[Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

L’Empereur Karl Franz siège à Altdorf, capitale impériale depuis. Altdorf est un carrefour du savoir et son université est l’institution académique la plus respectée de tout l’Empire. Là, les seigneurs et les princes de nombreux pays viennent s’asseoir aux pieds des plus grands penseurs du Vieux Monde. Altdorf est aussi le centre du savoir magique et ses huit collèges de magie sont fort justement réputés bien au-delà du Vieux Monde. Altdorf est une ville affairée, avec un nombre important d’étrangers, de commerçants et d’aventuriers. La cour impériale elle-même engendre une activité économique florissante, qui attire toutes sortes de gens.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Et à certains moments je murmurais en boucle une phrase au docteur : « Quand pourrais-je rentrer chez-moi ? », quand bien même je savais que chez moi était le dernier endroit sur Terre où je voulais être. Et alors les médecins venaient tous autour de moi, et m’observaient à la recherche de signes d’anormalité, comme des furets qui patientent devant le terrier que le lapin montre son museau. »

– Jeannette Frame, noble Bretonnienne internée pour hystérie.





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Le départ d’Isabelle de son manoir fut étonnamment vif, et, toute doucereuse qu’était la prêtresse de Shallya, il y avait une certaine violence dans la façon dont ça s’était déroulé.
La magicienne n’avait pas eut le temps d’aller se chercher des affaires. On ne lui avait pas proposé de mettre dans une valise des habits ou une trousse de maquillage, et on ne lui avait pas laissé le temps d’emporter une bourse ou une sacoche dans laquelle mettre à l’abri des documents importants ou de l’argent auquel elle tenait.
On ne quitte pas son domicile pour une durée indéterminée sans prendre certaines précautions. Qui allait laisser à manger pour les chatons de la serre ? Qui allait surveiller son manoir au cas où des voleurs passaient dedans ? Qui allait ouvrir les fenêtres pour aérer, ou tirer de l’eau pour éviter que les canalisations de plomb ne stagnent trop ?
En principe, sa gouvernante gérerait toutes ces contingences matérielles. Mais Hannah Merz elle aussi semblait se retrouver dans une situation fort difficile.

Le mélange de mandragore avait l’avantage de pacifier — au moins un temps, c’était certain. Placée dans la voiture, juste en face d’Aure Rondet, elle pouvait juste tranquillement coller son front contre l’écoutille de la porte, et regarder la campagne de la principauté d'Altdorf défiler. Il faisait froid, assez pour que ça se mette à mordre son nez et sa bouche ; elle découvrait des arbres fruitiers devant lesquels on avait fait cramer du petit bois, et un duo de cavaliers sur des roncins patrouillant les ares de terre de leur maître.


Altdorf est une ville ouverte. À chaque heure de la journée, même en pleine nuit, on entre dans la grande cité sans ennuis.

En temps normal.

Ce qui réveillait peut-être Isabelle de sa torpeur, après deux longues heures passées à somnoler devant le paysage absolument invariable, ce tas de champs en jachère et ces troupeaux de bœufs en train de grignoter de l’herbe grasse, c'était quand ses oreilles se mirent à résonner, la faute à des dizaines de sabots de cavaliers au petit trot. Devant l’écoutille, elle vit passer des demi-lanciers portant demi-armures, des grosses gueules cassées de vétérans menés par un enseigne qui soulevait à bout de bras une bannière régimentaire à tête-de-mort. Juste derrière eux, à une cinquantaine de pas, une masse de soldats en colonne, par rangs de trois, marchaient en cadence avec des guisarmes, se faisant entendre par le frétillement d’acier de leurs cuirasses et le « un ! deux ! — un ! deux ! » de leur meneur.
Les Troupes d’État d’Altdorf étaient sorties de leurs casernes, en énorme nombre. Une revue d’arme impromptue, qui semblait avoir pris beaucoup de gens au dépourvu.
La voiture d’Aure Rondet se mit à ralentir, et alors que le conducteur s’embourbait au milieu d’embouteillages devant les portes ouest, une demi-douzaine de petites scénettes se jouaient le long du chemin. Un bébé impatient en train de pleurer malgré les petites secousses de sa maman chantonnant « à cheval gendarme ; hardis Bastignons ». Un Halfelin défait, les fesses par terre, ses pieds-nus couverts de boue, devant un chariot à bras rempli de fruits en train de pourrir en plein air. Un monsieur moustachu en chemise, tout rouge, en train de hurler en postillonnant sur un garde de la ville, une jeune fille apeurée un peu à l’écart de lui.
Et puis, un espace vide.
L’armure scintillante d’un chevalier de la Reiksgarde, le poitrail couvert de ruban et de médailles, l’épée dégainée plantée dans le sol entre ses pieds.
Il était en train de monter la garde devant une petite estrade. L’estrade menait à une grande barre en bois qui servait à suspendre une enseigne. On avait jeté dessus un lien de chanvre, et, en dessous, gisait un corps.
Un cadavre avec de beaux habits de nobles, avec un pourpoint tailladé, des chausses et un col d’où on avait arraché un morceau de la collerette. Son haut était maculé de sang, dégoulinant, et on avait placé autour de ses épaules une pancarte avec, rédigé en lettres capitales à l’aide de peinture blanche, un mot : « Verräter ».

Les militaires semblaient fortement limiter les sorties et les entrées de la ville. Pourtant, la voiture s’arrêta, il y eut une discussion avec le chauffeur, un homme casqué passa devant l’écoutille pour regarder les passagers ; il fit un signe Shalléen en voyant la prêtresse, tandis que ses camarades semblaient ouvrir le coffre derrière.
Finalement, le sergent siffla et agita la main pour faire signe à l’attelage de redémarrer, et voilà qu’Isabelle se retrouvait dans la vieille ville d’Altdorf, dans son versant ouest.

Et la cité était calme. C’est peut-être ce qui pouvait le plus faire paniquer.

Altdorf n’est jamais calme. C’est impossible. Qu’on soit dans un quartier riche, modeste ou pauvre, qu’on soit au milieu d’une communauté étrangère, sur le territoire des marchands ou au milieu de l’université, aucun endroit dans toute la ville ne peut-être qualifié de « calme ». Même certains cimetières sont des domaines où, ironiquement, la vie bourgeonne ; il y a bien, c'est vrai, quelques îlots de tranquillité au sein de la ville, des parcs bénis de Rhya où on peut entendre les oiseaux chanter, et où on peut murmurer à son interlocuteur. Mais ils demeurent confidentiels, connus par le bouche-à-oreille des vieux promeneurs et des jeunes amoureux.
Aujourd’hui, pourtant, Isabelle découvrait une Altdorf enrégimentée. Des gens circulaient bien ; mais ils marchaient tous d’un pas pressé, en lançant des regards inquiets à droite et à gauche. On entendait les cloches de la ville sonner, et on passa devant une place où des militaires attendaient arquebuse au pied. Généralement, les militaires ne sont pas aimés en ville, et Altdorf n’aime pas rester sous état d’urgence bien longtemps ; les Altdorfer savent se faire respecter, quitte à se transformer en émeutiers, et pas certain que les régiments convoqués se permettaient de se montrer en plein jour de cette façon dans le versant est de la cité.
Mais ici, l’armée du prince avait bien imposé son ordre. Aujourd’hui allait être un jour où les écoliers sortiraient plus tôt de cours, où les étudiants des facultés ne feraient pas la bringue, et où chacun irait tranquillement manger et se coucher tôt chez soi.

La voiture s’arrêta trois fois en traversant le pont aux trois péages — histoire de bien respecter son éponymie. Isabelle redécouvrit ce pont si particulier, large et bien construit, sur lequel des petits commerçants tiennent des boutiques. Elles servaient aujourd’hui non à nourrir des débardeurs et des colporteurs, mais des soldats de l’armée et des surveillants de la garde urbaine qui avaient remplacé tout le trafic d’ordinaire si congestionné.
Et voilà que la voiture retournait au quartier de l’université, qu’Isabelle connaissait bien. Le collège doré était si près ; il n’y avait qu’à tourner à droite.
Et les chevaux tournèrent à gauche.

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Je te présente l’hôtel-Dieu de Beaune, une merveille de l’architecture Française. Le Grand Asile d’Altdorf ressemble à ça, pour te donner une jolie image mentale.


La voiture passa sous un porche, avec deux grandes et lourdes portes en bois ouvertes. Devant, un écriteau noir aux lettres de bronze marquait le nom du lieu : « Grand Asile d’Altdorf », et une invocation en classique juste à côté, qui se traduisait par une formule pieuse : « Bénis soient ceux qui souffrent. ». Sur un panneau de bois, on avait placé des écus héraldiques, qui montraient des armoiries de régiments et de provinces succinctement.
De ce qu’Isabelle savait, le Grand Asile était une fondation de Magnus von Bildhofen — comme un tas d’autres choses à Altdorf, d’ailleurs. Il avait été fondé comme un hôtel des invalides de guerre, et c’était d’ailleurs encore sa fonction principale ; les militaires vétérans de l’Empire, souffrant d’esprit ou de corps, pouvaient toujours venir ici pour qu’on leur offre un endroit où dormir et de la soupe à manger.
La médecine de l’esprit était une discipline nouvelle. Aussi, pour l’heure, Isabelle allait être envoyée dans un sanatorium pour soldatesque.

La voiture s’arrêta au milieu de la cour. Tout autour, on pouvait voir ce grand bâtiment à toiture vernissée et colonnes de pierre.
La prêtresse, qui avait passé le voyage à répondre aux éventuelles questions d’Isabelle, ainsi qu’à rédiger de la paperasse (À croire qu’elle ne craignait pas de renverser de l’encre sur ses feuilles avec le roulis des essieux…), rangea enfin ses affaires avant d’offrir toute son attention à sa patiente. Elle posa une main sur la sienne, et la rassura d’un sourire.

« On va vous donner une chambre individuelle, des vêtements propres et de la nourriture chaude. Nous avons de la lecture, du chauffage, et des sœurs initiées peuvent vous laver.
Tout sera mieux ici, mieux que seule chez vous. Shallya vous garde. »


Elle ouvrit la porte de la voiture, et on entendit ses souliers gratter le gravier de la cour. Le voiturer descendit de l’attelage, et commença à détacher ses bêtes.
Au bout de bien cinq-six minutes, deux jeunes hommes revinrent. Des grands messieurs en chemises et bas tout blancs, avec des amulettes de Shallya autour du cou ; probablement pas des prêtres, sûrement des infirmiers laïcs. Ils se signèrent devant Isabelle, et l’un d’eux, un blondinet aux joues creuses, sourit à son tour.

« Vous avez besoin d’aide pour marcher ? »

Son collègue pointa quelque chose à côté d’elle. Alors, le blondinet attrapa la cane de la magistère.
Quelque chose sembla le déranger. Il tira dessus, et découvrit une lame. Les deux se regardèrent avec des gros yeux. Haussement d’épaules de l’un. Le blondinet ricana.

« Heu… Ouais… on va vous en trouver une autre je pense. »

On la faisait entrer à l’intérieur. Traverser de grandes pièces où chaque porte était décorée de petites statuettes, ou encerclées de fresques peintes aux murs pour représenter des soldats à genoux, pleurant, avec la grande Shallya qui en touchait ou en embrassait parfois. Un grand Magnus von Bildhofen victorieux n’était non pas en armure, mais en robe de prêtre Shalléen, un halo lumineux autour de son crâne.
Visiblement, il y avait un jardin derrière l’asile. On posa Isabelle au chaud devant une cheminée où du bois crépitait, et le blondinet se mit à poser une foule de questions à la magistère : si elle avait froid, si elle avait faim, si elle désirait quelque chose ; et il lui dit que quelqu’un viendrait pour lui offrir son bain, en donnant des horaires, et en précisant l’heure qu’il était actuellement — déjà seize heures !
Puis, très vite, on la laissa seule, à pouvoir juste rester dans son coin sur une chaise au milieu de cette grande pièce vide, sous le regard de Magnus et des militaires éplorés.

Au bout d’un moment, une autre femme entra, avec une prêtresse femme. Une patiente qu’on installa sur une chaise, habillée en robe de chambre, un simple chaisne épais, et un bonnet sur la tête. Les deux parlèrent à voix basse, des éclats de conversation portés par l’écho de la pièce. Et la prêtresse s’éloigna, et voilà qu’Isabelle se retrouvait séparée d’une vingtaine de pas de cette dame assise comme elle à l’autre bout de la salle.
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Note : Elle n’est pas maquillée, n’a pas de boucles d’oreilles ni les cheveux noués.


Une grande femme, la cinquantaine entamée. Plutôt fine, surtout de visage, même si elle avait un ventre un petit peu bedonnant. Elle observa à droite, et à gauche, et à nouveau à droite et à gauche.
Et finalement, elle décida de se lever, et d’aller s’asseoir juste à côté d’Isabelle, et d’engager naturellement la conversation avec elle avec une voix pressée, piaillant à toute vitesse sans prendre à peine une pause pour respirer.

« Vous me paraissez nouvelle, non ? Je ne vous avais jamais vue avant. De fait, je ne viens point souvent au Grand Asile — oh comment vous avez de la chance ! Si vous résidez dans une chambre côté jardin vous pouvez voir les beaux soldats faire leurs exercices le matin ! Je me souviens que j’avais une chambre côté cour, ça permet certes de se lever avec le soleil mais cela donne moins matière à s'égayer…
Êtes-vous ici pour… Une raison particulière ? Si ce n'est point indiscret, bien sûr. Si c'est indiscret je vous présente mes excuses et je me récuse ! À titre personnel, je peux vous le dire, je suis ici pour voir le docteur Morell, ou plutôt, on me force à rencontrer le docteur Morell — autrement, je suis à l’hospice de Frederheim — vous êtes venue voir le docteur, vous ?
Oh, mais je parle, je parle, et je ne me présente même pas ! Pardonnez-moi — vous pouvez m’appeler Isabelle ! »


Et elle fit un grand sourire.


Jet de connaissances générales : 11, réussite

Jet d’observation : 18, échec
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Plongée dans un brouillard opaque de semi-inconscience, Isabelle avait plus assisté aux récents événements. Ça avait été comme feuilleter distraitement un livre, laisser ses yeux glisser sur les lignes sans vraiment en assimiler le sens. Certains détails, certains mots accrochent l'attention, mais on finit rapidement par lâcher prise et laisser le courant s'écouler tranquillement.

L'ancienne magistère se rappelait de Lucie, d'agitation dans une autre pièce après une déclaration vive et déterminée. Elle avait alors relevé la tête et tenté vaguement d'écouter, en vain, le dialogue animé. Un certain malaise avait alors germé en elle, mais s'était ensuite vite dissipé dans le brouillard opaque. Puis, l'attention s'était reportée sur elle, les deux femmes et un homme s'empressant de l'emmener Véréna seule sait où. La vieille Breitenbach n'avait pas lutté, poussant quelques plaintes sans entrain, sans saveur. Bien des soucis défilaient alors dans sa tête, et si elle en murmura certains, la plupart perdirent immédiatement leur intérêt.

Isabelle parvint instinctivement à rafler son porte-cigarette et son étui, les rangeant dans une poche intérieure de sa veste.

Dans cette torpeur effarante, l'ancienne baronne eut une éclaircie. Alors qu'elle se faisait escorter par le voiturier, entièrement appuyée contre son épaule, Isabelle s'agita. Certes, ce n'était pas une protestation digne de la Dame de Fer, mais l'intention y était. La sorcière dorée s'arrêta nette, le visage tournée vers l'échiquier de son fils, puis vers l'étagère où reposait Tink. Il n'allaient quand même pas la forcer à partir sans eux, n'est-ce pas?

Et bien si... Avant de se faire presque traîner dehors, sa seule consolation fut de la prêtresse. "Plus tard, plus tard, on vous les ramènera."


« On rapporte quelque chose... et on ramène quelqu'un. » Avait-elle grommelé tout en se dirigeant - volontairement cette fois - vers la voiture. Et ainsi, s'acheva la dernière étincelle de résistance de la Dame de Plomb.

Le trajet fut à la fois sans fin et instantané. Enfermée dans une boîte de fer et de bois avec Sœur Aure, Isabelle voyait les secondes se mélanger aux heures. Tantôt elle s'impatientait, s'agitant sans cesse pour trouver une position plus confortable. Tantôt elle ne voulait jamais quitter ce cocon la séparant des conséquences de ses derniers choix. Ignorant royalement la prêtresse - de toute façon trop occupée à gribouiller - Breitenbach se perdit dans les paysages défilant. Son œil glissait sans jamais s'accrocher, le brouillard opaque dans sa tête faisant toujours fi des détails.

La voiture s'arrêta un bon moment, mais l'alchimiste ne s'en préoccupa guère. Elle fixait une fissure dans un mur de pierre, de l'autre côté de l'avenue, persuadée que son propre visage y était représenté. Vieux, craquelé, sale... Oui, c'était décidément bien elle. Lorsqu'ils repartirent enfin, Isabelle put redécouvrir la ville d'ordinaire si agitée d'Altdorf. Mais aujourd'hui, l'ambiance citadine était anormalement calme, presque morbide. Le vague souvenir d'une lecture récente traversa l'esprit de la vieille femme. Elle aurait pu y chercher des réponses, mais préféra ne pas s'y contraindre. Qu'importait, quand votre existence se résumait à cette cage de fer et de bois?

Sentant son esprit s'affûter très légèrement, juste de quoi se poser quelques questions, Breitenbach se redressa pour faire face à Aure Rondet. Elle retourna plusieurs fois sa langue pour dissiper la pâteuse qui affectait sa bouche, puis tenta de parler. Sa voix mourut dans sa gorge, mais Isabelle réitéra l'essai après se l'être éclaircie.


« Pourquoi...? Que s'est-il passé avec ma gouvernante? C'est moi que vous vouliez, et je suis là. Alors... Pourquoi, l'avoir emportée? Pire d'ailleurs... arrêtée? »

Les détails lui revenaient alors que les mots jaillissaient de sa bouche. Bien incapable de la moindre malice, la Dame de Plomb avait parlé d'une voix endormie, mais sincèrement curieuse. Elle ne cherchait pas le conflit ou l'insulte, simplement à éclaircir le brouillard opaque.

« Dans le manoir... vous m'avez dit que je souffrais. Comment l'avez vous déduit?
Et ma personnalité... pourquoi vous inquiète-t-elle? Certes, j'ai du caractère, mais... enfin. Ce sont vos horribles images qui vous font penser ça? Qu'aurais-je dû répondre? »



Lorsque la voiture arriva devant l'asile, la vieille Breitenbach ne put que constater de la mocheté du bâtiment. Trop coloré, les motifs de la toiture rappelaient à Isabelle un mélange de ornements nains et de certaines tribus nordiques. Ils ne convenaient pas du tout avec le reste de la structure, plutôt elfique et fantaisiste. Une combinaison de bien mauvais goût.

Un virage plus tôt, l'alchimiste avait espéré regagner le Collège de Chamon. Mais les effets de la Mandragore affectaient toujours son esprit et Isabelle ne se fit pas d'illusions. Malgré tout, le fait que sa future prison se trouvait à quelques pas de l'Ordre Doré restait une farce douteuse de l'univers. D'un rapide coup d’œil, elle lu : "Grande Asile d'Altdorf" suivi de "Bénis ceux qui font souffrir". Une formule bien étrange...

La carriole s'arrêta dans la cours et Sœur Aure tenta de rassurer la Dame de Plomb. Cette dernière répondit distraitement, inquiète, ses mains s'agitant frénétiquement sur le motif hibou de sa canne. C'était le seul bien qu'Isabelle avait pu emmener avec elle, aussi s'y accrochait-elle pour garder un pilier de réconfort. Peut-être que la sédation avait du bon finalement, car autrement, la vieille Breitenbach se serait plongée dans un état de panique incontrôlable. Pourtant, lorsqu'on lui ouvrit la porte, elle hésita.

Une fois les souliers sur le gravier, la Dame de Plomb attendit un bon moment. Bien vite, elle fatigua, l'effort de rester debout, immobile, lui devenant insupportable. Malgré tout, elle resta fixée au même endroit, ses doigts jouant toujours avec le hibou de fer et son visage s'agitant de petits tics nerveux. Devait-elle faire quelque chose? Était-ce à elle de se rendre quelque part? Peut-être bien, mais la sorcier refusait de bouger de son petit coin. Ici, elle se trouvait encore en dehors de la maison de fous.

Enfin, deux jeunes hommes à la tenue... originale, virent rejoindre la nouvelle venue. Très aimables, trop aimables, il lui proposèrent assistance. Mais alors qu'Isabelle s'apprêtait à décliner l'offre, l'un d’entre eux se saisit de sa canne. Après l'avoir rapidement observée, il décela la lame dissimulée. Lui et son collègue, d'abord gênés, subtilisèrent l'arme avant d'emmener la vieille Breitenbach.


« Non, ma canne... je... » À quoi bon résister?

Après avoir laissé son esprit vagabonder dans sa propre tête, Isabelle "reprit conscience" lorsqu'on lui désigna une chaise, en face d'une cheminée au feu crépitant. S'installant inconfortablement, elle écouta les nouvelles propositions du blondinet, les yeux rivés vers les flammes. Lorsqu'il eut terminé sa tirade, l'ancienne baronne se rendit compte qu'en effet, elle avait faim.


« Un verre de brandy, pas coupé. Pour accompagner, apportez un échantillon de chaque plat du menu. »

Une fois seule, enfin seule, Isabelle se rendit compte qu'elle n'aimait pas se sentir ainsi délaissée dans ce lieu de mort. L'effet de la Mandragore ne durerait pas indéfiniment et, une fois libérée, elle serait de nouveau enchaînée par ses angoisses. L'ancienne magistère alluma une de ses cigarettes après l'avoir fixée à son support, et profita malgré tout de la bouffée bien méritée. À moins qu'on ne lui apporte de quoi en produire plus - ce dont elle doutait fortement - Isabelle devrait cruellement réglementer sa consommation.

On ne tarda pas à briser sa solitude. Deux femmes, l'une en blanc et l'autre en robe de chambre. La première, après avoir brièvement discuté avec la seconde, quitta la pièce, laissant les deux patientes dans la pièce. Robe de Chambre fureta de droite à gauche, puis décida d'aller rejoindre Breitenbach devant l'âtre. Elle parla sans discontinuer, prenant à peine le temps de respirer. La Dame de Plomb l'observa du coin de l’œil, le visage toujours tourné vers la cheminée. Tirant sur son porte cigarette, elle avait bien du mal - et bien peu l'envie - de comprendre les paroles incessantes de la nouvelle venue.

Une information, cependant, la tira de ses rêveries. Robe de Chambre se nommait Isabelle. Un coïncidence très étrange, déroutante même : la première patiente à lui adresser la parole dans ce lieu étranger, n'était autre que son propre miroir. Le prénom, l'âge avancé, même la silhouette en quelques sortes. Était-ce une farce? Isabelle avait-elle de nouveau sombré dans un de ses délires? Avec une pointe d'humour supplémentaire, l'univers ferait de Robe de Chambre une autre Breitenbach.

Mais non, elle était terriblement lucide, bien que sédatée. La Dame de Fer aurait certainement envoyé paître ce parasite encombrant. Mais la Dame de Plomb sous Mandragore, elle, avait bien moins de caractère. Soufflant la fumée dans la cheminée, la Vraie Isabelle se tourna finalement vers son interlocutrice.


« Je suis la baronne Ondrille von Baleck. Mais vous pouvez m'appeler Frau. Enchantée.
Je suis ici pour mettre au clair une bévue et j'espère ne pas trop m'attarder. Et vous donc? Pour quelle raison vous "force-t-on" à rencontrer ce docteur? »


Certes, elle n'avait plus la force d'imposer son autorité. Mais elle pouvait toujours s'amuser un peu, non?

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Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Dans le trajet de la voiture, Aure Rondet passa le plus clair de son temps à lire de la paperasse. Mais elle eut la politesse de cesser son travail et de regarder sa patiente droit dans les yeux pour répondre à ces questions.
Celle sur Hannah sembla la gêner. Elle tordit ses lèvres, et mit un petit instant à trouver ses mots pour répondre.

« Fräulein Merz… est victime d’une vendetta personnelle de la femme qui était avec moi, Eva Seyss. »

Il était évident que sa réponse était aussi cryptique qu’insatisfaisante. Que la magicienne demande des explications ou même non, la Shalléenne se rendait compte elle-même de la pauvreté de sa phrase. Aussi, elle soupira et s’affaissa sur sa banquette.

« Depuis des années maintenant, je dispose d’une agrégation de la justice de la principauté d’Altdorf pour servir d’aliéniste légiste. L’essentiel de mon travail consiste à rencontrer des personnes qui ont… Commit des crimes et des délits, et de remettre au juge une évaluation de leur santé psychique. Nous avons la chance de vivre dans un pays moderne et novateur, où l’on reconnaît qu’un fou inconscient de ses actes n’a pas à subir une sentence pénale. Que sa place est à l’hospice, pas en cellule.
C’est cette agrégation qui est la cause de ma présence ici.
Il y a trois semaines, j’ai reçu une invitation à déjeuner de la part du Patriarche Suprême. C’était un déjeuner fort… Étrange. Balthasar Gelt n’était pas tout seul — et en fait il n’a rien mangé, à cause de son masque vous voyez — mais il était entouré de six ou sept personnes. Seyss était parmi son escorte.
Gelt et moi sommes… Plutôt, amicaux. Disons que nous nous connaissions avant. Il m’a demandé de lui rendre un service — vous rendre visite, et éventuellement, vous proposer des soins si vous étiez malade. Il m’a expliqué que vous étiez son ancienne professeure, qu’il vous aimait beaucoup, qu’il s’inquiétait pour vous et votre environnement, et qu’il souhaitait vous voir en sécurité avec des gens qui s’occupent de vous. Pour m’aider à produire une opinion, il m’a remis des affaires qui vous appartenaient, notamment des choses que vous aviez écrits. Il m’a aussi proposé d’entrer au Collège Doré, pour discuter avec certains de vos anciens collègues. C’est un honneur assez singulier pour une femme qui n’est pas mage.
Je n’avais pas de raisons d’être inquiète de quoi que ce soit. »


Elle marqua une petite pause, et souffla.

« C’est ensuite que Seyss est venue me voir. Gelt me l’a présentée comme une simple subalterne qui devait m’accompagner dans l’enceinte du Collège et à votre manoir — pour ma sécurité. Elle a passé des jours à ne pas me parler, et à juste me suivre de loin dans mon dos, alors que j’ai rencontré vos anciens collègues. J’avais un très mauvais pressentiment, comme… De la chair de poule dans le dos.
Ce matin, juste après que j’ai réservé et payé le voiturier pour venir jusqu’à votre domicile, elle est enfin sortie de son mutisme habituel pour « discuter ».
Elle m’a dit qu’elle travaillait avec la Commission des Atrocités d’Altdorf — la Commission d’enquête qui se charge des crimes horribles et insolubles. Je sais que c’est faux, car je connais tous les membres de cette Commission, pour avoir souvent travaillé avec eux. Elle m’a répondu qu’elle était une consultante extérieure de la-dite Commission, avec un de ces grands sourires sardoniques que vous avez pu voir. Après quoi, elle m’a annoncé qu’elle vous accusait de couvrir un criminel en série, qui s’est rendu coupable de meurtres ritualisés dans la campagne autour d’Altdorf. Et elle a expressément accusé votre gouvernante, Hannah Merz.
Je n’ai aucune idée de quelle affaire elle parle, et elle a refusé de m’offrir la moindre explication. Elle m’a simplement dit que, si je venais vous voir à votre manoir, elle procéderait de toute façon à votre arrestation et à celle de Merz juste après, quoi que j’en dise.
Elle n’est pas une enquêtrice du Palais de justice, ni une militaire, ni même une répurgatrice de Sigmar, alors j’ignore avec quelle autorité légale elle pense pouvoir agir. Mais avant que je quitte votre manoir, elle m’a donné pour instruction de bien vous faire enfermer à l’Asile, et de vous empêcher de sortir. Et disons que…
Disons que, je crains de voir de quelle autorité elle dispose vraiment si je décidais de contrevenir à cette demande. »


Elle parut terrorisée. Mais elle se reprit vite, en agitant la tête.

« Elle m’a pris de vitesse et m’a imposé ses conditions. Mais il y a des lois et des règles dans cette principauté.
En premier lieu, je vais immédiatement contacter Balthasar Gelt pour lui raconter tout ça — je sais qu’il désire votre bien et votre protection. Ensuite, je me renseignerai sur Seyss elle-même, en allant voir mes amis de la Commission des Atrocités.
Je vous amène à l’hôpital car je vous sais réellement malade et en danger. Mais croyez-moi quand je vous dis que j’ai prêté serment de servir Shallya, et que je ne laisserai pas cette brute vous faire du mal. Ou utiliser le clergé de la Colombe pour s’en prendre à quelqu’un. »

La question sur le test qu’avait subit Isabelle tombait à pic après ces dernières phrases. La Shalléenne reprit son écriture et calma sa voix pour répondre.

« Il n’y avait pas de mauvaises réponses à votre évaluation. Je peux vous dire des mots très compliqués qui n’auront pas trop de sens… C’est quelque chose que nous allons voir ensemble, petit à petit, au cours des prochains jours.
Mais je vous dois tout de même des explications et la vérité, aussi, je vais vous expliquer très grossièrement sans entrer dans les détails.
Je pense que vous souffrez d’un trouble de dissociation de la réalité. C’est quelque chose d’assez… Bien marqué. Il y a des souvenirs que vous mélangez, et un rapport aux images que je vous ai présentées qui vous fait apparaître comme une personnalité présentant un trouble bipolaire — vous avez une imagination des dessins qui vous fait passer pour une maniaque, avec des soucis sociaux.
Vous êtes incapable de subvenir à vos propres besoins et représentez un danger pour vous-même — et également pour les autres.
Il est possible que ces troubles soient liés à des traumatismes, ou bien un atavisme — peut-être que vos parents, ou grand-parents eux aussi souffraient… D’absences, ou de moments où ils se mettaient en colère, ou faisaient des choses… Bizarres, sans raison. »







Isabelle — la patiente qui était debout — sembla vraiment réfléchir au faux-nom que venait de donner Isabelle — la magicienne. Assez, en tout cas, pour qu’elle pose un doigt sur son menton, et se mette à le tapoter.

« Hmmm…
Vous devrez me pardonner, Frau, mais je ne connais pas le nom de votre famille — vous n’êtes pas originaire du Reikland, n’est-ce pas ? Enfin, je connais par cœur toutes les familles qui siègent à la Diète… Vous vous êtes… du Wissenland ? »

Et sans même demander l’autorisation, la voilà qui marcha gentiment vers l’un des tabourets collé contre le mur, qu’elle le leva pour l’amener auprès de la fumeuse, et qu’elle s’assit à ses côtés.

« Pour être honnête, je crois également être présente ici pour mettre au clair une bévue. J’ignore pourquoi l’asile de Frederheim est incapable de me libérer alors que les sœurs de là-bas ont bien de quoi faire un diagnostic, mais visiblement, Morell semble véritablement tenir à me voir. »

Elle observa derrière elle comme si elle était une chouette, et se mit à s’avancer sur son tabouret, et chuchoter sur le ton de l’intrigue.

« C’est un homme horrible et cruel. S’il vous dit quoi que ce soit, ne l’écoutez pas. S’il prétend être votre ami, c’est uniquement pour vous trahir. Il veut vous mettre des choses dans la tête, et en retirer d’autres… Il se fait passer pour un scientifique, mais il a les yeux secs.
Les Shalléennes sont adorables, vous pouvez faire confiance à la plupart des sœurs, mais Morell lui est proprement monstrueux. »


Elle se redressa ensuite, et prit un air de grande et noble dame, avec les mains sur ses genoux, et le menton relevé.

« Je sens que vous n’avez pas envie de vous confier ! Je ne souhaite pas vous forcer à quoi que ce soit, mais je connais un petit peu l’asile et le personnel qui est dedans, je peux vous aider un petit peu si vous avez des questions, Frau ! Vous risquez d’être toute seule très vite, je pense que vous devriez en profiter. »
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Les réponses de la prêtresse mirent a rude épreuve les effets de la Mandragore. Isabelle sentait que son esprit tentait de s’apaiser de lui-même, mais ce trop plein d'informations aussi choquantes que terrifiantes frôlaient la saturation. C'était tout bonnement ahurissant! Elle qui s'était persuadée que les récents événements ne tournaient qu'autour de son petit monde, avec sa propre personne en son centre, découvrait une intrigue d'état impliquant ses plus éminentes personnalités. Malgré son ancien statut, la vieille sorcière ne pouvait que se sentir écrasée entre des forces qui la dépassaient.

Mais ce n'était pas ce qui perturbait le plus Isabelle en ce moment. Ses souvenirs fracturés pouvaient s'organiser dans des zones de vide, racolés à d'autres souvenirs absents. Mais l'un d’entre eux n'y avait pas sa place, comme une pièce de puzzle aux bords sans commune mesure avec aucun de ses voisins.


« Eva Seyss... Lucie? Ça ne colle pas, je... Je me souviens juste de l'avoir rencontrée dans la chambre de Wilfried. Après un vide total, elle se trouvait là, devant moi, et se présentait comme mon apprentie actuelle.
Cela n'avait aucun sens! Les apprentis ne quittent pas les Collèges. Pourtant j'ai fini par y croire, par tout mélanger, à cause de cette zone de vide soudaine, inexplicable. Il m'arrive de "m'égarer", certes, de confondre certaines personnes. Mais entièrement réinventer un personnage?

J'ai beau creuser, rien. Aucun souvenir de Seyss avant notre rencontre à l'étage. Je ne sais même pas comment elle est arrivée à mon manoir! Pourtant, vous étiez dans la même voiture... C'est tout bonnement insensé! »


Agitée, la vieille Breitenbach finit par se laisser bercer par les effets de la drogue et se calma. Elle réfléchit aux paroles de Sœur Aure à propos de Gelt, tentée de voir son ancien apprenti sous un nouveau jour. Il restait un personnage abject pour elle, mais clairement, il n'était pas la plus grande menace actuellement. Eva Seyss restait le danger, elle et les motivations politiques qui l'accompagnaient.

« Gelt me porte bien moins dans son cœur qu'il ne vous l'a laissé croire. Son cœur est aussi froid que l'or, sachez-le, car il a été à bonne école.
Mais Hanna... Enfin voyons, c'est absurde. Je l'ai vue grandir aux côtés de mon Wilfried. Leurs rires m'agaçaient, mais je n'ai pas ressenti de... de danger particulier. Juste une joie de vivre naïve... insupportable. Qu'adviendra-t-il d'elle à présent? Pourrais-je jamais lui parler?

Enfin, je me suis déjà trompé à propos de mon propre fils. Au moins maintenant, je sais qu'il est toujours vivant. »


Et elle ne pouvait rien y faire. Un profond sentiment de lassitude emporta Isabelle qui écouta distraitement le diagnostique de son propre état mental. Elle n'aimait pas que la prêtresse parle d'elle avec des termes aussi dégradants, mais n'avait pas non plus la force ou l'envie de s'énerver. Après tout, la dernière fois que la Dame de Plomb avait laissé sa colère se déchaîner, elle s'était retrouvée étouffée puis droguée. Et à présent, on l'emmenait pour l'enfermer chez les fous.

« Mais... c'est soignable? Dois-je m'attendre à finir mes jours sous loquet, loin de chez moi? »




Le petit jeu de la Vraie Isabelle n'avait pas eu l'effet escompté. La Fausse Isabelle restait dubitative, voire méfiante, face à la la soi-disant identité de son interlocutrice. Évidemment, il fallait qu'elle soit une experte en la matière! Breitenbach préféra rester silencieuse et la laisser parler. Même si les effets de la Mandragore s'amenuisaient, elle restait somnolente, presque désintéressée.

Et elle avait bien fait! L'internée commençait déjà à lui donner des information intéressante. Selon la Fausse Isabelle, il fallait se méfier du docteur Morell comme de la peste. Si la sorcière dorée ne put vraiment s'en inquiéter, elle gardait cette information dans un coin sûr de sa tête.

Peut-être la sédation de Breitenbach se voyait plus qu'elle ne le pensait, car sa "nouvelle amie" sembla s'en irriter. La femme se leva et, avec la noblesse hautaine que l'alchimiste connaissait bien, la toisa, menton relevé. La Vraie Isabelle sentit qu'il valait mieux jouer cartes sur table. Elle n'était de toute façon plus d'humeur à mentir.


« Pardonnez mon comportement, Isabelle. J'ai été sédatée de force. Ce lieu m'est étranger et je me méfie de ses moindres occupants. C'est pourquoi je me suis rechignée à vous dévoiler ma véritable identité, sans réellement savoir pourquoi...

Je suis l'ancienne baronne Isabelle von Breitenbach. Amusant non? Mais si nos prénoms sont similaires, je ne crois pas encore connaître votre nom.

Dites-m'en plus sur cet asile. Peut-être pourrions-nous nous serrer les coudes, non? Entre Isabelles. »
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Isabelle — la dame qu’Isabelle venait de rencontrer — fit un grand sourire aussi sympathique que compatissant aux réponses d’Isabelle — l’héroïne de notre aventure. Elle hocha répétitivement de la tête, avant de prendre un part un ses propos sans en ignorer aucun, ce qui, il fallait l’admettre, changeait de la méchanceté des interlocuteurs précédents de la magicienne…

« Je n’ai pas à pardonner votre comportement — car vous n’avez commis aucune faute. Ils vous sédatent, vous aussi ? Mandragore, c’est ça ?
Ils me font subir le même traitement. Au bout d’un moment, vous verrez, l’esprit s’y habitue, mais c’est votre corps qu’ils tentent de laisser amorphe… Normalement, la mandragore est donnée à de gros costauds qui pourraient être violents, mais comment justifient-ils de droguer deux dames comme nous ?
J’essaye de ne pas en vouloir aux prêtresses ; elles croient toutes bien faire. J’en veux beaucoup plus aux apothicaires qui ont écrit dans leurs livres que la pharmacopée était la réponse à tout… »

Elle fit la moue tout en jetant un mauvais regard vers l’âtre à l’autre bout de la pièce.

« Le Grand Asile d’Altdorf est, à l'origine, un hôtel des invalides — comme vous l'étudiez sur cette magnifique peinture derrière moi, l’édifice a été mis en place par des militaires, pour des militaires, et les soldats en sont les patients principaux.
Ces deux derniers siècles, qui ont précédés l’illustre règne de Magnus, le culte de Shallya, ainsi que la guilde des médecins d’Altdorf sont devenus fort puissants et richement dotés ; les hôpitaux ont poussé tels des champignons, dans la ville et dans le Reikland plus généralement. Petit à petit, cet Asile est devenu un peu obsolète pour traiter des centaines de blessés, il était trop riche, trop beau, et, malheureusement, trop petit. Il aurait pu facilement être transformé en autre chose. C’est alors que, il y a cinquante ans, la directrice de l’asile d’alors eut une idée. Elle a décidé de faire légèrement changer de mission à cet asile d’invalides, puisqu’il ne traite plus seulement les militaires blessés physiquement, mais aussi ceux qui ont des cicatrices mentales.
Beaucoup de militaires rentrent de la guerre avec l’incapacité d’oublier leur vie de violence et de brigandage. Certains deviennent violents, ou ivrognes. D’autres se sentent incapables de retrouver leur épouse, ou leurs parents. Ces pauvres âmes viennent ici pour trouver du réconfort, de l’aide, et, au minimum, de la soupe et un lit chaud.
Le Grand Asile ne sert pas seulement aux militaires — des hommes très riches de l’aristocratie, qui sont également malades ou fatigués, viennent résider ici. Les donations de leurs familles servent à entretenir l’ensemble du bâtiment. Ici c’est un bel endroit où vivre, vous voyez bien autour de nous que la décoration est très prometteuse ! Généralement, le rez-de-chaussée et le premier étage sont réservés aux soldats, ainsi que l’annexe de l’autre côté du jardin, mais le deuxième étage n’a pas de militaires et est occupé par ces patients civils.
Pardonnez-moi, mais — permettriez-vous que je fume un peu de votre pipe ? »

Une petite pause plus tard, elle renchaîna.

« La directrice du Grand Asile est une prêtresse assez âgée, du nom de Wilona Frei. C’est une Shalléenne comme vous imaginez, j’en suis certaine, la plupart des Shalléennes — elle est sévère, bien pieuse, et elle gère l’hospice avec une minutie militaire. Je ne suis pas certaine que vous la verrez beaucoup, en dehors, bien sûr, des messes qui ont lieu trois fois par semaine ; elle est plus une religieuse qu’une doctoresse…
Celle qui vous intéressera plus, ça sera Aure Rondet, c’est une Bretonnienne qui a étudié dans plusieurs académies ; c’est une bonne aliéniste, même si je la trouve, à titre personnel, assez bizarre. Trop… Je ne sais pas comment dire. Trop pleine de bons sentiments. Je ne pense pas qu’elle soit méchante, juste… Oh, ne lui dites pas que je vous dis ça ! Je la trouve un peu sotte, c’est triste à admettre, mais c’est la réalité. Elle a l’air de trop s’impliquer dans ses affaires, et je crains que ça influence parfois son jugement.
Il y a aussi un garçon charmant, Wilhelm Aldrachs, c’est un prêtre homme de Shallya, ce qui est déjà assez marquant. Un ancien militaire qui s’est fait Shalléen après le Déluge. Il est également aliéniste, et je dois avouer que je préfère les séances avec lui. Il est plus… Honnête. Pas méchant, ni cynique, même si parfois il peut donner cette impression, c’est qu’il est un peu brut de décoffrage — ne restez pas sur cette idée s’il vous parle, je vous jure que c’est un homme beaucoup plus intelligent qu’il n’en donne l’impression.
Tout l’inverse de Theodor Morell. Lui est mielleux et faussement docte, il adore entendre le son de sa propre voix et pérorer sur ci et ça. Mais c’est un homme cruel. Un médecin laïc, pas Shalléen, et comme je vous l’ai signifié précédemment, c’est un homme aux yeux secs. Il est respecté dans l’hospice car il sert de pharmacien, et c’est là sa grande contribution à la science — il passe son temps à droguer ses patients pour les rendre inutiles et las. Il faut jouer à son petit jeu, ne pas paraître trop hostile devant lui, mais toujours se méfier.
…Et puis… Il y a aussi… Enfin, j’ignore si vous allez le voir, il n’est pas toujours présent, mais il y a un Elfe qui officie parfois dans cet hôpital. Freydion Sageciel, il fait de l’hypnose. Lui est… C’est très difficile pour moi de vous donner une opinion à son sujet. Il m’a déjà hypnotisé, c’était quelque chose de… Doux, et tellement saisissant. Il a cette sagacité qui dépasse les pensées humaines. Mais il est tellement occupé et demandé, peut-être n’approchera-t-il jamais de vous… »

Cela avait été un long laïus anormalement précis, direct et efficace. Très, très étonnant d’avoir une telle présentation de la part d’une aliénée qui résidait dans un hospice. Elle n’avait l’air ni démente, ni folle, ni incapable de rationalité. Alors, qu’est-ce qu’elle fichait ici ?

Comme si elle sortait d’une rêverie, elle se mit à sourire comme une idiote et à soudain changer de ton.

« Oh, oui, pardon, vous m’avez demandé comment je m’appelais !
Écoutez, je… Je ne veux pas que vous vous sentiez impressionnée ou intimidée par mon rang, je vous en prie, continuez de m’appeler par mon prénom, oui je vous en prie…
Je suis… Hé bien…
Je suis la princesse Isabella von Holswig-Schliestein. Duchesse-consort d’Adenauer. »


Et ayant sorti ça, sans sourciller, sans intonation, elle hocha de la tête, absolument certaine de ce qu’elle venait de dire.

Il y avait véritablement de quoi la faire répéter pour s’assurer d’avoir bien entendu. Mais même si c’était le cas, elle le répéterait haut et fort, avec toujours la même certitude absolue.

La personne qui se trouvait juste devant von Breitenbach prétendait être la sœur aînée de l’Empereur Karl-Franz, la fille du précédent Empereur Luitpold, la nièce du chancelier Immanuel-Ferrand, et, plus que tout, la mère du Prince héritier Wolfgang von Holswig-Adenauer.

Elle semblait… Avoir un âge qui correspondait à la personne qu’elle prétendait être — peut-être un peu plus âgée, il est vrai, Isabelle devant avoir 50 ans, un peu moins ou un peu plus. Elle avait les cheveux noirs, comme Karl-Franz, et, peut-être, un menton qui correspondait un peu à ceux bien proéminents de la maison du Reikland. Et il est vrai que, une ou deux années avant l’exil d’Isabelle la magicienne, Isabelle la princesse s’était retirée de la cour d’Altdorf et de la vie publique sans explications.

Mais enfin. Tout de même. La sœur de l’homme le plus puissant de l’Empire — voire du continent — se trouverait là, ici, aujourd’hui, à discuter tout gentiment avec une vieille dame ? Dans un asile de fous ?
Jet de charisme d’Isabelle : 1, réussite critique. Tu mets totalement en confiance Isabelle, qui te sors toutes les fiches wikipedia de l’asile sans aucun problème.

Jet de connaissances (Altdorf, aristocratie) : 6, réussite
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

La Fausse Isabelle était bien loin de s'offusquer des mensonges de son interlocutrice. Mieux, elle comprenait. Peut-être cela lui avait-il permis d'humaniser sa "nouvelle amie" que de la sentir méfiante et vulnérable. Dans ce cas, elle était bien tombée, la Dame de Fer ressemblant plus à un vieil oreiller usé qu'à un métal inflexible. Mais cela n'avait pas d'importance lorsque la Mandragore continuait de vous chuchoter à l'esprit.

Ainsi, la Vraie Isabelle écouta le monologue sans l'interrompre. Elle avait bien du mal à rester concentrée, mais parvenait à s'accrocher mollement aux lèvres de "l'aliénée". Breitenbach en apprit beaucoup sur l'origine de l'asile, son financement et quelques unes des personnalités qui en géraient le fonctionnement. L'Alchimiste tendit son porte cigarette et observa sans réticence la Fausse Isabelle tirer dessus. Jamais de sa vie elle n'avait partagé cet accessoire, même après l'acte charnel. Pourtant, ici et maintenant, bien peu lui importait.

La Dame de Plomb prêta une attention particulière au récit lorsque la directrice fut mentionnée. Elle se retrouvait dans cette femme, du moins jusqu'à ce que la Fausse Isabelle ne détaille sa ferveur religieuse. Cette vieille Shalléenne perdit immédiatement tout intérêt aux yeux de l'ancienne Magistère.

Vint ensuite le sujet de la jeune Aure Rondelet. La Vraie Isabelle fut consternée par les paroles de son interlocutrice, surtout parce qu'elle était du même avis. Jusque là, Breitenbach se rassurait en considérant la prêtresse comme un personnage capable et utile, qu'elle exploiterait pour se sortir de ce pétrin. Elle remuerait la merde avec acharnement et ce, jusqu'à ce que l'ancienne baronne soit libérée de l'asile et dédommagée. Or, si Sœur Aure était probablement digne de confiance, elle restait sotte, naïve. Quelle pitié!

La Fausse Isabelle mit de nouveau Breitenbach en garde contre les méthodes de Morell. C'était bien ce que la sorcière dorée craignait : ici, la Mandragore n'était pas utilisée en dernier recours, lorsqu'un patient refusait d'obtempérer. Il faudrait faire preuve d'une grande maîtrise de soi si elle voulait garder un minimum de clarté mentale.

Mais, après tout, était-ce vraiment une mauvaise chose? Sans laudanum, la Dame de Plomb ne tarderait pas à rouiller. La Mandragore ferait un bon substitut, calmant ses angoisses et endormant la douleur... Encore et toujours... À jamais. Elle finirait ses jours entre ces murs, masse gélatineuse de rides et de bave incapable de se rappeler de son propre prénom. Peut-être valait-il mieux garder sa langue...

La dernier personnage détaillé par la Fausse Isabelle n'en était pas des moindres. Un elfe, chez les fous! Breitenbach ne se sentait pourtant pas de rire. Elle exécrait cette espèce. Au cours de sa carrière, Isabelle avait plusieurs fois traité avec des oreilles pointues. Ils étaient tous pareils : hautains, barbants et faux. Dès qu'un sujet avait un rapport de près ou de loin avec l'aethyr, et ils se sentaient les rois du monde, considérant tout interlocuteur comme un inculte morveux.
L'ancienne magistère avait toujours voulu en voir un saigner... abondamment... se vider de son orgueil et de sa "perfection" pour mourir dans la pisse et la merde. Dernièrement, elle s'était dit que ce souhait ne lui serait jamais accordé, mais peut-être s'était-elle trompée.


Jusqu'ici, l'Alchimiste ressentait un malaise croissant à l'égard de la Fausse Isabelle. En effet, malgré sa présence en ces lieux - et depuis longtemps, vue ses connaissances approfondies sur le fonctionnement du domaine - elle n'affichait aucune forme de démence apparente.
Breitenbach s'était peu intéressée au sujet de la folie, ses études se basant plus sur une logique digne du vent doré. Certes, pour cela, il fallait aussi approfondir le concept de l'illogisme, mais cela ne s'apparentait que peu à la compréhension de troubles mentaux. Aussi, Isabelle avait une image des patients d'asile très... basique. Un individu nu, plus ou moins dangereux, ayant perdu toute forme de logique et de décence humaine.

Or, la Fausse Isabelle, première "aliénée" que la Dame de Plomb rencontrait, ne ressemblait en rien à cette représentation de la folie... du moins jusqu'à ce qu'elle ne dévoile sa "véritable" identité.

« Bingo », pensa Isabelle, s'attendant presque à ce que la timbrée se libère de ses vêtement pour danser au milieu de la pièce. La princesse Isabella von Holswig-Schliestein, rien que ça? Ben voyons!

Un silence opaque s'installa entre les deux Isabelles. L'air hagard, Breitenbach se rendit soudain compte qu'aucun argument ne lui venait en bouche pour défaire le mensonge de son interlocutrice. Rien ne lui donnait raison, et la Dame de Plomb était bien loin de la croire, mais d'après son âge, son physique et même son vocabulaire, elle pouvait - théoriquement - être la mère du prince héritier. De plus, ce Wolfgang, n'était-il pas lui-même complètement timbré? Non... c'était l'autre qui avait cette réputation. Luitpold.

Le silence vola en éclats sous le rire soudain, incontrôlable de l'ancienne baronne. Sa vue se brouilla de larmes et, bien qu'elle se couvrit la bouche pour tenter de reprendre le contrôle, Isabelle prit une bonne dizaine de secondes à redevenir maître d'elle-même. S’esclaffant toujours par intermittences, elle récupéra deux nouvelles cigarettes dans son manteau. L'une, elle la fixa d'une main tremblante à son accessoire avant de le tendre à la "princesse". L'autre, elle la cala directement entre ses dents. Une fois les braises rajoutées au décor de cet absurde tableau, la Vieille Breitenbach prit enfin la parole.


« Pardonnez-moi, mais c'est si drôle! Non non, pas vous, non! Enfin je veux dire... il y a quelques minutes à peine, j'étais convaincue de retrouver mon manoir dans un mois, au plus tard.
Et maintenant... Haha... pardon. Maintenant, je me rends compte que la Princesse Isabella elle-même n'a pas l'autorité suffisante pour quitté ce maudit asile! Ohohohoh! »


Oui, malgré elle, la Vraie Isabelle commençait à croire la Fausse. Car si son interlocutrice était bel et bien la mère du prince héritier, alors la Dame de Plomb était tout bonnement foutue. Et vue les faveurs récentes que Ranald lui accordait, l'ancienne magistère préférait miser sur le plus absurde, le plus improbable, le plus préjudiciable.

Toujours agitée de quelques soubresauts, l'ancienne baronne ramassa d'un ongle doré une larme coulant sur sa joue. Elle la contempla longuement, se parlant plus à elle-même qu'à la "princesse"


« Non... J'ai encore des affaires à régler. Je ne finirai pas mes jours ici. »
Modifié en dernier par Isabelle Breitenbach le 24 déc. 2021, 01:57, modifié 1 fois.
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

En commençant par rire, Isabelle put voir un changement complet dans les expressions faciales de la prétendue sœur de Karl Franz — la princesse se mit à entrouvrir la bouche, à lever les sourcils, et à trembler légèrement de la mâchoire.

Mais dès l’instant où la baronne expliqua la raison de son rire, elle vit sa comparse immédiatement rassurée. Elle s’avachit sensiblement sur son fauteuil, posa ses mains sur ses genoux, et regarda par terre quelques instants, au moins le temps de soupirer. En relevant le museau, elle parut à nouveau froide et sérieuse, avec une prestance bien noble.

« Je n’ai pas besoin d’autorité pour quitter l’hôpital de Frederheim — j’y suis volontairement, parce que je désire comprendre mes… Certaines choses, au sujet de moi-même. C’est simplement ces satanées séances avec Morell, dont je me passerais bien. Rentrer à Altdorf est fort épuisant…
Si vous êtes ici contre votre gré, j’en parlerai avec les conseillers de mon frère — ils me rendent encore visite, ma parole a encore beaucoup de poids dans l’Empire. »

Et elle offrit un sourire à la fois gentil et plein de suffisance, comme seul un aristocrate en était capable.

Il y eut du bruit dans le couloir — des portes qui s’ouvrent et des pas qui résonnent sur un parquet en marbre. La princesse chuchota une dernière chose :

« Si Morell vous prescrit un médicament… Dissimulez-le sous votre langue. Si vous ne leur donnez pas de raisons de vérifier… Vous pourriez bien échapper à sa drogue manipulatrice. »


Trois personnes entrèrent juste ensuite — trois hommes. Deux portaient les vêtements d’oblats de Shallya, de simples infirmiers de l’asile, mais le troisième était parfaitement remarquable.
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Blouson sombre, ceinture en soie pourpre autour de la taille, canne à la main, et petite cravate à la mode Ostlandaise — on aurait dit un parfait dandy des salons d’Altdorf. Son visage contrastait bien avec son élégante mise ; il avait une énorme cicatrice sur le côté gauche de la face, comme une brûlure, mais pas avec du feu… Isabelle reconnaissait là une brûlure à l’acide.

Il s’arrêta juste devant les deux sièges des deux dames, attrapa sa montre à gousset attachée à son gilet, et vérifia rapidement l’heure. Visiblement, sa carrière de médecin payait bien.

« Madame », fit-il tout d’abord à Isabelle. « Isabelle », fit-il en se retournant vers la princesse, « je suis prêt pour notre séance. »

La princesse fronça des sourcils, et retroussa ses lèvres dans une horrible grimace.

« Je vous ai déjà dis de ne vous adresser à moi qu’avec le prédicat « Votre Altesse Impériale », Herr Docteur. Je ne vous ai pas étendu la familiarité que j’accorde à certains des sujets de ma maison. »

Le docteur offrit un sourire figé. Il se retourna derrière lui, pour observer l’un des infirmiers, qui ne trouva qu’à hausser les épaules.
Et toujours avec ce maudit sourire suffisant, il offrit des excuses qui sonnaient beaucoup trop faux.

« Pardonnez-moi, votre altesse impériale. Si son altesse désire bien me suivre. »

De bien mauvaise volonté, elle se leva et se décida à le suivre. Un autre des infirmiers partit avec elle, tandis que le deuxième demeura dans cette grande salle avec la magicienne.

« Madame, si vous le permettez, je vais vous amener jusqu’à votre chambre. »

L’ayant dépossédée de sa canne, l’infirmier offrit son bras comme soutient à la magistère. Heureusement, le Shalléen était un grand costaud aux mains calleuses, peut-être un ancien mineur ou batelier.
Il l’entraîna à travers un couloir, et jusqu’à un escalier. Pourtant, on n’allait pas infliger à Isabelle de devoir monter deux étages entiers, car juste à côté des larges marches se trouvait quelque chose de fabuleux : un ascenseur.

L’infirmier utilisa une petite clé pour déverrouiller la petite grille en fonte, et il aida Isabelle à monter à l’intérieur d’un monte-charge assez grand pour accueillir quatre personnes, ou une seule avec une charge — peut-être une chaise ou une table. Sur un panneau, en face, il y avait une petite lumière qui scintillait, et qui était recouverte du vent de Chamon ; pas parce que l’engin fonctionnait par magie, mais parce qu’il fonctionnait par la mécanique d’un minuscule moteur à charbon caché quelque part, assez d’ingéniosité pour que cela attire le vent doré. Cinq étages étaient indiqués par des boutons : « 2e – 1er – RDC – Ss – -1 – -2 ». L’infirmier referma la grille, puis appuya du pouce sur le petit bouton le plus haut. La petite loupiote s’éteignit, et on entendit un « driiiing » d’une clochette.
Il y eut alors un roulis de corde. De gros socles en métal et en bois ravalaient le solide chanvre qui força l’ascenseur suspendu au-dessus du vide à remonter jusqu’à l’étage demandé.

Sur le côté de l’ascenseur, quelqu’un avait posé un papier avec une épingle. L’infirmier étant occupé, Isabelle eut le temps de le lire.
Au personnel :

Prière de bien vouloir rendre les passes-partout de l’ascenseur et des chambres à chaque fin de service — ils sont vérifiés quotidiennement à huit heures et dix-neuf heures, et tout passe-partout manquant fera l’objet de recherches scrupuleuses et d’une punition de la dernière personne à l’avoir emprunté.

Les passes-partout de la morgue et des archives au sous-sol sont strictement réservés à la directrice et ne peuvent quitter son bureau que sur son autorisation, sans exception.

— Wilona Frei.


Le monte-charge atteignit le deuxième étage, et tremblota un peu lorsque les rouleaux de bois cessèrent de remonter et que des sortes de grosses lattes en acier stabilisèrent la cage. Alors, le Shalléen utilisa sa clé pour ouvrir en grand la grille, et offrit à nouveau son bras à Isabelle.


Le deuxième étage de l’asile était fait de grands couloirs très propres, avec, sur le côté, des fenêtres aux vitres en verre Bretonniennes, qui donnaient sur une sorte de jardin, une espèce de cloître comme on en trouve dans les abbayes. Quelques patients en robes blanches, deux messieurs d’un certain âge, étaient en train de discuter tout en fumant la pipe. Ils se tournèrent chacun en observant la nouvelle arrivante, puis se mirent à chuchoter tous les deux entre eux.

L’infirmier s’arrêta devant une porte en bois cerclée de fer. Il déverrouilla la serrure, et ouvrit en grand.

C’était une petite pièce, comme une chambre. Très propre, avec un lit aux draps faits, couvertures soigneusement pliées les unes sur les autres. Il y avait une vitre verrouillée, qu’on ne pouvait ouvrir qu’avec une clé, qui donnait sur une grande cour herbue. Un bureau dans un coin, une chaise, une petite fresque peinte au mur qui représentait une colombe en train de voler. Derrière un rideau, il y avait un lavabo et un siège pour faire ses besoins — l’asile était assez moderne pour avoir l’eau courante et être connecté au réseau d’égouts.

« Il y a trois repas qui sont servis de sept à neuf heures, de onze à treize heures, et de dix-neuf à vingt-et-une heure. Vous êtes libre de vous présenter au réfectoire quand vous le souhaitez — il se trouve à cet étage même, deuxième porte après le grand couloir à votre droite.
Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à demander aux infirmiers qui portent mon uniforme.
Nous allons vous donner des vêtements propres. Est-ce que vous avez la moindre question, ou bien puis-je vous laisser seule ? »

Jet d’intelligence : 12, réussi
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Lorsque Isabelle reprit enfin contenance, elle remarqua un subtil changement d'attitude dans le comportement de son interlocutrice. Un petit hublot entrouvert, donnant accès à son âme. Un profond désarroi s'en était échappé à l'instant, mais la fenêtre s’était rapidement refermée. À présent, Isabella avait regagné toute sa prestance, affirmant que sa présence en ces lieux n'était pas imposée, mais bel et bien souhaitée. Elle gardait toute son influence, sa voix portant bien au delà de ces murs et s'écoulant dans l'esprit des puissants. Bien sûr.

Déjà, l'Alchimiste ne la croyait plus, l'identifiant comme une folle aux délires extravagants. Mais qu'en serait-il de Breitenbach dans quelques heures? Dans quelques jours? Aurait-elle la même conclusion? Ou son esprit embrumé s'affilierait-t-il aux illusions de la "Princesse"? Les effets de la Mandragore se dissipaient de plus en plus vite, si bien que l'ancienne Baronne pouvait sentir son rythme cardiaque s'accélérer. Bientôt, sa calme sérénité se muterait en une panique écervelée.

Enfin, on vint lui retirer son étrange compagnie, source du brouhaha dans sa tête. Le docteur Morell, un personnage d'une parfaite élégance et d'un goût vestimentaire raffiné, venait d'entrer dans la pièce, accompagné de deux autres personnes. Si ce n'était son visage affreusement mutilé, Isabelle aurait pu le trouver charmant. Après de courtes chamailleries, Isabella finit par se lever et s'en fut. Oui, il était clair qu'ici, elle était la seule "Princesse" de son petit royaume. Si Morell s'était plié à sa volonté, ce n'était que par pure lassitude.

On ne laissa pas la sorcière jaune seule. Immédiatement après le départ de la Fausse Isabelle, le dernier personnage en robe blanche l'arracha (doucement) à son fauteuil. Ne lui laisserait-on donc pas la moindre occasion de faire le point au calme? En traversant l'asile, Isabelle put un peu plus contempler l'étrange élégance des lieux, mêlée à une autre sensation plus sombre, plus discrète. Une sorte de morbidité.

Le domaine recelait tout de même de formidables surprises. Un ascenseur, une merveille technologique que même un membre du Collège Doré ne pouvait contempler sans une profonde fascination. Chamon s’amoncelait sur les pièces les plus ingénieuses de l'appareil, sa proximité apaisant l'ancienne magistère. Isabelle ferma son œil organique pour le contempler par le second, métallique, bien plus sensible aux fluctuations du vent jaune. Elle aurait voulu faire glisser ses doigts sur le panneau, mais son escorte l'aurait probablement réprimandée.

Une fois en mouvement, la cage libéra un flot de Chamon dans son habitacle, comme un nid de papillons réveillé par une brise soudaine. Breitenbach le fit danser entre ses doigts, profitant d'une extase aussi forte que brève. Car une fois leur destination atteinte et la cabine stoppée, la manifestation se dissipa immédiatement, la présence du vent jaune ne se limitant ensuite qu'au petit panneau à boutons.

La vieille femme et l'infirmier débarquèrent dans une chambre aux dimensions dignes d'une cellule. On lui expliqua le planning des repas, ainsi que d'autres détails, avant de lui demander si elle avait des questions.


« Ma canne. Et l'heure. Une montre à gousset fera l'affaire. »

Breitenbach s'assit au bord de son lit pour contempler la cour extérieure. Enfin seule avec elle-même, l'Alchimiste allait pouvoir faire le point de sa situation. Pourtant, même dans ce calme ambiant, l'ancienne baronne ne parvenait pas à réfléchir. Son esprit restait endormi, contemplatif, chaque question posée ne lui revenant qu'en simple écho. Elle resta ainsi, figée, terrifiée, jusqu'à ce que l'intimité de sa chambre ne soit de nouveau brisée. Jusqu'à ce que ces maudits hommes en blouse blanche ne la traînent dans cette triste réalité.
Modifié en dernier par Isabelle Breitenbach le 22 janv. 2022, 23:21, modifié 1 fois.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’aide-soignant fit un grand sourire, avant de se mettre à se marrer tout seul, bien peu professionnellement.

« Une montre à gousset !
Ma foi madame, si vous trouvez une montre à gousset, cachez-la bien ! »


Et il ricana à nouveau en tapotant son ventre et en murmurant d'une voix hilare, comme si Isabelle venait de lui raconter la meilleure plaisanterie de la journée.



Ce ne fut pas un homme qui embêta à nouveau une Isabelle qui pouvait enfin se détendre et profiter d’un moment d’intimité. Après une heure à se reposer dans cette petite pièce, une femme toqua et entra en roulant un chariot en bois derrière elle ; une petite dame en surpoids, la quarantaine, portant un vêtement d’oblate, un uniforme assez sensiblement différent pour qu'on ne le confonde pas avec la bure d’une prêtresse.

« Salut m’dame ! »

Elle attrapa un papier sur le chariot, et le lit en mimant les syllabes avec sa bouche, comme si la lecture n’était pas une matière très acquise dans son esprit.

« I-sa-belle… J’m’appelle Hedwig et j’viens pour vot’ toilette !
Vous vous installez sur l’lit j’vous prie ? »


Elle parlait avec une voix très forte, trop forte, comme si elle voulait se faire entendre de quelqu’un dur d’oreille. Elle offrait un sourire radieux, qui semblait doux même s’il était (Peut-être?) feint. Et la voilà qui, à toute vitesse, en déployant une âpre énergie, jeta des serviettes sur son épaule, se frotta les mains avec un flacon contenant de l’alcool, et étira le grand rideau près du lavabo pour entourer le sommier et offrir un peu de tranquillité à Isabelle.

« Vous pouvez faire vot’ toilette toute seule, ou vous avez b’soin d’aide ?
J’ai des vêtements secs et propres pour vous, j’vais récupérer les vot’ et les mettre à laver avant d’vous les rendre. Si z’avez des bijoux, vous pouvez les garder dans un tiroir ici ! »

L’oblate attrapa des peignoirs et une ceinture, et demanda sa taille à Isabelle, avant de lui offrir les-dits vêtements. C’était très blanc, tout était blanc dans cet hospice, les patients comme les soignants. Et qu’elle se mette à aider Isabelle à sa toilette, ou bien qu’elle la laisse tranquille en se débrouillant avec les débarbouillettes et les bols d’eau chaude savonneuse, la petite dame demeurait toujours aussi sympathique — peu importe les réflexions de la vieille baronne, d’ailleurs.

« Vous allez voir ça va vous plaire ici ! C’bien chaud, c’bien propre, ça va vous requinquer. On m’a dit qu’quelqu’un doit aller vous ramener vos affaires p’tit à p’tit, c’est ça ? Si vous voulez des choses d’chez vous j’peux leur faire une liste, ça s’ra question d’quelques semaines j’pense, deux ou trois.
Y a une alaise sur votre lit, c’pas très agréable alors j’vais vous rajouter une couverture au-d’ssus, ça s’ra plus doux. Vous avez des soucis pour dormir la nuit ? »


Enfin, en dernier lieu, Hedwig offrit à Isabelle une canne. Pas la sienne, malheureusement, pas celle ornementée avec une épée — c’est une arme, expliqua-t-elle, en assurant bien qu’elle était en sécurité dans l’annexe du gardien, là où ils placent tous les objets interdits.
Qu’est-ce qu’un objet interdit ?

« Ohoh ! Pas grand-chose, mais d’temps en temps on a des p’tites surprises ! Quelqu’un une fois il a ramené une bouteille d’rhum arrangé du Nouveau Monde, qu’a passé à travers toutes les chambres !
Ça dépend des patients. Certains, on leur fait confiance quand y reçoivent des cadeaux. Mais y en a avec des restrictions alimentaires — la faute à leurs traitements. C’est les médecins qu’y décident, Aure, Wilhelm et m’sieur Morell. »




Vers 20h, Isabelle décida d’aller manger. Elle suivit les instructions du garçon qui l’avait accompagnée jusqu’à sa chambre. Armée de sa canne, pantoufles aux pieds, elle était à présent propre, à défaut d’être majestueuse ; ses anciens vêtements délavés et puants constituaient-ils, de toute façon, des preuves de statut ?
Elle arriva jusqu’à une grande double-porte ouverte. Et elle se retrouva dans un large réfectoire, une pièce rectangulaire de longue taille, crénelée de fenêtres : avec l’heure hivernale, on y percevait cette aura bleutée de début de nuit, et la lumière provenait plutôt de chandeliers et de bougies un peu partout sur les tables.

Ça avait une ambiance de restaurant. Beaucoup de gens étaient en train de parler, même s’il suffit d’un coup d’œil de droite à gauche, en étudiant toute la pièce, pour un peu évaluer la situation.

À sa gauche, il y avait une sorte de buffet, avec une aide-soignante habillée comme Hedwig qui était en train de remuer un bol chauffant devant un âtre de cheminée à l’aide d’une grande cuillère. Devant le comptoir, on trouvait des petites assiettes garnies de pain mou bien blanc, de fruits confits, ou de petites portions de flans. Ce n’était pas la soupe populaire où on sert du gruau insipide, Aure Rondet n’avait au moins pas menti sur ce point…

À sa droite, la plus grande table avait été monopolisée par des hommes. Un tas de garçons bien musclés, aux âges différents — ça allait de la fin de l'adolescence jusqu’au quarantenaire. Autant dire des jeunes quand on a l’âge d’Isabelle. Ils parlaient très fort entre eux, rigolaient, et un trio en bout de table jouait aux cartes.
Sur une autre longue table, des patients forts différents. Des vieux, que des cheveux grisonnants et des peaux ridées. Un aide-soignant, celui qui avait volé sa canne-épée plus tôt dans la journée en fait, était en train de nourrir l’un d’eux avec une cuillère, car il regardait dans le vide la bouche grande ouverte ; en voilà un qui sucrait les fraises.
Isabelle trouva aussi un résident tout seul. Un patient trop âgé pour être un des soldats, mais qui pourtant ne mangeait pas avec les autres vieillards. Un homme à longs cheveux en pagaille, avec une grosse barbe, et un cache-œil qui barrait l’une de ses paupières. Il s’agitait tout seul, et semblait murmurer, alors qu’il n’y avait personne autour de lui.

Inventaire mis à jour.

Le bolus de mandragore ne fait plus effet — tu subis un léger mal de tête et tu es ensuquée, mais c’est juste RP, autrement tu retrouves la pleine capacité de tes moyens.
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Isabelle Breitenbach
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Re: [Isabelle] « Des draps remplis de pisse. »

Message par Isabelle Breitenbach »

En toute réponse à sa raisonnable requête, on lui rit au nez. Même encore affectée des effets décroissants de la Mandragore, Isabelle s'en offusqua, fusillant l'homme d'un regard noir. Ainsi donc, les objets de valeurs se faisaient souvent dérober par ici? Pire! Le personnel s'en vantait presque, osant faire des traits d'humeur à ce propos!
Certes, son esprit se calmait en se convainquant lui-même de se désintéresser de ce sujet. Mais tout de même! C'était important non? Pas vraiment, mieux valait se reposer.

Ainsi, l'ancienne magistère contempla la cours extérieur, assise sur un lit aussi rigide que la pierre - surtout comparé à son ancien fauteuil assoupli par les années, dans lequel elle avait l'habitude de s'endormir. Son esprit, d'abord exclusivement occupé d'une brume opaque, s'éclaircit peu à peu.

Son Labyrinthe Mental se dévoila de nouveau, manifestation subconsciente de sa psyché. Sa structure infinie se composait de salles, de couloirs, d'escaliers, de plateformes mouvantes et autres mécanismes allant du gargantuesque à l’exiguë. Le tout composé et assemblé de formes géométriques frôlant l'illogisme. L'architecture se déployait et s'enroulait sans se contraindre des lois de la gravité, le concept de "haut" et de "bas" n'ayant pas vraiment de sens ici. Les murs de marbre lisse variaient en couleurs d'une zone à l'autre, chaque parcelle abritant un morceau de savoir, de souvenir, d'idée, sous la forme de gravures. Les ornements, les mécanismes et les glyphes incrustés dans la pierre, étaient constitués de tous types de métaux : or, zinc, cuivre, argent, bismuth, plomb, platine et bien d'autres.

Jadis, ce lieu pulsait d'un vacarme agréable, de cliquetis discrets aux vrombissements d'immenses machines lointaines. Mais depuis bien des années, cet orchestre avait vu ses composants se taire l'un après l'autre, si bien que la douce symphonie s'était mutée en de rares notes désaccordées, angoissantes, tristes. Les mécanismes ne se mouvaient presque plus, coupant l'accès à bien des zones du Labyrinthe, et donc à des pans entiers de la mémoire de Breitenbach. Sa démence, sa décadence, sa vieillesse, se manifestaient par la Rouille, envahissant et dévorant le domaine tel un monstre tentaculaire. Elle bloquait les engrenages, bouchait les cheminées, recouvrait les gravures, encombrait les couloirs.
Explorer ce lieu psychique était devenu incertain, voire dangereux. Et alors que les effets de la mandragore se dissipaient totalement, Isabelle redécouvrait la Rouille, source de ses angoisses, de ses pensées parasitaires et incohérentes.

Les salauds! Lucie, Aure, Balthazar, ou même Detlef! Tous avaient joué un rôle dans son malheur actuel. On avait fini par la traîner hors de son manoir, l'arrachant à ses biens, pour l'enfermer ici, dans la maison de cinglés, où les aliénés se prenaient pour des princesses et les docteurs pour des seigneurs! Tous ses droits avaient été bafoués, et que pouvait-elle y faire, la Dame de Fer? Rien, car la rouille l'avait prise, car son corps frêle et sa mémoire gangrenée la laissait sans la moindre défense.

Et c'était cela le plus difficile à admettre : la vieille Baronne s'était laissée aller. Sa vulnérabilité actuelle résultait de sa propre ingérence. Inadmissible, pitoyable, mais pas forcément définitif.

Lorsque la femme toqua à la porte, Isabelle calme et docile avait totalement disparue, remplacée par une Isabelle irritée par la migraine et hautaine de nature. Répondant d'un simple grognement, elle observa la petite dame se dodeliner derrière son chariot, la contemplant comme si un sanglier crasseux venait de pénétrer sa chambre. Et à ses yeux, c'était le cas.

La mégère hurla des syllabes à peine compréhensibles, faisant un peu plus vriller le crâne de la vieille sorcière. Un œil fermé sous la douleur, l'ancienne baronne tenta de déchiffrer les paroles du sanglier, puis faillit s'étouffer d’offuscation. L'aider à faire sa toilette? Cet animal aux mains aussi délicates que celles d'un orque?! Isabelle avait mis bien des années à accepter l'assistance d'Hannah dans ce domaine, et la petite s'affichait autrement mieux que la bûcheronne se tenant devant elle!
S'installant raidement sur le lit, l'Alchimiste voulut répondre immédiatement, mais fut bloquée par l'agitation insupportable de la mégère, occupée à tirer le rideau. Finalement, une fois sa cible de nouveau immobile, Isabelle put répondre d'une voix sans chaleur.


« Pour commencer, Hedwig, je suis dans la même pièce que toi, et dotée d'oreilles fonctionnelles. Enfin, plus pour longtemps si tu continues à hurler de la sorte.
Ensuite, c'est mÂdame, ou Frau Isabelle, à la limite. Pas m'dame.
Enfin, et je ferai fi de l'insolence de la proposition, non, je peux faire ma toilette seule! »


Forte de son dédain, la vieille femme tenta tant bien que mal de se laver sans assistance. Hedwig attendit sans rien dire, remarquant probablement les maladresses d'Isabelle et les taches d'eau s'accumulant au sol. Malgré les paroles de la sorcière, le sanglier gardait son sourire benêt, insupportable.
Lorsqu'elle accepta ses nouveaux vêtements, l'ancienne Baronne les scruta avec un dégoût manifeste. Fort heureusement, ce n'était que temporaire. La mégère lui proposa ensuite une canne. Une canne en bois, sans le moindre ornement, juste un bâton digne d'un paysan de basse campagne.


« Cette canne ne va pas. Pas du tout! Laide et fragile, c'est un bien mauvais outil sur lequel s'appuyer! Il me faut du métal, au moins sur le manche enfin! »

En réalité, Isabelle était plus angoissée que réellement en colère. Elle était lavée, habillée de vêtements propres et pouvait se déplacer seule. Pourtant, elle ressentait un inconfort plus profond qu'avant sa toilette. Elle n'aimait pas le blanc, elle n'aimait pas le bois, elle n'aimait pas son visage débarbouillé aux rides criardes. Même en pleine ville, Isabelle ne ressentait pas le contact agréable de Chamon. Ses symboles, le rouge, le jaune, le métal, avaient été arrachés de sa tenue. Même ses ongles avaient perdu leur teinture dorée. Et ce manque, Breitenbach le ressentait physiquement.

Lueur d'espoir au milieu de cet océan de détresse : on lui laisserait récupérer certaine de ses affaires. Certes, Isabelle enrageait à l'idée que d'autres fouillent son manoir, mais ce serait un mal pour un bien.


« Enfin une bonne nouvelle qui se dégage de cet abominable endroit. Bien que le délai de trois semaines soit intolérable! Prends de quoi noter, et suis bien, la liste est longue. »

Se rendant probablement compte que cette liste, Isabelle devrait l'écrire de sa propre main, elle se mit à l’œuvre en grommelant, sous l’œil du sanglier. En tout premier, elle exigea ses vêtements. Certes, rapiécés et délavés pour la plupart, ils seraient préférables à ces immondes tuniques blanches. Et puis, les mégères les laveraient, ce qui ne serait pas plus mal. Ensuite, elle demanda ses bijoux, du toc pour la plupart, ainsi que sa boîte à maquillage. Après d'autres broutilles, elle entra enfin dans le vif du sujet.

Des accessoires de calligraphie, son monocle, mais aussi d'autres objets savamment manufacturés, comme sa montre à gousset. Isabelle voulait des mécanismes à étudier, à redécouvrir, et pour cela, il lui fallait ses petits outils d'horlogerie dans son atelier. Tink, évidemment, serait l'un des éléments les plus importants à lui rapporter, mais la sorcière le décrivit plus comme un souvenir auquel elle s'était beaucoup attaché, plutôt que comme un golem fonctionnel à animer par magie.

À défaut de grimoires magiques dans sa bibliothèque, la magicienne espérait que ses étagères abriteraient encore quelques tomes scientifiques, mathématiques, traitant de la philosophie des lois de l'univers et de la logique même. Certes, ils ne traiteraient pas directement de l'aethyr ou de sortilèges à redécouvrir, mais plutôt des fondements même des principes du vent doré.

Bref, Isabelle reprenait tout à zéro. Ce qu'elle affichait comme de simples hobbies pour s'occuper dans cet asile étaient en réalité un processus minutieux de réapprentissage. Elle devait se fondre à nouveau dans les principes qui animait la magie qu'elle exploitait si aisément jadis. C'était absolument indispensable si elle voulait être un jour de nouveau capable de lancer des sorts correctement.

La vieille Breitenbach exigea ensuite que deux de ses proches soient prévenus de sa situation et soient invités à lui rendre visite. Petra von Breitenbach et Detlef zu Ogenhammel. Ils restaient une infime chance de porte de sortie pour la sorcière, mais cela, elle se garda bien de le préciser à Hedwig.

Enfin, Isabelle voulait récupérer ses couronnes, jusqu'au moindre sous. Certes, c'était une bien maigre fortune, mais au moins pourrait-elle acheter ce dont elle aurait besoin ; quelques livres ou parchemins traitant d'autres sujets scientifiques à ré-explorer, par exemple.



Après avoir cligné des yeux, l'ancienne magistère se trouva, en pantoufles, dans une nouvelle pièce. Il était 20h, elle le savait, mais impossible de se rappeler comment. Hésitante, elle franchit la double porte et débarqua dans un restaurant - ou plutôt un réfectoire.
Repoussant mentalement sa confusion, la sorcière jaune observa les alentours, détaillant attentivement chacun des groupes présents. Aucun n'attisa sa curiosité, du moins jusqu'à ce qu'elle ne pose l’œil sur un individu solitaire, âgé, à la barbe épaisse.

Mais ce n'était pas sa curiosité qu'elle devait assouvir. En effet, Isabelle devait d'abord répondre à ses propres intérêts, et pour cela, la table lui était toute indiquée : la table des hommes musclés et bruyants. Toute sa vie, elle l'avait passée au dessus de sa propre condition de femme, à minutieusement sélectionner son entourage. À présent dans un milieu étranger, l'ancienne Baronne devait se frayer une place confortable au sein des autres résidents. Elle voulait des muscles, un moyen d'empêcher quiconque de lui chercher des noises.

Breitenbach s'en alla d'abord quérir son repas. Bien évidemment, elle ne s'infligea pas de se servir elle-même, signifiant simplement qu'elle avait faim -malgré la triste collation qui lui était proposée - et qu'elle voulait qu'on lui apporte son assiette à la table du solitaire. Si l'aide-soignante refuserait, Isabelle n'hésiterait pas à s'appuyer un peu plus sur sa canne, signifiant ainsi son incapacité à se déplacer avec son plateau.

Lorsqu'elle s'approcha enfin de la table des mâles alpha, Breitenbach attendit que les conversations ne se calment pour qu'elle puisse enfin se présenter.


« Je me présente, Dame Isabelle. » Elle inclina légèrement la tête pour saluer l'audience. Si elle s'efforçait de rendre sa voix chaleureuse, une certaine malice s'en dégageait. « Auriez-vous de la place pour ma vieille personne? L'on me dit de bonne compagnie et, ma foi, je me débrouille plutôt bien aux cartes. »

Après cette rapide conversation, Isabelle démarra la conversation. Elle ne savait pas vraiment où cette manœuvre l'emporterait, mais il lui semblait important de récolter un maximum d'informations et potentiellement d'alliances, au sein de l'asile.

Mais si son approche se voyait répondre d'un refus, alors l'ancienne magistère, furieuse, graverait chacun des visages de la table dans un coin de son crâne. Puis, elle s'en irait rejoindre le vieux borgne pour tenter à nouveau d’entamer la conversation.
Modifié en dernier par Isabelle Breitenbach le 06 févr. 2022, 04:37, modifié 1 fois.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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