[Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

L’Empereur Karl Franz siège à Altdorf, capitale impériale depuis. Altdorf est un carrefour du savoir et son université est l’institution académique la plus respectée de tout l’Empire. Là, les seigneurs et les princes de nombreux pays viennent s’asseoir aux pieds des plus grands penseurs du Vieux Monde. Altdorf est aussi le centre du savoir magique et ses huit collèges de magie sont fort justement réputés bien au-delà du Vieux Monde. Altdorf est une ville affairée, avec un nombre important d’étrangers, de commerçants et d’aventuriers. La cour impériale elle-même engendre une activité économique florissante, qui attire toutes sortes de gens.

Modérateur : Equipe MJ

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 877
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Hanna fit une mine boudeuse, en bombant les lèvres en cul de poule tout en gonflant les joues. Elle regarda un peu en coin, avant de finalement négocier :

« Allez… Trois couronnes pour les deux lettres. C’est qu’il faut tout de même que j’aille les chercher, vos deux proches. »

Detlef ne serait sûrement pas dur à retrouver. L’Ulricain vivait auprès de son épouse, à une adresse fixe — il devait avoir ses habitudes, un homme de son âge, il n’était plus le genre à partir en vadrouille des semaines durant. Petra, en revanche, allait certainement lui donner plus de fil à retordre. Si elle vivait toujours à Altdorf, ceci était au moins certain, elle ne semblait pas avoir un lieu sous sa tête qui soit fixe. Isabelle n’eut à offrir que des indices : dans les tas de vieilles lettres abandonnées, on trouvait bien les tavernes d’où elle les avait écrites. Ou alors, il faudrait aller poser la question à son père ou son grand-père. De quoi demander un certain travail de la part de Hanna.

C’est pour ça que, sitôt elle eut reçu les deux lettres cachetées, et son argent, la servante se hâta de partir en rangeant le tout dans une petite gibecière.

« On a fait bien attendre Ernst. Heureusement qu’il est patient. »

En raccompagnant Hanna à la porte, Isabelle put en effet voir que le cocher attendait devant la grande grille qui délimitait l’aire du manoir, en se tournant les pouces, adossé à la roue de son chariot. Très patient, Ernst. Plus que ce qu’on demande normalement à un conducteur de charrette.

« Je reviendrai vite avec des nouvelles, madame.
Prenez soin de vous. »


Elle sourit, et fit un simple signe de tête à Isabelle, et voilà qu’elle partait sur les dalles de pierres en faisant un signe de la main au cocher qui lui répondait, visiblement tout heureux.



Isabelle avait toute la journée devant elle — mais elle n’aurait cette fois-ci pas le temps de profiter de son temps à remplir son temps libre de loisirs. Elle avait une œuvre à accomplir, un travail alimentaire qu’elle avait déjà commencé, et qui était prévu pour demain.

Le Poisson devait passer. Il arrivait presque toujours à heures fixes ; pour toute sa sauvagerie, il fallait lui reconnaître une certaine ponctualité. Il toquait toujours à cinq heures trente — jamais cinq heures vingt-neuf, ou cinq heures trente-et-un .Alors qu’il avait une sale dégaine de truand, la gueule couverte de cicatrices et le corps de tatouages, il se baladait constamment avec, au-dessus de vieux haillons puants et moisis, une grosse redingote qui devait valoir six mois de salaire d’un huissier, et une grosse montre à gousset plaquée or qu’il lui agitait tout le temps sous le nez. Il ne pouvait pas s’empêcher de narguer Isabelle, de se moquer d’elle, en même temps qu’il recomptait les flacons. Il en goûtait toujours un, pris au hasard, histoire de s’assurer de la qualité, et puis, avec le laudanum qui lui enserrait l’âme, il se mettait à compter les pistoles d’argent au ralenti, en les posant une à une sur la table.

L’alchimie est une des plus anciennes sciences qui existe dans l’Empire. Avant le règne de Magnus, on trouvait des pratiquants de cet art tant à Middenheim qu’à Nuln, même s’il y avait, partout dans la nation, des apprentis qui devaient travailler en secret pour ne pas être découverts. Officialisée et légalisée au sein du Collège Doré, ce mélange de recherches scientifiques, de chimie, et de pratiques occultistes, avait été capable de créer quelques impressionnants miracles. Les alchimistes utilisaient des pierres précieuses pour guérir des afflictions, avaient forgé les pierres de pouvoir qui avaient permis à l’Ordre de prouver aux sept autres collèges qu’il méritait d’être considéré comme le plus important. Isabelle avait connu un jeune collègue, Heinrich Krebs, qui souhaitait créer un « homoncule », un être artificiel de chair, vivant et respirant comme un être humain. Son ancienne collègue, Karin, travaillait avec le Collège des Ingénieurs d'Altdorf, dans un projet visant à forger des prothèses qui sauraient remplacer un bras, ou une jambe, tout en étant plus efficace que celui d’origine. Quant à Gelt, il rêvait d’atteindre la Transmutation Véritable — créer de l’or à partir de n’importe quoi, accomplissant le rêve de tous les élèves qui ont jamais été assis sur les bancs du Collège.

Aujourd’hui, Isabelle en était malheureusement réduite à pervertir l’alchimie. Elle ne l’utilisait pas ici pour améliorer le genre humain, elle l’utilisait uniquement pour la jouissance de jeunes aristocrates qui cherchaient un moyen d’être transportés ailleurs, en décuplant le pouvoir de l’opium.

Il arrivait par caisse — des capsules de pavot, empilées les unes entre les autres, étaient livrées soigneusement rangées dans une grande caisse fermée, souvent couverte de lichen ou de déchets, car elle avait été jetée au fond du Reik avant d’être repêchée. Le pavot a de nombreux usages, mais tout ce qui intéressait Isabelle, c’était le latex, qu’elle faisait couler en pratiquant une incision soignée. Elle versait le tout dans un récipient, elle se dirigeait vers son alambic, et il était temps de se mettre au travail.
Il fallait gérer la température, le temps, contrôler la distillation, soigneusement. Il fallait pour cela remplir des petits flacons en verre qu’elle avait purifiés au préalable, avec de la chaux et des cendres de bois. Jusqu’aux neuf cinquièmes, on mettait de l’alcool, du vrai, qu’elle préparait avec des levures qu’il fallait conserver et reproduire dans son manoir. Le dixième restant, il fallait y intégrer la solution d’opium, où elle avait soigneusement sélectionné les propriétés qui l’intéressait.

Sa recette, elle avait mis du temps à la mettre au point. Mais visiblement, elle faisait plaisir. Tellement plaisir, que ça avait dû acheter la redingote et la montre à gousset de son « partenaire ». Non pas qu’il l’arnaquait : l’homme était un sauvageon, il était bon de le répéter, mais il payait toujours avec de belles pièces, jamais en toc. S’il lui était déjà arrivé une fois ou deux de ne pas avoir assez de monnaie, il avait toujours remboursé avec des intérêts. Il était rare de travailler avec des gens sur qui on pouvait compter, mais visiblement, ce gosse des rues d’Altdorf avait été plus réglo avec elle que beaucoup de collègues magisters.

Une longue après-midi l’attendait. Tink allait avoir besoin de faire beaucoup de thé.
Charisme d'isabelle : 16
Résistance mentale de Hannah : 6
Retrait de trois couronnes d’or.


Je vais faire quelques jets pour décrire comment se passe ta distillation, et voir si c’est de qualité et combien tu peux en tirer.

— En premier lieu, tu dois choisir si tu veux créer en laudanum une livre ou deux d’opium. Deux livres pourra te rapporter plus d’argent, mais ça demandera plus de temps et donc plus de jets ; et s’il y a beaucoup d’échecs, tu pourrais bien embêter les Poissons.
— En second lieu, tu dois décider de combien de temps tu passes sur la distillation, genre si tu bosses à la chaîne de maintenant jusqu’à demain matin, ou si tu te ménages en prenant des pauses. Si tu t’attelles à la tâche, tu auras plus de chance de faire une distillation réussie, mais tu risques de le payer plus tard — ça serait bête de tomber dans les pommes alors que t’as des choses à faire, non ?
Image

Avatar du membre
Isabelle Breitenbach
Monster Vieux Monde 2022
Monster Vieux Monde 2022
Messages : 100
Profil : FOR 8/ END 8/ HAB 9/ CHAR 10/ INT 13/ INI 9/ ATT 8*/ PAR 8*/ TIR 9/ MAG 13/ NA 1/ PV 70/70
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
Autres comptes : Helveticus Matix, Necros Ahmôsis (en hibernation), Malbalor (décédé)

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Peut-être cela déclenchait-il un sentiment de satisfaction chez Hanna, mais Isabelle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle faisait la gueule. La lèvre inférieure en avant et la tête calée entre ses épaules, Breitenbach fixait sa servante d'un regard meurtrier alors qu'un accord avait été trouvé. Trois pièces d'or, c'était mieux que six, mais ça restait une terrible arnaque. L'ancienne Grande Trésorière était impuissante et furieuse contre le monde entier, le visage joyeux de la petite peste n'aidant pas. Elle avait besoin que cette réunion eut lieu, aussi se garda-t-elle d'insulter la voleuse, se contentant de répondre à sa gaieté par des grognements.

Hanna partie avec cet imbécile de Ernst (mais que lui trouvait-il?), Isabelle resta un bonne minute en silence. Se tassant de plus en plus sur elle-même, s'engouffrant dans sa colère, elle finit par exploser. Le pauvre Tink qui se trouvait devant elle se prit un coup de canne retentissant, son chapeau allant cogner le mur avant de rebondir plusieurs fois au sol.


« DU THÉ!! »

Le petit golem s'empressa de ramasser son couvre-chef avant de cliqueter vers la cuisine.

Revitalisée par cet excès de rage, la vieille sorcière se leva pour se diriger vers la serre. Elle avait un travail à terminer et cela lui permettrait de se changer les idées. Une fois arrivée dans le jardin, elle contourna la verrière condamnée pour rejoindre l'entrée arrière, plus discrète. Là, Isabelle pénétra dans une pièce obscure, les carreaux presque tous éclatés ayant été couverts par des draps sombres.
La salle avait été aménagée en un imposant laboratoire, des dizaines de fioles au contenu douteux se répartissant sur plusieurs supports fixés au murs. Au centre se tenait une vaste table ronde recouverte d'outils alchimiques plus fantaisistes les uns des les autres. Un trou circulaire se trouvait en son centre.

Après avoir allumé plusieurs lanternes, les ténèbres se dissipèrent, remplacées par les reflets chatoyants des potions et autres récipients remplis. La pièce était hermétique, aussi bien aux bourrasques extérieures qu'à la lumière du jour. C'était impératif pour s'assurer que les mixtures qu'elle contenait ne soient pas altérées. Isabelle actionna un levier qui libéra une cheminée qu'elle avait elle-même assemblée là, garantissant ainsi l'aération des substances nocives de la serre.

Si Breitenbach s'était laissée aller sur bien des sujet, l'alchimie n'en faisait pas partie. Elle avait gardé sa méticuleuse et complexe méthodologie de travail, respectant toutes les règles qu'elle avait elle-même imposées à ses apprentis il y a fort longtemps. La raison était simple : dans les arts liquides, le moindre écart pouvait catapulter un laboratoire sur Morrslieb.

Isabelle pourrait accomplir tant de choses au sein de ces murs! Fort heureusement, elle s'en était cantonné à la drogue, mais avait longtemps hésité. En effet, après s'être fait renvoyer de l'Ordre, l'ancienne magistère s'était aveuglée dans la haine. Elle avait comploté des mois durant, planifiant une vengeance aux proportions cataclysmiques. Son premier projet avait été de raser le Collège de la carte et de faire détonner chaque maison de ses anciens collaborateurs qui l'avaient abandonnée. Elle s'était ravisée (surtout par manque de moyens) et s'était tournée vers des concoctions plus "rentables". Isabelle avait bien fait, car sinon, Hermaan et les autres n'auraient plus été capables de lui rendre visite pour ses nombreux dînés illusoires.

L'alchimiste saisit un morceau de la table et, avec un certain effort, le souleva, lui donnant ainsi accès au trou circulaire. Là se trouvait un tabouret confortable capable de tourner sur lui même. Ainsi, elle avait accès à tous ses outils d'un mouvement de pieds et pouvait travailler sur plusieurs étapes sans avoir à réaménager son plan de travail. Installée et une fois le morceau de table rabaissé, Isabelle se saisit d'un vieux morceau de métal posé à côté d'elle. Un masque doré rongé par les années. Du temps du Collège, il lui servait à afficher son rang et à masquer ses réactions lors de négociations. Aujourd'hui, elle l'utilisait surtout pour protéger son visage des effluves toxiques de ses manipulations.
Malgré tout, il arrivait que Hanna la retrouve assoupie, bardée de ses plus beaux (faux) bijoux, le masque d'or fixé sur son visage. La vieille se sentait alors honteuse et le retirait précipitamment, dégoûtée par cet élan de nostalgie.

► Afficher le texte

Son visage dissimulé et ses mains couvertes de mitaines rapiécées (mais propres), la Dame de Fer se prépara à reprendre son travail là où elle l'avait laissé quant elle entendit toquer. Furieuse, elle se releva, souleva de nouveau la table et alla ouvrir. Petit Tink l'attendait là, un plateau bien trop gros et chargé entre les mains. Tasse, théière et sucrette s'entrechoquaient, laissant entrevoir un désastre imminent.
Isabelle le libéra de sa charge d'une main, le plateau n'étant pas bien grand à son échelle, et poussa le golem à l'intérieur d'un coup de pied. Elle referma ensuite la porte et retourna s'installer sur le tabouret.
Après avoir savouré quelques gorgées de son thé tiède, dilué de quelques goûtes de cognac, elle se sentait prête à enfin reprendre.

En cet instant, l'ancienne magistère sentait la vieillesse et ses handicaps s'évaporer. Le contact des fioles sous ses doigts fripés lui procurait une sensation enivrante, sans pour autant laisser son esprit s'égarer. La pratique régulière de cet art lui avait permis d'en garder un contrôle de maître, d'évoluer sans hésitation ou rumeur d'échec. Elle savait quoi faire, exécutant ses gestes avec une adresse certaine et investissant des parcelles de son esprit sur plusieurs tâches exécutées en parallèle. Ici, la température montait, là, un dosage était à faire, le tout exécuté dans un ballet rappelant son ancienne noblesse académique.

Son serviteur lui apporta une assistance précieuse. Certes, ce bout de ferraille décérébré ne pouvait pas exécuter les manipulations les plus délicates, mais il pouvait trier les ingrédients, prévenir sa maîtresse lorsqu'une distillation était terminée ou même déposer les fioles directement dans sa paume sans qu'elle n'ait à pivoter. De plus, il s'assurait que sa tasse était toujours pleine.

Préférant réguler ses attentes plutôt que d'avoir les yeux plus gros que le ventre, Isabelle décida de ne produire qu'une seule livre de laudanum. De plus, elle s'accorda le sommeil nécessaire pour éviter d'en payer le prix fort plus tard. Oui, elle pourrait se faire plus d'argent, mais à quoi bon si elle s'effondrait de fatigue devant son fournisseur ou pire, devant la prêtresse. Tink, lui, faisait office de réveil, surveillant la hauteur du soleil ou de la lune pour s'assurer que sa maîtresse de dorme pas le restant de la journée.

La sorcière n'avait pas que le laudanum à produire. En effet, si elle voulait convaincre la prêtresse de Shallya que l'internement n'était pas nécessaire, elle devrait aussi mettre son manoir en ordre. Elle n'y parviendrait pas seule, même avec l'assistance d'Hanna, et c'est pourquoi elle comptait mettre sa magie à l'œuvre. Une fois son premier projet terminée, elle passerait donc au second.
Dans la serre se trouvait un autre atelier, uniquement accessible par la deuxième porte du laboratoire. La pièce n'était pas recouverte de draps, la verrière brisée laissant passer l'air et le soleil à leur bon vouloir. Les bacs de plantes desséchées, poussées contre les murs pour faire plus de place, donnaient à la pièce un air presque onirique, apaisant. La végétation avait en parti repris ses droits, accompagnée de divers bestiaux à plumes ou à poils.

Dans l'espace libéré, comme pour faire opposition à la verdure, était amoncelé quantité de ferraille. Des projets avortés ou dont la magie avait cessé de les habiter, des golems de différentes tailles, des jouets qui ne trouvèrent jamais les mains d'un enfant. C'était là que la vieille sorcière jaune imaginait et concevait ses divers serviteurs ou distractions.
Quelques outils et matériel de dessin étaient soigneusement rangés sur un petit atelier, Isabelle se servant surtout de ses connaissances aethyriques pour modeler le métal selon ses désirs.

Là, elle pourrait inventer un golem ménager, une construction aux bras multiples équipés de différents plumeaux rotatifs, balais, et mains articulées. Un réservoir d'eau lui permettrait d'asperger quand nécessaire avant de récurer les saletés les plus récalcitrantes. Le serviteur ne serait pas d'une résistance à l'épreuve de l'épée, car son but était ailleurs : Breitenbach favoriserait la dextérité contre la force brute. L'œuvre nécessiterait une certaine quantité de magie, certainement bien supérieure à celle utilisée pour animer Tink. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas tenté de lancer un sort de ce niveau, mais les petits soldats de plomb serviraient à canaliser l'aethyr. Elle ferait autant de tentatives que nécessaire, s'éloignant bien de son laboratoire pour qu'une éventuelle catastrophe ne risque pas d'anéantir toutes ses heures de travail.


► Afficher le texte
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
États :
► Afficher le texte
Compétences :
► Afficher le texte
Équipement :
► Afficher le texte
Archidoxis :
► Afficher le texte
Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 877
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Aux yeux des philosophes, des vieilles croyances des guérisseurs de la forêt, et de la grande majorité du peuple du Vieux Monde, tout ce qui existe peut se voir être rangé dans quatre éléments distincts : L’eau, l’air, le feu, le vent et la terre.

Aux yeux des alchimistes du Collège Doré, cette vision du monde est parfaitement erronée. En deux cents ans d’existence, les divers patriarches qui se sont succédé ont publié les recherches qui ont eu lieu après des débats de grands chercheurs, jusqu’à déboucher sur le Tableau des Éléments Véritables de l’Existence. Toute matière, ou tout gaz — car les alchimistes ont conscience de ce qu’est un gaz, quelque chose qui n’est pas donné à tout le monde — peut être lié à un élément de ce tableau, quand il n’a pas été créé par les magisters eux-mêmes à force d’études et de mélanges d’éléments de l’aethyr. Aujourd’hui, Isabelle mettait à son profit tout ce qu’elle savait de ces recherches, pour un projet bien médiocre.

L’opium, tout le monde sait qu’il se fume. Et presque tous les guérisseurs et les apothicaires connaissent les vertus du lait de pavot. Mais le pavot qu’Isabelle venait d’extraire, elle décida de le faire chauffer à basse température, pour le sécher.
C’est alors que sa magie et sa science opérèrent.
Elle ouvrit un bocal rempli de salmiac, un sel aux propriétés fascinantes découvert dans les Monts du Milieu : les Impériaux l’utilisent pour parfumer leur alcool ou nettoyer du fer, mais les alchimistes savent utiliser le salmiac pour des études bien plus nobles. Dans le même temps, en passant d’un poste de travail à l’autre, elle transforma de la chaux ; le calcaire brûlé est utilisé pour servir de « colle » dans les édifices de pierre, mais là aussi, les alchimistes ont appris à être inventifs. Elle transforma la chaux dite « vive », toute prête, en chaux « éteinte », en provoquant sa réaction avec de l’eau.
Le salmiac et la chaux plongèrent dans un bocal, et avec l’aide d’un alambic, ils pouvaient commencer leur mélange au feu avec le lait de pavot.

L’alchimiste intervient, somme toutes, assez peu dans tous le processus. Il est plus un conducteur, il a le rôle de surveiller, d’ajuster les doses, de contrôler la chaleur de la flamme et les mouvements de l’air. C’est un travail qui exige minutie et patience, et c’est là ce qui fait la différence entre les apprentis moins exercés et les mages plus sages. Chamon était ici essentiel : le vent de magie existait pas minuscules souffles, comme des odeurs de tabac froid, dans les traces infimes de mines où on avait cassé la pierre ou récupéré le sel. Il fallait se concentrer fortement sur son sixième sens pour repérer la moindre erreur, et le moindre moment où il fallait intervenir…

Toute l’œuvre fut éreintante. C’était une de ces mauvaises journées, qui lui avait demandé plus de travail et de pauses qu’à l’accoutumée. Une de ses fournées fut bonne à jeter, et il fallut recommencer de zéro pour offrir un produit convenable. Ce ne fut qu’en début de soirée, alors que le ciel commençait à prendre une teinte bleutée, qu’elle put enfin commencer à remplir une par une les petits flacons en verre de laudanum.





Bezahltag 27.

Le jour était devenu la nuit. Après avoir recompté un par un les flacons, les avoir soigneusement rangés dans une caisse, et les avoir laborieusement rentrés à l’intérieur, en s’arrêtant au milieu du chemin à cause d’un mal de hanche, Isabelle avait pu avoir la soirée pour elle-même. Elle n’aurait pas le loisir d’une nuit complète. Les Poissons sont une espèce étrange, à se coucher tard. La nuit leur appartient, et c’est toujours avant le lever du jour que son « partenaire » (C’est comme ça qu’il insistait de nommer sa relation avec Isabelle) se présentait à son manoir.
Cinq heures trente n’était pas une heure pour des rendez-vous, mais au moins, sa ponctualité millimétrée avait du bon : il n’était pas du genre à la prendre par surprise, pas comme Gelt qui était entré sans être invité. Il ne se présentait jamais un jour où il n’était pas attendu, et s’il lui était bien arrivé des fois de ne pas venir à un rendez-vous, il venait la semaine d’après avoir un petit cadeau pour se faire pardonner — il avait ainsi déjà offert une boîte de pâtes d’amandes à la vieille, avec un petit commentaire du style « hé, ça ira pour vos dents ? » histoire de tout de même masquer sa politesse dans une insulte satirique.

Isabelle n’avait qu’à se préparer en attendant qu’il vienne. Elle ne serait pas surprise avec de la bave qui dégouline du nez ou l’esprit dans tous les sens. Elle aurait le temps de fumer de l’opium, ou goûter à son laudanum, avant d’entendre, au moment précis où il devait être là, toquer contre sa porte.




5h28.
Tic, tac, tic, tac
5h29
Tac, tic, tac, tic,
5h30
Toc toc


Comment venait-il jusqu’ici ? Isabelle avait déjà tenté de l’épier, rien à faire. Venait-il à pied depuis Altdorf ? Difficile à croire, ou alors il devait y passer la nuit entière. Est-ce qu’on le jetait sur la route, et il remontait le chemin de forêt jusqu’au manoir à pied ? C’était peut-être plus crédible. Pourquoi autant de manières ? Avait-il peur d’être suivi ? Que des sergents le prenne en filature ?
Toujours est-il, il venait toujours tout seul, les mains dans les poches de son gros imperméable en cuir. Il marchait comme un chat, et il avait l’habitude étrange de faire de grands pas pour que sa semelle touche toujours une dalle de pierre, jamais l’herbe.

Au début, il attendait que Tink vienne lui ouvrir. Maintenant, il prenait toujours le golem de court. Il ouvrit grand la porte, et hurla assez fort pour se faire entendre même à l’étage :

« Héhooooooo !
Mamie !
Ton p’tit fils-préféré est là ! »


Il claqua la porte derrière lui, s’agenouilla, et attrapa un bras mécanique de Tink pour lui « serrer » la main.

« Hop-là, Tink ! Poignée de main secrète, tape-m’en cinq ! »

La programmation de Tink ne comprenait jamais ce que le truand voulait dire, alors il retira sa main à toute vitesse.

« Hé-hop ! Trop lent !
Hahaha, faut t’améliorer mon vieux ! »


Il se redressa, entra tout droit dans le salon en retirant son gros manteau, et le balança sur la table à manger. Il ouvrit grand les bras en découvrant Isabelle, et s’exprima à grands poumons :

« Mamie ! Mamie chérie !
J’peux te faire un bisou, dit ?! »
Image

Tu sais comment c’est dur de trouver une image qui me convienne ? Ignore le gros cigare totalement anachronique que le gars a dans sa bouche — sa bouille, son expression et ses gros traits sont ce que tu dois le plus retenir


Il n’avait pas de nom. Tout juste un sobriquet ridicule. « Das Krokodil ». Isabelle n’était pas certaine de si c’était à cause de ses yeux jaunes, semblables à ceux d’un reptile, ou alors sa grosse entaille sur ses deux joues et son nez, qui lui donnait une méchante allure de créature des rivières. Le Crocodile était un homme grossier, vulgaire, et qui pourtant, était toujours bien habillé et parfaitement peignée. Il empestait l’eau de toilette, avait des cheveux plaqués sur la tête sauf pour une frange savamment étudiée pour voler sur son front, et sa jolie redingote habituelle avec la montre à gousset qui donnait toujours l’heure.
Il était couvert d’autres cicatrices, et de tatouages. Une ancre, des lettres, une tête de mort parcouraient ses phalanges. Sans son manteau, il dévoilait ses avants-bras : on pouvait voir le dessin d’un chat, d’une tête de poisson pourri énuclée, et des bâtons qui représentaient un marquage, comme le nombre de quelques choses — il avait dit fièrement que c’était le nombre de gens qu’il avait surinés, au nombre de dix-sept, même s’il avait bien précisé que « suriner, ça veut pas dire tuer ».

Le Crocodile attrapa le journal qu’avait ramené Hannah, et l’ouvrit.
Il ne savait pas lire, mais il aimait bien les estampes de presse en page 3 du Spieler. Il fronça les sourcils, et tiqua des lèvres.

« Mais… Mais c’est pas le même journal que d’habitude…
C’est lequel c’lui-là ? Putain, où elles sont les caricatures ?! »


Il jeta le journal, passa une main sur son front, et souffla.

« Si tu savais le bordel que c’est à Altdorf, mamie ! Le bor-del !
Paraît que les finances de l’Empire sont tellement dans les chiottes que tout le monde a peur qu’il y ait un nouvel impôt. Y a les marchands Bretonniens qui, en gros rapace, débarquent de la laine bradée qui inondent le marché, donc maintenant des types veulent tabasser les bouffeurs de grenouilles. Et les Nordlander arrêtent pas de se faire taper aussi, donc y en a qui veulent s’armer pour se défendre.
Autant dire que je chôme pas ! Les affaires sont les affaires, pas vrai !
Dis mémé, t’as à bouffer ? Genre à grignoter, là ? J’me suis fait de la poule-au-pot avant de venir mais la route ça creuse. »

Let’s go, c’est parti.

Bon, je t’avoue que je vais un peu au pif, résoudre des combats y a un tas de règles, mais résoudre la production de laudanum c’est quand même un poil plus dur, surtout que je sais pas combien de temps dure la production d’héroïne. Figure-toi que j’ai dû faire des recherches sur internet :orque:

Tu vas essayer de faire un jet d’alchimie (Sur INT) par heure, en partant sur l’idée qu’il faut un délai de 6h pour commencer l’extraction. Les six jets donneront une idée générale de la qualité du produit.
18, échec de 8
13, échec de 3
16, échec de 6
11, échec de 1
10, réussite de justesse
19, échec de 9

Au moins y a pas de critique…
Une moyenne de 14,5 (Échec de 4, j’arrondis à l’inférieur dans mon immense mansuétude), 5 échecs pour une réussite.

L’opium brut titre entre 4 et 21 % de morphine. Je considère qu’une livre contient 1,6 onces de produit.
Une once = 45359,2 milligrammes. Tu « standardises » autant que tu peux pour offrir des bocaux avec 40mg/ml. Ça fait 1134 ml de produit. Je considère qu’avec tes échecs, tu « perds » du produit. Il t’en reste 920 ml.
En flacons de 20 ml, ça fait 46 flacons de produit.

C’est super cool. Le problème c’est que ça t’as bouffé toute la journée et t’as pas eu un seul instant pour te concentrer sur ton projet de golem.

Dis-moi par MP ou dans ta réponse combien de flacons tu souhaites vendre, et combien tu gardes éventuellement pour ta consommation personnelle. Un flacon te bute bien pour trois-quatre semaines, en buvant à la goutte. Avec des doses pas raisonnables tu peux le siffler en une semaine.

Entre alors le Poisson.
Image

Avatar du membre
Isabelle Breitenbach
Monster Vieux Monde 2022
Monster Vieux Monde 2022
Messages : 100
Profil : FOR 8/ END 8/ HAB 9/ CHAR 10/ INT 13/ INI 9/ ATT 8*/ PAR 8*/ TIR 9/ MAG 13/ NA 1/ PV 70/70
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
Autres comptes : Helveticus Matix, Necros Ahmôsis (en hibernation), Malbalor (décédé)

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Si la volonté y était, le geste, lui, restait hasardeux. Isabelle avait beau se concentrer sur sa besogne au point de s'en sortir les yeux des orbites, elle voyait bien que son travail était médiocre. Elle faisait preuve de plus de patience que nécessaire, si bien que les substances dans les alambics finissaient par griller ou trop refroidir. L'état brumeux de son esprit embuait celui de son serviteur qui, lui aussi, faisait preuve de laxisme quant au chronométrage des préparations.

La vieille alchimiste dû se rendre à l'évidence : sa fournée était fichue et elle se devait de tout recommencer à zéro. Hors de question de vendre un produit bâclé. Breitenbach s'était toujours dit que le jour où elle ne pourrait plus faire sa propre drogue, alors il serait temps de mettre fin à sa vie. Mais ce jour n'était pas encore arrivé, car il lui restait encore beaucoup à faire avant de se sceller dans sa dernière et exiguë demeure.

Sans faire preuve d'une main de maître, la sorcière obtint un meilleur résultat après sa seconde tentative. Certes, cela lui avait pris bien plus de temps que nécessaire, mais le produit demeurait excellent. Unique même. Car cette méthode d'affinage, elle ne le devait qu'à elle-même et rien de similaire n'était trouvable sur le marché. Alors pourquoi se restreindre au commerce avec les Poissons? Pourquoi ne pas vendre ses services à d'autres clients plus fortunés? La réponse était simple : l'anonymat. Les mages du Collège Doré verraient d'un bien mauvais œil leur ancienne doyenne exécuter leur art de la sorte. Certes, le Collège Gris était probablement au courant de son petit commerce. Mais tant qu'il restait discret, les mages d'Ulgu ne s'en préoccupaient pas.


Sa besogne terminée, Isabelle entreprit de répartir la morphine dans une quarantaine de flacons. Quarante six pour être exact. Si sa première fournée s'était mieux déroulée, alors elle aurait pu produire bien plus. Mais le résultat restait satisfaisant, bien que tout juste suffisant pour ses projets. Cinq des flacons furent arrachés à leurs frères pour finir enfermés dans un petit coffre, puis caché des regards derrière quelques alambics. Habituellement, Breitenbach avait la main plus légère pour garnir sa réserve personnelle. Mais aujourd'hui, elle ne savait pas ce que l'avenir lui réservait, ni combien de temps s'écoulerait avant qu'elle ne puisse produire à nouveau.

Il lui restait quelques heures avant l'arrivée matinale du Poisson. Quel goujat que cet individu, à débarquer si tôt chez une personne d'un âge avancé! La vieille alchimiste avait au moins le loisir de profiter d'un peu de repos, décoré de quelques goûtes de morphines pour attirer le sommeil plus rapidement. Elle s'endormit en plein milieu d'une conversation avec Hermaan, spéculant sur le résultat du prochain duel de patriarches. Malgré toute sa haine de son ancien apprenti, Isabelle le rendait vainqueur, enorgueillit par son talent d'institutrice et affirmant la supériorité du Collège dont elle héritait et qui restait digne de sa colère.

Breitenbach fut tirée de ses cauchemars par le tapotement insistant de Tink sur sa joue. Couverte de sueur, la vieille sorcière mit plusieurs minutes à reprendre pleinement pieds. Elle avait rêvé de ses anciens collègues, ces derniers traitant casuellement d'affaires quotidiennes avec elle avant de se déformer lentement. Se transformant en zombies de métal, leur dialogue avait commencé par s'abrutir, avant de prendre un timbre terrifiant, affamé.
Isabelle avait tenté de fuir, mais son propre corps se changeait à son tour en statue de plomb. Les zombies de ferraille se nourrissaient de cette matière et l'ancienne magistère devenait un met particulièrement alléchant. Les monstres s'approchaient lentement, leurs grincements immondes couvrant très vite les hurlements d'Isabelle. Lorsque leurs griffes et leurs dents se refermèrent sur elle, le contact du petit serviteur l'arracha à cette vision d'horreur.

Les muscles endoloris, l'alchimiste eut grand mal à se préparer. Sa toilette fut une entreprise particulièrement éprouvante et accomplie sporadiquement. Elle picora ensuite dans les restes immondes du repas préparé la veille par Hanna, avant de se diriger vers son matériel de maquillage. Sa coiffure impossible, ses cernes, ses rides, lui firent un coup au cœur. Misérable créature brisée, elle n'était pas présentable et devrait faire preuve de talent pour dissimuler cette triste réalité. Talent qu'elle avait depuis longtemps oublié.

Ses articulations rouillées l'empêchant de faire preuve de finesse, Isabelle se brossa les cheveux avec la dextérité d'un orc. Elle enroula ensuite le tout et tenta de le contenir à l'aide de sa broche, mais une partie du paquet se libéra comme un cadeau mal emballé. Résignée, elle s'attaqua au maquillage. Presque aussi complexe que de fabriquer de la morphine, cette épreuve nécessitait une flopée de couches sensées harmoniser sa peau crevasser, cacher ses cernes, garnir ses cils et vivifier ses lèvres. Encore pâteuse de sa nuit passée, Breitenbach ne fit ni preuve de modération, ni de minutie. Si elle avait encore assez de contrôle pour ne pas ressembler à une prostitué, sa peau était poudreuse, ses cils inégaux et ses lèvres et paupières asymétriques.

Cintrée d'une infinité de bagues, bracelets, colliers, boucles d'oreilles et autres appendices en toc, la Dame de Plomb se contempla tristement dans son miroir. Deux bouffées d'opium plus tard, elle était magnifique. Elle commençait à se rendormir lorsque le Krokodil fit irruption sans ménagement dans sa demeure. Affolée, Isabelle rouvrit les yeux, son esprit n'ayant réceptionné qu'une seule information. Son fils? Wilfried? Pas trop tôt! Plus d'une heure pour préparer du jus de mandragore bouillie, intolérable!

La magistère se leva, surprise de l'effort que cela nécessitait, puis s'avança d'un pas lent mais furieux. Equipée de sa canne fétiche (pourquoi avait-elle besoin d'elle pour marcher?) la Dame de Fer alla rejoindre la source de tout ce raffut. Elle découvrit un homme inconnu en train de serrer la pince de Tink. Surprise, elle saisit la poignée de sa canne, prête à dégainer sa lame dissimulée, mais stoppa son geste. L'individu la connaissait. Lorsqu'il s'approcha d'elle, tout bras ouverts, Breitenbach eut un mouvement de recul, l'épée cachée se dévoilant un peu.

Trop emporté par ses propres paroles, l'intrus ne prêta pas attention à la réaction de la maîtresse de maison. Il saisit un journal et commença à déblatérer de manière toujours plus insensée. Totalement perdue, Isabelle regarda autour d'elle : elle n'était pas dans le Collège Doré. L'homme ne semblait pas agressif, il n'y avait donc aucune raison de rester sur ses gardes. Elle devait juste comprendre le motif de sa venue et la nature de leur relation.

Des bribes lui revenaient en mémoire lentement, juste assez pour ne pas passer comme démente. Si elle ne parvenait toujours pas à se situer dans le temps, à se rappeler de l'identité de l'intrus, Isabelle avait conscience de la nature de leur commerce. Quand avait-elle produit la morphine? Impossible à dire, mais c'était loin d'être le pire. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle avait rangé les fioles!
Il fallait gagner du temps, en espérant que ça lui revienne.


« Le bas peuple ne sait vraiment plus quoi inventer pour s'approprier l'attention. Les gens sans valeur pensent s'enrichir lorsque le regard des Grands se tournent vers eux. Des habitants de l'Empire qui cognent sur l'étranger? rien de nouveau. Un nouvel impôt qui fait jaser les démunis? rien de nouveau. Ca va se tasser rapidement, profite de l'instant pour garnir tes affaires. »

Isabelle remarqua du coin de l'œil qu'Hermaan approuvait d'un hochement de tête, mais elle préféra l'ignorer. Elle détestait parler pour ne rien dire et sa dernière tirade agaçait son intellect. Mais elle devait continuer la conversation pour ne pas immédiatement parler affaire. Auquel cas, l'homme risquait de rapidement s'énerver.

La vieille sorcière observa l'individu pour tenter d'en dégager une identité. Il lui était de plus en plus familier, un bouseux à succès, dont les riches vêtements ne parvenaient pas à dissimuler sa basse naissance. On ne l'avait jamais éduqué à se tenir droit, à parler correctement ou même à faire preuve de goût quant à sa combinaison d'habillage. Pour elle, c'était la pire espèce : ceux qui ne connaissaient pas leur place et s'emmitouflaient dans leurs rêves de grandeurs. Les pauvres, c'est fait pour être très pauvre, et les riches, très riches!

A cela s'ajoutait une manie insupportable de réduire Breitenbach au simple titre de "mamie". Ô combien souhait-elle fracasser ce visage recousu à la vas-vite pour cette insolence! Ces cicatrices, ces yeux, la mémoire revenait... Das Hai! Non... Das Krokodil! La boîte à flacons à vendre était rangée dans la commode moisie du salon! Isabelle s'était ruinée les hanches pour la rapporter.
Après un soupir de soulagement que le Krokodil ne sut probablement pas comment interpréter, l'alchimiste se mit à l'aise en s'engouffrant dans son fauteuil avant de fixer un tube de tabac au bout de son porte cigarette. Deux bouffées plus tard, elle regagna sa contenance et son air aigri, laissant le silence s'installer entre elle et son invité. Une fois le malaise bien installé, elle répondit finalement.


« Dans la cuisine, sers-toi. »

N'ayant aucune idée de ce que ses placards contenaient, elle laissait au Krokodil le luxe de me découvrir par lui-même. Pendant ce temps, Isabelle réfléchit à ce qu'elle allait dire. Car aujourd'hui, elle n'avait pas l'intention de revendre ses flacons et se débarrasser le plus rapidement possible de cet odieux personnage. Elle devait planifier en fonction des futurs événements, s'ouvrir des portes pour pouvoir les franchir plus tard, ou non. Mais Breitenbach ne voulait pas non plus éveiller les soupçons des Poissons. S'ils se doutaient que leur meilleure alchimiste allait bientôt prendre le voile, alors les négociations pourraient prendre une toute autre tournure.

« La livraison du jour est dans la commode. Quarante et un flacons. » Elle pointa le meuble du bout de sa canne.

Isabelle le laissa vérifier la marchandise comme bon lui souhaitait. Das Krokodil (quel nom ridicule) ne risquait pas de s'enfuir avant de payer. Si son physique et ses manières laissaient à désirer, au moins gardait-il un sens des affaires. La vieille prit soudain un air faussement inquiet, presque effrayé. Elle feignit hésiter à prendre la parole.


« Cet accord commercial nous est tout les deux bénéfique. Mais je suis une vieille femme seule dans cette vaste demeure. Je chéris ma solitude, sans laquelle, je ne pourrais travailler correctement. Pourtant, dernièrement, je m'interroge.
Et si quelqu'un venait pour me causer du tort? Cherchait à voler mon matériel?
L'autre jour, plusieurs gens sont venus chez moi, pensant mon manoir abandonné. Il n'ont causé aucun problème et je pense que cet épisode sera sans conséquences. Or, la prochaine fois, peut-être que ce ne sera pas le cas. »


Breitenbach prit une longue bouffée de sa cigarette et observa un instant la fumée déployée.

« Je ne crains pas pour ma vie, mais pour notre commerce. Si un jour, la fournée venait à se faire dérober, il faudrait réagir vite et retrouver les coupables avant qu'ils ne la revendent. J'ai besoin de cet argent et tu as besoin de mes œuvres.
La question que je te pose est donc la suivante : comment puis-je te contacter, toi et les tiens, rapidement, sans avoir à attendre ton prochain passage? »


Isabelle ne voulait pas d'une garde rapprochée ou de quelqu'un posté devant chez elle pour observer ses moindres allers et venues. Il lui fallait donc rester suffisamment serein pour ne pas inciter les Poissons à prendre des mesures trop oppressantes. Au moins, si elle était déjà observée, Das Krokodil ne risquait pas de percer son jeu. En effet, il pouvait très bien interpréter la venue d'un Balthasar camouflé comme les intrus mentionnés par la vieille.

Une fois ce détail réglé, les deux partenaires pourraient reprendre leurs négociations et se libérer rapidement l'un de l'autre. La sorcière ne voulait pas avoir à supporter la présence du Poissons un fragment d'instant de plus que nécessaire.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
États :
► Afficher le texte
Compétences :
► Afficher le texte
Équipement :
► Afficher le texte
Archidoxis :
► Afficher le texte
Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 877
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Quarante-et-un flacons ?
Dites donc, c’est pas beaucoup quarante-et-un flacons pour une livre d’opium. Tu m’as habitué à mieux mamie. Pas très sympa de ta part. »


La prospection de la cuisine du malfrat ne fut que modérément fructueuse : il avait trouvé un paquet de gâteaux qui avaient durcis avec le temps, tellement qu’Isabelle devait les tremper dans son thé pour ne pas se péter une dent en croquant dans l’un d’eux. Ramassant la caisse sous son bras, un gâteau entre les incisives, il les amena dans le petit salon, directement sur la table, de manière à pouvoir les inspecter.

Comme à chaque fois, il sélectionnait l’un d’entre eux pour lui-même. Un moyen de vérifier la qualité du produit. Il s’amusa à désigner rapidement l’élu avec un jeu d’écolier :

« Une puce, un pou, assis, sur, un, ta-bou-ret, jouaient aux cartes, la puce per-dait ; la puce en col-ère attrapa le pou, le flanqua par terre, lui tordit le cou. Madame la puce qu’avez-vous fait-là ? J’ai commis un crime, un ass-a-ssi-nat ! »

Il attrapa à la volée le flacon, posa ses bottes vernies couvertes de boue sur la table-basse, ouvrit le capuchon, et voilà qu’il descendit une simple gorgée.
Avec 95 % d’alcool en excipient, le laudanum n’était pas agréable à boire. Une dizaine de gouttes suffisaient à cramer la langue et à faire perdre momentanément la sensation du goût. Il fallait le consommer par petites gorgées maîtrisées, ce qui était en réalité une bénédiction, étant donné la puissance du médicament.
Le Poisson se mit à trembler de tout son être. Il ferma les yeux, et s’enfonça dans son bout de canapé troué dont la mousse sortait à travers la toile. Il se tapota la cuisse, et ricana.

« Bon… On attend qu’ça fasse effet, maintenant. »

Généralement, le Poisson tolérait bien. Il n’y avait qu’une fois où il s’était mis à faire une syncope avant de se pisser dessus.
Pour faire oublier ça à Isabelle, il lui avait payé le double de ce qu’il lui filait d’habitude.
Mais peut-être aurait-elle oublié toute seule de toute manière.


Au lieu de tranquillement le laisser profiter de la montée du médoc, Isabelle se mit à lui parler de ses soucis personnels. Le Crocodile se redressa, papillonnant des cils, la lèvre qui passait sur ses gencives. Il pianota sur sa cuisse, et sembla s’énerver :

« Woh, woh woh woh… Une minute mamie…
Comment ça des gens sont v’nus ici ? C’est quoi ces histoires ?! Quels gens, combien y étaient ?!
Bordel on s’demande pourquoi on paye des impôts ! Enfin j’en paye pas d’impôts, mais pourquoi les gens en général en payent j’veux dire. »


Il grogna et parla rapidement tout seul, avant de souffler.

« Si c’était juste des vagabonds, c’est le genre de connards qui va aller parler sur les quais ça ! Ouais même que dans c’manoir y a une vieille cinglée toute seule, facile à la piller.
Sans vouloir te manquer de respect, hein, ça se voit que t’es une vieille cinglée. »


Et il pointa du doigt Hermaan. L’aristocrate foudroya du regard le Krokodil, ne comprenant pas pourquoi il était pris à parti dans la conversation.

« Ce qui risque de t’arriver, c’est qu’des gars te ligotent et te tabassent et te volent tout. Bordel, ce que ça me ferait chier ! Tu dis pas avoir peur pour ta vie, mais enfin, tu me donnes pas trop l’impression de pouvoir te défendre…
‘fin, t’es… ‘fin, voilà, quoi… »


Il désigna Isabelle elle-même, comme si la simple vue de son corps suffisait à convaincre n’importe qui de son propos.

« Mais si tu veux j’peux te filer un garde. Un gars à moi. Pas obligée de te le coltiner non plus, hein… Juste, un gros costaud, j’ai vu que dehors y a une annexe… C’est une vieille barraque de concierge, ou un truc du genre, non ?
Il peut piauter dedans, t’auras jamais à le croiser, il viendra pas en calbut’ pendant ton p’tit déj. Encore que, héhé, si ça te fait plaisir à voir, les cuisses nues d’un gars costaud, j’peux m’arranger. »


Et il lui fit deux clins d’œils très insistants.

Deux jets du Krokodil (Un d’intelligence et un de volonté) : Cachés pour l’instant.
Image

Avatar du membre
Isabelle Breitenbach
Monster Vieux Monde 2022
Monster Vieux Monde 2022
Messages : 100
Profil : FOR 8/ END 8/ HAB 9/ CHAR 10/ INT 13/ INI 9/ ATT 8*/ PAR 8*/ TIR 9/ MAG 13/ NA 1/ PV 70/70
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
Autres comptes : Helveticus Matix, Necros Ahmôsis (en hibernation), Malbalor (décédé)

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Isabelle ne releva pas à la remarque du Krokodil, offrant pour seule réponse un regard noir pour lui signifier de ne pas trop s'égarer sur ce sujet. Certes, elle était fautive, ayant gardé un plus grand nombre de fioles pour sa consommation personnelle. Mais si l'alchimiste faisait preuve de la moindre gêne ou d'inconfort, alors le Poisson suspecterait quelque chose.
Jusqu'alors, il n'avait jamais rien remarqué, ou préférait ne pas trop chercher à comprendre. Que se passerait-il s'il prenait la vieille la main dans le sac? Impossible à dire, peut-être serait-il conciliant ou furieux. Breitenbach ne souhaitait pas trouver la réponse à cette question.

Comme à son habitude, Das Krokodil testa la marchandise. Depuis son overdose malodorante, Isabelle ressentait toujours une certaine appréhension lorsqu'il portait le liquide à ses lèvres. Voir le Poisson se ruiner de pisse et de bave ne lui apportait aucun déplaisir, bien au contraire, mais elle n'aimait pas voir son mobilier ainsi souillé. De plus, si cette fois la réaction était fatale, les retombés seraient compliquées à gérer. L'accuserait-on de meurtre? Y aurait-il des représailles du reste de la bande. Pire! Sera-t-elle toujours fournie en opium?!

L'effet de la drogue fut satisfaisant, le Krokodil sombrant dans une torpeur calme et sans douleur. Breitenbach n'avait cependant pas l'intention de laisser le Poisson profiter pleinement de cet échantillon gratuit, ses effets pouvant durer plusieurs minutes. Aussi, elle exposa sa demande, à peine convaincue que son interlocuteur l'entendait au travers de la substance brumeuse qui enivrait son crâne. Or, l'homme l'entendait parfaitement et réagit d'une manière que Isabelle voulait éviter : avec excès.

Quelle nigaude! Pourquoi ne pas avoir attendu quelques minutes de plus? Les effets du laudanum embrouillait l'esprit et pouvait provoquer une certaine paranoïa, ainsi, il n'y avait rien de surprenant à ce que le Korkodil s'énerve! Fort heureusement, sa colère n'était pas tournée vers l'alchimiste, mais vers la situation même. Tout n'était pas perdu, mais Isabelle devrait faire preuve d'un certain doigté pour ramener le Poisson à la raison et éviter qu'il ne transforme son manoir en une forteresse à l'effigie de son gang.

Faisant toujours preuve d'un tact offusquant, Das Krokodil insista sur la vulnérabilité de son hôte, allant même jusqu'à pointer du doigt le pauvre Hermaan. Offusquée, Breitenbach donna un coup sec de sa canne sur la main tendue. Si elle n'avait jamais été réputée pour défendre ses amis, Isabelle ne supportait pas ce genre d'incivilités, même de la part de son odieux fournisseur. Après un flottement inconfortable, l'ancienne magistère se détendit et laissa son invité reprendre.

L'homme continua de marteler sur la fragilité physique et mentale de Breitenbach, allant même proposer qu'un des siens se charge de la protection du manoir. La vieille sorcière sentit la moutarde lui monter au nez, la dernière et immonde remarque du Poisson faisant grincer ses ongles sur les accoudoirs de son fauteuil. Quelle ignominie que de devoir souffrir de la présence de ce répugnant personnage! Pourtant, céder maintenant et laisser libre cours à sa colère ne serait pas sage et aurait des conséquences indésirables. Aussi, se détendit-elle une seconde fois, décidant d'afficher son sourire le plus condescendant possible.


« Oh, mon pauvre petit Poisson. Tu es toujours entré dans mon manoir sans réellement savoir ce qu'il contenait. La seule vie qui est en danger ici et maintenant, c'est la tienne.

Connais-tu l'étendu du pouvoir des sorciers jaunes? La matière est une extension de notre corps, le métal, une infinité d'opportunités. Par exemple, le portail que tu as franchi pour pénétrer dans mon domaine. Sais-tu que d'un mot, ses tiges tentaculaires se saisiraient de toi pour t'étrangler? Tiens, ce fauteuil par exemple! Je claque des doigts et il te dévorera goulûment pour n'en recracher que des os blanchis.

Chaque meuble, chaque mur de ce manoir a été enchanté pour me libérer discrètement de toute présence indésirable. Et tout cela, c'est sans compter mon propre panel de sortilèges, qui me servent tant bien à fabriquer du laudanum qu'à massacrer les intrus. Les imbéciles qui sont entrés impunément chez moi n'avaient aucune intention belliqueuse, aussi les ai-je laissé repartir sans accroc.

N'ai crainte, je n'ai aucunement l'intention d'utiliser ma magie contre toi, car tu es mon invité. La raison de ma demande est parce que je m'inquiète pour mes fournées. Si ma vie n'est aucunement en danger, une erreur de dosage, un cambrioleur silencieux ou un autre malheur du destin pourrait compromettre ma livraison.


Tout en s'allumant une nouvelle cigarette, Isabelle s'enfonça un peu plus dans son fauteuil pour laisser Tink monter sur ses genoux. Le petit golem se mit alors à somnoler sous les tendres caresses de sa maîtresse.

Ainsi, non, je ne souhaite pas la présence constante d'un Poisson pour me protéger et me surveiller. Comme je l'ai dit plus tôt, la solitude et le calme sont mes meilleurs outils pour produire une substance de qualité. En revanche, il faut que je sois capable de vous prévenir rapidement si un problème survenait.
Un signal, une adresse, un mot de passe... n'importe quoi. Du moment que je n'ai pas à attendre une semaine pour obtenir une réponse.»


Breitenbach rabattit sa tête en arrière et éjecta de sa bouche plusieurs ronds de fumée. Une fois l'accord trouvé, alors ils pourraient terminer l'échange et laisser à la vieille sorcière le loisir de construire son golem ménager.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
États :
► Afficher le texte
Compétences :
► Afficher le texte
Équipement :
► Afficher le texte
Archidoxis :
► Afficher le texte
Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 877
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le truand se sentait extrêmement mal à l’aise au long laïus d’Isabelle. Alors que l’instant d’avant, il ne cessait de faire des petites remarques à son encontre, avec des clins d’œils et des signes du menton entendus, le voilà qui se faisait soudain tout petit. Les paupières qui clignent tout vite, des petits regards dans un coin ou un autre de la pièce, il zieutait d’un air fort suspicieux le petit Tink qui se contentait de débarrasser la poussière dans un coin de l’habitation.
Il déglutit, sa pomme de Taal se gonflant légèrement.

Mais, voilà qu’il se grattait la joue. Et qu’il se montrait un peu pensif.

Et il annonça :

« Naaaan…
Nan, j’y crois pas. »


Pour mettre fin à toute objection, il agita les mains devant lui.

« Enfin ! Je… J’dis pas que tu mens, hein, surtout pas ! Surtout pas ! J’veux dire, tout ce que tu dis, c’est possible que tu le fasses.
Mais si tu le fais, ça va faire que des gens débarquent. Suffit que t’en loupes un, un seul petit con de pillard — et tu m’as dit qu’ils étaient plusieurs — qui s’échappe, il va se mettre à tout raconter à des gens. J’ai pas envie qu’un acolyte du Culte de Sigmar vienne enquêter ici ! Tu pourrais finir sur la colline crépitante, et quelle horreur pour moi !
Nan écoute, c’est par acquit de conscience, je vais demander à un de mes sbires de venir ici. T’inquiète pas, j’te jure, tu le verras jamais, il sera discret, muet, tout ce que tu veux. Juste… Voilà, c’est mieux d’éloigner des petits truands avec une matraque plutôt qu’avec de la magie, hein ? Et puis, allez, on dormira tous mieux sur nos deux oreilles, inutile de me remercier ! »


Il renifla. Visiblement, le laudanum faisait effet, car il salivait un peu, et les rétines de ses globes oculaires étaient ronds comme des soucoupes. Il dodelina de la tête, s’agita un peu comme un furieux, et tapota la table du doigt.

« Tu vois les Cent Tavernes ? Bon, y en a une, elle s’appelle, « La Cuirasse de Myrmidia ». Autrefois, c’était un repère à crochets. Aujourd’hui, c’est les Poissons qui ont récupéré le coin, on a saigné pour l’avoir. Bon, bref, c’est un lieu chaud car c’est juste à la frontière entre nos deux bandes.
Souvent, y a un pilier de bar dedans, qui s’appelle Saarni. Impossible pour toi de le rater ou de le confondre, car Saarni est un Ungol, un gars avec le teint bronzé, et deux grosses moustaches toutes fines.
Saarni est un gars en qui je fais confiance et qui a ses habitudes. Même s’il est pas au bar, tu demandes, on t’indiquera où il est. Si tu lui dis que c’est moi qui t’envoie, il sera forcé de te couvrir et de t’amener à moi. Ça te convient ? »


Il attrapa le flacon entamé de laudanum. Observa le liquide à travers la transparence du cristal. Il fit la moue. Et grimaça.

« Pas top, cette fournée-là. Mais ça se vendra quand même bien. En revanche, j’ai eu des soucis avec les Crochets ces derniers temps, faut que j’engage quelques gros bras…
Je pourrais te proposer… Mettons… Deux pistoles deux sous, pour tes quarante-et-un flacons. Ça fait… ça faaaaiiiit… »


Quatre couronnes d’or, huit pistoles d’argent, et dix sous de cuivre. Le cerveau de von Breitenbach était étonnamment affûté dès qu’on entrait dans le domaine des mathématiques. C’était plus du double d’un mois de travail entier d’un ouvrier. Et plus qu’une semaine de travail d’un avocat ou d’un scribe.
Mais c’était aussi moins que ce que le Krokodil avait l’habitude de lui payer — il lui avait déjà versé plus par le passé, pouvant monter jusqu’à quatre pistoles le simple flacon. Pourtant, il semblait y avoir une honnêteté certaine dans son excuse. Pour ce qu’Isabelle en savait, de toute manière ; ce n’était pas comme si elle était très au courant de tous les coûts que les ventes impliquaient pour les Poissons…

Jet de charisme. Bonus : +8, parce que le Krokodil n’a absolument aucune raison de croire que tu bluffes, mais je fais pas une réussite d’office non plus parce qu’il peut avoir une jugeote soudaine : 18, ben voyons.

Jet de négociation du Poisson : 2
Jet d’intelligence d’Isabelle : 17

Duel gagné très haut la main par le Poisson. Tu as l’impression que le prix qu’il te propose est plus que correct.

Jet de calcul mental d’Isa : 6.
Image

Avatar du membre
Isabelle Breitenbach
Monster Vieux Monde 2022
Monster Vieux Monde 2022
Messages : 100
Profil : FOR 8/ END 8/ HAB 9/ CHAR 10/ INT 13/ INI 9/ ATT 8*/ PAR 8*/ TIR 9/ MAG 13/ NA 1/ PV 70/70
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
Autres comptes : Helveticus Matix, Necros Ahmôsis (en hibernation), Malbalor (décédé)

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Le discours d'Isabelle était convainquant et ne laissait pas le Krokodil de marbre. Elle avait bien remarqué ses réactions inquiètes, ses regards méfiants
sur le mobilier désigné par son hôtesse, les quelques gouttes de sueur qui commençaient à perler sur son front. Elle le tenait! Il ne restait plus qu'à laisser ces informations faire leur chemin dans l'esprit malléable du Poisson pour qu'il se soumette enfin à sa décision.
Le silence s'installa, durant lequel Breitenbach fixait férocement son interlocuteur et contemplait les effets de ses paroles. L'homme se tassait un peu plus sur lui même à chaque seconde qui passait, n'osant pas bouger un orteil de peur de se faire engloutir par le fauteuil sur lequel il s'était installé.

Et soudain, Das Krokodil retrouva ses parties. Il n'avait pas réellement démasqué le bluff, préférant éviter par dessus tout de vexer la terrible magistère. Le Poisson faisait plutôt preuve d'un raisonnement avisé et étonnamment lucide. Certes, la magie était un outil de défense inégalable, mais aussi dangereux pour celui qui la maniait impunément. Un seul témoin et la colline crépitante risquait d'enlacer tendrement son incantateur. Das Krokodil ne pouvait se permettre d'attirer plus de regards sur son activité.
La vieille sorcière l'en aurait presque félicité, si cela n'allait pas à l'encontre de ses plans. Au lieu de ça, son visage s'assombrit, sa mâchoire se contracta. Isabelle était sur le point de faire exploser sa colère, le fourneau de son esprit commençant à crépiter sous des étincelles de fureur.

Mais tout comme la paranoïa du Poisson, la colère de l'alchimiste s'éteignit dans un souffle, remplacée par une profonde lassitude. Elle était fatiguée de cet entretien si matinal, surtout après la journée de travail qu'elle avait abattue la veille. Peut-être un sortilège pour rigidifier son esprit aurait été utile pour continuer la discussion, mais alors, les négociations auraient pu prendre une sale tournure. Un bras de fer mental qui, si le Krokodil ne ployait pas, aurait pu se terminer en confrontation physique. Car quiconque se soumettait à l'influence de Chamon finissait aussi buté qu'un nain, incapable de céder la moindre parcelle de terrain et de trouver un compromis.

Breitenbach poussa un long soupir.


« Fais comme bon te semble, cette conversation me fatigue. Sache simplement que les règles que je vais t'imposer ne sont pas négociables. »

Regagnant un peu de contenance, Isabelle changea de position dans son fauteuil pour mieux faire face au Poisson. Tink, jusque-là confortablement installé sur ses genoux, perdit l'équilibre et chuta au sol sans que sa maîtresse ne lui prête la moindre attention.

« Ton Poisson ne logera pas dans mon manoir, ni même dans le reste de mon domaine. Démerdez-vous comme vous voulez, plantez une tente à proximité si nécessaire, mais s'il venait à pénétrer chez moi sans raison valable, je l'abattrai sans la moindre hésitation.

Je l'autorise à se présenter, au moins pour connaître son identité. Après cela, je ne veux pas le voir. Qu'il ose fouler mon jardin sans justification et je te rendrai ses os blanchis la semaine suivante. Si je désire lui parler, alors j'allumerai une seule des deux lanternes de mon pallier, il sera alors invité à franchir mon portail immédiatement.

Trois personnes vont passer me voir dans la soirée, ainsi que d'autres plus tard dans la semaine. Qu'il se manifeste en leur présence et je le changerai en statue de plomb pour décorer mon jardin. Mes affaire privées ne concernent aucunement les Poissons, car elles n'ont aucun rapport avec notre accord commercial.

Ton "sbire"... »
Isabelle lâcha ce mot comme s'il contenait la peste. « ... n'interviendra que si la situation semble réellement dangereuse. Il devra faire preuve d'un jugement exemplaire s'il ne veut pas que je considère son intervention comme intrusive. Avec les conséquences que cela implique...

Si malgré ces règles, tu persistes à vouloir m'infecter d'un garde, alors soit, j'y consens. »
Finit-elle enfin par conclure d'un geste nonchalant.

Isabelle reposa ensuite son menton dans le creux de sa main, écoutant distraitement les informations du Krokodil pour pouvoir le contacter rapidement. Tink, lui, s'était saisi d'un papier et d'un crayon pour tout noter méticuleusement, laissant ainsi le luxe à sa patronne de se désintéresser de la conversation et de perdre son regard sur les murs moisis de la pièce. D'un simple hochement de tête, la vieille magistère confirma ensuite qu'elle était satisfaite.

Lorsque qu'enfin, enfin! les véritables négociations reprirent, Isabelle se sentait lessivée. Elle écouta les brèves insultes d'un air morne et ne trouva pas la force de lutter pour trouver un meilleur prix. Car oui, elle devait l'admettre, son produit était pourri par rapport à ce qu'elle avait l'habitude de fournir. A quoi bon lutter après tout? Le débat pourrait durer des heures et l'alchimiste était prête à vendre son manoir pour faire partir le Poisson immédiatement.


« Quatre couronnes, huit pistoles et dix sous. »

Avait marmonnée la vieille en réponse à l'effroyable lenteur de calcul du Krokodil, sa tête toujours avachie sur son menton. Elle avait les yeux fermés, sentant déjà le sommeil la saisir.

« Laisse la somme sur la table et ferme la porte en partant. » Lâcha la sorcière avant de pousser un long bâillement à gorge déployée.

Si le Poisson voulait continuer la conversation, peut-être pourrait-elle déployer encore un peu d'énergie pour y répondre, mais certainement pas d'entrain, car sa patience s'amenuisait. S'il décidait de partir, Breitenbach le saluerait d'un geste nonchalant. Tink s'occuperait ensuite de récupérer la somme pour la cacher dans la réserve de sa maîtresse. Cette dernière sombrerait alors dans un profond sommeil de quelques heures, en attendant que son golem ne la réveille à dix heures du matin.

Une nouvelle longue journée s'imposait. Passant par son laboratoire, la sorcière jaune se traina vers son atelier. Après avoir contourné les amas de ferraille, elle s'attela ensuite à se établi pour réfléchir à la forme et aux propriétés de son golem ménager.
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
États :
► Afficher le texte
Compétences :
► Afficher le texte
Équipement :
► Afficher le texte
Archidoxis :
► Afficher le texte
Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

Image

Avatar du membre
[MJ] La Fée Enchanteresse
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - Élaboration
Messages : 877
Autres comptes : Armand de Lyrie

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le Krokodil claqua des doigts.

« Pardi, t’en as dans la tête mamie ! Tu dois être vernie par la Déesse des matheux, là, comment qu’elle s’appelle… Sapristi ? »

Il voulait dire Scripsisti, qui était une déesse Tiléenne mineure des scribes, mais c’était à Isabelle de savoir si ça valait la peine de corriger le malotru ; qu’il connaisse même quelques voyelles de cette divinité était déjà impressionnant étant donné le milieu duquel il était issu.

En tout cas, le truand ouvrait sa besace, tira une bourse à l’intérieur, et commença à poser un tas de pièces d’argent, pas toutes neuves, sur la table basse.

« Mon associé passera avec une livre d’opium. Même quantité, même heure même jour, hein ?
Allez, prend soin de toi mémé, et oublie pas d’grailler. »


Il retourna près de la table, fit une révérence à Tink, et attrapa son manteau. Et quand on entendit enfin le claquement de la porte, Isabelle pouvait fermer les yeux, en convoitant son nouveau pactole juste sous son nez.



La dernière action du programme de Tink était de réveiller sa maîtresse. Il n’y manqua pas. Perché à moitié près de l’âtre de la cheminée envahie de suie, il fit sonner une petite clochette avec ce qui lui restait de Chamon.
Puis, il s’essouffla, ses petits écrous cessèrent de tourner, et le voilà qui s’assoupissait, s’affaissant sur lui-même comme un petit être qui souhaitait dormir.

La magie n’était pas la seule chose qui guidait son petit corps. Il y avait de la technique dans son ouvrage. En l’attrapant, Isabelle devait utiliser un petit coton-tige pour lui ramoner la minuscule fente par laquelle crachotait son carburant. Elle devait trouver un petit caillou de charbon à remettre dans un four miniature qu’elle allumerait au moyen d’une minuscule étincelle, et il fallait vérifier que son mécanisme précis et soigné tel le cadran d’une horloge était bien en place, sans défaut, sans choc ni rouille.
Une vaste opération qu’elle ne pouvait entreprendre que devant ses outils, derrière sa serre.
C’était donc seule, que, pour une fois, elle devait se servir le déjeuner.



Il y avait longtemps que Tink était « né ». Elle n’était plus certaine de quand elle l’avait conçu, mais il n’était pas une création formidable. Isabelle connaissait bien les golems ; La plupart des mages dorés ne suivaient pas ce champ d’études, ils trouvaient certainement plus naturel, ou plus stimulant de poursuivre l’alchimie, les mathématiques, la recherche des éléments — ceux qui se passionnaient pour ces automates étaient bien souvent plus originaux, pour ne pas dire marginaux. Il y avait eu quelques talentueux magisters dans l’histoire du Collège pour rêvasser d’un jour créer une intelligence inhumaine, un robot capable de répondre à des questions de philosophie naturelle, voire-même, se faire passer pour un véritable être humain.
Mais les golems étaient, en réalité, presque uniquement des créatures débiles, au sens le plus strict du terme. Ils obéissaient aux ordres, qu’ils aimaient simples, avec le risque qu’ils se contredisent ; Isabelle se souvenait d’un mythe racontant l’histoire d’un Ranaldien qui avait cambriolé les Collèges en trompant un golem de garde à l’aide d’un paradoxe que l’automate ne sut résoudre : « Est-ce que l’ensemble des ensembles n’appartenant pas à eux-mêmes appartient-il à lui-même ? ». En réalité, l’histoire était très certainement fausse, pour la simple bonne raison qu’aucun golem n’avait la minuscule once de sentience suffisante pour songer à l’énoncé.

Il lui fallait pourtant en concevoir un aujourd’hui. Elle en avait conçus, en tant qu’apprentie. Puis, en tant que professeur, elle avait enseigné à d’autres comment en concevoir correctement à leur tour. Ce ne devait pas être si dur que reproduire tout ça. Sa mémoire, certes à trou, gardait toujours des automatismes gravés de telle sorte qu’ils ne pouvaient pas s’effacer — de la même manière qu’elle n’oubliait jamais comment on savait lire le reikspiel, il lui suffisait de tirer une grande feuille de parchemin, déboucher un petit pot d’encre avec ses doigts tremblants, et, s'équipant d'une plume abîmée, elle pouvait réfléchir.

Tout commençait avec du métal. Du fer et du cuivre, comme tous les êtres humains savaient reconnaître, mais également du chrome, du zinc, de l’étain…
Fut un temps, elle n’avait qu’à signer des ordres, et d’autres s’occupaient de l’achat des matériaux, et de son traitement, pour modifier les propriétés des métaux pour en faire des alliages — l’acier, le bronze ou le laiton, devenus plus résistants, ou plus modulables.
Aujourd’hui, Isabelle manquait cruellement de matériaux. Alors, elle faisait avec ce qu’elle avait. Elle dut vite redessiner son brouillon, et revoir ses aspirations drastiquement à la baisse…

Son golem ne serait pas constitué d’or. Il ne disposerait pas d’une paire d’yeux modulaires qui lui permettent d’évaluer les distances. Il n’aurait pas trois bras interchangeables pour récupérer la poussière ou les miettes derrière les meubles avec précision avant de passer la serpillière sur une grande surface.
En revanche, il aurait probablement une armature faite en poêle à frire fondue, un sarcophage en casseroles, et des petites jambes avec des tiges faites à partir de vieilles têtes de pelles et un soc de charrue qui traînait dans la réserve du jardinier. Avec son mal de dos, et de hanches, et les pieds qui traînent, et sa mauvaise humeur habituelle, Isabelle dû faire un tas de bric-à-brac qui aurait fait la joie d’un chiffonnier prêt à vendre ses déchets de forge à des pauvres des bas quartiers d’Altdorf, qui refonderaient de la vaisselle et des outils avec — la débrouillardise des gens des rues avait de quoi inspirer le Vent Doré, et même dans les petits immeubles du Reikerbahn, on pouvait humecter ce parfum terreux et ferreux de Chamon

Toute une après-midi durant, Isabelle dût entretenir un petit feu dans une parodie de bas-fourneau, qui aurait probablement provoqué un haussement de sourcil de la part d’un forgeron Kurgan. Utilisant tout son esprit, et toute sa force, von Breitenbach s’épuisa à la tâche, se détruisant petit à petit, trouvant surtout un remontant dans la bouteille de cognac entamée la veille par Hanna, plutôt que dans le laudanum. La drogue calmait les nerfs, mais elle avait le défaut d’ensuquer la magicienne, lui donnant terriblement envie de dormir et de se reposer. Peu pratique quand on attendait de la visite.

Finalement, Isabelle se rendit compte de l’heure. Il était tard, et elle attendait du monde. Si elle n’aurait absolument pas le temps de préparer une entrée digne de ce nom, au moins elle, elle pouvait laver son corps dégoulinant de sueur, et changer ses vêtements couverts de poussière et de suie.

C’est vers six heures du soir qu’elle décida d’aller au jardin, pour remplir un seau d’eau à la pompe. Elle put regagner le manoir avec le gros baquet remplit à ras-bord sous le bras, une opération qui lui en demanda énormément — elle dut en fait faire deux pauses, une fois devant les portes de sa maison, et une deuxième au milieu de l’escalier qui menait à l’étage. Un trajet qui aurait demandé deux minutes à n’importe qui en santé normale lui en exigea dix fois plus, et en renversant au passage assez d’eau pour former des flaques — de toute façon, les marches étaient déjà gondolées par l’humidité.

Elle entra dans sa salle d’eau.

Elle puait l’humidité. Au plafond, il y avait une sorte de rosace de pourri, le plafond qui finirait bien par s’effondrer un jour ou l’autre. La vitre était si sale qu’on ne pouvait plus se voir dedans, et un miroir de courtoisie était fendu.
Et c’était rempli de pigeons.
Il y en avait une demi-douzaine, perchés au-dessus de la charpente, chiant des fientes blanchâtres qui retombaient partout sur le parquet.
Isabelle remplit son bain. Il était heureux qu’elle soit en été — lors de la saison d’Ulric, toute la pièce gelait, et il fallait choisir entre la douleur de se laver ici, avec les engelures aux mains, ou l’inconfort de demeurer dans sa propre crasse.
Ouvrant sa petite armoire, elle trouva bien quelques sels de bain, et du parfum d’un autre temps. Une fragrance de tilleul venu du Hochland et une pierre-ponce en roche volcanique du cratère de Talabheim.

Pour la première fois depuis des semaines, Isabelle se lavait. Elle s’immergea dans une eau tiède, à peine réchauffée par une vieille bûche posée en dessous — avoir une eau plus chaude aurait demandé encore plus d’efforts, probablement insurmontables vu son état. Et, soigneusement, elle se faisait belle, se décrassant la peau, s’exfoliant les peaux mortes, brossant ses cheveux remplis de nœuds.

Elle qui était si ponctuelle, sa coquetterie la retarda. Ce n’était pas grave ; ses invités avaient le bon goût d’être en retard. Aucun aristocrate n’oubliait de parvenir à son rendez-vous plusieurs minutes après son échéance, histoire d’éviter de trop empresser la maîtresse de maison. Il y avait encore des von Breitenbach pour mériter la particule « von »



Il était vingt heures trente passées lorsqu’Isabelle entendit du raffut venant de dehors. Un chariot s’arrêta devant les portes du jardin. Elle entendait, de très loin, le roulis de gros essieux qui marquaient la chaussée de cailloux, et, étouffé par les vitres fendues du salon, des portes qui claquent. Des bruits de voix très lointains. Une hésitation. Celui qui vient d’arriver ne doit pas savoir s’il doit outrepasser les grilles ou non.
Mais finalement, il y a le grincement métallique de gonds qu’il faudrait huiler. Les pas qui remontent une allée caillouteuse. Il est devant la porte. Il doit observer la sonnette qui a verdi. Il décide, comme Gelt il y a plusieurs jours, de toquer plutôt que de sonner.

Tink se lèva et fila ouvrir la porte. Mais, alors qu’il grimpa sur un appui et se jeta sur la poignée, entrouvrant l’embrasure de l’entrée, Isabelle n’entendit personne rentrer.
À la place, une grosse voix rauque s’exclama :

« Par les dents de Taal ! C’est quoi cette chose ?! »

Les petits pas résonnants de Tink remontèrent le couloir. Et, très hésitant, Isabelle finit par voir un visage invité se montrer dans son salon.
Image


De ce qu’Isabelle se rappelait — très difficilement — de Detlef, c’était un homme très grand, musclé, beau comme Taal, avec une énorme barbe qui lui descendait jusqu’au torse. Quelques décennies loin des joutes de tournoi et à être dressé par son épouse de la bonne noblesse de robe Reiklandaise l’avaient assagi, et, visiblement, complètement transformé.
Il avait gardé sa taille, c’est dur de rapetisser, mais il avait abandonné sa barbe pour une moustache, et il avait troqué son torse solide pour une bedaine large à en faire rougir une Halfeline. Il était gros. Pas obèse non plus, mais le manque d’exercice avait fait son chemin, et il avait dépassé le stade du léger embonpoint. En plus, il était bien habillé, à la mode bourgeoise ; Les nobles du Reikland aiment porter des chausses et des manches extravagantes, copiant ainsi les bals de Couronne ou d’Aquitanie, mais visiblement, le côté « nordique » de Detlef s’était adapté à son environnement. Il n’avait qu’un doublet blanc sous une ample veste noire, avec une cravate noire, et même un pantalon noir ; sa seule fantaisie dans cet attirail digne d’un Mórrien, c’étaient ses boutons de manchette, des petits bijoux en argent qui représentaient des têtes de loups.

Et Detlef regardait partout, avec ses gros yeux bruns, et la bouche bée, ce qui faisait ressortir ses joues adipeuses.
Il semblait absolument choqué par l’état du manoir. Par la verdure qui poussait à l’intérieur, par la pagaille, les meubles tombant en ruine, grignotés par l’humidité. Et surtout, par ces espèces de statues de fer partout.

C’est la voix trébuchante, et basse, malgré son gros poitrail, qu’il se présenta.

« D-Dame Isabelle ?
Je, c’est… C’est moi, Detlef von Breitenbach, je… Vous m’avez… C’est vous qui… »


Il tenait quelque chose dans ses mains, et voilà qu’il le tendait dans la direction générale de la maîtresse de maison.

« J’ai, heu…
J’ai amené une tarte aux pommes ? »

Qu’il disait en formulant cette phrase sous forme de question.

Jet de charisme d’Isabelle : 13
Jet d’intelligence du Poisson : 13

Tu échoues mais sa réussite est pas meilleure. Va pour tes conditions.



Une nouvelle journée de labeur, cette fois-ci dédiée à la construction d’un nouveau golem.

Jet pour réveiller Tink ; 1, réussite critique.

Il te faut déjà une base, ce qui va te demander le sort « malléabilité ». J’autorise un jet par heure, sachant que tu dis te lever à dix heures, mais on va te laisser prendre ton petit déj quand même. Et puis, faut que tu rassembles plein de ferraille et de métal recyclable, des poêles à frire et autres conneries pour faire ton affaire. Tout va commencer à midi.
Vu en MP : Tu finis à 18h-18h30.

Jet de 12h : 18, échec.

Jet de 13h : 11, échec.

Jet de 14h : 3, réussite.
→ Jet d’intelligence pour voir si t’arrives à concevoir quelque chose dans ta tête : 5, oh, pas mal du tout ! Le tas de ferraille ressemble à quelque chose.
Tu as une base solide. Maintenant, faut le reste du golem.

Jet de 15h : 9, réussite de justesse
→ Jet d’habilité : 2, parfait.
Non seulement ton robot il a une base, mais en plus, il a deux bras.

Tu commences à douloureusement fatiguer (-2 partout)

Jet de 16h : 10, échec

Jet de 17h : 12, échec

Jet de 18h : 10, échec

Résumé : Tu as un peu avancé. Tu as en tête ton robot, ce à quoi il va ressembler à la fin, tu sais quelles « fonctions » il aura, tu n’as vraiment pas perdu ta journée.
Mais maintenant, tu es totalement lessivée. On dirait un travail de trimestre de première année, et pourtant, ça t’as demandé toutes tes forces.

Le jet le plus passionnant que j’ai jamais fait de ma vie…

…Un jet d’habilité pour voir si tu prends ton bain sans soucis.

Jet : 10, échec de 2.
Tu mets une demi-heure à préparer ton bain, mais y a pas d’accident. Le RP aurait prit une sacrée saveur si tu t’étais gamelée en te lavant.



Ton premier invité est arrivé.
Avant de lui parler, tu as un choix à faire : Tu peux prendre ta dose de laudanum que tu as repoussé toute la journée ; ça te détendra, mais c’est au risque que tu deviennes cinglée ou hallucine devant lui. Ou alors, tu peux te retenir, mais alors tu souffriras de symptômes liés à ton sevrage — et sevrer sec de la drogue, c’est jamais bon.
Image

Avatar du membre
Isabelle Breitenbach
Monster Vieux Monde 2022
Monster Vieux Monde 2022
Messages : 100
Profil : FOR 8/ END 8/ HAB 9/ CHAR 10/ INT 13/ INI 9/ ATT 8*/ PAR 8*/ TIR 9/ MAG 13/ NA 1/ PV 70/70
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
Autres comptes : Helveticus Matix, Necros Ahmôsis (en hibernation), Malbalor (décédé)

Re: [Isabelle] « Un danger pour elle-même et pour autrui. »

Message par Isabelle Breitenbach »

Une fois les conditions acceptées et l'argent déposé sur la table basse, Das Krokodil se leva enfin pour partir. Après une ridicule révérence à l'égard de Tink, le Poisson s'habilla avant d'enfin quitter son hôtesse, sans oublier de fermer la porte derrière lui. Isabelle sombra ensuite dans un profond sommeil, ne trouvant même pas la force de se lever de son fauteuil.

Quelques heures plus tard, le faible tintement d'une clochette la tira de sa torpeur. Presque imperceptible, le bruit n'aurait jamais réveillé sa maîtresse si cette dernière n'émergeait pas déjà à la surface de ses rêves. Isabelle avait bien dormi et sentait son corps suffisamment requinqué pour ce que la journée avait à lui faire subir.

Elle ouvrit les yeux, s'extirpant lentement du monde onirique pour reprendre pied dans son manoir. Le tintement continuait, de plus en plus faible, jusqu'à ce que la force diminuante de Tink ne suffise plus à actionner la clochette. Cette dernière se balança encore quelques instants, avant de s'immobiliser définitivement.

Dans cette ambiance moribonde, Isabelle avait le plus grand mal à affirmer son réveil. Qu'il était funeste que de s'éveiller quand un autre mourrait en face de vous : fallait-il envier le petit golem ou le plaindre? Inutile de s'attarder sur cette question philosophique, le petit Tink n'aurait pas le loisir de mourir bien longtemps. La vieille alchimiste avait bien l'intention de ranimer son petit assistant.

Comme la journée s'annonçait longue, écrasante, mieux valait-il faire les choses par étapes. Breitenbach devait déjà se préparer de quoi déjeuner et cette simple perspective ôta une bonne partie de la pression sur ses fragiles épaules.

Le premier obstacle se dressa immédiatement sur son chemin : son serviteur n'était plus, tout comme la perspective d'un repas sans efforts. Elle pouvait toujours démarrer le long processus de sa réanimation, mais la faim la tiraillait trop pour cela. Infamie! A quand remontait la dernière fois que l'ancienne magistère s'était abaissée à pareille tâche? Elle n'en avait pas la moindre idée, mais un observateur avisé ne parierait probablement pas sur une longue période. Une semaine, tout au plus.

Une tasse de cognac au thé en main et quelques biscuits secs s'affairant à lui briser les dents furent sa seule pitance. Maigre, mais suffisante pour un estomac rongé par des substitutions de repas, elle lui permit de franchir cette première étape, déjà plus compliquée que prévue.
Enfin sortie de sa torpeur, la vieille sorcière se dirigea vers son atelier de fortune pour réveiller son serviteur. Le cadavre de ferraille fut tourné et retourné, ses membres morts pendant mollement sur son petit corps inerte.

Tout au long de l'entretien de sa créature, Isabelle se remémora de son passé d'animiste. Refusant toujours de se ranger dans ce que l'on attendait d'elle, la magistère avait rapidement spécialisé ses études dans la fabrication de golems, allant du simple serviteur à l'arme meurtrière. Si ses collègues de spécialité préféraient s'égarer dans des recherches philosophiques, comme l'intelligence artificielle, la Dame de Fer était, elle, était beaucoup plus pragmatique.
Rendement, rendement, toujours plus de rendement. Isabelle désirait fabriquer une main d'œuvre facile à produire et accessible. Actuellement, les golems étaient chers à fabriquer et uniques dans leurs propriétés, car toujours rattachés à un magicien pour leur permettre de fonctionner. Si la magistère était parvenue à ses fins, le Collège Doré serait devenu une véritable usine de production, assemblant des automates ouvriers, bûcherons, moissonneurs, soldats. De simples boîtes de métal décérébrées, certes, mais capables de reproduire les simples gestes répétés à longueur de journée par des travailleurs humains faillibles, coûteux et nécessitant repos et nourriture.

Malheureusement, si la magistère avait rapidement avancé dans ses recherches, ces dernières ne furent jamais approuvées par le Collège. Soi-disant "contre nature", l'Ordre ne trouvait pas l'intérêt à produire des armées d'automates, affiliant presque cela à de la nécromancie. Aujourd'hui encore, les murs du Collège se souvenaient des crises que ce refus catégorique avait provoqué chez Isabelle.

Ainsi, furieuse de ne pas pouvoir assouvir son art, la sorcière jaune s'était reportée sur des œuvres plus artistiques. Les Œufs Breitenbach, véritables orfèvreries au mécanisme combinant à merveille horlogerie minutieuse au vent doré. Chacun unique en son genre, il s'ouvrait pour dévoiler différentes surprises : petits automates acrobates ou manèges dansants. Certains à remonter, d'autres alimentés à l'eau ou à la vapeur.
Si Chamon leur permettait d'accomplir des prouesses d'animation, le vent finissait toujours par tarir avec les années. Deux solutions s'offraient alors au collectionneur : chercher un sorcier jaune pour réinjecter une étincelle du vent doré dans l'œuf ou simplement profiter des mouvements limités du mécanisme naturel. Ce dernier restait assez abouti pour satisfaire la plupart.

Isabelle avait fabriqué et vendu bon nombre de ces Œufs, poussant toujours plus les limites de son art et étouffant juste assez l'offre pour en tirer des prix exorbitants. Une bonne partie de sa fortune était basée sur ce simple commerce et, une fois cette dernière immense, la magistère avait finalement cessé sa production pour se focaliser sur ses nouvelles fonctions de Grande Trésorière. Il fallait pourtant croire que cet art s'était transmit à son fils, ce dernier ayant passé une bonne partie de son apprentissage à produire divers jouets et babioles. L'échiquier en était son premier ouvrage.

La Dame de Rouille se rappelait de ces époques révolues pour résister à l'épuisement de la tâche. Tink, tout juste réveillé, n'avait pas pu l'assister dans les étapes les plus douloureuses des préparatifs, car bien trop petit. C'était donc la vieille sorcière qui s'était farcie le transport du bric-à-brac nécessaire à la fabrication de son nouveau golem. Exténuée, suant sur ses croquis, Isabelle en avait déchiré un bon nombre en réalisant que ses outils à disposition n'étaient pas suffisants. Qui l'eut cru, dans un manoir aussi vaste que le sien! Le serviteur ménager ne serait composé que de poêles rouillées, de casseroles trouées et de pelles tordues!

Malgré tout, l'ancienne magistère avança correctement dans son projet. Ses attentes réduites à un juste niveau, elle avait à présent les schémas complets du golem et s'affairait sur l'assemblage de sa base. A l'aide d'incantation, Isabelle modelait le métal de ses simples doigts, comme de l'argile. Elle se rappelait de sa maîtrise d'antan, de la justesse de son geste et de son doigté incomparable. Malheureusement, de tout cela, il ne restait presque rien. Il n'y aurait pas de dorures, pas d'artifices élégants, juste une silhouette tordue, aux traits effroyablement aléatoires. Au moins y aurait-il quelques chose...

Le petit serviteur, lui, s'affairait comme il pouvait. Soulevant les lourdes casseroles pour les apporter à sa maîtresse, balayant au sol les résidus de son travail, il ne se rendait pas compte de la triste ironie de son travail. Il assistait Isabelle pour fabriquer son successeur amélioré. Bientôt, il se retrouverait aussi inanimé que les outils qu'il déplaçait.

La fatigue se manifesta de plus en plus, au point de la stopper nette dans sa lancée. Dès seize heure, elle avait accompli le maximum de dépassait ses propres capacités, enchaînant les erreurs grossières et ne produisant plus quoi que ce soit de convenable. C'est donc à dix-huit heure qu'Isabelle rendit les armes, trop éreintée pour rager de ses échecs. La perspective d'un bain atténua un peu sa mauvaise humeur, du moins jusqu'à ce qu'elle ne se rappelle de la logistique nécessaire. Une fois de plus, elle devrait s'abaisser à tout faire elle-même.

L'affront n'atteignait plus sa dignité (déjà si entamée), mais directement son corps faible et âgé. Qu'une personne de son gabarit doive ainsi se ruiner témoignait de l'humour cruel des dieux. Le spectacle fut à la hauteur de leurs perfides attentes : Breitenbach prit bien une vingtaine de minutes à faire le trajet jusqu'à sa baignoire, ses bras et son dos ployant sous la charge de la bassine d'eau. Combien de fois manqua-t-elle de chuter et de se rompre le coup? Assez pour qualifier l'aboutissement de son entreprise de miracle.

Si elle s'attendait à découvrir sa salle de bain dans un état de décrépitude relativement avancé, jamais Isabelle n'aurait suggéré pénétrer dans un dépotoir de fientes, de moisi et de crasse. Posant un regard mauvais sur les pigeons nouveaux maîtres des lieux, la vieille femme ne s'attarda pas de peur que son bain ne refroidisse.
Elle se dévêtit entièrement et, avant d'entreprendre d'enjamber la baignoire, remarqua son reflet du coin de miroir fendu. Flouté par une pellicule de gras et de poussière, Breitenbach passa une main hésitante dessus pour libérer son image.

Plusieurs minutes durant, elle contempla son propre corps et ce, pour la première fois depuis Sigmar sait quand. Sa peau flasque laissait apparaître plusieurs tâches de vieillesse, balayant le souvenir d'une chair lisse et immaculée. Sa poitrine, ses formes, s'étaient dégonflées, lui donnant l'impression de revêtir la peau de quelqu'un d'autre. Un instant, la Dame de Rouille fut tentée de se saisir d'une lame pour s'en libérer. Peut-être en dessous retrouverait-elle son corps d'antan, ferme, pur.

Une fois immergée, Isabelle faillit céder à la fatigue mais se le refusa. L'idée de se réveiller plus tard dans une eau gelée ne l'enchantait guère et de toute façon, elle avait à faire. L'eau, claire dans la bassine, avait gagné une teinte légèrement plus foncée au contact de la baignoire encrassée, mais restait satisfaisante pour une toilette. A présent, une couche de gras, de cheveux et de peau morte flottait à la surface, heureusement atténuée par le cocktail de sels de bains et de savon.

Après la vision d'horreur du miroir, Breitenbach accepta ce confort oublié. Elle se sentait bien, libérée d'une partie de ce qui l'avait tant effrayée dans son reflet. Après s'être savonnée, récurée et brossée, Isabelle s'emmitoufla dans d'épaisses et poussiéreuses serviettes et entreprit la difficile tâche de redonner des couleurs à son funeste visage. Elle dut recommencer plusieurs fois, ses mains tremblantes ne manquant jamais de déraper au moment décisif, mais parvint à un résultat acceptable.

Sa manucure faite (d'un doré foncé pour rappeler son affinité avec Chamon) et son corps parfumé, la maîtresse de maison s'habilla de ses rares habits encore en bon état. Chemise à col haut rouge foncée et brodée d'or sous une courte veste grise, jupe noire lui arrivant aux chevilles, chaussures à talons larges pour garder l'équilibre, le tout décoré de plusieurs colliers, boucles d'oreilles, bracelets d'or et d'argent et d'une infinité de bagues. Un ample manteau de fourrure marron recouvrait l'ensemble, terminant ainsi l'ouvrage, bien que légèrement excessif, étonnamment bien ficelé.

Il ne restait plus qu'une dernière touche. De sa réserve secrète, Isabelle tira une fiole de laudanum et la contempla. Elle s'était retenue d'en prendre toute la journée durant, mais à présent, le manque la rongeait si fort qu'il lui serait impossible de s'en passer avant l'arrivée de ses invités. Un pop, quelques gouttes et un effet immédiat d'extase.
La Dame de Fer regagna son fauteuil fétiche et si enfonça profondément, la tête rejetée en arrière. Elle sentit son esprit partir, sa conscience, s'amoindrir, mais se redressa juste avant de sombrer. Hors de question qu'on la découvre en train de planer, surtout après s'être donnée tant de mal pour être présentable.

Quelques minutes plus tard, elle entend toquer à la porte. Les coups sont vigoureux, trahissant l'identité du premier venu : Detlef. Bien que sa mémoire lui faisait légèrement défaut, Isabelle se souvenait de lui comme d'un homme grand et fort, à la barbe épaisse et doté d'une beauté sauvage. Mais c'était de sa voix, puissante et rauque, dont elle se souvenait le plus. Cette dernière n'avait pas changé, malgré l'intonation de surprise à la vue du petit golem. La maîtresse de maison sourit, retrouvant l'effet que ce timbre provoquait en elle il y a bien des années de cela. Elle cendra sa cigarette avant de recaler l'accessoire entre ses lèvres.

Le visage de Detlef se dévoila enfin et le sourire d'Isabelle disparut. De l'homme vigoureux et vaillant, il ne restait qu'un géant dressé et empâté. Et où diable était passée sa barbe virile? Il y a des années, Isabelle s'était agacée de son manque de conformité, mais aujourd'hui, elle s'attristait qu'il ait finalement fini par céder à la norme Reiklandaise.
Detlef resta bloqué à l'entrée du salon, le regard ahuri, presque incapable de prononcer la moindre phrase. En suivant son regard, l'hôtesse remarqua qu'il s'affairait sur les statues de ferraille. Merde. Elle s'était tellement accommodée à leur présence qu'elle avait oublié de s'en débarrasser avant l'arrivée de ses invités! Tant pis.


« Merci d'avoir répondu à mon invitation Detlef. Je t'en prie, installe-toi. » D'un geste, elle désigna le canapé en face de son fauteuil, devant lesquels étaient installée une table basse avec trois verres et une bouteille de brandy.

« Quelle noble attention. Tu peux la déposer sur la table, Tink va nous apporter assiettes et couverts. » Isabelle n'avait pourtant pas vraiment faim, son estomac rendu muet par les effets du laudanum.

En voyant cette formidable masse avancer, la maîtresse de maison retrouva un peu l'homme puissant qu'elle avait rencontré à une autre époque. Sous ses traits empâtés, il gardait cette force, cette vigueur et même une partie de son charme. Un loup dressé restait un loup.


« Veux tu bien me servir un verre de brandy? Et un second pour toi. »

Ceci fait, son verre en main et son porte cigarette dans l'autre, Isabelle écouta Tink s'affairer dans la cuisine avant de reprendre.

« Tant d'années sont passées depuis notre dernière rencontre. Parle-moi un peu de toi : comment te portes-tu? »

Bien qu'elle savait devoir faire des ronds de jambe avant d'entamer réellement la conversation, Breitenbach se surprit elle-même en constatant qu'elle attendait avec curiosité la réponse à sa question.

► Afficher le texte
Isabelle Breitenbach, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 10 | Int 13 | Ini 9 | Att 8* | Par 8* | Tir 9 | Foi 0 | Mag 13 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_isabelle_breitenbach
États :
► Afficher le texte
Compétences :
► Afficher le texte
Équipement :
► Afficher le texte
Archidoxis :
► Afficher le texte
Liste des "Sursis" :
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - Ecriture
Warfo Award 2022 du monster Vieux Monde

Image

Répondre

Retourner vers « Altdorf, Capitale de l'Empire »