La logorrhée, et à dire vrai le cri du cœur de Snorri, prit au dépourvu Sturill qui ne devait pas être habitué à ce genre d'agissements. Quand on était habitué aux faux-semblants de la politique Wissenlandaise ou au stoïcisme neutre des nains, un tel déballement de sac troublait plus qu'il n'éclairait.
Il lui fallut quelques secondes pour laisser à son esprit le temps d'avaler les informations qui lui sautaient au visage. Sa main gauche se posa contre le mur tandis qu'il reprenait une consistance. Que répondre à tout ça? Pouvait-il simplement tourner le dos à son fils et l'ignorer, mettant ça sur le compte d'un caprice? Pouvait-il aussi lui dire tout ce qu'il pensait vraiment, lui qui n'avait jamais été éduqué dans cette perspective, ni n'avait jamais eu l'occasion de la développer en plus de soixante ans?
Sa glotte grimpa dans sa gorge quand il s'éclaircit la voix.
-"Je ne voulais pas te l'avouer comme ça, Snorri, mais si je te félicite avec... parcimonie... C'est pour une raison simple: ces éloges ne t'auraient rien apportées, elles t'auraient ralenties."
Enfin, Sturill revenait à la vie avec les yeux du diplomate qu'il était. Non, du patriarche de communauté qu'il était.
-"Je sais ce que tu vas me dire: tu aurais aimé des "bravo mon fils", des "je suis fier de toi mon garçon", des choses comme ça. Mais je pense que tu peux monter, Snorri. Tu peux grimper plus loin que la majorité des dawis et tu le feras, tu en as le potentiel; je n'en ai jamais douté. J'ai lu les lettres d'Olarkson à ton sujet et il était aussi optimiste à ton sujet que moi."
D'un geste impérieux, il remonta ses bretelles naines et laissa sortir son ventre pour se donner la pose du professeur dominant l'élève.
-"Qu'aurais-tu gagné à des caresses ou des mots d'affection? Je vais te le dire: tu t'en serais enorgueilli, Snorri. Tu aurais cherché mon approbation et à quoi cela t'aurait-il mené? Aurais-tu été plus heureux en petit fonctionnaire à Nuln aux côtés de ta mère et moi, à réparer les petits soucis des dawis de la ville? Je te le demande."
D'un geste impérieux, Sturill leva la main autour de sa tête avec un mouvement vif.
-"Mais tu resteras mon fils que tu le veuilles ou non. Tu es un nain, Snorri. Tu chercheras à être différent, mais tu échoueras. Crois-tu que tes frères ne m'ont jamais dit qu'ils ne voulaient pas être comme moi? En es-tu sûr? Ah! Ils l'ont tous fait. Je l'ai fait à mon propre père et il l'a fait à son propre père avant lui. Mais voilà la vérité, jeune dawi..."
Son gros doigt cogna le front de Snorri.
-"Tu vas essayer de changer, d'être autre chose. Tu réussiras en partie, tu échoueras en partie. Tu seras différent de nous sans l'être, comme tes frères, comme moi, comme mon propre père. Que cela soit gravé dans ton esprit, Snorri Sturillson, la chair de ma chair sur laquelle mon oeil veillera jusqu'à ce que je rejoigne Gazul."
La messe était donc dite et la conclusion en était claire: oui il aimait son fils, oui il croyait pour lui à un grand destin, plus élevé que celui de la grande majorité de la famille, mais il ne croyait pas à son émancipation réelle. C'était très fataliste, en y repensant. Snorri aurait un dernier mot, court, à donner.... Ensuite il faudrait partir.
[Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.
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Re: [Snorri] Rester c'est exister. Voyager c'est vivre.
Ainsi, il fait exprès. Ce n'est donc pas de l'ignorance ou de l'ego, mais de la malice. Il fait sa volontairement, consciemment, et cela, sans la moindre culpabilité. Je reconnais bien là que le culot de mon paternel. Quelle audace, oui. Il faut donc mieux frustrer qu'aider son prochain. Je passe sur l'étape où il paraphrase ce que j'ai dit, ce n'est pas la première fois après tout. Cependant, je refuse de laisser passer cet argument-là. Lui qui n'a jamais voulu que je sois indépendant, qui n'a jamais accepté que j'essaye d'être différent, il ose justifier ces manies.
Je veux bien admettre que je n'aurais pas eu accès à toutes ces connaissances sur son aide et son appui, mais il est trop tard pour espérer ma sympathie. J'ai passé toute ma vie à espérer ne serait-ce qu'un sourire ou un regard, et je devrais désormais être content de ne jamais en avoir eu ? Je devrais donc être satisfait de cette innaine neutralité, de cette permanente froideur et de tous les regards inquisiteurs qu'il m'ait jamais portés ? Je devrais donc être content de tous ces jugements silencieux et de tout cet autoritarisme inexpliqué ? Encore, qu'il se montre dur et autoritaire, c'est normal et nécessaire, mais c'est le manque d'explications qui me dérange. Ce n'est pas comme s'il avait eu quinze ou trente ans pour me l'expliquer...
Enfin bref, comme je l'ai dit, il est trop tard. Ma décision est prise. Ce serait bien la preuve que je n'ai pas grandi si je revenais sur mes décisions. Néanmoins, sa question est valide. Aurais -je été ou serais -je plus heureux avec de plus petites responsabilités ? Serais-je plus heureux avec un simple métier, des connaissances incomplètes, des avis préconstruits, des idées limpides et claires, sans tracas ni souci, sans réussite ni péril ?
- " Peut-être bien que oui, je serais plus heureux à l'heure qu'il est, Père. Peut-être bien que oui."
J'ai tout le temps pour réfléchir à cette question - enfin, je l'aurai durant les prochains mois, et les décennies suivantes une fois que j'aurai obtenu tout ce que je mérite.
- " Je comprends cependant que notre clan n'est pas basé sur le bonheur ou le lien social entre ses membres. Et si l'on veut perdurer, il faut bien que certains d'entre nous - certains Dawis - fassent le boulot qu'aucun autre ne désire. Je l'ai compris tardivement, Père, je l'admets... Mais on apprend bien plus lentement lorsque l'on est seul et sans appui."
Ah, je perds mon temps, je le sais. Lui aussi, il le sait, puisqu'il ne parle plus - Et puisqu'il a fini, mettons fin à ces aveux décevants.
- " Au revoir, Père. Dites à Mère que je l'aime beaucoup, que je lui écrirai dès que je me serai à bon port, et que ce sera Soeur-gardienne Brynnhilde de Zhufbar, ou une équivalente, ou bien personne d'autre. Je suis sûr que je brise une foule de protocoles, mais après tout, si j'en crois votre << relation >> avec Ulfbert, vous avez bien obtenu Mère au culot, alors pourquoi n'aurais-je pas le même privilège, en tant que fils de mon père ?"
Là, je lui tends la main - la bonne - comme si je voulais sceller un pacte ou un accord. Une poignée de main Dawi, la première et la dernière de cette année, sinon de la décennie. Qu'il me la refuse ou me l'accorde, je tourne les talons, et je m'enfonce une dernière fois dans les corridors vers mes bagages scellés.
***
J'y suis enfin - peut-être ? -, je crois. Les Halles Supérieures de Karak Hirn, après Morgrim-sait-combien de fausses routes et de détours. Heureusement que nous ne sommes pas en guerre totale, sinon j'aurais pu être bloqué dans les sous-sols inférieurs. Enfin, j'y suis arrivé. Il ne me reste plus qu'à atteindre le point de convoi, et à dormir quelques heures avant le départ. Ou alors ... Je dormirai mieux plus tard. Je préfère encore l'insomnie à l'obligation familiale - surtout quand cette famille n'a jamais donné signe de vie auparavant.
Allez, plus que quelques heures...
Je veux bien admettre que je n'aurais pas eu accès à toutes ces connaissances sur son aide et son appui, mais il est trop tard pour espérer ma sympathie. J'ai passé toute ma vie à espérer ne serait-ce qu'un sourire ou un regard, et je devrais désormais être content de ne jamais en avoir eu ? Je devrais donc être satisfait de cette innaine neutralité, de cette permanente froideur et de tous les regards inquisiteurs qu'il m'ait jamais portés ? Je devrais donc être content de tous ces jugements silencieux et de tout cet autoritarisme inexpliqué ? Encore, qu'il se montre dur et autoritaire, c'est normal et nécessaire, mais c'est le manque d'explications qui me dérange. Ce n'est pas comme s'il avait eu quinze ou trente ans pour me l'expliquer...
Enfin bref, comme je l'ai dit, il est trop tard. Ma décision est prise. Ce serait bien la preuve que je n'ai pas grandi si je revenais sur mes décisions. Néanmoins, sa question est valide. Aurais -je été ou serais -je plus heureux avec de plus petites responsabilités ? Serais-je plus heureux avec un simple métier, des connaissances incomplètes, des avis préconstruits, des idées limpides et claires, sans tracas ni souci, sans réussite ni péril ?
- " Peut-être bien que oui, je serais plus heureux à l'heure qu'il est, Père. Peut-être bien que oui."
J'ai tout le temps pour réfléchir à cette question - enfin, je l'aurai durant les prochains mois, et les décennies suivantes une fois que j'aurai obtenu tout ce que je mérite.
- " Je comprends cependant que notre clan n'est pas basé sur le bonheur ou le lien social entre ses membres. Et si l'on veut perdurer, il faut bien que certains d'entre nous - certains Dawis - fassent le boulot qu'aucun autre ne désire. Je l'ai compris tardivement, Père, je l'admets... Mais on apprend bien plus lentement lorsque l'on est seul et sans appui."
Ah, je perds mon temps, je le sais. Lui aussi, il le sait, puisqu'il ne parle plus - Et puisqu'il a fini, mettons fin à ces aveux décevants.
- " Au revoir, Père. Dites à Mère que je l'aime beaucoup, que je lui écrirai dès que je me serai à bon port, et que ce sera Soeur-gardienne Brynnhilde de Zhufbar, ou une équivalente, ou bien personne d'autre. Je suis sûr que je brise une foule de protocoles, mais après tout, si j'en crois votre << relation >> avec Ulfbert, vous avez bien obtenu Mère au culot, alors pourquoi n'aurais-je pas le même privilège, en tant que fils de mon père ?"
Là, je lui tends la main - la bonne - comme si je voulais sceller un pacte ou un accord. Une poignée de main Dawi, la première et la dernière de cette année, sinon de la décennie. Qu'il me la refuse ou me l'accorde, je tourne les talons, et je m'enfonce une dernière fois dans les corridors vers mes bagages scellés.
***
J'y suis enfin - peut-être ? -, je crois. Les Halles Supérieures de Karak Hirn, après Morgrim-sait-combien de fausses routes et de détours. Heureusement que nous ne sommes pas en guerre totale, sinon j'aurais pu être bloqué dans les sous-sols inférieurs. Enfin, j'y suis arrivé. Il ne me reste plus qu'à atteindre le point de convoi, et à dormir quelques heures avant le départ. Ou alors ... Je dormirai mieux plus tard. Je préfère encore l'insomnie à l'obligation familiale - surtout quand cette famille n'a jamais donné signe de vie auparavant.
Allez, plus que quelques heures...
Snorri Sturillson
Voie de l'étude de l'ingénierie - Compagnon (Ingénieur Nain de Zhufbar)
Profil: For 8 | End 10 | Hab 11 | Cha 9 | Int 11 | Ini 7 | Att 9 | Par 9 | Tir 9 || NA 1 | PV 75/75
"Vous n’avez pas le droit d’avoir votre opinion. Vous avez le droit d’avoir votre opinion renseignée.
Personne n’a le droit d’être ignare."
Fiche personnage wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_snorri_sturillson
Voie de l'étude de l'ingénierie - Compagnon (Ingénieur Nain de Zhufbar)
Profil: For 8 | End 10 | Hab 11 | Cha 9 | Int 11 | Ini 7 | Att 9 | Par 9 | Tir 9 || NA 1 | PV 75/75
"Vous n’avez pas le droit d’avoir votre opinion. Vous avez le droit d’avoir votre opinion renseignée.
Personne n’a le droit d’être ignare."
Fiche personnage wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_snorri_sturillson