors les manifestations de Chamon et tentait de comprendre en détail le fonctionnement de cette magnifique cage mécanique.

Une fois dans sa chambre, Breitenbach organisait sa collecte. Elle faisait de petits assemblages, parfois pour appliquer la loi de gravité et de répartition de poids, parfois juste pour faire une pâle imitation de la silhouette de Tink.
Mais l'ancienne magistère se refusait d'utiliser l'aethyr, préférant pour l'instant se contenter d'humecter les senteurs du vent doré qui émanaient de ses expérimentations. Si elle tentait de réciter une formule et se faisait repérer, ou pire provoquait un accident, alors elle serait bonne pour la Pacification.

Au cours de son quotidien, la baronne avait vu certains visages apparaître, et d'autre disparaître. Notamment la soi-disant Princesse Isabelle, retournée à l'hospice Frederheim. Breitenbach avait fait quelques efforts pour se sociabiliser lorsque ses études ne prenaient pas tout son temps. Elle conversait, questionnait gentiment, puis se désintéressait sèchement de la personne lorsqu'elle n'avait rien à en tirer.
Malgré son dégoût pour la basse populace, Isabelle faisait occasionnellement quelques parties avec les anciens soldats. À leurs côtés, elle retrouvait une oisiveté étrange, crasse, mais pas forcément désagréable. Cependant, elle continuait de repousser les avances du jeune Karl-Franz. Fallait pas pousser non plus.

L'amiral, lui, n'avait pas quitté l'Asile. Il semblait partager une certaine complicité avec l'ancienne magistère et cette dernière prenait bien soin d'entretenir cette relation. Le brave homme avait des choses à dire et Breitenbach comptait bien ouvrir son crâne comme une noix une fois les bons outils en main.




La journée avait débuté convenablement. Isabelle s'était distraitement rapprochée de la fenêtre en entendant une charrette approcher. L'observant d'abord sans grand intérêt, elle ressentit soudain une bouffée d'espoir. Ses affaires commandées deux semaines plus tôt étaient enfin arrivées! Certes, le délai restait intolérable, mais au moins pourrait-elle retrouver un peu de son chez-soi dans ce cachot qui lui servait de chambre! Oserait-elle réveiller Tink? Le petit incapable lui manquait tellement.

Hedwig entra ensuite dans la chambre. Si Breitenbach avait fini par diminuer ses attaques vindicatives à son égard, c'était tout simplement parce qu'elle avait appris à l'ignorer. Elle ne lui répondait qu'en gestes désagréables ou en grondements affirmatifs. La baronne ne supportait pas ce sourire hagard et, malgré toutes ses tentatives pour briser la bonne humeur de cette femme grosse et laide, la servante gardait toujours son masque amical.
Isabelle en était convaincue, ce n'était bel et bien qu'un masque, et un jour, elle le lui ôterait pour dévoiler l'affreuse créature qui se cachait derrière. Hedwig serait renvoyée, et la Dame de Fer serait satisfaite.

La baronne, comme à son habitude, grimaça en voyant le plat déposé par la servante. Elle attendit être enfin seule pour l'attaquer goulûment, sans en laisser une miette. C'était plus fort qu'elle, Isabelle pouvait jouer la comédie et feindre le dégoût, mais elle aimait bien plus la cuisine de l'Asile que celle de Hannah. Et elle avait faim, le rétablissement de son corps demandant beaucoup d'énergie, alors pourquoi l'en priver? Jamais elle ne l'admettrait, mais son internement était la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis sa destitution de son rang de Grande Trésorière.
Son repas terminé, elle cacha le bolas de mandragore dans un tiroir. Il lui fallait attendre sa dose du soir pour refaire la concoction à sa sauce.

Breitenbach consulta son petit carnet pour vérifier son emploi du temps. Allait-elle continuer ses études? Partir à la cueillette de nouvelles informations? Non, aujourd'hui, elle avait rendez-vous avec Sœur Aure. Quelle barbe! Qu'allait-elle encore lui poser comme question indiscrète? De toute façon, Isabelle n'avait pas l'intention d'y répondre.

Elle fut coupée en plein milieu de son long soupir par un "toc toc" à sa porte. Déjà? Heureusement qu'elle s'était habillée après son repas. Enfin, si on pouvait appeler cette immonde robe blanche un vêtement. Pas une pincée de maquillage à disposition, ni même de quoi tenir sa chevelure! La baronne ne supportait pas avoir son visage encadré par ses longs cheveux gris, car incapable d'espionner les autres du coin de l’œil ou anticiper une attaque par angle mort. Certes, c'était bien dérisoire en ce lieu, mais la Dame de Fer avait toujours vécu aux aguets, sa garde constamment relevée.

D'un « entrez » glacial, l'ancienne magistère invita la petite femme à entrer. Mais c'était une toute autre personne qui franchit la porte. Theodor... Theodor Morall - non, Morell. Isabelle releva un sourcil, sa curiosité piquée à l'idée de voir enfin son quotidien se chambouler un peu. Elle ressentait aussi une certaine méfiance, les mots de cette timbrée de princesse restant toujours bien gravés dans sa mémoire : « Un homme horrible et cruel, ne l'écoutez pas ». Son physique n'aidait pas, car malgré les parfums et l'habillage raffiné, sa terrible cicatrice répugnait la Dame de Fer.

Le docteur se présenta, regagnant un semblant d'estime aux yeux d'Isabelle. Un mécaniste, voilà un courant de pensée que la sorcière dorée partageait. Ce qui se casse peut se réparer, ce qui est détruit est à jeter. Le corps humain ne faisait pas exception à cette règle et bien peu de ses anciens collègues n'adhéraient pas à ces principes. L'humeur, les émotions - Isabelle avait même entendu parler de chakras au cours de ses voyages - quel intérêt de s'attarder sur de tels concepts pour guérir le corps physique, bien réel?
Et pharmacien de surcroît, donc versé dans les arts des liquides et des éléments. Breitenbach aurait probablement à tirer quelque chose d'une conversation scientifique avec cet homme.


« Et vous avez bien expérimenté, il semblerait. » Dit-elle en passant son doigt sur son visage, là où celui de Morell était déformé. « Il semble inutile que je me présente. »

Sans plus de cérémonie, le docteur s'installa pour débuter l'entrevue. "Il ne me voit pas comme une personne de haute stature, simplement comme une patiente. Un numéro à traiter avant de passer au suivant." Se dit la vieille dame avec colère. Déjà, son esprit se refermait un peu plus. Elle croisa les jambes comme son interlocuteur, ainsi que ses bras.

Les question impropres de Theodor finirent de verrouiller Breitenbach. Oui, elle était un peu constipée, et alors? Certes, en fin de journée, Isabelle ressentait une profonde fatigue avant de prendre le bolas revisité, mais c'était uniquement parce qu'elle refusait de finir amorphe du matin au soir.


« Tout va très bien, je n'en dirai pas plus à ce sujet. » Lâcha-t-elle sèchement entre ses dents.

Si Morell voulait passer pour un dandy, il se comportait de manière déplacée. La baronne s'offusquait déjà lorsque Aure posait ce genre de question, mais de la part du sexe opposé, c'était intolérable.
Lorsqu'il l'interrogea sur son sommeil et ses rêves, Isabelle soupira, déjà lasse.


« Écoutez docteur, je connais les propriétés de la Mandragore, ainsi que ses effets. Je prends le traitement, et s'il calme la douleur, il me rend aussi amorphe le plus clair du temps. Je dors beaucoup et je rêve peu. Voilà. » C'était un demi mensonge. Certaines nuits, elle dormait d'un sommeil de plomb, et d'autres, la sorcière ne fermait les yeux que quelques heures pour être hantée de silhouettes floues, aux traits oubliés dès qu'elle rouvrait les yeux.

L'alchimiste se rendit soudain compte qu'elle devait paraître très vive pour quelqu'un sensé avoir pris sa dose du matin. Dissimulant sa panique, elle se racla la gorge avant de reprendre.


« Hum hum. Je n'aime pas prendre le bolas juste après mon repas. Je l'ai rangé dans mon tiroir pour ne pas le renverser par mégarde et je le prendrai juste après votre départ. »

Le plus tôt possible, espérait-elle. Isabelle voulait récupérer ses affaires rapportées par la charrette et Morell restait le dernier obstacle pour y parvenir.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La réflexion d’Isabelle sur la cicatrice du docteur eut une réaction assez inattendue, et difficile à décrypter ; un instant, le docteur devint tout figé, regarda tout droit le doigt de la patiente qui imitait la marque en traçant sur sa propre joue. Peut-être un être humain normal l’aurait imitée, dessinant lui aussi le contour sur sa marque — ou bien peut-être aurait-il un petit haussement d’épaule, ou une grimace, ou un sourire, ou on-ne-sait quoi. Mais Morell, lui, eut le visage parfaitement impassible, presque… Robotique. Et c’est avec une voix ferme, dure et claire qu’il offrit un fragment d’explication.

« C’est un patient qui m’a blessé ainsi, à l’époque où j’étais un jeune aliéniste. Je trouve que cela fait un bon memento :
Ne jamais baisser sa garde. »


Après quoi, il s’installa et griffonna dans son carnet.


Il sembla noter toutes les réponses d’Isabelle, sans réagir — tout juste hocha-t-il de la tête, avec un petit « hm-hm » approbateur. Enfin, il ferma le carnet, et se releva de son tabouret, le calepin toujours à la main.

« Le traitement prescrit par le docteur Rondet est assez faible à mes yeux. Elle a insisté pour vous limiter à deux doses — mais si vous dormez bien la nuit, alors c’est que c’est elle qui avait raison.
Vous semblez être une patiente impeccable. Je n’entends que des bonnes choses à votre sujet. La thérapie de sœur Rondet fonctionne donc bien… »


Il semblait répéter tout ça comme un encouragement.
Mais non.
Il y avait quelque chose dans son ton, dans sa manière de ponctuer ses phrases, d’un air acéré…
Il avait l’air déçu. Comme s’il aurait préféré que la gentille Shalléenne qui faisait des exercices à Isabelle échoue.

Pour quelle raison ? Par malveillance ? Parce qu’il voulait la garder enfermée ? Ou bien parce qu’il avait la fierté du scientifique méprisable celle qui fait détester de voir une de ses théories être erronée par un collègue ? Ce sentiment-là, Isabelle l’avait connue.

« Permettez ? »

Et sans attendre d’autorisation, il fit le tour du lit d’Isabelle pour aller devant son bureau.

Il étudia les différentes choses qu’Isabelle avait accumulé au cours des deux dernières semaines : les couverts métalliques, les petits accessoires, les bibelots faciles à faire disparaître. Il observa les ouvrages, également : la bibliothèque de l’établissement n’était pas très fournie, aussi, Isabelle n’avait pu emprunter qu’une édition d’encyclopédie (Le Grand Miroir, un ouvrage un peu daté mais très bien décoré), un dictionnaire en reikspiel, et un atlas mondial — bref, des lectures qu’on attendait de voir sur la table d’une personne lettrée qui désirait toujours avoir à portée de main de quoi se rafraîchir la mémoire sur n’importe quel sujet.

« Êtes-vous à la recherche de lectures particulières ? Peut-être pourrais-je vous en emprunter quelques-unes. »

Il fit un petit sourire sympathique. Il avait eu le bon goût de ne pas fouiller dans les tiroirs, où elle cachait ses affaires, mais Isabelle avait de quoi devenir très nerveuse, à le voir si près de son bolas…

« L’on m’a dit que vous aviez toujours beaucoup de mal à accéder à vos souvenirs. Que nombre d’entre eux demeuraient enfermés dans votre esprit…
L’asile a un hypnotiseur parmi son personnel, un Elfe. C’est une thérapie originale, que l’on va vous proposer. Voilà une science assez occulte, mais qui fait des miracles… »


Il regarda par la fenêtre. Fit un petit bruit avec sa gorge. Et changea soudain de ton — il devint plus souriant, et plus agréable aussi :

« Vous avez eu certaines requêtes, il me semble, sur des objets à récupérer de votre manoir, et de la famille à prévenir ?
Je me suis chargé de ramener ce que j’ai pu, mais étonnamment, les ordres ont été contre-signés et modifiés par… Des agents du Secret Impérial. J’ignorais que j’avais affaire à une puissante espionne qui menace la sécurité du Reikland. »


Il sortit de sa poche un petit feuillet, qu’il tendit à Isabelle. Le document était reconnaissable : c’était sa liste de courses, les choses qu’elle avait exigées, contre-signée par Aure Rondet. Mais bizarrement, certaines choses de la liste avaient été recouvertes de grosses barres d’encre noire, et un sordide symbole de croix Impériale noire avec un œil avait été tamponné à côté de la signature de la prêtresse, avec un numéro de matricule, celui du correcteur : 08-0045-B.

Tink avait été supprimé de la liste. Tout comme ses ouvrages scientifiques, ses thèses et ses traités de tout genre, dont elle avait soigneusement recopié les titres — la personne qui avait relu la demande avait soigneusement étudié tous les intitulés, car seuls les ouvrages généraux (Comme une bête chronique historique) ou les lectures divertissantes n’avaient pas été retirées.
De manière inquiétante, les noms de Detlef et Petra étaient bien inscrits, et avaient été relus par les espions de Karl-Franz.

« Un fonctionnaire passe une fois par semaine ici, en exigeant un rapport de la part d’Aure Rondet. Le docteur Rondet est choquée de leurs agissements, le refuse, et a porté plainte pour harcèlement auprès du tribunal de la principauté. Il reste que votre manoir est actuellement sous scellés et gardé en permanence par un soldat des Troupes d’État, alors, nous n’avons pas pu ramener toutes les affaires que nous aurions voulus…
Je dois admettre que ces façons de faire m’inquiètent également. En tant que médecins, nous sommes liés par le secret professionnel, et les agents n’ont pas à demander la moindre information qui relève de la confidentialité liant un docteur à son patient.
Vous êtes en sécurité avec nous ici, freiherrin, mais c’est une situation… Troublante. »


Il croisa les bras, et sembla jauger Isabelle.

« Je suis sûr qu’il y a une sacrée histoire derrière tout ça… Qu’est-ce que vous avez fait pour ainsi attirer l’œil de l’Empereur sur vous ? »


Jet de fouille à la recherche de babioles : 12, moyen, tu as un atlas et une encyclopédie généraliste, pas de thèse magique secrète.
Jet de fouille à la recherche de matériel : 6, excellent — les tas de trucs en métal que t’arrêtes pas de voler te fournissent un peu de bordel pour tenter de créer des trucs. Il te faudrait des outils, en revanche…

Jet d’empathie sur Morrell (Pas de compétence : -8) : 4, réussite.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

À la basse remarque d'Isabelle, le docteur n'avait pas eu la réaction attendue. C'était un détail, assez subtil, pourtant il provoqua un profond inconfort auprès de la vieille femme. Il y avait dans cette personne quelque chose... d'inhumain. Au cours de sa longue carrière, de ses nombreuses confrontations et phrases d'une cruauté chirurgicale, Breitenbach avait assisté à un vaste panel de comportements. De la colère à la peur, de l'offuscation à la résignation. Plusieurs avaient même fondu en larmes, garantissant une pleine victoire à la Dame de Fer.
Mais jamais la Grande Trésorière n'avait observé pareille attitude.

Un long frisson parcourut l'échine de l'alchimiste, qui changea de position sur sa chaise. Elle se mit instinctivement sur ses gardes, même si son pauvre corps restait sans la moindre défense. Isabelle n'aimait déjà pas ce personnage, et à présent, elle commençait à s'en méfier, à épier ses moindre mouvements, le ton de sa voix, l'expression de son visage. Peut-être la Princesse n'était-elle pas si dingue que ça, finalement?
Sa justification de la cicatrice n'améliora pas ce sentiment : venait-il de menacer directement sa patiente?

Oui, ce bon docteur était bel et bien quelqu'un de sadique, son simple phrasé rendait la chose évidente. Il n'approuvait pas la méthode de Aure Rondet et, même face aux preuves - car Isabelle elle-même devait admettre que son traitement avait eu des effets positifs - Theodor semblait déçu. Un mauvais perdant, un homme malveillant.
Fort heureusement, il restait pragmatique et ne s'acharnerait pas à doubler les doses de la pauvre dame. Pourtant, Breitenbach se sentait en équilibre. Elle pourrait admirer un esprit et un raisonnement aussi froids, mais ici, c'était elle la patiente, à la merci du brave médecin. Quelles seraient les conséquences si elle venait à contrarier cet homme? Où se trouvait la ligne à ne pas franchir? Certes, Isabelle tiendrait un peu plus sa langue qu'avec Hedwig, mais il lui était impossible de se soumettre à une tierce personne. Si la ligne devait être franchie, alors il en serait ainsi.

Soudain, sans même attendre l'approbation de son interlocutrice, le docteur se leva pour s'approcher des affaires d'Isabelle. Cette dernière commença une remarque, mais finit par se raviser. Réagir de manière excessive n'aurait que des conséquences néfastes. Theodor se demanderait ce qu'elle avait à cacher et n'en serait que plus enclin à fureter partout. S'il découvrait le bolas, comment réagirait-il? Mieux valait-il l'ignorer.
Tel un animal acculé observant son adversaire, la sorcière le fixa d'un œil tant bien furieux qu'attentif.

Lorsque Morell l'interrogea sur ses lectures, Breitenbach se détendit un peu. Après tout, pourquoi ne pas acter sur sa proposition? Demanderait-il quelque chose en retour? Isabelle n'avait rien à offrir pour l'instant, mais cela pourrait changer au cours de la conversation.


« En effet. J'ai eu beau fouiller la bibliothèque de fond en comble, c'est tout ce que j'ai trouvé.
En plus des séances avec Aure, je fais travailler mon esprit à ma façon. La science, chimique, physique ou aethyrique sont les meilleurs moyen pour huiler une psyché endormie. Mais ce n'est pas avec ces écrits de fumistes que je vais y arriver.
Autant rallumer un volcan avec une allumette... »


Isabelle changea de nouveau de position pour se mettre un peu plus à l'aise, paraître moins agressive.

« Me fournir des ouvrages plus avancés me permettrait de ne plus tourner en rond »

Breitenbach allait de toute façon récupérer ses textes livrés depuis son manoir, mais toute assistance supplémentaire serait bonne à prendre.

Le docteur changea ensuite de sujet pour parler de la mémoire de la baronne. Il mentionna l'elfe décrit par Isabella deux semaines plus tôt, ainsi que ses techniques d'hypnose. Au cours de sa carrière, la sorcière jaune avait rencontré au moins une de ces créatures. Le premier mot qui lui venait en tête lorsqu'elle pensait aux Asurs était arrogance. Ces êtres se considéraient comme supérieurs et voyaient les autres races du Vieux Monde comme de simples enfants agités. Isabelle ne supportait pas être ainsi prise de haut.
De plus, imaginer se mettre à la merci d'une tierce personne, même pour un temps limité, la répugnait. Il aurait accès à ses souvenirs, ses sentiments, ses craintes, ses envies. Il pourrait fouiller dans sa mémoire et découvrir bien des choses sur son passé de magistère. L'Empire laisserait-il un potentiel espion d'Ulthuan se procurer quelques uns de ses secrets?

Mais... avait-elle le choix? Plus le temps passait et plus Isabelle se convainquait que sa mémoire était victime d'un obscure maléfice. Auquel cas, un millier d'autres séances avec Sœur Rondet n'y changeraient rien. Peut-être que seule une créature si étroitement en lien avec l'aethyr pourrait lui permettre de déverrouiller son passer. Car après tout, tout Asur était capable de manipuler la magie, non?
Et même si elle ne lui ouvrait pas son esprit, au moins pourrait-elle en tirer quelques rafraîchissements sur ses études ésotériques.

Oui, le rencontrer serait probablement une bonne idée.

Ensuite, Morell mentionna la livraison d'Isabelle. Immédiatement, elle se redressa, toute excitée, du moins jusqu'à ce qu'il ne mentionne les modifications. Le visage de la Dame de Fer se décomposa, alors qu'une profonde détresse l'envahissait. Lorsque le docteur lui tendit le formulaire, la baronne le lui arracha des mains pour le scruter nerveusement. Presque tout avait été rayé, ne laissant que des livres ou accessoires anecdotiques. Par Sigmar, ils lui refusaient même son petit Tink.
C'en était trop, une terrible colère envahit le corps de l'ancienne magistère. Son teint blanchâtre vira au rouge cramoisi. Depuis son arrivée au sein de l'asile, Breitenbach n'avait pas ressenti pareille fureur.


« C'est... Les enfoirés! Comment osent-ils me traiter ainsi, MOI?! C'est l’œuvre de cette morue de Seyss, c'est certain!
Ils ne me laissent rien! Rien, rien, RIEN! MERDE! »


Elle devait se calmer. Lorsque la baronne se laissait submerger de la sorte, sa colère ne s'arrêtait pas de croître, prenant des proportions démesurées. Ce n'était pas bien grave lorsque l'on était entouré de personnes qui vous craignent, ou lorsque l'on pouvait la diriger sur de simples statues de ferrailles. Mais ici, Isabelle ne devait surtout pas passer pour une hystérique. Sinon, on doublerait ses doses de mandragores et elle finirait ses jours comme une vieille limace alitée.
Mentalement, elle jeta un seau d'eau sur la fournaise, faisant ainsi muter sa colère en une profonde lassitude. Épuisée de s'être ainsi brusquée, Breitenbach reposa son front sur le bout de ses doigts, comme pour étouffer la migraine naissante qui l'accablait.
Elle devait sauver la face et reprit d'une voix beaucoup plus calme, à peine tremblante.


« Voilà deux semaines que j'attends cette livraison. C'est... très frustrant. » Un profond soupir, une courte pause, avant de lever les yeux vers Morell. Elle lui rendit le formulaire à présent froissé.

« Vous devez avoir un paquet de patients qui pensent que le monde leur veut du mal, qu'un complot dément s'active à les réduire au silence. Eh bien, cher docteur, comme vous pouvez le voir, en ce me concerne, ce n'est pas seulement mon esprit qui me joue des tours. »

Isabelle était accablée par le récit de Theodor. Ils ne la laisseraient pas tranquille, ces fumiers s'acharneraient à rendre sa vie un enfer tant qu'elle n'aurait pas... n'aurait pas quoi d'ailleurs? Pourquoi pareil étalage de moyens pour une ancienne magistère oubliée? Jusqu'où iraient-ils? Petra et Detlef étaient-ils en danger? Bah! Qu'ils aillent tous se faire foutre! Ces lâcheurs n'auraient que ce qu'ils méritent. Même Hannah l'avait laissée tomber, préférant se faire arrêter pour un crime quelconque plutôt que de veiller au bien être de sa maîtresse!

Morell était curieux. Il se tenait là, bras croisé, l'air amusé devant sa patiente en détresse. Il voulait savoir ce qui avait provoqué pareil remue ménage. Isabelle s'en agaçait, mais décida de jauger son interlocuteur en retour. Il y avait un coup à jouer, et mieux valait prendre un chemin sinueux plutôt que d'attaquer en ligne droite. Elle se redressa pour porter sa pleine attention sur lui.


« Vous savez, Herr docteur, j'ai déjà entendu parler de vous par l'une de vos patientes. Isabella - non pardon - son Altesse Impériale Isabella! Elle m'a fortement conseillé de me méfier de votre personne. D'ailleurs, si vous vous demandez pourquoi vos traitement ne font pas effets sur elle, c'est parce qu'elle les dissimule systématiquement sous sa langue...
Je me dois de demander, par simple curiosité : c'est la démence qui affecte cette femme? Ou un sang de la plus haute noblesse coule-t-il vraiment dans ses veines?
Si c'est le cas, je ne vais pas le crier sous tous les toits, bien entendu. »


La Dame de Fer prit ensuite un air plus distrait, faussement peiné.

« J'imagine que la parole d'aliénés ne doit pas toujours être prise au sérieux. Vous me semblez être un homme pragmatique, assidu. Mais tous ces événements font partie de mon histoire, de ma personne, et je ne pourrais les confier qu'à un homme digne de confiance.
Comprenez, je suis actuellement dans une situation délicate : je cherche à aller mieux et l'on s'acharne à m'en empêcher. Pour cela, je n'ai pas besoin de grand chose, simplement de quelques ouvrages et d'un peu de matériel.
Si vous m'aidiez dans cette tâche, vous me deviendrez pleinement digne de confiance, évidemment. Vous comprendriez alors réellement ce que je fais là et comment je suis arrivée ici.
Mieux! Je pourrais même vous aider en retour. Après tout, ne serait-il pas dommage que d'autres médicaments ne s'égarent derrière des langues sans que vous ne le sachiez? »


Pour Isabelle - et Herr docteur le comprenait probablement - le mot confiance s'apparentait plus à contrat, ou à un échange de bons procédés. Les intérêts de chacun devait être garantis, sans quoi, il n'y avait aucun sens à remplir sa part du marché. La baronne lui raconterait une partie de son histoire, sa montée au pouvoir, puis la traîtrise de ses adversaires qui l'on délogée de son statu et de ses richesses avant de la laisser moisir dans son manoir. Elle s'arrêterait cependant avant le passage le plus intéressant, car ce cher Morell devrait d'abord remplir sa part du contrat.

Et on ne parlait plus de quelques ouvrages vaguement scientifiques, ou de quelques fourchettes en métal. Non, si cette collaboration allait plus loin, Isabelle espérait bien recevoir de la qualité en échange.

De plus, elle se vendait comme informateur. Il ne serait pas compliqué pour Breitenbach, la vieille femme fragile de l'asile, de se rapprocher un peu de certains patients, de glaner quelques infos sur l'assiduité de chacun dans leurs traitements, puis d'aller tout rapporter à ce bon docteur. Pour leur propre bien, bien entendu...



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Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Au commencement de la réponse d’Isabelle, Morell changea d’attitude. Il cessa de croiser des bras, et glissa ses mains derrière lui, en marchant très lentement dans la pièce pour se rapprocher de son tabouret de tout à l’heure ; Ainsi, il présenta seulement son dos à la magicienne, l’empêchant d’évaluer l’effet de ses propositions par des tics dans son visage. Il préféra écouter longuement plutôt que d’interrompre ou de laisser transparaître ses avis, et c’est avec une voix très précautionneuse, et seulement à la suite d’une courte pause, qu’il reprit :

« Le secret médical m’interdit de discuter de celle qui se fait appeler Isabelle. Vous n’apprécieriez pas que je me livre à des confidences sur votre propre situation, n’est-ce pas ? Pourquoi la souhaiter pour autrui ?
Je peux simplement vous confier qu’elle n’est pas la sœur de notre Empereur, bien qu’elle ait une véritable éducation aristocratique.
Du reste, je vous… Remercie, de m’avoir prévenu. Son traitement est essentiel pour lui permettre de guérir, et il est dangereux pour elle de ne pas… Prendre les doses que je lui recommande. »


Il reprit sa place sur le tabouret, et regarda la patiente tout droit.
Et c’est alors qu’avec une voix froide, et monotone il énonça quelques propositions qui avaient, dans sa bouche, l’allure de la vérité.

« Je ne pense pas que je puisse obtenir votre confiance en vous demandant d’espionner sur les autres patients. Il faut que vous admettiez que ce serait là un procédé d’une violence morale inouïe, et surtout, une profonde hypocrisie, qui n’a pas l’air de vous déranger, ce qui est particulièrement étrange — comment pourriez-vous me croire digne de confiance, si vous me fournissez des informations secrètes sur les autres aliénés ? Votre incapacité à vous mettre à la place d’autrui, c’est-à-dire, l’empathie, est en fait un trait clinique du diagnostic que nous avons établi à votre encontre.
Alors même que je souhaite en apprendre sur vous, et vous aider à vous sortir de cette situation, vous tentez, pour garder le contrôle sur tout ce qui vous entoure, de transformer la chose en un sordide marché, où vous essayeriez de susciter mon intérêt, pour une raison que je ne suis pas certain de comprendre…
Redécouvrir votre histoire et l’affronter n’est pas quelque chose qui me sert moi, en dehors de ma mission de médecin serviteur de Shallya. C’est en revanche quelque chose qui vous sert vous, puisqu’il est dans votre intérêt d’aller mieux, de vous sentir mieux, et de remettre de l’ordre dans votre esprit.
À moins, bien sûr, que vous ne désiriez pas aller mieux… Je ne vous en voudrais pas. Vous ne seriez pas ma première patiente dans ce cas-là. »


Il croisa une jambe sur l’autre, et posa ses mains sur son genou.

« Voilà ce que je vous propose : Je vais prendre un rendez-vous pour vous, afin que vous participiez à une séance d’hypnose demain, avec… Herr Freydion Sageciel, enchaîna-t-il en hésitant sur la formule d’appel de l’Elfe. Ainsi, vous pourrez améliorer votre compensation psychique.
Je peux essayer de trouver quelques livres pour que vous passiez le temps, également. Ce sont les privilèges qu’ont les bons patients. »


Il ouvrit son veston, et observa sa montre gousset.
Alors, il eut un sourire inquiétant :

« Je pense que c’est l’heure que vous preniez votre bolas de mandragore ? N’est-ce pas ? »

Et il avait l’intention de rester là pour l’observer prendre son traitement.

Jet de charisme : 20, échec critique
Jet d’intelligence de Morell : 2, réussite.

Tiens tiens tiens.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Sans l'interrompre, Isabelle écouta la réponse du docteur Morell dans son intégralité. Son sourire en coin s'était d'abord tendu sous les premières phrases. Puis il s'était tout bonnement désintégré quand la baronne avait compris qu'il ne servait à rien de jouer la comédie. De manière chirurgicale, l'homme attaquait sa patiente, la ridiculisait même, enfonçant toujours plus son visage dans les excréments de sa morale.

Breitenbach était réduite à l'état d'enfant sur lequel on tartinait des préceptes abominablement dérisoires, et cela l'enrageait au plus haut point. Mais ses lèvres restèrent scellées, laissant Theodor s'amuser à son petit jeu. Car il avait parfaitement décrypté les intentions d'Isabelle - fort heureusement d'ailleurs, elle n'avait pas cherchée à être subtile. Or, lui-même en décidait autrement.
Roi au sein des fous, ce mâle n'appréciait guère que le fragment de pouvoir en sa possession soit détourné par quiconque. La Dame de Fer avait proposé une collaboration qui aurait grandement bénéficié à chacun, mais non. Non. Monsieur ne partageait pas et monsieur se vengeait de sa patiente qui avait osé le suggérer.

L'humiliation était vive pour l'ancienne magistère car, comme la fausse altesse le lui avait dit deux semaines plus tôt, ce bon docteur est un personnage cruel, fourbe, toxique. Très bien, ainsi soit-il. Qu'il joue donc, mais tout ce que Morell était parvenu à faire, c'était de se tailler une jolie place sur la Liste Breitenbach.

La baronne se redressa en haussant les sourcils.


« Je vois... » Dit-elle en soupirant.

Isabelle fit mine de lisser les plis de son immonde robe.


« Demain. Très bien. Ce pourrait être utile. »

Les phrases sortaient de manière de plus en plus hachées, les dents de la vieille dame se desserrant un peu moins à chaque nouveau mot. Le regard toujours fixé sur sa robe, ses gestes pour la déplier se faisaient de plus en plus rapides, colériques. Elle bouillonnait de l'intérieur, tentait de contenir sa fureur pour ne pas se porter préjudice.
Finalement, elle agrippa sa cuisse à la fois maigre et flasque. Son regard se releva enfin vers son interlocuteur. Isabelle pointa ensuite son doigt osseux sur Theodor, le visage ridé de colère.


« Mais ne me parlez pas de morale, ô bon docteur. » Elle n'avait pas haussé le temps, mais son timbre était aussi vindicatif que le venin d'un serpent.

« Vous n'êtes pas l'incarnation de la charité ou un grand sauveur des démunis de l'esprit. Vous n'êtes ici que pour une seule chose : étudier et expérimenter. Vos patients n'ont pas plus de chair à vos yeux qu'une équation incomplète.
Il n'y a qu'à voir votre réaction face aux méthodes de Sœur Rondet. Elles fonctionnent, j'en suis la preuve vivante. Mais vous êtes déçu, car cela va probablement à l'encontre de l'une de vos petites thèses.
Et malgré les améliorations de mon état, vous me forcez à ingurgiter le bolas devant vous, peut-être pour la simple satisfaction de me voir planer.
Vous voulez me punir, docteur? En voilà, une belle preuve de morale! »


Isabelle s'alluma une cigarette sans même passer par son accessoire.

« Mes intentions sont peut-être égoïstes, mais elles auraient pourtant bénéficié à tous, si vos méthodes sont si efficaces. Les patients prennent leur traitement et moi, j'ai mes lectures, donc une certaine forme de traitement. »

La baronne se leva d'un coup et se dirigea vers sa commode. Elle tira sèchement le tiroir et en sortit le bolas de madragore. Retournant à sa chaise, elle le leva ensuite en direction du docteur, comme pour trinquer avec lui.

« Soit, faisons plus simple. Je continue de rester une résidente "modèle", qui prend toujours son traitement. En échange, vous me procurez ces foutues lectures. »

Isabelle attendit que Morell accepte avant de prendre la mandragore. De toute façon, elle trouverait bien un endroit où le vomir plus tard sans risquer d'être repérée...
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Aux accusations d’Isabelle, Theodor Morell resta, comme à son habitude, de marbre. Glacial, sans un geste, que ce soit d’approbation ou au contraire de rejet ; tout au plus décida-t-il de corriger sa patiente, sans pour autant y mettre beaucoup de verve, ou même faire l’effort de donner l’impression qu’il croyait en ce qu’il disait :

« Je suis un médecin. Mon seul objectif est votre bien-être et votre guérison. Il n’y a aucun autre objectif derrière. »

Alors qu’Isabelle goba son bolas, Morell resta bien vissé à son tabouret. Et le voilà même qui regarda sa montre, longuement, en jetant quelques regards épiés sur la patiente de temps à autre.
Il comptait que le médicament soit bien absorbé par l’organisme, avant de partir. Comme un alchimiste, il faisait l’effort de mesurer les durées. En ça, il était bien un scientifique empiriste sérieux.


La mandragore apaisa bien Isabelle. Son corps devenait à la fois plus lourd à bouger, et plus léger à porter ; la haine lui semblait vaine, ou beaucoup trop fatigante pour ce qu’elle avait à affronter. Se vautrer dans le lit paraissait maintenant un bon moyen de passer une après-midi.

« Je vais essayer de vous trouver des livres, pour la prochaine fois que je viens.
Très bonne journée à vous, Freiherrin. »





Le reste de la matinée fut donc plutôt ennuyante. Mais en planant, Isabelle ne vit pas réellement le temps passer. La mandragore était plus forte que ses doses de laudanum ; ça soulageait ses douleurs, mais c’était au défaut de la transformer en larve. Même si elle tentait de s’accrocher à quelque chose, de demeurer productive en lisant, en révisant, ou en écrivant, elle finirait vite par abandonner, devant la difficulté du travail intellectuel.
Avant midi, pourtant, un événement agita bien son esprit, et la força à se ressaisir : un aide-soignant toqua à sa porte, entra poliment, et signifia que Detlef zu Ogenhammel était là pour lui rendre visite.

L’Ulricain était venu pour remplir sa part du contrat ! Il aurait peut-être été préférable pour Isabelle de suivre le plan de Petra, et de se cacher chez elle à Altdorf ; Eva Seyss n’aurait pas été capable de la ferrer chez elle. Mais enfin, elle avait fait jurer à ce brave homme de venir la chercher, si le pire devait arriver.

Rapidement, Isabelle s’habilla, avant d’être obligée de suivre l’aide-soignant qui portait avec lui le jeu de clés qui permettait d’accéder à l’ascenseur et de sortir des pièces réservées aux patients ; les deux semaines passées ici avaient permit à la magicienne d’un peu plus voir comment fonctionnait l’asile, et de commencer à se dessiner un plan mental des lieux, mais elle n’avait pas réellement pu espionner les endroits interdits aux patients.

Voilà pourtant qu’ils descendirent au rez-de-chaussée, et qu’ils retournèrent dans la grande pièce où se trouvait le tableau de Magnus, là où elle avait pu parler avec la folle qui disait être la sœur de Karl-Franz. Visiblement, l’endroit servait de lieu où accueillir des visiteurs. Depuis la dernière fois, on y avait installé quelques chaises et des tables. L’entrée, ou plutôt la sortie de l’asile était juste là, si proche ; il n’y avait qu’à sprinter vers l’extérieur, et courir à travers la cour, avant de passer les grandes portes ferrées — et au-delà, elle retrouverait le pavé de la capitale de l’Empire.
Malheureusement, l’aide-soignant lui collait aux basques. Et elle fut forcée d’aller dans le hall d’accueil.

On avait installé quelques chaises et des tables. Detlef était là, à regarder le tableau. L’aide-soignant, qui tenait bien Isabelle par le bras depuis qu’ils avaient quitté sa chambre, aida la vieille jusqu’à une chaise, lui chuchota qu’il était là si elle avait besoin de quoi que ce soit, puis il s’éloigna et alla tout au fond, pour offrir un peu d’intimité.

L’Ulricain n’avait pas changé depuis la dernière fois — toujours aussi moustachu (Au lieu d’être barbu comme sa religion aurait dû l’exiger), toujours aussi grassouillet, toujours aussi vêtu comme un bourgeois. Il n’avait pas le visage pâle, ou avec des yeux entourés de cernes ; le sort de sa belle-grande-tante ne semblait pas lui avoir causé beaucoup de tristesse.
Surtout, il semblait tirer la gueule. Et il fut bien moins poli que la dernière fois.

Il s’arrêta devant la chaise d’Isabelle, croisa des bras, et s’assit en face d’elle.

« Madame. Vous allez bien ? J’ai discuté avec votre docteur y a quelques jours, elle m’a dit que vous étiez bien soignée ici…
Vous semblez en forme. Plus que la dernière fois que je vous ai vue, c’est certain. »

Il regarda l’aide-soignant par-dessus son épaule ; celui-ci était occupé à se mordiller les ongles, distrait qu’il était.
Alors Detlef regarda Isabelle droit dans les yeux, et son ton fut soudain prit d’un accent de persiflage.

« Je me suis un peu renseigné sur l’état de votre manoir. Oui, c’est pas élégant, mais c’était il me semble le prix de mon aide, n’est-ce pas ?
Vous comptiez me prévenir quand que l’eau courante de votre maison est remplie de plomb ? J’ai vu les relevés et discuté avec l’Autorité des Eaux — votre manoir est absolument invendable, tout le terrain est envahi par des métaux lourds ! Je ne veux pas que mes enfants aient le saturnisme, moi ! »


Isabelle avait de quoi tomber des nues. Elle n’avait aucune idée de quoi il était en train de parler. L’eau du manoir von Breitenbach ? Infectée de plomb ? Ça pouvait pas être bon pour la santé, ça. Bizarre. Elle avait bon goût, l’eau de son puits, pourtant ?
Jet de charisme sur Morell : Caché.

Jet d’endurance : 16, échec
→ La prise de la mandragore t’ensuque pas mal. Tu deviens plus apaisée et pacifique. Tu souffres d’un -2 à tout test demandant un effort physique ou psychique particulier.


Jet d’intelligence : 20, échec critique.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Face à la réponse mécanique de Morell, Isabelle s'exclama d'un rire sans joie. Puis elle goba le bolus. Le bon docteur n'en fut pourtant pas encore satisfait et, la montre en main, attendit que le médicament fasse effet.
"Enfoiré." Se dit Isabelle. Elle n'aurait aucune chance de se débarrasser de la mandragore avant qu'elle ne fasse effet sur son organisme.
Assise bien droite dans sa chaise, la baronne ne le quitta pas de son regard meurtrier. Après seulement quelques secondes, elle commençait déjà à sentir son corps se détendre, bien malgré elle.

Breitenbach lutta, s'acharnant à raidir sa colonne vertébrale, à nourrir le fourneau de haine et de colère qui irradiait son torse. Agrippées aux accoudoirs de sa chaise, les mains de la vieille dame se blanchissaient sous l'effort. Elle n'avait pas besoin de compter pour anticiper la pleine prise de pouvoir de la mandragore : chaque battement de son cœur affaiblissait la murale de dignité qu'elle avait dressée autour d'elle.
Ses lèvres pincées se relâchèrent, son regard fixe s'égara à l'horizon, son corps sembla glisser sur la chaise. Pourquoi lutter? Le comprimé ferait fatalement effet et tout ce qu'Isabelle avait à faire, c'était de se laisser emporter. Après tout, le laudanum lui manquait tant, alors pourquoi diable ne pas profiter d'une mixture encore plus efficace?

Prenant brusquement conscience de son laisser aller, l'ancienne magistère se redressa, contractant tous ses muscles. Elle fixa Morell d'un ultime regard furieux, comme prête à bondir pour lui arracher la gorge. Mais le bon docteur n'en fut nullement intimidé. Et il en avait bien raison. La baronne s'affala sur sa chaise.

Satisfait, Theodor se leva, prononça quelques mots qu'Isabelle ne trouva pas l'intérêt d'écouter, puis sortit.



Lorsqu'on toqua à sa porte, la Dame Fondue ouvrit mollement les yeux. Quelle heure était-il? Quand avait-elle grimpé dans son lit? Et surtout, pourquoi se poser ces questions ennuyantes? Breitenbach ne voulait pas être dérangée et elle faillit congédier l'aide-soignant. Mais lorsqu'elle comprit la source de cette perturbation, Isabelle repoussa ses draps pour se redresser.
Detlef! Ce pitoyable Ulricain avait enfin décidé de lui rendre visite!

Il avait une jolie place sur la "liste des Sursis" de Breitenbach, un papier sur lequel étaient griffonnés les noms et les affronts commis par les ennemis d'Isabelle -surnommés les "Sursis". Actuellement très courte, la Dame de Fer espérait bien la compléter au fur et à mesure que sa mémoire lui reviendrait. Tous payeraient, proportionnellement aux atteintes qu'ils lui avaient portées.

Si les effets du bolus s'étaient amoindris depuis ce matin, ils étaient loin d'être totalement dissipés. La vieille dame réussit malgré tout à s'habiller rapidement avant de rejoindre l'aide-soignant. Ils évoluèrent dans les couloirs familiers de l'asile, avant de rejoindre l'ascenseur. La baronne s'extasia de nouveau de la machinerie de la cabine, rapprochant sa main du cadran à boutons autant qu'elle le pouvait sous la garde de son escorte.

Lorsqu'ils pénétrèrent enfin la pièce dans laquelle Isabelle avait rencontré "Son Altesse la Dingue", la baronne découvrit Detlef zu Ogenhammer. Si la vision d'une connaissance extérieure à l'asile lui réchauffa d'abord le cœur, Breitenbach se refroidit rapidement. Malgré tous les effets de la mandragore, elle ressentait une profonde animosité à son encontre. Il l'avait trahi dans un moment de besoin, marquant l'affront au fer rouge dans l'esprit de l'ancienne magistère.

Du coin de l'œil, Isabelle remarqua la porte menant à la liberté. Elle se dirigea instinctivement dans sa direction, mais fut doucement ramenée dans le droit chemin par l'aide-soignant. Elle n'avait aucune chance de s'échapper seule, surtout encadrée de la sorte. La narguer de la sorte était une cruelle torture, mais aussi une source d'espoir : la sortie était toujours là, tout comme le monde extérieur.

On l'installa sur une chaise, l'aide-soignant murmurant quelques mots dans son oreille avant de se faire congédier d'un grognement. Ce balourd de Detlef daigna s'éloigner du tableau pour aller la rejoindre. Les bras croisés, il s'assit en face d'elle. Il semblait d'humeur massacrante, ajoutant toujours plus de charbon au fourneau colérique de la vieille femme. Comment osait-il la regarder ainsi, sans la moindre trace de honte? S'il savait la chance qu'il avait d'avoir la mandragore pour contenir les effluves de haine de son interlocutrice.

S'il prit d'abord la parole pour échanger des banalités, la baronne voulut ensuite lui déballer ses quatre vérités. Malheureusement ramollie par les effets du bolus, Isabelle fut devancée par l'Ulricain qui s'approcha pour l'invectiver.

Les yeux écarquillés, elle ne s'attendait pas à pareil retournement de situation. C'était elle qui devait gueuler, pas l'inverse! Detlef était furieux. Il s'était renseigné sur l'état du manoir - quelle honte! - et avait découvert que les canalisations étaient remplies de plomb. Bouche bée, la baronne ne sut quoi répondre.
Elle avait du mal à réaliser les conséquences de cette déclaration. Était-ce vraiment grave? L'eau avait pourtant un gout agréable aux lèvres de la sorcière, mais cela résultait peut-être de son affinité avec le vent jaune. Pouvait-elle affirmer être immunisée aux effets de l'étrange maladie citée par Detlef? Absolument pas.
Quoi qu'il en soit, cette eau, elle la buvait depuis des années.


« Je... je ne savais pas. » Secouée, Isabelle ne trouva rien d'autre à répliquer.

Puis la situation lui parut soudainement absurde, ridicule. Elle devait présenter ses excuses à présent? Et puis quoi encore?!

Le moustachu trouva enfin réponse à sa colère, le regard d'Isabelle se chargeant d'une malice nouvelle. Se penchant en avant pour s'approcher de son interlocuteur, elle lui parla à voix basse pour ne pas attirer l'attention de l'aide-soignant.


« Mais c'est dérisoire Detlef, comparé à ce que tu m'as fait. Bordel, où était-tu? J'avais besoin de toi quand ils nous ont traînés, Hannah et moi, hors de mon manoir. Oui Hannah! Ce petit morceau de femme est en prison aujourd'hui. Elle te semblait être une menace?
Tu DEVAIS être là quand la sœur et son escorte sont venues à ma porte.
Tu m'as abandonné, tu m'as trahi Detlef. Et en plus tu te permets de me sauter à la gorge. »


À cause de la mandragore, la baronne avait quelques soucis d'articulation, ses mots sortant moins mâchés que ce qu'elle n'aurait souhaité. Mais l'intention y était. Isabelle se rabattit sur le dossier de sa chaise et écarta les bras pour offrir un triste spectacle.

« J'ai l'air en forme d'après toi? Tu en as d'autres des remarques brillantes de la sorte? Ils passent la journée à me droguer, à m'habiller de torchons. Ils m'interdisent de récupérer mes affaires. Mais quelle conne j'ai été de te faire confiance. Petra, elle, m'aurait épargné toute cette humiliation. »

Elle posa son pouce et son index sur son front. Breitenbach était lasse, fatiguée. Elle aurait voulu se lever, hurler, jeter sa chaise sur Detlef, plonger ses ongles dans son visage. Au lieu de quoi elle restait là, avachie, colérique, mais sans la moindre forme de panache. Ses mots ne restaient pas moins aiguisés, car voilà deux semaines qu'elle les ruminait.

Si elle n'avait plus accès à sa fougue, à sa légendaire intimidation, alors la Dame de Fer devrait se rabattre sur sa fourberie.


« Le plomb... » Elle soupira, exaspérée, se massant toujours le front. « Detlef enfin... je suis une ancienne magistère de l'Ordre Doré. Si changer les canalisations en or me vaudrait probablement des représailles de mes anciens collègues, je peux sans mal les altérer pour faire disparaître toute trace de matériaux néfastes.
Alors je t'en prie, arrête un peu de t'inquiéter pour ça, et médite plutôt sur un moyen de me faire sortir d'ici. »


Pouvait-elle tenir sa promesse? Du temps de sa splendeur, peut-être, à l'aide de plusieurs rituels savamment exécutés. Mais aujourd'hui, certainement pas. Pourtant, ce mensonge n'allait pas empêcher Isabelle de dormir, car ce n'était que lui rendre la monnaie de sa pièce. Elle n'aurait qu'à agiter quelques babioles et simuler une manipulation intense de l'aethyr une fois sortie de l'asile. Rassuré, ce bon Detlef profiterait alors d'un manoir "sain" pour ne découvrir que bien des années plus tard que ses enfants tombaient un peu trop souvent malades...
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’Ulricain demeura de marbre. La première fois où elle l’avait rencontré, Detlef paraissait si idiot, et si malléable, un véritable canard pour son épouse de la maison von Breitenbach ; mais devant les reproches d’Isabelle, il gardait cette mine suffisante, avec les lèvres bombées en cul-de-poule, et un sourcil de temps à autre légèrement sur-élevé.

Que la jeune Hannah Merz soit l’otage de la Chambre Noire ne sembla pas le toucher le moins du monde. En revanche, quand la baronne déclara que Petra aurait mieux fait qu’elle, le voilà qui fronça fort les sourcils, et eut un petit hoquet — visiblement, Isabelle était parvenue à toucher sur un point très sensible.
Sûrement parce que c’était vrai. Le plan de Petra de simplement fuir le manoir aurait sûrement rendu le travail d’Eva Seyss beaucoup plus difficile.

La promesse d’Isabelle de réparer les canalisations avec un peu de magie sembla faire mouche ; il eut un hochement de tête et un petit sourire satisfait. Il est vrai que en soi, couvrir les canalisations d’un peu de calcaire (Un autre minéral) ne devait pas être bien compliqué, et pour ce que Detlef en savait…

« Soit. Mais il faudra faire attention, s’il y a d’autres vices cachés de ce genre… »

C’était visiblement la chose la plus importante pour lui. La détresse de la vieille dame ne sembla le toucher aucunement. D’ailleurs, quand elle avait dit qu’elle était en très mauvais état, il avait lancé un long regard un peu surélevé et bien peu courtois sur son corps — l’air de dire « vous m’avez l’air très bien portante, pourtant ». Nul doute que ça ne pouvait qu’empirer un peu plus la colère que ressentait madame von Breitenbach en cet instant ;

« Le problème, c’est que, j’ai parlé à votre docteur, et il semblerait qu’elle ait un papier disant que c’est de votre propre accord que vous êtes ici soignée. Que voulez-vous que je fasse ? Que j’engage un avocat pour attaquer le culte de Shallya en justice parce qu’ils veulent soigner une malade qui a reconnu sa maladie ? »

Oui, par exemple. Detlef évoquait l’idée comme si elle était stupide, alors qu’Altdorf devait être remplie à ras bords d’avocats véreux qui n’auraient aucune honte à traîner la religion de la Colombe devant les tribunaux. Mais l’Ulricain imaginait peut-être que s’en prendre à une religion aussi respectable était impensable.
Le choix de son poulain entre lui et l’actrice se révélait décidément de plus en plus malhabile…

« Pour votre domestique… J’ignore un peu toutes ces histoires. À vrai dire, je ne suis pas repassé à votre manoir depuis la dernière fois. J’ai uniquement consulté de nombreux documents des archives, pour faire mes petites recherches et évaluer le prix que j’en obtiendrais… »

Voilà la donnée qu’Isabelle avait oublié de prendre en compte : le beau-père de Detlef avait assuré une place à ce crétin de moustachu à la Commission des Archives Impériales !
Sur le coup, Detlef avait décrit ce travail comme une simple planque administrative. Mais Isabelle savait que toutes les administrations de l’Empire et du Reikland versaient dans ses trésors leurs procès-verbaux, documents de comptabilité et autres décisions importantes ; s’il avait réussi à obtenir des documents sur le manoir, était-il possible qu’il ait des documents sur Isabelle ? Voire, sur Wilfried ?

Et surtout, serait-il assez courageux pour aller les chercher et les lires ? Ça, c’était bien moins sûr.

« Mon avis, c’est plutôt que vous devriez attendre d’aller mieux, et sortir de vous-même… Le docteur Rondet avait l’air très gentille. Quant à votre domestique, quel crime a-t-elle commis, et où est-elle enfermée, actuellement ? »

Elle devait l’être sur l’Île Noire, la forteresse privée du Secret Impérial et de ses tentaculaires bureaux et agences. Loin d’être secret, le service de renseignement de l’Empereur avait officiellement un blason et une existence légale ; seuls ses agents étaient camouflés par des alias et des matricules.
Ils avaient leurs propres locaux et leurs propres militaires pour détenir qui ils souhaitaient. Mais ils étaient toujours soumis à la loi de l’Empereur et ses tribunaux. Les attaquer eux serait autrement plus compliqué.

Heureusement, Isabelle avait encore quelques alliés à contacter. Peut-être pouvait-elle tenter de réécrire à Petra ; Ou trouver un moyen d’avoir l’assistance des Poissons… Le Crocodile devait bien être embarrassé de ne plus avoir sa chimiste préférée, et lui serait sans doute beaucoup plus actif que l’Ulricain pour essayer de la faire sortir d’ici. Un peu trop actif d’ailleurs, peut-être.
Jet de charisme (Bonus : +2) : 20, échec critique. Abadakor, ça n’en finit plus. Bon en vrai ça compte comme un échec normal parce que j’ai pas de raisons d’empirer la chose avec un critique, mais tout de même :⁾

Jet d’intelligence : 7, réussite

Jet de connaissances générales (malus : -4) : 3, réussite
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Si Isabelle avait tout d'abord considéré Detlef comme un gros benêt - le genre émotif et malléable, à vouloir fonder une famille - elle prenait à présent pleinement conscience de ce qui lui faisait face. Un presse-papier dans l'âme, un homme au sang aussi noir que l'encre qu'il couchait tous les jours sur une infinité de documents.
Il aurait fait un excellent collaborateur dans le temps, car doté d'un certain sens des affaires. Mais en cet instant précis, elle aurait préféré pouvoir jouer sur la corde sensible. Seule sa remarque sur Petra semblait avoir fait mouche, mais ce n'était probablement que par réalisation d'un travail bâclé que par un réel élan d'empathie envers son interlocutrice.

La détresse de la Dame de Fer l'importait peu et il ne tentait même pas de le dissimuler correctement. Si sa colère au sujet du manoir s'était dissipée, il n'affichait à présent rien d'autre qu'une terrible condescendance, enrobée d'une lassitude insupportable. Detlef poussa même le vice plus loin en rappelant à Isabelle qu'elle avait elle-même signé pour se faire interner.


« Ces enfoirés m'ont forcé! Je n'avais pas le choix, merde! » grinça-t-elle entre ses dents.

Breitenbach se calma. Elle imaginait la triste scène qu'elle devait offrir et se rendit compte que, face à elle-même, la Dame de Fer aurait aussi été dubitative. Detlef l'enrageait intensément et seule la mandragore lui permettait de garder son calme. Ce n'était peut-être pas si mal car, si jadis elle se sortait de ce genre d'impasse par l'intimidation, tant bien verbale qu'aethyrique, l'ancienne magistère n'avait plus autant de cartes à jouer aujourd'hui. L'Ulricain se jouait d'elle, se délectant d'une position de force certaine. Du moins le croyait-il...


« Très bien, Detlef. » Elle se rabattit sur le dossier de sa chaise, les bras croisés, le regard venimeux.

« J'ai souvenir d'une petite histoire. Celle d'un étranger, d'un homme du nord qui cherche à se faire une place au sein d'une des familles les plus riches de l'Empire. Seulement voilà, un étranger, il le restera.
Il a rangé ses armes pour s'équiper de stylos et c'est pour gagner les faveurs de sa belle-famille qu'il gratte de la paperasse toute la journée. Sûrement vont-ils enfin le considérer à sa juste valeur et l'accepter? Eh bien non. Car les... - tiens, appelons-les Treibenbach! Les Treibenbach ne voient que le sang et celui de l'étranger était aussi glacé que ses contrées d'origine. Fin de l'histoire. »

« Ou peut-être que non? Parce qu'une figure éloignée de la famille prit un jour contact. Dans le besoin, elle lui proposa ses richesses et lui entrouvrit la porte menant vers la vraie noblesse. En échange, l'étranger devait lui venir en aide.
Bah, tout se finit bien alors, n'est-ce pas? Malheureusement non, car l'étranger ne daigna pas remplir sa part du marché. La figure éloignée, elle, renoua d'autres alliances et sortie seule satisfaite de cet accord. »


Isabelle laissa flotter un silence entre eux, les bras toujours croisés, son regard dévorant sa cible d'un jugement froid. Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix était de nouveau dirigée vers son interlocuteur.

« Tu te fous de mon état physique et mental comme je me fous de ton avenir au sein des Breitenbach. Ce n'est pas par pitié ou par charité que je t'ai demandé d'agir, mais par contrat.
Tu devais les empêcher de m'enfermer à l'asile. Or, actuellement, il semblerait que tu aies misérablement failli dans ta mission. Ton avis, tu peux te torcher avec. Ce n'est pas en tant que prêtre que j'ai fait appel à tes services. »


La Dame de Fer se pencha en avant, joignant ses mains sur ses genoux.

« Résultat, je fais quoi, moi? Je suis forcément tentée de me diriger vers d'autres solutions et te fermer définitivement l'accès à mon manoir.
Seulement voilà, je sens que tu peux toujours m'être utile. »

« Car ce métier que tu exerces comme une banale activité quotidienne te donne en réalité accès aux plus grands trésors de l'Empire : son passé et ses secrets. Oh, ne t'inquiète donc pas, je ne vais pas te demander de trahir ta chère patrie, simplement d'éclaircir ma lanterne sur plusieurs sujets. Trois en particulier. »

« D'abord sur moi-même. Mon existence m'a été arrachée d'une manière ou d'une autre et il ne m'en reste que quelques fragments. Tout ce que tu m'apporteras sur ma période de compagnonnage, ainsi que sur mes exploits au Collège Doré, me sera utile pour lever ce voile.
Certains noms me sont revenus et il me faut en savoir plus. »


Elle réfléchit un instant en se tapotant la lèvre inférieure, son regard se fixant sur un horizon distant. Elle se les était répétés à plusieurs reprises depuis sa redécouverte du tableau, justement avec Detlef.

« Caton, Gwenwyn, Lauretta Leutze, Rainfred, Fedele, Yonec... Yonec de Huntingfield. Et surtout, Bismuth, un golem. Note-les si nécessaire. »

Isabelle avait beau ruminer cette image dans sa tête, rien n'en découlait. Peut-être Detlef serait la solution.

« Ensuite sur Wilfried Breitenbach, mon fils. Je sais à présent qu'il y a plus à découvrir à son sujet. Gueule d'Or est sensée me donner des nouvelles, mais il ne s'est toujours pas manifesté. De plus, les archives pourraient m'éclairer sur certaines choses avant qu'il n'ait été livré aux répurgateurs. »

Eva Seyss avait éclairé les pensées d'Isabelle à propos de Wilfried d'une tout autre manière. La baronne était à présent presque convaincue que son fils était toujours vivant. De plus, chaque mot sortant de derrière le masque doré - s'il décidait finalement de respecter sa part du contrat - ne pouvait être digne de confiance. Detlef pourrait découvrir des informations que le Patriarche Suprême aurait survolé ou refusé de dévoiler

« Enfin, renseigne-toi sur Hanna Merz, ma domestique. Je dois savoir pourquoi on l'a arrêtée. M'est avis qu'elle est enfermée sur l'Île Noire, donc reste discret dans ta collecte d'informations. »

L'ancienne magistère se redressa, se sentant vaillante pour la première fois depuis des lustres. Elle se sentait calme et maîtrisait mieux ses émotions sous l'influence du bolas.

Elle hésita un instant à envisager les Poissons pour venir à son secours, mais il était encore trop tôt. Il lui faudrait rester un peu plus dans cet enfer, en espérant que Balthasar tienne promesse. De plus, si elle continuait de faire attention, cet environnement pourrait s'avérer propice à son réapprentissage de la maîtrise aethyrique.


« Tu peux m'apporter ces dossiers au fur et à mesure, car j'espère avoir régulièrement de tes nouvelles. C'est ta dernière chance Detlef, après quoi, les clés irons à Petra. »
Modifié en dernier par Isabelle Breitenbach le 05 juin 2022, 21:06, modifié 1 fois.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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