- Attendez un peu, moussaillons ! On dirait qu'on a encore des passagers pour Marienburg !
Aussitôt, une passerelle fut abaissée et le capitaine vint à la rencontre des deux hommes dès qu'ils eurent embarqué pour les accueillir comme s'ils étaient des amis de longue date :
- Le Seigneur van Grunwald m'a averti de votre arrivée. Il était temps, je commençai désespérer de vous voir arriver ! Votre parcours est déjà payé, et il reste des cabines, à l'arrière du bateau. Vous voyez les deux escaliers au bout du pont ? Prenez celui de gauche, vos cabines sont au bout du couloir. Mais si vous voulez manger un morceau ou boire un coup, y a un bar aménagé dans la cale ; on y accède par l'escalier de droite.
Valerian fit une moue dégouté à l'idée de se mêler à la plèbe dans une cale-bar et se dirigea d'emblée vers l'escalier de gauche pour aller dans sa cabine. Le scribe lui emboîta le pas, mais pas pour les mêmes raisons ; d'une part il avait hâte de déposer ses sacs, et d'autre part il était nettement plus agréable de lire au calme que dans une salle bruyante et surpeuplé.
Sa cabine avait probablement dû être luxueuse dans le temps, mais maintenant une odeur âcre de bois de bois humide flottait dans l'air confiné et de grande auréoles de moisissure maculaient les murs. Joseph soupira. Il aurait sûrement pu avoir une meilleure chambre si Valerian n'avait pas tant tardé à se mettre en route, et maintenant il faudrait qu'il passe les deux semaines qu'allait prendre le voyage dans une odeur capable de soulever le coeur du plus amariné des loups de mer. Debout au centre d'un vieux tapis effrangé, il posa ses affaires sur le matelas en paille défoncée qui reposait à même le sol avant de faire volte-face et de remonter sur le pont. La puanteur qui régnait dans sa cabine était tellement insupportable qu'il fallait qu'il remplisse ses poumons d'air frais. Ce faisant, il aperçut Valerian en train de discuter à bâtons rompus avec le capitaine. À l'évidence, sa chambre devait être dans le même état que celle de Joseph et il devait être en train d'essayer d'en obtenir une nouvelle.
Le scribe haussa les épaules. Tout cela ne le concernait en rien, et d'après ce qu'il avait lu, les conditions de voyages sur ce bateau, aussi effroyable pouvaient-elles paraître, allaient sembler idyllique à Valerian une fois qu'ils seraient arrivés en Lustrie. Le vent ne tarda à dissiper les relents pestilentiels de la cabine qui semblaient s'être accroché à Joseph et celui-ci laissa son regard se promener sur le paysage qui défilait le long des berges. Les champs avaient laissé la place à des steppes herbeuses que la Reikwald grignotait un pu plus chaque année. Le ciel commença à s'obscurcir et une zébrure étincelante déchira l'horizon, rapidement suivis d'un coup de tonnerre.
- On va avoir un bel orage ! s'exclama un matelot alors que les premières gouttes de pluie se mettaient à tomber, Vous feriez mieux d'aller vous abriter en bas, milord. ajouta-t-il à l'adresse de Joseph.
Se sentant pris de nausée à l'idée de retourner dans sa cabine, il suivit le conseil du marin et emprunta escalier de droite pour rejoindre le bar.
-- 06 Avr 2012, 11:40 --
La cale aménagée en taverne était emplie de voyageurs faisant route vers l'ouest, vers Marienburg. Pour la plupart d'entre eux, il s'agissait d'un voyage de routine qu'ils effectuaient chaque semaine après avoir vendu leurs produits aux marchés d'Altdorf. Les bourses pleines et l'humeur joyeuse, ils passaient le temps en buvant entre amis et en jouant à divers jeux de hasard tandis qu'un duo de musiciens sur une estrade mettaient un peu d'ambiance.
En le voyant arriver dans la salle enfumée, un serveur s'approcha de Joseph en s'essuyant les mains sur un torchon à la couleur douteuse. Il lui indiqua une table en bois à l'autre bout de la cale, jonché de verres vides et d'écuelles abandonnés par les clients précédents.
- Apportez-moi un repas et une chope de bière, s'il vous plait. commanda le scribe en sortant son argent.
- Tout de suite, monsieur. répondit le batelier d'un ton servile.
Joseph ôta sa pelisse et s'était à peine assis que le serveur lui apportait déjà sa bière. Celle-ci était plutôt fade, mais elle était fraîche et étancha agréablement sa soif. Il ne fallu pas très longtemps avant que le serveur ne revienne pour déposer sur sa table un bol de bouillie grise fumante et un gros morceau de pain. Le repas était incroyablement peu appétissant et le scribe le tâta du bout de sa cuillère. Il se demanda où était Valerian. Peut-être que le capitaine avait fini par céder et lui avait trouvé une meilleure cabine. Ou bien l'avait-il jeté par-dessus le bord pour voir combien de temps il arriverait à flotter ? Jospeh avala son repas, trempant le pain dans le ragout bouillant qui n'était pas aussi mauvais qu'il en avait l'air, même si l'origine des morceaux de viande qui y flottaient étaient difficilement identifiables. Mieux valait sans doute qu'il n'en sache rien, du reste.
À la table à côté de la sienne, trois hommes en armes - des aventuriers, sûrement - discutaient de la réussite leur dernier contrat et de leurs prouesses guerrières. Ils parlaient de victoires, de pillages et de butins, mais jamais de défaites ! Valerian fit son entrée dans la cale à ce moment, l'air courroucé. À l'évidence, le capitaine n'avait rien voulu entendre et il semblait que Jan van Grunwald lui avait donné des directives strictes, car les capitaines de transport fluviaux se mettaient généralement en quatre pour satisfaire les volontés de leurs passagers de hauts rangs. Le jeune noble s'installa à la table de Joseph et se lança dans une longue tirade venimeuse à l'encontre, respectivement, du capitaine, de son père, et des gens du peuple. Le scribe faisait semblant de l'écouter, hochant la tête à certaines de ses questions, souriant à certaines de ses affirmations ; il n'allait pas le contredire de toute façon.
Au bout de dix minutes de monologue fielleux, l'un des aventurier de la table d'à côté se retourna et, posant sa main sur l'épaule de Valerian, lui dit sans ambages :
- Tu veux pas la fermer un peu ? On entend qu'toi ici !
Le sang du jeune noble ne fit qu'un tour, poussant un juron, il posa la main sur la garde de son épée et fusilla l'homme du regard, qui bondit sur ces pieds et décrocha la hache pendue à sa ceinture. Le scribe empoigna Valerian par le bras et lui conseilla poliment, mais fermement, de se calmer ; un combat à trois contre un - les deux autres aventuriers n'allaient surement pas rester impassible - dans la cale d'un bateau n'était en effet pas recommandé, d'autant que, contrairement à Altdorf, aucun garde n'allait venir prendre le parti du jeune noble.
Malheureusement, Valerian sembla être peu sensible à ces arguments et le combat allait éclater, quand une voix tonitruante retentit :Test de CHA : 12, echec !
- Pas d'bagarre dans mon bar ! Rangez vos armes ou j'vous perce le gésier !
Le barman, puisque c'était évidemment de lui qu'il s'agissait, se tenait debout derrière le comptoir, les mains serrées sur un tromblon, arme primitive mais redoutablement meurtrière, surtout à si courte distance. En voyant cela, la plupart de passager s'écartèrent de la trajectoire et se bouchèrent les oreilles, au cas où le batelier déciderait d'ouvrir le feu. Les deux hommes rengainèrent leurs armes et regagnèrent leur place respectives en grommelant. Joseph soupira discrètement, ils n'étaient pas parti d'Altdorf depuis plus d'une heure que son jeune maître avait déjà failli se faire tuer. L'aventure promettait d'être longue.
-- 07 Avr 2012, 11:11 --
Un tonnerre d'applaudissement vint soudain couvrir le vacarme sourd des conversations. Un vieil homme, grand, mince et d'allure noble avançait à pas lent vers le centre de l'estrade et s'inclina devant l'assistance. Son visage pâle et émacié, auréolé de cheveux gris argent offrait un surprenant contraste avec sa longue robe de pourpre et d'or. Dans un large et amical sourire, il se présenta comme le Comte Enigmus, roi du mystère, et se proposait d'effectuer quelques tours, pour l'amusement de tous.
Les vingt minutes qui suivirent virent le Comte effectuer des tours de passe-passe fort adroit, comme sortir un lapin ou un bouquet de fleurs de ses manches, faire disparaitre des objets de sa main droite pour les faire réapparaître dans sa main gauche, ou faire apparaitre des pièces de monnaie derrière les oreilles de clients. Jospeh se demanda si Enigmus avait déjà eu à faire à des répurgateurs. Il était évident que ce qu'il faisait n'avait rien de magique, ce n'était que de la prestidigitation et de l'escamotage, mais le scribe savait que certains chasseurs de sorcières n'auraient eu de cesse qu'il soit purifié par les flammes.
À un moment, Enigmus demanda le silence et proposa de soumettre l'assistance à un problème de son invention. Il semblait tellement persuadé que personne dans la salle n'arriverai à répondre correctement à son casse-tête qu'il offrait deux couronnes d'or à celui qui y parviendrait. Dans un silence attentif, le vieil homme posa sa question :
- Si une poule et demi pond un oeuf et demi en un jour et demi, combien d'oeufs trois poules pondront-elles en huit jours ?
Joseph donna sa réponse, mais l'homme feignit de n'avoir rien entendu et enchaîna immédiatement sur une autre énigme, mais l'assistance l'interrompit aussitôt à grands cris, lui demandant de confirmer ou d'infirmer la solution du scribe.Test d'INT : 9, réussi !
- C'est un coup de chance. finit-il par admettre à contrecoeur, contrarié d'avoir perdu 2 couronnes d'or à cette occasion. Mais peut-être notre ami pourrait-il nous expliquer comment il en est arrivé à cette conclusion ?
- Rien de plus simple. rétorqua Joseph, Si une poule et demi pond un oeuf et demi en un jour et demi, il est évident que trois poules pondent trois oeufs en un jour et demi, ou bien deux oeufs en un seul jour. Par conséquent, en huit jours, trois poules pondront 16 oeufs !
Le public applaudit à cette brillante démonstration de logique et le Comte Enigmus remit au scribe les deux couronnes d'or qu'il avait gagnées.
- Fort bien ! reprit le Comte, Mais pour augmenter le plaisir de cette croisière, j'annonce que celui qui répondra correctement à ma seconde devinette remportera 5 couronnes d'or de ma part.
En entendant le montant de l'enjeu, l'assistance laissa exploser sa joie. Lorsque le silence revint, la voix du vieil homme s'éleva, clair et nette :
- Un directeur de prison, quelque peu joueur, propose un choix à l'un de ses prisonnier. Il est autorisé à poser une question à un des deux gardiens gardant chacun une porte, l'une menant vers l'échafaud, l'autre vers la liberté. Le prisonnier sait que l'un des gardiens ment toujours et l'autre dit toujours la vérité, mais ne sait pas lequel est honnête et lequel ment. Quelle question va-t-il poser pour, à coup sûr, prendre la porte qui mène vers la liberté ?
Joseph ne put s'empêcher de sourire, car il connaissait cette énigme. De pâle qu'il était déjà, le visage du Comte devint franchement cadavérique lorsqu'il entendit la réponse du scribe :Test d'INT : 2+2 (difficulté de l'énigme) = 4, réussi !
- Il faut que le prisonnier dise : "Si je demandais à ton collègue quelle porte va me mener vers la liberté, laquelle me désignerai-t-il ?"
L'assistance laissa exploser sa joie en le voyant opiner lentement de la tête pour reconnaitre la victoire de Joseph. En effet, celui qui dit la vérité ne pourrai que retranscrire le mensonge de son collègue, alors que le menteur ne pourrai qu'inverser la vérité absolue dite par son collègue. Il suffisait ensuite que le prisonnier choisisse l'autre porte pour être libre. Le Comte remit à contrecoeur au scribe les 5 couronnes d'or de l'enjeu.
- Et pour la dernière énigme, j'offre une magnifique récompense ! reprit le vieil homme en exhibant un petit coffret en argent incrusté de perles. Cet inestimable objet provient du trésor de Valborg l'Enchanteur. expliqua-t-il à l'assistance médusée.
Joseph était quant à lui quelque peu sceptique sur l'origine prétendue du coffret mais il admis néanmoins qu'il s'agissait d'un remarquable ouvrage : il devait valoir au moins 100 couronnes d'or, peut-être même plus ! Après avoir réclamé le silence, le Comte énonça sa dernière énigme :
- Un jour que je me promenais au Marché aux Poissons du Süderich District d'Altdorf, j'ai demandé à un marchand combien il avait vendu de poisson dans la journée. Voici ce qu'il m'a répondu : "mon premier client m'a dit qu'il achèterait la moitié de mes poissons, plus un demi-poisson ; un peu plus tard, le deuxième client m'a dit la même chose et le treizième également ; j'ai respectivement exécuté leur commande à tout trois et j'ai vendu tout mon stock sans toutefois couper un seul poisson." Combien de poissons ce marchand a-t-il vendu en tout ?
Joseph avait beau chercher et retourner le problème dans tous les sens, il n'arrivais pas à trouver la solution cette fois, ce qui ne semblait pas être du goût de Valerian qui le regardait de travers. Enigmus énonça le problème une deuxième fois et accorda encore quelques minutes au public pour réfléchir mais personne ne proposa de solution. Il finit par remballer son coffret d'argent et déclara le jeu terminé. Une clameur de déception s'éleva du public, mais bientôt, chacun se réjouissait du succès du Comte Enigmus, lequel quitta la cale sous un tonnerre d'applaudissements.Test d'INT : 17+4 (difficulté de l'énigme) = 21, échec !